La cubanité au cœur du roman historique : Herejes, de Leonardo Padura

Clara Dauler

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Clara Dauler, « La cubanité au cœur du roman historique : Herejes, de Leonardo Padura », Archipélies [En ligne], 10 | 2020, mis en ligne le 15 décembre 2020, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.archipelies.org/885

Le roman historique, de par son hybridité entre Histoire et Littérature, est un support idoine d’expression identitaire. Ce genre littéraire, fortement plébiscité, peut façonner et diffuser à grande échelle une vision orientée de l’Histoire et de l’identité culturelle d’un peuple. Or, sous l’influence des Cultural studies et de l’approche postmoderne, l’heure est à la vigilance face aux vérités considérées comme établies et à la défense des identités menacées par l’euro-centrisme et par les effets de la mondialisation. Dans le contexte postcolonial, des voix subalternes, à l’instar des anciennes colonies d’Amérique, se proposent de réécrire l’Histoire officielle « depuis le bas » avec des modes d’écriture différents pour mieux affirmer l’existence d’une identité culturelle longtemps occultée, voire escamotée par les puissances coloniales. Ainsi, dans le monde hispanophone, Cuba, une fois émancipée de l’Espagne puis des Etats-Unis, devient un centre de référence culturelle influent dans la zone Caraïbe. Terre de métissage, ce territoire de l’Hispanité se redéfinit loin de la Castille et donne à voir notamment à travers la littérature, une autre forme d’expression identitaire. Comment la réécriture de l’Histoire peut-elle favoriser la construction d’une identité nationale ? Nous choisirons de montrer dans cette étude les enjeux identitaires du roman historique à partir de Herejes du Cubain Leonardo Padura. Sous l’égide d’Edouard Glissant, nous observerons les modalités d’expression d’une identité-rhizome entre Europe et Amérique. En somme, l’opportunité nous sera donnée de découvrir une représentation diachronique et diasporique de l’identité cubaine.

The historical novel, because of its hybridity between History and Literature, is an ideal medium for the expression of identity. This literary genre, which is widely acclaimed, can shape and disseminate on a large scale an oriented vision of a people's history and cultural identity. However, under the influence of cultural studies and the postmodern approach, the time has come to be vigilant about established truths and defend identities threatened by Euro-centrism and the effects of globalisation. In the postcolonial context, subordinate voices, following the example of the former colonies of America, are offering to rewrite history "from the bottom up" with different modes of writing to better claim the existence of a cultural identity that has long been hidden or even concealed by the colonial powers. Thus, in the Spanish-speaking world, Cuba, once emancipated from Spain and then from the United States, became an influential cultural reference point in the Caribbean. This territory of Hispanicity is a land of crossbreeding that redefines itself far from Castile and shows another form of identity expression, especially through literature. How can the rewriting of history encourage the construction of a national identity? In this study, we will choose to show the identity issues of the historical novel based on Herejes by Cuban Leonardo Padura. Under the aegis of Edouard Glissant, we will observe the modalities of expression of a root-identity between Europe and America. In short, we will be given the opportunity to discover a diachronic and diasporic representation of Cuban identity.

Introduction

José Martí, considéré par beaucoup comme « le père de la patrie cubaine »1, fut le premier à définir la cubanía comme étant le « produit de l’histoire collective »2. Les Noirs3, parce qu’ils ont participé aux guerres d’indépendance contre l’Espagne – d’abord aux côtés de Carlos Manuel de Céspedes4 en 1868 puis de José Martí en 18955 –, sont désormais dignes d’être reconnus comme des Cubains au même titre que les Blancs ou les Métis. Par ailleurs, José Martí s’appuie sur l’histoire de la traite négrière pour introduire la notion de métissage dans la définition de la cubanité. En effet, la population cubaine intègre en son sein des émigrés européens6, mais aussi des Africains et des Asiatiques. Cette hybridité fondamentale de l’être cubain se manifeste à travers notamment la pratique de la Santería7, l’usage d’un espagnol distinct des autres hispanophones, mais aussi par une expression artistique toute particulière.

Par conséquent, d’aucuns considèrent, à l’instar de Christine Pic-Gillard, que le processus de construction d’une identité nationale à Cuba prend naissance au cœur des indépendances hispanoaméricaines8. Contrairement aux républiques voisines qui, à ce moment-là, construisent leur identité culturelle à partir de l’élite politique et de la caste blanche, la nation cubaine revendique une identité culturelle différente et subalterne – car « surgie du bas »9 –. Ainsi, le concept de cubanía ou cubanité, en faisant du mot « race »10 le synonyme d’un « peuple » uni autour d’une même « culture », dépasse le clivage entre Blancs et Noirs instauré par le colonialisme dans la société esclavagiste. Il ouvre également la voie aux riches et aux pauvres, aux hommes et aux femmes, mais aussi à tous ceux qui militent pour la cause cubaine, quelles que soient leurs origines. Cette dimension universelle que propose José Martí dans sa redéfinition de la cubanité marquera considérablement l’idéologie castriste mais aussi la littérature cubaine.

Or, c’est précisément l’engouement mondial11 pour la Révolution cubaine de Fidel Castro qui favorise dans les années 1960 le « boom latino-américain », propulsant sur le devant de la scène internationale culturelle artistes et écrivains hispanoaméricains12. Cuba qui devient alors « l’un des principaux facteurs de l’internationalisation du roman latino-américain »13 propose même à l’instar du « Réel Merveilleux » d’Alejo Carpentier, une esthétique littéraire plus apte que le modèle européen à révéler la réalité naturellement magique et « insolite » du monde américano-caraïbe (Carpentier 1949).

Par ailleurs, l’insertion dans certains textes littéraires de « diatopismes lexicaux » cubains 14 – ou cubanismes – montrent combien la langue peut être considérée par ces écrivains décoloniaux comme un pilier de revendication identitaire. En effet, les Antilles hispanophones se heurtent encore à une conception de l’hispanité que certains auteurs espagnols de la génération 98, à l’instar de Miguel de Unamuno15, ont défini à partir de la Castille. Or, à l’aune du tournant postmoderniste des Subaltern studies (Guha 1984), il convient de reconsidérer les vérités établies par les élites dans les « métarécits » (Lyotard 1979) et de promouvoir, en contexte de mondialisation, les différences culturelles. Il importe alors, dans les littératures antillaises, de « créoliser » (Glissant 2010 : 25) la langue officielle importée par le colon pour mieux s’émanciper. Par conséquent, le castillan se trouve le plus souvent transformé et réinventé par les romanciers cubains qui, à la suite d’Alejo Carpentier, entreprennent de réécrire l’Histoire de leur île pour affirmer leur identité.

Ainsi, nous nous intéresserons aux travaux de Leonardo Padura Fuentes. Ce journaliste et écrivain né à la Havane en 1955 est incontestablement une voix montante et affirmée de la littérature cubaine contemporaine. Lauréat de nombreux prix prestigieux16, il est reconnu à l’échelle internationale grâce notamment à une série de romans policiers17 qui met en scène le très populaire détective Mario Conde. Ces fictions qui réécrivent l’Histoire depuis le bas, tendent à renverser un rapport de forces dans la dichotomie dominants/dominés en réhabilitant la voix des oubliés de l’Histoire.

Dès lors, nous avons choisi de baser cette étude sur l’ouvrage intitulé Herejes qui a remporté en 2014 le Prix International du roman historique de la ville de Saragosse en Espagne. La fiction nous invite à remonter le temps jusqu’à 1939 quand, aux prémices de la seconde guerre mondiale et des persécutions nazies – orchestrées notamment par Adolph Hitler et son sbire Joseph Goebbels lors de la terrible « Nuit de Cristal »18 (Kristallnacht en allemand) –, le bateau S.S Saint Louis en partance d’Hambourg se dirige vers Cuba avec à son bord 937 Juifs qui espèrent trouver sur l’île un asile politique. Aussi, le petit Daniel Kaminsky et son oncle Joseph attendent sur le port de la Havane le débarquement de leurs proches, convaincus que le trésor familial – soit un tableau de Rembrandt qui appartenait à la famille depuis le xviie siècle – remis aux fonctionnaires cubains du service de l’immigration servirait de monnaie d’échange. Cependant, le plan échoue et le navire, après avoir été refoulé à la Havane, aux Etats-Unis puis au Canada retourne en Europe livrant ses occupants à un destin que l’on devine tragique. L’enquête qui sera menée par Mario Conde sur la réapparition du tableau de Rembrandt aux enchères à Londres quelques années plus tard, sera pour nous lecteurs, l’occasion de découvrir le processus de construction de l’identité cubaine à partir des différents personnages qui évoluent dans l’espace cubain depuis la période prérévolutionnaire jusqu’aux années 2000, soit une redéfinition à la fois diachronique et très actuelle de la cubanité.

En situant la narration dans un entre-deux générique entre roman historique et roman policier ; religieux, entre judaïsme et chrétienté ; et géographique entre Amérique et Europe, Leonardo Padura nous livre dans Herejes la représentation d’une identité cubaine hybride et on ne peut plus métissée que nous étudierons en trois points à partir d’une approche littéraire : la représentation éclatée du temps et de l’espace cubain, la construction de personnages hybrides et la créolisation linguistique du castillan.

Ainsi, la réécriture de l’Histoire cubaine à partir d’un événement qui a jadis marqué la presse internationale, celui du passage du navire nazi Saint-Louis au port de la Havane, invite à redécouvrir la cubanité depuis l’intérieur d’une conscience réactualisée et situe l’île de Cuba au cœur des tremblements du monde.

1. La représentation éclatée du temps et de l’espace cubain

Dans un premier temps, nous nous intéresserons au traitement du temps et de l’espace dans le roman Herejes du Cubain Leonardo Padura. L’ouvrage présente comme un triptyque une structure éclatée sur trois parties et trois périodes historiques différentes : le livre de Daniel qui plonge le lecteur dans la Havane corrompue de Federico Laredo Brú dans la première moitié du xxe siècle ; le livre de Elías qui situe la fiction au xviie siècle dans la communauté juive d’Amsterdam ; et enfin, le livre de Judith qui met en scène la société cubaine du xxie siècle. Cette présentation trinitaire et biblique semble annoncer une mythification de l’espace cubain et une sacralisation des personnages principaux. D’emblée, la multiplicité des protagonistes et des livres qui structurent en quelque sorte ce roman des origines souligne le caractère hybride et composite de l’identité cubaine.

1.1. Le livre de Daniel

Le livre de Daniel19, la première partie du roman Herejes, met en scène la famille Kaminsky de confession juive dans l’espace cubain. Les origines hébraïco-chrétiennes du prénom du protagoniste, font de lui une sorte de prophète, un guide spirituel qui éclaire le lecteur dans sa représentation de la communauté juive installée à Cuba. « El polaco », surnom attribué à Daniel dans la fiction par ses amis est bien le surnom attribué aux Juifs installés à Cuba à l’instar du fondateur du fameux Partido Comunista Cubano (Parti Communiste Cubain). Ainsi le personnage de Daniel Kaminsky, quoique fictif, peut devenir un personnage archétype de la communauté cubaine installée à Cuba.

Par ailleurs, une pluralité de personnages, tout aussi archétypiques que Daniel Kaminsky, jalonnent cette partie inaugurale du roman pour construire le décor mixte et coloré de la scène cubaine. Eux aussi viennent d’ailleurs mais font partie intégrante de la population locale. Ainsi, le lecteur voit apparaître « el gallego Arnáez »20 – le Galicien Arnáez –. Ce personnage est le père de Marta, l’épouse de Daniel Kaminsky mais il rappelle aussi la présence d’une communauté espagnole à Cuba. Notons encore l’évocation de « la rusa Katerina »21 – la Russe Katerina – dont le pubis dénudé excitait les ardeurs sexuelles de Daniel Kaminsky et de ses amis qui épiaient discrètement la jeune femme depuis le haut d’une fenêtre. Un autre personnage anonyme décrit comme un « mulato lavado »22 – mulâtre très clair de peau – rappelle là encore le caractère métissé et pluriethnique de la population cubaine. Un peu avant, sur la même page sont mentionnés « la negra Petronila Pinilla »23 – la négresse Petronila Pinilla –, « la siciliana Maria Perupatto » – la Sicilienne Maria Perupetto –, « la mulata Caridad » – la mulâtresse Caridad –, ou encore « los gemelos Pedro y Pablo negros como tizones » – les jumeaux Pedro et Pablo noirs comme du charbon –. Tous ces personnages fictifs mais référentiels – en ce qu’ils reflètent la réalité cubaine – construisent ensemble un échantillon vivant de la masse populaire de la Havane dans l’imagination du lecteur. En mettant sur un pied d’égalité les Blancs, les Noirs et les Métis qui constituent le tissu social de la Havane, le texte fait écho à une conception de la cubanité largement défendue par l’idéologie castriste. De même que la question du racisme à Cuba reste encore taboue dans la société actuelle, elle est éludée par la fiction alors que de récentes études montrent que la Révolution n’aurait pas obtenu l’égalité sociale entre tous les Cubains (Morales 2010). A cet effet, la mise en scène dans la diégèse de la séduisante Russe Katerina surgit comme une métaphore de l’âge d’or de l’économie cubaine avant l’effondrement de l’Union soviétique qui a porté un coup terrible aux plus défavorisés et relancé ainsi la discrimination contre les Noirs à Cuba. Le livre de Daniel qui montre une cohabitation pacifique mais complexe entre les races devient alors un microcosme vraisemblable et authentique de l’espace cubain.

En effet, dès l’incipit, le lecteur découvre l’espace cubain à travers le regard de Daniel Kaminsky :

Varios años le tomaría a Daniel Kaminsky llegar a aclimatarse a los ruidos exultantes de una ciudad que se levantaba sobre la más desembozada algarabía. Muy pronto había descubierto que allí todo se trataba y se resolvía a gritos, todo rechinaba por el óxido y la humedad, los autos avanzaban entre explosiones y ronquidos de motores o largos bramidos de claxon, los perros ladraban con o sin motivo y los gallos cantaban incluso a medianoche, mientras cada vendedor se anunciaba con un pito, una campana, una trompeta, un silbido, una matraca, un caramillo, una copla bien timbrada o un simple alarido. […] En sus primeros tiempos habaneros, muchas veces el niño trataría de evocar, tanto como lo permitía su mente apenas poblada de recuerdos, los pastosos silencios del barrio de los judíos burgueses de Cracovia en donde había nacido y vivido sus primeros años24.

Ces premières lignes du roman offrent une description synesthésique de l’espace cubain. L’ouïe, le toucher, l’odorat, ou encore la vue du lecteur sont sollicités par le texte littéraire pour mieux représenter l’ambiance qui règne dans les rues de la Havane et même l’esprit cubain. Ce passage introductif cumule dans de longues phrases des détails concrets liés aux bruits, aux odeurs et à d’autres sensations typiques et caractéristiques des rues de la Havane comme pour mieux souligner l’intensité du choc culturel que peut vivre un Européen en arrivant à Cuba. Le recours à la focalisation interne permet donc au lecteur de mieux s’immerger dans l’espace cubain jusqu’à ressentir, grâce à « l’effet de réel » (Barthes 1982) obtenu par la fiction, les difficultés d’adaptation vécues par le petit Daniel au contact d’un climat humide, tropical et d’une ville aussi bruyante que la Havane.

Par la suite, le narrateur omniscient transportera le lecteur en Pologne, pays d’origine de la famille Kaminsky qui cherche à fuir les pogroms de cette première moitié du xxe siècle. Ces analepses régulières permettent de présenter les conditions de vie des familles juives persécutées par les nazis en Europe et de redécouvrir l’histoire des passagers du Saint-Louis.

Notons ici le mécanisme de la fiction, typique du roman historique, qui s’appuie sur des réalités historiques telles que les pogroms, les persécutions nazies contre les Juifs, ainsi que le voyage du Saint-Louis pour construire la diégèse. Il en ressort une histoire romancée, certes, mais vraisemblable, c’est-à-dire une histoire qui n’a pas existé mais qui reste plausible puisque les personnages qui l’animent, construits à partir de détails concrets de l’histoire événementielle, incarnent en quelque sorte le réel par mimétisme. Ainsi, la petite histoire des Kaminsky – personnages fictifs mais archétypaux – raconte la grande histoire des Juifs persécutés en Europe par les nazis. La fiction reconstruit alors le réel et propose au lecteur un scénario possible pour expliquer les faits historiques.

Le retour au présent invitera le lecteur à suivre l’évolution du petit Daniel à Cuba. Quand, pour des raisons politiques, le protagoniste part s’installer à Miami avec son épouse, il intègre alors une communauté de Cubains juifs exilés. Dès lors, la fiction donne à comprendre, toujours au travers d’une focalisation interne, le mode de fonctionnement des membres de la diaspora cubaine présente aux Etats-Unis d’Amérique.

Ainsi, Daniel Kaminsky et Marta Arnáez qui n’entretenaient que des relations « cordiales »25 avec les autres Cubains exilés à Miami, s’isolent davantage suite au départ de ces derniers et à l’arrivée massive – peu après la prise de pouvoir de Fidel Castro –, d’autres migrants cubains fortement impliqués dans les actes de corruption perpétrés par le régime de Fulgencio Batista.

Plus tard, le couple décide de se rapprocher de la communauté hébraïque qui se voit renforcée par une forte affluence de Cubains juifs, certes issus des pays du Nord, mais « cubanisés jusqu’à l’os » – cubanizados hasta el tuétano26. Au sein même de cette communauté cubano-hébraïque intégrée par les protagonistes de la fiction, une scission, entre les pauvres – venus de Cuba – et les riches – déjà installés aux Etats-Unis – est mise en exergue.

Par ailleurs, le narrateur évoque à travers l’expérience de Daniel, les sentiments de l’exilé cubain tels que la solitude et la nostalgie de la patrie lointaine.

En suivant les pas de Daniel à Miami, le lecteur est donc invité à redécouvrir au prisme de la communauté cubaine, le phénomène d’émigration de masse de Cuba vers les Etats-Unis suite à la révolution castriste. Modes de vie, difficultés et stratégies d’adaptation au pays d’accueil, affinités et divergences au sein de la diaspora, toutes ces réalités sont abordées depuis une focalisation interne qui met en avant le point de vue des Cubains exilés.

Notons qu’à travers Elías, le fils de Daniel, qui naît aux Etats-Unis et qui revient à Cuba pour les besoins de l’enquête, le lecteur découvre une autre nuance de la cubanité. En effet, Elías fait partie d’une génération qui n’est plus tout à fait cubaine ni tout à fait nord-américaine. Dans ce cas précis, la construction identitaire se situe encore une fois dans un entre-deux mais à partir d’une cubanité édulcorée parce qu’elle a été transmise loin de l’île et n’a pas subi les évolutions internes au pays depuis la révolution castriste. L’enquête que mène Elías, avec l’aide de Mario Conde semble reprendre la route parcourue par la famille. La résolution de cette enquête permet en quelque sorte de fermer la boucle de l’histoire de cette famille qui touche divers espace-temps.

Assurément, Daniel place l’identité cubaine au centre de ses préoccupations en participant à la fondation de l’Association Cubano-Hébraïque – Asociación Cubano-Hebrea27 de Miami, qui s’avère être un outil nécessaire à la « préservation de l’identité acquise sur l’île par le passé »28. La cubanité, hors du sol cubain, se cultive alors par le devoir de mémoire et des rassemblements entre compatriotes qui brassent toutes les générations. La communauté cubaine, qui retrouve loin de l’île sa liberté d’expression, apparaît comme un ensemble fragmenté, constitué par différentes vagues d’immigrations et donc différents types de Cubains qui partagent, cependant, le même amour de la patrie et la même identité culturelle.

En définitive, entre La Havane, Miami et Cracovie, l’expérience de Daniel Kaminsky nous invite à concevoir l’existence d’une identité cubaine en exil capable de se construire et de se consolider hors du territoire national tout en puisant ses racines ailleurs. L’émigration de Daniel aux Etats-Unis conduit à une déterritorialisation de l’identité cubaine. Le sentiment d’appartenance à une même communauté qu’il partage à Miami avec les autres Cubains met alors en évidence l’existence d’une identité diasporique. La somme des multiples personnages-types issus d’ici et d’ailleurs qui constituent la population de la Havane invite dès le premier livre du roman à situer l’identité cubaine au carrefour du monde et du métissage.

1.2. Le Livre de Elías

Dans le deuxième livre du roman, Elías Ambrosius Montalbo de Ávila, personnage fictif qui prend les traits d’un apprenti de Rembrandt Harmenszoon Van Rijn, redonne vie à l’atelier du célèbre peintre hollandais en mettant en scène ses pratiques artistiques et ses conditions de vie. La fiction nous plonge dans la société hollandaise du xviie siècle pour percer le mystère des origines du tableau signé par Rembrandt qui devait servir de monnaie d’échange aux Kaminsky sur le navire Saint-Louis.

C’est assurément ce deuxième livre du roman qui correspond le plus précisément aux normes académiques du roman historique puisque d’une part, la notion de distance est respectée (Lukács, 1965) entre le romancier et l’espace-temps représenté et que d’autre part, la fiction s’inspire de la vie d’un personnage historique, le peintre Rembrandt. Il ne nous appartiendra pas dans cette partie de notre étude de commenter l’identité générique du roman de Leonardo Padura, mais plutôt d’observer les modes d’expressions et de représentations de l’identité cubaine à partir de la fictionnalisation de l’Histoire.

Il appert que le Livre d’Elías occupe dans le triptyque que forme l’ensemble des trois livres du roman Herejes une place centrale et donc structurante pour la diégèse. En associant les origines de la famille Kaminsky à la Hollande – soit un pays d’Europe situé à l’extérieur de la péninsule ibérique –, la fiction souligne, une fois de plus, le caractère mixte et insolite de la réalité cubaine et propose à un peuple "digénétique"29 une Genèse possible. Les frontrièes et l'Hispanité sont ainsi revisitées et dépassent le rapport exclusif que les auteurs de la génération de 1898 établissaient entre l'Espagne et ses anciennes colonies.

Par cette excursion spatio-temporelle inédite, la fiction de Leonardo Padura ancre les racines de Cuba dans une temporalité éloignée du xxe siècle et xxie siècle. La Révolution castriste, identifiée dans le Livre de Daniel comme la période clé de fondation de la nation cubaine, est déclassée par le Livre d’Elias qui situe les origines du protagoniste au xviie siècle. Le nationalisme cubain se fonde alors sur une histoire plus solide car plus ancienne que le xxe siècle. Cette histoire ancienne, auréolée d’art de surcroît – puisqu’elle est associée à la vie du peintre Rembrandt – apporte à l’identité cubaine un certain prestige : « El arte es poder 30» – l’art est un pouvoir – affirme le narrateur, « El poder de crear 31» – le pouvoir de créer – renchérit Elías Ambrosius. Le texte littéraire recourt ici à la métafiction pour déifier l’œuvre d’art ou tout au moins l’acte de création. Or, c’est précisément l’élément artistique qui est au centre de la diégèse. Pour rappel, l’énigmatique tableau de Rembrandt intitulé Cabeza de CristoTête du Christ32 – qui est évoqué dans la fiction, fut reproduit en plusieurs exemplaires dont on ignore l’identité de l’auteur ; Rembrandt ayant pour habitude de signer les meilleures œuvres de ses apprentis. La fiction cherche alors à combler ce « blanc de l’Histoire » au profit d’une revendication identitaire cubaine. En donnant du sens au parcours de vie des protagonistes du roman, cette Tête de Christ que l’on sait inspirée du portrait d’un apprenti juif de l’atelier de Rembrandt, semble tout aussi hérétique que Elías Ambrosio – auteur présumé du tableau dans le roman –, et tout aussi hybride que l’être cubain. Enfin, ce tableau à forte connotation religieuse, apporte une dimension sacrée aux origines et à l’identité intrinsèque de ces Cubains venus d’ici et d’ailleurs mais qui ne cessent de partager un sentiment d’appartenance à une même nation : Cuba.

En somme, le Livre de Elías vient ancrer les racines du petit Daniel devenu Cubain en Europe, pour montrer la dimension rhizomique de l’identité cubaine qui prend racines dans plusieurs endroits. Cette clé de voûte du roman semble porter la clé des origines de l’histoire des personnages tout en mettant en lumière la nature du pécher originel responsable du trouble identitaire mis en scène dans la fiction. Une transmission quasi héréditaire semble s’effectuer alors d’Elías à Daniel, puis de Daniel à Judith car tous ces personnages voient leur destin lié au mystère du tableau de Rembrandt.

1.3. Le Livre de Judith

Le troisième et dernier livre de Herejes construit le portrait d’un personnage fictif et allégorique qui symbolise assurément la Liberté. Judith Torres, une jeune « emo », disparaît sans laisser de traces à La Havane et c’est Yadine, la petite fille de Ricardito, le fils adoptif de Joseph Kaminsky, qui demande à Mario Conde d’ouvrir une enquête pour retrouver son amie. Dès lors, Mario Conde, par le biais d’une focalisation interne, sert de guide au lecteur pour qu’il se représente La Havane actuelle avec quelques-unes de ses problématiques socioculturelles les plus marquantes.

En effet, cette histoire qui se déroule en 2007 permet au lecteur de se rendre compte de l’évolution des mentalités à La Havane et de constater, de façon plus générale, l’impact de la postmodernité et de l’homogénéisation des mœurs et des cultures sur la société cubaine, en particulier chez les plus jeunes. La nouvelle génération semble en effet adopter de nouveaux modes d’expression identitaires et des revendications inédites. Ainsi, les « emo », ces jeunes vêtus de noir, qui se regroupent entre eux, cultivent la mélancolie et qui aiment à se scarifier, rêvent de rompre les codes sociaux préétablis par leurs aînés. Le Livre de Judith introduit le lecteur dans les consciences cubaines des années 2000 au travers d’une polyphonie narrative permettant ainsi de réactualiser les représentations courantes des mœurs, coutumes et mentalités en vigueur à Cuba.

Enfin, dans cette dernière partie du livre, qui conclut la rétrospective historique et identitaire à la fois de Daniel Kaminsky et des Cubains, la fiction offre un tableau multigénérationnel de la population cubaine. Si Judith Torres et ses camarades représentent la nouvelle génération, Mario Conde et ses amis incarnent la génération antérieure à ces jeunes adolescents. Daniel Kaminsky et ses compagnons de route constituent une génération plus antérieure encore, celle qui a connu la corruption parmi les hauts fonctionnaires et la Révolution cubaine.

En somme, il semble que l’éclatement du temps et de l’espace dans un roman qui, de surcroît s’intitule Herejes, soit à l’image de l’identité complexe, composite, hybride et rhizomique cubaine. Entre Daniel Kaminsky, Elías Ambrosius Montalbo de Ávila, et Mario Conde, la fiction semble offrir une polyphonie narrative au service d’une représentation inédite de l’Histoire. Le roman livre ainsi un jeu de miroirs intergénérationnel autour de la société cubaine pour narrer de façon diachronique l’Histoire des mentalités de l’île et montrer l’impact des événements tant historiques que sociopolitiques sur les modes de vie depuis la Révolution castriste. Le romancier décolonisé, instrumentalise ici le roman historique pour écrire à l’attention d’un peuple digénétique une Genèse vraisemblable, c’est-à-dire possible et envisageable. Le peuple cubain peut ainsi prétendre à des origines ancestrales et prestigieuses grâce à ce processus de mythification. Tel un Juif errant, le Cubain intègre en son Moi plusieurs lieux et composantes identitaires et peut développer en dehors du sol cubain une identité diasporique. En situant l’art et la religion au cœur de la fiction, Leonardo Padura confère à l’identité cubaine une dimension sacrée.

2. La construction de personnages hybrides

La complexité et la multiplicité des personnages principaux du roman Herejes de Leonardo Padura attireront notre attention dans cette deuxième partie. D’une part, nous l’avons vu, le roman se structure en trois livres, chacun ayant pour protagoniste un personnage différent qui évolue dans un espace-temps différent. D’autre part, les trois personnages sont atypiques et bivalents : entre foi juive et foi catholique pour Daniel Kaminsky et Elías Ambrosius Montalbo de Ávila, entre modernité et tradition pour Judith, l’adolescente « emo ». Il conviendra d’analyser à partir du personnage romanesque les notions d’hybridité et de métissage si inhérentes à l’identité cubaine.

2.1. Herejes, un titre éponyme

Herejes – « Hérétiques » en français – peut être considéré comme un titre éponyme puisqu’il renvoie aux trois protagonistes du roman à l’instar de Daniel Kaminsky, Elías Ambrosius Montalbo de Ávila ou encore Judith Torres dite « l’emo ». Ces personnages mixtes, atypiques, mais aussi « non-conformistes »33, révoltés contre « l’opinion commune »34 évoluent, en effet, à contre-courant des valeurs traditionnelles de leur société. Véritables métaphores de la Révolution cubaine, ils sont en quelque sorte des héros de la marge, en ce qu’ils luttent en permanence contre la corruption, l’injustice et l’oppression qui gangrènent la société de leur temps. Ainsi, dans un esprit révolutionnaire que d’aucuns considèrent comme fondamental dans l’être cubain35, ils contribuent à représenter l’identité cubaine de façon inédite, en intégrant les influences de leur temps tout en montrant par leur choix de vie et leur comportement la tradition locale.

Daniel Kaminsky, par son caractère double entre Loi juive et Loi chrétienne devient dans le sens religieux du terme un hérétique. Dans le deuxième livre, Elias Ambrosius, l’apprenti juif de Rembrandt qui peint dans l’atelier du maître la Tête du Christ à partir de son autoportrait, se retrouve exclu de la communauté juive et peut être considéré, lui aussi, comme un hérétique par le Saint Office encore actif au xviie siècle. Le peintre Rembrandt lui-même qui sert de personnage référentiel dans cette partie du roman était considéré de son vivant comme un hérétique au regard de sa pratique artistique qui mélangeait les codes de l’époque (Wright 2000). Et enfin, le terme Hereje correspond bien à Judith, la protagoniste du troisième et dernier livre du roman. Cette adolescente est dans le roman l’égérie de la Liberté que l’on assassine. Elle peut être vue aussi comme la réincarnation de Judith Kaminsky, la petite sœur sacrifiée de Daniel qui n’a pas pu débarquer à La Havane avec ses parents, soit la représentation de la pureté et de l’innocence. Judith Torres est donc un personnage allégorique révolté contre la corruption et l’injustice qui dominent la société cubaine de son temps. Telle une hérétique, elle choisit délibérément de naviguer à contre-courant des mœurs et des coutumes établies. Ce personnage postmoderne par excellence que Leonardo Padura lui-même qualifie de « payaso postmoderno36 » – clown postmoderne – inscrit l’espace cubain au carrefour du monde actuel.

Par ailleurs, l’auteur nous rappelle dans un texte liminaire l’étymologie grecque du terme hairetikós, adjectif dérivé du substantif haíresis qui signifie « choisir, diriger, préférer » et qui désigne à l’origine celui qui choisit d’appartenir à une école de pensée. Appliqué aux Cathares vers la fin du iie siècle, haereses, il désignerait les gnostiques. Cet apport souligne la forte connotation religieuse du titre qui confirme la dimension sacrée que Leonardo Padura se propose d’attribuer à l’identité dans son roman. L’auteur précise encore que le titre même du roman est un vecteur identitaire puisque dans le langage colloquial cubain, Estar hereje signifie « être très difficile » spécialement dans la sphère politique ou économique, comme s’il s’agissait là d’un clin d’œil à l’épineuse relation qu’entretient Cuba avec les Etats-Unis depuis son indépendance en 1898.

Nous verrons dans quelle mesure chacun des protagonistes précités réifie par leur caractère double la prégnance d’une identité multiple et rhizomique dans l’espace cubain.

2.2. Le complexe religieux chez Daniel Kaminsky

Il convient de distinguer dans l’évolution de ce personnage-clé du roman, deux phases : l’une correspondant à sa jeunesse passée à Cuba, l’autre à sa vie d’adulte aux Etats-Unis d’Amérique.

En effet, le petit Daniel, devenu orphelin, va s’adapter à l’espace cubain. Il demande à son oncle de l’inscrire dans un collège public et se construit au fur et à mesure une nouvelle identité en compagnie de ses camarades de classe. Le lecteur assiste alors à la « cubanisation » du personnage, c’est-à-dire à l’évolution des mœurs du personnage, de son parler, de sa sexualité, de sa spiritualité, etc.

Les rues de la Havane, parce qu’elles sont des espaces publics où la population manifeste librement son identité, sont dans le roman, des lieux de prédilection pour observer le processus d’acquisition de l’identité culturelle cubaine chez le jeune polonais. Il finit par renoncer à la religion juive pour se convertir au catholicisme dans le but de se marier avec Marta Arnáez, une jeune cubaine originaire de la Galice rencontrée sur les bancs de l’école à l’« Instituto de Segunda Enseñanza »37. La fiction donne à vivre, depuis une focalisation interne, le processus d’acquisition d’une identité bipolaire qui pousse le personnage de Daniel à se tourner tantôt vers la Loi juive, tantôt vers la Loi catholique. Cette ambivalence est perçue comme une trahison par l’oncle Joseph Kaminsky qui traite son neveu d’« hérétique » quand ce dernier décide de poursuivre sa scolarité dans un établissement public et non juif : « La reacción de Joseph Kaminsky resultó violenta y visceral, previsible : acudiendo al yídish para expresar su decepción, lo calificó de hereje, de ingrato, de insensible y lo conminó a abandonar la casa »38.

Par la suite, quand Daniel quittera Cuba pour s’installer aux Etats-Unis avec son épouse, il réintègrera la communauté juive. La religion – au même titre que la langue – est ici une clé d’insertion sociale que le protagoniste utilise en fonction du pays où il se trouve. Il n’empêche que ce va-et-vient entre foi juive et foi catholique ainsi que la synergie entre les espaces cubain, polonais et nord-américain, semblent construire une identité multiple et rhizomique39, en constante mutation, qui impose la quête identitaire comme une préoccupation forte pour ce personnage tout en supposant chez lui une grande souffrance, qualifiée de : « dolorosa dicotomía »40 (douloureuse dichotomie).

En somme, le clivage entre chrétienté et judaïsme est transgressé par Daniel Kaminsky, personnage mixte et métissé qui porte en lui les deux cultures. La religion – contrairement aux préceptes révolutionnaires du pays réel – devient dans le roman et dans la réalité quotidienne de l’île, un pilier de l’identité cubaine qui ne se présente pas comme univoque et unilatérale mais mixte et rhizomique41. Ainsi, Daniel Kaminsky peut à la fois être un Juif errant42 – donc sans terre d’asile fixe à l’image des passagers du Saint-Louis –, tout en restant aussi cubain que les personnages qui évoluent à Cuba ou à Miami. Dans le contexte caribéen et plus particulièrement cubain qui fonde son identité sur l’hybridité et le métissage, la somme des deux Lois respectées par Daniel Kaminsky ne pourrait-elle pas constituer un modèle syncrétique possible ? Face aux religions ataviques, l’identité composite et multiple de Daniel Kaminsky semble proposer un modèle d’un genre nouveau qui serait mieux adapté aux espaces de la Caraïbe parce qu’elles abritent des populations hétéroclites et métissés à l’instar de Cuba.

2.3. Judith, la révolutionnaire postmoderne

Dans le troisième livre du roman Herejes, la protagoniste Judith Torres n’intervient pas directement dans la fiction. Elle est évoquée par tous les personnages interrogés par Mario Conde comme s’il s’agissait d’une figure mythique et légendaire. Les regards croisés brossent alors le portrait d’une jeune fille rebelle, audacieuse et cultivée. Très émancipée sexuellement, elle entretient une relation lesbienne avec « sa professeure »43 de Littérature qui peut être lue comme un pied de nez à la politique homophobe menée par Fidel Castro44. Judith est surtout révoltée contre les actes de corruption perpétrés par son père. Elle meurt en martyre assassinée en plein cœur de La Havane :

« Solo que la Judy madura y la infantil pretendían la misma cosa, aunque con perspectivas por supuesto diversas : no actuar como una persona común, ser todo lo libre que alguién de su edad puede ser, en especial en este país donde lo que no está prohibido no se puede hacer… y estar dispuesta a luchar por esta libertad.[…] Pero las dos buscaban lo mismo : un espacio de autenticidad, una forma de practicar libremente lo que ella deseaba practicar45… » 

La quête de Liberté reste donc une préoccupation majeure pour Judith. Le mot « liberté » est d’ailleurs récurrent dans les entretiens que réalise Mario Conde durant son enquête sur la disparition de la jeune fille. La Liberté est ce qui pousse la jeune fille à être « emo » : « Entonces descubrió la otra cosa que la cambió : el mundo virtual donde se movían los emos, un espacio en el que unos jóvenes hablaban con mucha libertad de sus experiencias culturales, místicas y hasta fisiológicas, empeñados en la búsqueda de su individualidad »46. La Liberté est aussi ce qui l’incite à vouloir cesser d’être « emo » juste avant de mourir : « con Judy, nada es simple. Ella se hizo emo buscando un espacio propio de libertad. Y lo encontró pero se le agotó. La libertad se le convirtió en una retórica, y ella necesitaba algo mucho más real »47. La Liberté à tout prix habite le personnage de Judith qui semble de ce fait insaisissable puisqu’elle se lasse tour à tour de ses amants et amantes. C’est justement l’un d’entre eux qui par jalousie finit par l’assassiner. Ce crime passionnel résonne comme une dénonciation des persécutions perpétrées par le régime castriste contre ses opposants sur le sol même de l’île.

Par ailleurs, Judith apparaît comme le personnage postmoderne par excellence qui inscrit l’espace cubain au carrefour du monde actuel. Le lecteur découvre que les adolescents de la Havane n’échappent pas aux influences du monde. En effet, ce personnage d’ici et d’ailleurs, tout aussi bivalent que Daniel Kaminsky, semble opter, cependant, pour de nouveaux modes d’expression qui creusent un fossé intergénérationnel au sein de la société cubaine :

« Lo que sí sabía Mario Conde, algo que antes intuía y ahora había podido comprobar fehacientemente, era que Judy y sus amigos resultaban la punta visible y más llamativa del iceberg de una generación de herejes con causa. Aquellos jóvenes habían nacido justo en los días más arduos de la crisis, cuando más se hablaba de la Opción Cero que, en el pico del desastre, podría enviar a los cubanos a vivir en los campos y montañas, como indígenas cazadores-recolectores del neolítico insular de la era digital y los viajes espaciales48. »

Ainsi, Mario Conde se livre à une analyse des comportements de ces jeunes adolescents considérés comme des marginaux à La Havane. Le contexte socio-économique actuel est désigné comme l’élément perturbateur de ces jeunes en manque de repères. L’incompréhension engendrée entre les hommes de la génération de Mario Conde et ces jeunes du nouveau millénaire, marque bien l’existence d’une Cuba à deux vitesses, où un fossé s’est creusé entre deux générations face à une réalité commune et dans un espace commun. Les comportements face à l’introduction sur l’île des nouvelles technologies de communication sont mis en scène, permettant au lecteur de réactualiser sa perception de la société cubaine.

En somme, l’histoire de Judith, bien que parallèle à l’intrigue principale fonctionne assurément dans le roman comme une parabole. Judith devient alors un personnage allégorique, une réincarnation du Che en quelque sorte selon des codes postmodernes, soit un modèle réactualisé du révolutionnaire cubain. Ce personnage appelle à faire évoluer les représentations de l’espace cubain dont la société évolue en fin de compte au rythme des pulsations du monde. Une nouvelle révolution pleine de défis à relever s’annonce alors pour les Cubains : la mondialisation. Comment rester dès lors libre de toute hégémonie culturelle et préserver son identité tout en s’adaptant au reste du monde ? Il semble que la mise en avant d’une langue propre à l’espace cubain soit une forme de résistance culturelle.

3. La créolisation linguistique du castillan

Dans Herejes, la fiction mélange plusieurs langues pour montrer le caractère métissé de l’identité cubaine et le multiculturalisme ambiant. Quelques emprunts à l’anglais et aux langues anciennes telles que l’hébreux et le yiddish sont à relever. Le castillan, tel qu’il est pratiqué en Espagne, subit des variations lexicales pour construire une représentation plus authentique de l’espace cubain. Le lecteur assiste donc à une véritable créolisation linguistique, soit une mutation de la langue officielle ou son adaptation au besoin d’expression de la population cubaine. La mise en exergue de l’espagnol parlé à Cuba devient alors un pilier de revendication identitaire.

Nous analyserons ce phénomène en nous intéressant d’abord à la mise en avant des expressions colloquiales puis à l’usage de l’anglais et des langues anciennes dans le texte.

3.1. Expressions colloquiales

La fiction est écrite en castillan, mais il semble que les expressions utilisées soient typiquement cubaines ou hispano-américaines. Par exemple, le lecteur découvre des termes spécifiques à l’espagnol parlé à Cuba et dans d’autres pays d’Amérique Latine comme la « guagua »49 en guise d’autobus, la « guarapera »50 qui désigne le vendeur de jus de canne à La Havane ou encore le « mofuco »51, boisson alcoolisée très populaire à Cuba. Dans les répliques de Mario Conde, tout comme dans le texte narratif, surgissent des expressions colloquiales comme « Hacía años que no le pegaba los tarros a nadie »52. D’autres termes qui renvoient à une réalité inhérente à la zone de la Caraïbe sont employés. Ainsi, la fiction mentionne le fruit tropical la « guayava »53 ou encore le reguetón, musique urbaine à la mode chez les jeunes Cubains. Le lecteur découvre le sens de ces termes à travers le personnage de Daniel Kaminsky, lequel incarne l’identité cubaine dans le roman :

« Aunque nada más vivió en Cuba esos veinte años, él decía que era judío por su origen, polaco-alemán por sus padres y nacimiento, legalmente ciudadano norteamericano y, por todo lo demás, cubano. Porque en realidad era más cubano que otra cosa. Del partido de los comedores de frijoles negros y yuca con mojo, decía siempre54… »

Suite à ce passage, Daniel Kaminsky est reconnu par Mario Conde comme un compatriote grâce à ses goûts culinaires. L’évocation des « frijoles negros y yuca con mojo », plat typique cubain, fonctionne comme un code d’accès à la reconnaissance de l’Autre par le Même. Les Cubains se reconnaissent donc parce qu’ils partagent une même culture et parlent une même langue, même s’ils ne vivent pas sur le même sol et n’ont pas les mêmes origines. L’absence de traduction des principaux ingrédients de cette recette, qui ne trouvent pas d’équivalents dans les dictionnaires espagnols, montrent l’existence d’une réalité différente de l’espace ibérique.

D’autres termes et expressions typiquement cubaines apparaissent dans le texte comme : « dos viejos superchéveres55 », « acá », « ron », « plata56 » ou encore « mulato lavado57 ». Ces citations qui appartiennent au champ lexical gastronomique pour les premières ou ethnique pour la dernière illustrent bien la mentalité cubaine.

Suivons encore Daniel Kaminsky et son parcours de vie à Cuba :

« Gracias a aquellos callejeros empedernidos Daniel también aprendió a hablar en habanero (le decía « negüe » a los amigos, « guaguas » a los autobuses, « jama » a la comida, y « singar » al acto sexual), a escupir por un ángulo de la boca, a bailar danzón y luego mambo y chachachá, a soltarles piropos a las muchachas, y como una liberación disfrutada con profundidad y alevosía, a comer chicarrones de cerdo, pan con fritas y cuanta cosa calmara el hambre, sin mirar si era kosher o trefa solo que fuese sabroso y barato58. »

Ce passage explicite guide le lecteur au travers d’une narration synesthésique, dans la compréhension du langage, des attitudes et de l’imaginaire du peuple cubain. L’approche vis-à-vis du lecteur non initié à la réalité cubaine reste didactique et explicative. Les champs lexicaux de la nourriture et de la musique jalonnent le texte pour façonner une représentation concrète de l’espace cubain. L’identité cubaine s’affirme alors dans la consommation des « chicarrones de cerdo », du « pan con fritas », ou l’usage du terme « jama », mais aussi dans les danses et l’écoute des musiques urbaines telles que le « regeatón », le « danzón », le « mambo » ou le « chachachá ». Les cubanismes et autres néologismes cubains comme « negüe », « guagua », « singar », etc. principalement employés pour commenter le comportement de Daniel dans les rues de la Havane, s’imposent dans la langue de communication avec laquelle le petit Daniel construit à l’extérieur du domicile familial sa cubanité et s’approprie l’espace cubain.

Enfin, l’oralité cubaine, soit l’accent cubain se réifie dans l’expression employée par Mario Conde : « el bar de los desesperaos59 ». L’omission de la lettre « d » du mot « desesperados » est une pratique langagière courante à Cuba qui semble ici revendiquer l’existence d’un accent cubain. De même, « se fue pal carajo60 » souligne la prononciation à la cubaine de l’expression « se fue para el carajo ».

En somme, le roman Herejes de Leonardo Padura utilise le castillan pour véhiculer un imaginaire et un savoir-vivre cubains. Cet « espagnol cubain » reste néanmoins accessible aux Hispanophones qui ne connaissent pas l’île. Le lecteur peut alors « visiter » mentalement ou se représenter la cubanité grâce à la promotion de diatopismes que nous ne saurions réduire à de simples éléments de couleur locale, tant ils valorisent l’insertion de Daniel Kaminsky aux racines familiales non cubaines à cette île qui fonde désormais son identité.

3.2. Emprunts aux langues étrangères

Il appert qu’en dehors des expressions colloquiales et typiques de l’espagnol parlé à Cuba, le texte intègre des vocables issus de langues étrangères. Ainsi, l’omniprésence des termes empruntés à l’anglais dans les dialogues entre Yoyi et Mario Conde, personnages fondamentalement cubains, rappellent à quel point l’île reste dans la zone d’influence des Etats-Unis d’Amérique. Les mots issus des langues anciennes sont utilisés dans la sphère familiale, soit à l’intérieur du domicile de Daniel et Joseph Kaminsky pour évoquer la culture juive et les rites religieux.

Il semble que ces emprunts aux langues étrangères viennent confirmer le métissage culturel ambiant et caractéristique de l’espace cubain.

3.2.1 Insertion de vocables anglais

Le lecteur assiste essentiellement au travers des dialogues et des répliques des personnages à l’insertion de mots de la langue anglaise qui montrent l’influence de la culture nord-américaine sur la réalité quotidienne des Cubains : « coño man, tienes tremenda cara de mierda61 », « freezer62 », « team63 », ou encore l’évocation de la marque « Guess » portée par certains personnages. Ces termes mis en italique dans le texte pour marquer la différence avec l’espagnol, surgissent dans le langage parlé du jeune Yoyi, ami de Mario Conde. Ces deux personnages qui n’appartiennent pas à la même génération ne pratiquent pas le même espagnol. Si Yoyi est décrit comme « el Hombre Nuevo64 », jeune, perspicace, élégant, aficionado de belles voitures et incarne par conséquent une jeunesse plus réceptive aux influences nord-américaines, Mario Conde quant à lui, semble souvent se fondre avec la voix d’un narrateur autodiégétique. Il se fait le porte-parole d’une génération plus ancienne, plus proche de la révolution et plus conservatrice quant à la langue parlée.

3.2.2 Emprunts aux langues anciennes

Des mots empruntés à l’hébreux, au grec et au yiddish surgissent dans le texte pour évoquer la culture juive que portent Daniel Kaminsky et son oncle Joseph.

Dès l’incipit, le terme hébreu « matzot65 » (matsa en français) et le terme « baklavá66 » – qui vient du grec et du persan – plongent le lecteur dans l’ambiance festive de la communauté juive. D’autres termes relatifs aux pratiques religieuses juives sont disséminés tout au long du roman. Ainsi, le lecteur découvre les termes hébreux très conceptuels Galut67, la tora, ou l’expression goy de shabat68, issue du yiddish et de l’hébreu, pour mettre en lumière l’identité culturelle de la communauté juive.

Il appert que ces occurrences aux langues anciennes sont utilisées au sein du domicile familial pour mettre en scène les mœurs, les modes de pensées et rites religieux pratiqués par Daniel Kaminsky avec son oncle, tandis que le castillan – quoique revisité par les Cubains – est la langue qui sert à communiquer à l’extérieur, dans les rues de la Havane. Ainsi, le choix d’insérer des termes issus de l’hébreu classique dans Herejes semble vouloir enraciner l’identité cubaine dans un pacte de réconciliation entre deux communautés religieuses traditionnellement opposées. La fiction invite alors à considérer Cuba comme une terre d’accueil et de métissage culturel.

En somme, à l’issue du processus de transformation du castillan observé dans le texte de Leonardo Padura, surgit une langue réinventée aux couleurs de l’espace cubain, une langue donc tout aussi « hérétique » – car mixte et métissée – que les personnages du roman. Daniel Kaminsky manie toutes les langues ci-dessus évoquées : l’anglais quand il part s’installer à Miami, les langues anciennes dans le cadre de ses pratiques religieuses et l’espagnol cubain pour s’intégrer à La Havane et construire son identité. Ce multilinguisme qui rappelle le caractère hybride de la population cubaine, érige par conséquent Daniel Kaminsky en creuset identitaire de l’espace cubain.

Conclusion

Ainsi, Herejes, brosse un portrait mixte et hybride de l’identité cubaine. La structure éclatée du roman en triptyque, la position centrale de l’art et de la religion dans l’intrigue ainsi que l’ambivalence du protagoniste Daniel Kaminsky tiraillé entre foi juive et foi catholique, sont autant d’éléments qui contribuent à la mythification de l’espace cubain et qui élèvent la cubanité au rang du Sacré. Par ailleurs, la multiplicité des personnages archétypes et des espace-temps, la polyphonie narrative, ainsi que le recours à la métafiction, apportent une vision kaléidoscopique de l’identité cubaine dans une réécriture de l’Histoire assurément postmoderne. Ainsi, le parcours de Daniel Kaminsky donne à découvrir depuis une focalisation interne, l’ambiance corrompue de La Havane des années 50 et les conditions de vie des Cubains exilés à Miami après la Révolution castriste. L’enquête menée par Mario Conde en 2007 sur la disparition de Judith, appelle à repenser les représentations de la société cubaine qui évolue en fin de compte au rythme des pulsations du monde. La fiction propose alors une vision diachronique et une redéfinition de la cubanité qui peut être lue comme une identité diasporique et déterritorialisée mais toujours rhizomique, hybride et composite puisqu’elle se construit au sein d’une communauté multiraciale et multiculturelle. Face à l’épineuse question du racisme contre les Noirs et les Métis qui marquent encore les sociétés postcoloniales de la Caraïbe et de l’Amérique, il semblerait que le roman historique postmoderne, engagé dans la revendication identitaire, soit un outil pertinent pour consolider la cohésion nationale.

Dans le cadre de l’actualisation du modèle économique du gouvernement de Miguel-Diaz Canel qui succède à la dynastie des frères Castro, quel projet identitaire s’annonce pour Cuba ? La Révolution semble toujours en marche dans la fiction de Leonardo Padura qui met en scène dans Herejes des personnages porteurs et défenseurs d’une cubanité on ne peut plus menacée par la mondialisation et l’impérialisme américain.

1 Christine Pic-Gillard, Révolutions à Cuba de José Martí à Fidel Castro, Paris, Ellipses, 2007, p. 12.

2 Op.cit., p. 15.

3 La grande majorité des Noirs qui constituent la population cubaine sont les descendants d’Africains mis en esclavage à l’époque coloniale.

4 Le cri de Yara poussé en 1868 par le propriétaire terrien Carlos Manuel Céspedes marque le début de la Guerre de Dix ans contre les Espagnols. Ce

5 José Martí fonde le 10 avril 1892 Le Parti Révolutionnaire Cubain (Partido Revolucionario Cubano) pour faciliter l’organisation de la guerre d’

6 Les Espagnols qui constituent la population cubaine sont issus pour la plupart de la Galice.

7 Ce culte religieux très répandu à Cuba est une marque du syncrétisme religieux entre croyances yorubas et catholiques.

8 Révolutions à Cuba de José Martí à Fidel Castro, op.cit., p. 15

9 Idem.

10 Ibidem.

11 Compagnon, Olivier, « 1959, l’embrasement d’un continent », 1959-1979. Amérique Latine, le temps des brasiers, L’Histoire, n° 465, Paris, Sophia

12 Anaïs, Fléchet, « Le boom culturel », 1959-1979. Amérique Latine, le temps des brasiers, L’Histoire, n° 465, Paris, Sophia Publications, novembre

13 José, Donoso, Historia personal del “boom”, Barcelone, Seix Barral, 1983.

14 Elodie, Cocote, Création d’un lexique bilingue français régional des Antilles-espagnol cubain, et enjeux traductifs et interculturels, thèse

15 Miguel de Unamuno, En torno al casticismo, Madrid, Biblioteca nueva, 1996 (1895).

16 De nombreux prix littéraires ont été décernés à Leonardo Padura à l’échelle nationale et internationale : « Princesa de Asturias » pour l’ensemble

17 « Pasado perfecto » 1991, « Vientos de cuaresma » 1994, « Máscaras » 1997, « Paisaje de otoño » 1998, « La cola de la serpiente » 2000, « Adiós

18 « La Nuit de Cristal » est le nom donné au pogrom qui éclata en Allemagne dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 suite de l’assassinat à Paris du

19 Daniel est un prénom d’origine hébraïque qui signifie « le jugement de Dieu » ou « Dieu est mon juge ». C’est aussi le prénom d’un prophète juif

20 Leonardo, Padura, Herejes, Barcelona, Tusquets editores, 2013, p. 75.

21 Op.cit., p. 66

22 Idem.

23 Op.cit., p. 61

24 Op.cit., p. 17. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, Léonardo Padura, Hérétiques, Paris, Editions Métailié, 2014, p.15 : « Daniel Kaminsky

25 Op.cit., p. 156.

26 Op.cit., p. 159.

27 Idem. La Cuban Hebrew Congregation of Miami existe réellement. Cet élément référentiel qui entre dans la construction du cadre spatio-temporel

28 Ibidem.

29 Nous entendons à la suite d’Edouard Glissant par « digenèse », une histoire qui ne valorise plus une mais plusieurs origines. Si les cultures

30 Herejes, op.cit., p. 507.

31 Op.cit., p. 302.

32 Rembrandt, Tête de Christ, vers 1648-1656, Philadelphia Museum of Art, huile sur panneau de chêne -35,8 cm x 31,2 cm –, John G. Johnson Collection

33 Henri Bertaud du Chazaud, Dictionnaire de synonymes, mots de sens voisin et contraires, Paris, Quarto Gallimard, 2007, p. 927.

34 Auzou, Dictionnaire encyclopédique, Paris, Editions Auzou, 2012, p. 939.

35 René, Vásquez Díaz, Matricule des Anges, n° 44, mai/juillet 2003 : « En réalité, tous les Cubains sont pénétrés par l’image vivante de la

36 Herejes, op.cit., p. 340.

37 Op.cit., p. 69.

38 Op.cit., p. 70. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, op.cit., p. 89 : « La réaction de Joseph Kaminsky fut violente, viscérale, prévisible

39 Le concept d’identité rhizomique est développé par Edouard Glissant à partir de la pensée de Gilles Deleuze. Le rhizome étant un tubercule à

40 Herejes, op.cit., p.161.

41 Le romancier fait preuve de rigueur historique en prenant pour cadre spatio-temporel la Havane prérévolutionnaire. Les pratiques religieuses

42 Marie-France Rouart, Le mythe du Juif errant dans l’Europe du xixe siècle, Paris, José Corti, 1988.

43 Hérétiques, op.cit., p. 555.

44 Anna Breteau, « Homosexuels, hippies, dissidents… : quand Cuba se “purifiait” de ses “déchets” , www.lepoint.fr , consulté le 5 février 2019.

45 Herejes, op.cit., p. 399. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, op.cit., p.553 : « Seulement la Judy mûre et la Judy enfantine aspiraient à

46 Op.cit., p. 400. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, p. 554 : Elle a alors découvert l’autre chose qui l’a fait changer : le monde

47 Op.cit., p. 403. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, op.cit., p. 560 : « avec Judy rien n’est simple, elle est devenue emo en cherchant

48 Op.cit., p. 442. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, op.cit., p. 614 : « Ce que Mario Conde savait en revanche, un soupçon qu’il avait pu

49 Op.cit., p. 26

50 Idem.

51 Ibidem.

52 Op.cit., p. 29. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, op.cit., 32 : « il ne faisait porter des cornes à personne ».

53 Op.cit., p. 28.

54 Op.cit., p. 31. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, op.cit., p. 34 : « Bien qu’il n’ait passé à Cuba que ces vingt années, il disait qu’

55 Op.cit., p. 32.

56 Op.cit., p. 36.

57 Op.cit., p. 66.

58 Op.cit., p. 67. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, op.cit., p. 85 : « En compagnie de ces garnements incorrigibles, Daniel apprit à

59 Op.cit., p. 25.

60 Op.cit., 349. A noter que cette pratique langagière est aussi observée dans le sud de l’Espagne. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, op.

61 Op.cit., p.23.

62 Idem.

63 Op.cit., p. 67.

64 Op.cit., p.23.

65 Op.cit., p. 19. La matsa est un pain non levé consommé pendant Pessa’h, la fête religieuse équivalente à la Pâques chrétienne. Son origine vient de

66 Idem. Petit gâteau oriental à la pâte feuilletée consommé par les peuples des anciens empires byzantin, ottoman et de la Perse.

67 Désigne l’Exil de la communauté juive.

68 Terme qui désigne la personne non juive qui assiste un membre de la communauté juive le jour du Shabbat et réalise les actes qui sont interdits aux

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Wright, Christopher, Rembrandt, Paris, ed. Citadelles et Mazenod, 2000.

1 Christine Pic-Gillard, Révolutions à Cuba de José Martí à Fidel Castro, Paris, Ellipses, 2007, p. 12.

2 Op.cit., p. 15.

3 La grande majorité des Noirs qui constituent la population cubaine sont les descendants d’Africains mis en esclavage à l’époque coloniale.

4 Le cri de Yara poussé en 1868 par le propriétaire terrien Carlos Manuel Céspedes marque le début de la Guerre de Dix ans contre les Espagnols. Ce conflit se soldera par l’échec des insurgés cubains malgré le soutien des Etats-Unis.

5 José Martí fonde le 10 avril 1892 Le Parti Révolutionnaire Cubain (Partido Revolucionario Cubano) pour faciliter l’organisation de la guerre d’indépendance de Cuba contre l’Espagne. Cet organisme politico-militaire, véritable incubateur de l’esprit patriotique cubain, intégrait en son sein, tout type d’individus prêts à œuvrer ensemble contre l’ennemi commun, indépendamment de leurs différences (couleur de peau, sexe, classe sociale, ou origine).

6 Les Espagnols qui constituent la population cubaine sont issus pour la plupart de la Galice.

7 Ce culte religieux très répandu à Cuba est une marque du syncrétisme religieux entre croyances yorubas et catholiques.

8 Révolutions à Cuba de José Martí à Fidel Castro, op.cit., p. 15

9 Idem.

10 Ibidem.

11 Compagnon, Olivier, « 1959, l’embrasement d’un continent », 1959-1979. Amérique Latine, le temps des brasiers, L’Histoire, n° 465, Paris, Sophia Publications, novembre 2019, p. 33.

12 Anaïs, Fléchet, « Le boom culturel », 1959-1979. Amérique Latine, le temps des brasiers, L’Histoire, n° 465, Paris, Sophia Publications, novembre 2019, pp. 50-55.

13 José, Donoso, Historia personal del “boom”, Barcelone, Seix Barral, 1983.

14 Elodie, Cocote, Création d’un lexique bilingue français régional des Antilles-espagnol cubain, et enjeux traductifs et interculturels, thèse dirigée par Corinne Mencé-Caster et Raphaël Confiant, soutenue à l’Université des Antilles, le 28 octobre 2017, p. 77. L’auteur définit le diatopisme lexical de l’espagnol cubain comme la variation lexicale entre l’espagnol pratiqué à Cuba et l’espagnol standard ou académique.

15 Miguel de Unamuno, En torno al casticismo, Madrid, Biblioteca nueva, 1996 (1895).

16 De nombreux prix littéraires ont été décernés à Leonardo Padura à l’échelle nationale et internationale : « Princesa de Asturias » pour l’ensemble de son œuvre en 2015, « Café Gijón » en 1995, Hammett en 1997, 1998 et 2005, le « Premio de las islas » en 2000 et le « Brigada 21 » en 2006. En 2012, il reçoit le « Premio Nacional de Literatura de Cuba ». Il est aussi lauréat du prix Raymond-Chandler en 2009 et reçoit le prix Roger-Caillois en 2011.

17 « Pasado perfecto » 1991, « Vientos de cuaresma » 1994, « Máscaras » 1997, « Paisaje de otoño » 1998, « La cola de la serpiente » 2000, « Adiós Hemingway » 2001, « La neblina de ayer » 2005, et « La transparencia del tiempo » 2018. Notons encore la publication de « Fiebre de caballos » en 1988, d’un roman policier historique « La novela de mi vida » en 2002, d’un récit-roman en 2009 « El hombre que amaba a los perros », et d’un recueil de nouvelles en 2016 « Aquello estaba deseando morir ». L’auteur a aussi rédigé de nombreux scénarios pour des productions cinématographiques.

18 « La Nuit de Cristal » est le nom donné au pogrom qui éclata en Allemagne dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 suite de l’assassinat à Paris du diplomate allemand Ernst Eduard Vom Rath par Herschel Grynszpan, un jeune Juif polonais d’origine allemande. Cet assassinat servit de prétexte à Adolph Hitler et son bras droit Joseph Goebbels pour organiser une nuit antisémite particulièrement violente et meurtrière afin d’accélérer le processus d’émigration des Juifs allemands jugé trop lent par les dirigeants nazis.

19 Daniel est un prénom d’origine hébraïque qui signifie « le jugement de Dieu » ou « Dieu est mon juge ». C’est aussi le prénom d’un prophète juif, réputé pour sa sagesse et ses prophéties. Il annonce l’arrivée du Messie. « Le livre de Daniel » est également l’intitulé d’un chapitre de la Bible hébraïque (Tanakh) et de la Bible chrétienne.

20 Leonardo, Padura, Herejes, Barcelona, Tusquets editores, 2013, p. 75.

21 Op.cit., p. 66

22 Idem.

23 Op.cit., p. 61

24 Op.cit., p. 17. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, Léonardo Padura, Hérétiques, Paris, Editions Métailié, 2014, p.15 : « Daniel Kaminsky mettrait plusieurs années à s’accoutumer aux bruits jubilatoires d’une ville ancrée dans le vacarme le plus insolent. Il avait très vite découvert que tout y était traité et réglé à grands cris, tout grinçait sous l’effet de l’oxydation et de l’humidité, les voitures avançaient au milieu des explosions, du ronflement des moteurs ou des longs beuglements des klaxons, les chiens aboyaient avec ou sans raison, et les coqs chantaient, même à minuit, tandis que chaque vendeur de rue utilisait pour s’annoncer un sifflet, une clochette, une trompette, un sifflement, une crécelle, un pipeau, un couplet bien timbré ou un simple hurlement. Il avait échoué dans une ville où pire encore, chaque soir, à neuf heures précises, un coup de canon résonnait sans qu’il y ait de guerre déclarée ou de forteresse à fermer et où toujours, invariablement, dans les époques prospères comme dans les moments critiques, quelqu’un écoutait de la musique et, en plus, la chantait ».

25 Op.cit., p. 156.

26 Op.cit., p. 159.

27 Idem. La Cuban Hebrew Congregation of Miami existe réellement. Cet élément référentiel qui entre dans la construction du cadre spatio-temporel apporte un caractère vraisemblable à la représentation que la fiction offre de la communauté des Cubains juifs installée aux Etats-Unis d’Amérique.

28 Ibidem.

29 Nous entendons à la suite d’Edouard Glissant par « digenèse », une histoire qui ne valorise plus une mais plusieurs origines. Si les cultures ataviques présentes dans les pays européens, arabes, d’Afrique noire et amérindiens jouissent d’une filiation séculaire et légitime en ce qu’elle s’enracine dans une Genèse remontant à des temps mythiques et expliquant le premier jour sacré de la Création ; d’autres peuples, nés des convulsions de l’Histoire à l’instar des peuples d’Amérique, s’adaptent aux genèses existantes et les mélangent, créant ainsi une digenèse. Ces peuples digenétiques aux origines composites font le plus souvent une nouvelle expérience du monde, car ils ressentent le besoin de toucher le tremblement du monde. Voir : Edouard Glissant, Traité du Tout-Monde, Paris, Gallimard (Coll. Blanche), 1997.

30 Herejes, op.cit., p. 507.

31 Op.cit., p. 302.

32 Rembrandt, Tête de Christ, vers 1648-1656, Philadelphia Museum of Art, huile sur panneau de chêne -35,8 cm x 31,2 cm –, John G. Johnson Collection, 1917.

33 Henri Bertaud du Chazaud, Dictionnaire de synonymes, mots de sens voisin et contraires, Paris, Quarto Gallimard, 2007, p. 927.

34 Auzou, Dictionnaire encyclopédique, Paris, Editions Auzou, 2012, p. 939.

35 René, Vásquez Díaz, Matricule des Anges, n° 44, mai/juillet 2003 : « En réalité, tous les Cubains sont pénétrés par l’image vivante de la révolution, indépendamment du fait qu’ils soient pour ou contre. Plusieurs générations de Cubains vivent toujours avec cette image et cette dernière présente plusieurs ramifications à Cuba et à Miami ».

36 Herejes, op.cit., p. 340.

37 Op.cit., p. 69.

38 Op.cit., p. 70. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, op.cit., p. 89 : « La réaction de Joseph Kaminsky fut violente, viscérale, prévisible : faisant appel au yiddish pour exprimer sa déception, il le qualifia d’hérétique, d’ingrat, d’insensible et lui ordonna de quitter la maison ».

39 Le concept d’identité rhizomique est développé par Edouard Glissant à partir de la pensée de Gilles Deleuze. Le rhizome étant un tubercule à plusieurs racines, Edouard Glissant invite à considérer les peuples métissés de la Caraïbe par exemple, comme porteurs d’une identité composite, multiple, pouvant se réclamer non pas d’une, mais de plusieurs origines.

40 Herejes, op.cit., p.161.

41 Le romancier fait preuve de rigueur historique en prenant pour cadre spatio-temporel la Havane prérévolutionnaire. Les pratiques religieuses, interdites sous le régime castriste, restent une réalité à Cuba qui ne seront acceptées qu’après la chute du bloc soviétique en 1990.

42 Marie-France Rouart, Le mythe du Juif errant dans l’Europe du xixe siècle, Paris, José Corti, 1988.

43 Hérétiques, op.cit., p. 555.

44 Anna Breteau, « Homosexuels, hippies, dissidents… : quand Cuba se “purifiait” de ses “déchets” , www.lepoint.fr , consulté le 5 février 2019.

45 Herejes, op.cit., p. 399. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, op.cit., p.553 : « Seulement la Judy mûre et la Judy enfantine aspiraient à la même chose, depuis des perspectives différentes, bien entendu : ne pas se comporter comme une personne banale, être aussi libre qu’on peut l’être à son âge, en particulier dans un pays où ce qui n’est pas interdit, on ne peut pas le faire non plus… et être prête à se battre pour cette liberté. Mais les deux cherchaient la même chose : un espace d’authenticité, une façon de pratiquer librement ce qu’elle désirait pratiquer… »

46 Op.cit., p. 400. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, p. 554 : Elle a alors découvert l’autre chose qui l’a fait changer : le monde virtuel dans lequel les emos évoluent, un espace où les jeunes, en quête de leur individualité, parlent en toute liberté de leurs expériences culturelles, mystiques et même physiologiques.

47 Op.cit., p. 403. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, op.cit., p. 560 : « avec Judy rien n’est simple, elle est devenue emo en cherchant un espace personnel de liberté. Elle l’a trouvé, mais il ne lui sert plus à rien. La liberté est devenue pour elle une rhétorique, et elle avait besoin de quelque chose de beaucoup plus réel ».

48 Op.cit., p. 442. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, op.cit., p. 614 : « Ce que Mario Conde savait en revanche, un soupçon qu’il avait pu maintenant vérifier, c’était que Judy et ses amis n’étaient que la partie visible de l’iceberg, la partie la plus visible et la plus criante d’une génération d’hérétiques à juste titre. Ces jeunes étaient nés dans les années les plus dures de la crise, quand on parlait le plus de l’Option Zéro qui, au pire moment du désastre, risquait d’envoyer les Cubains vivre dans les campagnes et les montagnes comme les indigènes chasseurs-cueilleurs du néolithique insulaire, à l’époque des voyages dans l’espace et l’ère numérique ».

49 Op.cit., p. 26

50 Idem.

51 Ibidem.

52 Op.cit., p. 29. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, op.cit., 32 : « il ne faisait porter des cornes à personne ».

53 Op.cit., p. 28.

54 Op.cit., p. 31. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, op.cit., p. 34 : « Bien qu’il n’ait passé à Cuba que ces vingt années, il disait qu’il était juif par son origine, germano-polonais par ses parents et sa naissance, légalement citoyen nord-américain et, pour tout le reste, cubain. Car, en réalité, il était plus cubain qu’autre chose. Il disait toujours qu’il était du parti des mangeurs de haricots noirs et de yucca en sauce… »

55 Op.cit., p. 32.

56 Op.cit., p. 36.

57 Op.cit., p. 66.

58 Op.cit., p. 67. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, op.cit., p. 85 : « En compagnie de ces garnements incorrigibles, Daniel apprit à parler havanais (il disait negüe pour les amis, guaguas pour les autobus, jama pour la nourriture et singar pour l’acte sexuel), à cracher du coin de la bouche, à danser le danzón puis le mambo et le cha-cha-cha, à lancer des compliments aux filles et, comme une libération dont il jouissait profondément et traîtreusement, à manger des rillons de porc, du pain avec des frites et tout ce qui pouvait calmer sa faim, sans vérifier si c’était kasher ou trefa du moment que c’était savoureux, abondant et pas cher ».

59 Op.cit., p. 25.

60 Op.cit., 349. A noter que cette pratique langagière est aussi observée dans le sud de l’Espagne. Traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas, op.cit., p. 482 : « elle n’est pas allée se faire voir ailleurs ».

61 Op.cit., p.23.

62 Idem.

63 Op.cit., p. 67.

64 Op.cit., p.23.

65 Op.cit., p. 19. La matsa est un pain non levé consommé pendant Pessa’h, la fête religieuse équivalente à la Pâques chrétienne. Son origine vient de l’exode des Hébreux.

66 Idem. Petit gâteau oriental à la pâte feuilletée consommé par les peuples des anciens empires byzantin, ottoman et de la Perse.

67 Désigne l’Exil de la communauté juive.

68 Terme qui désigne la personne non juive qui assiste un membre de la communauté juive le jour du Shabbat et réalise les actes qui sont interdits aux Juifs ce jour-là, tels qu’actionner l’interrupteur électrique, etc.

Clara Dauler

Université des Antilles, clara_dauler@yahoo.fr

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