Sourds noirs marrons de l’Ouest guyanais : Au croisement de la transmission des savoirs et du handicap

Isabelle Hidair-Krivsky and Sabine Lalaurette

References

Electronic reference

Isabelle Hidair-Krivsky and Sabine Lalaurette, « Sourds noirs marrons de l’Ouest guyanais : Au croisement de la transmission des savoirs et du handicap », Archipélies [Online], 9 | 2020, Online since 20 June 2020, connection on 24 April 2024. URL : https://www.archipelies.org/711

En Guyane, département français situé en Amérique du Sud, la Langue des signes française (LSF) est utilisée. Mais dans ce département, à l’Ouest de la Guyane, lieu de notre enquête, la majorité des habitants sont descendants d’esclaves ayant fui les plantations de l’ancienne Guyane hollandaise (actuel Suriname). Appelés Noirs marrons, six groupes socioculturels se sont ainsi constitués et ont créé, durant la période esclavagiste, des cultures inédites. Les Noirs marrons n’ont pas la langue française pour langue de première socialisation. Les personnes sourdes de culture noire marronne s’exprimant en LSF, appartiennent à deux groupes identitaires dont les normes sont parfois contradictoires. Notre analyse, qui s’inscrit dans champ de la traduction interculturelle et de l’écologie des savoirs (Boaventura de Sousa Santos, 2011), met en évidence la perception eurocentrée de la surdité alors que les publics rencontrés ont développé une conception et une prise en charge du handicap spécifique qui permet d’inventer de nouveaux mots et concepts inconnus de la LSF et qui favoriseraient une vision positive de la déficience.

In French Guiana, a French department located in South America, the French Sign Language (LSF) is used. But in this department, in western French Guiana, the place of our investigation, most of the inhabitants are descended from slaves. Having fled the plantations of the former Dutch Guiana (current Suriname). Called Maroons, six socio-cultural groups were formed and created, during the period of slavery, new cultures. Maroons do not have the French language as the language of first socialization. The hearing-impaired audience of maroon culture speaking in LSF belong to two identity groups whose norms are sometimes contradictory. Our analysis, which is part of the field of intercultural translation and the ecology of knowledge (Boaventura de Sousa Santos, 2011), highlights the Eurocentric perception of deafness, whereas the audiences we met have developed a conception and management of the specific handicap that makes it possible to invent new words and concepts unknown to the LSF that would promote a positive view of deafness.

Introduction

La situation géographique et statutaire de la Guyane, département français situé en Amérique du Sud, exerce une force gravitationnelle vis-à-vis des pays voisins qui a pour conséquence un doublement de la population tous les 20 ans et ce, depuis les années 1990. Ces flux migratoires ont contribué à construire une société dans laquelle différents modes de vie, nationalités et langues se côtoient dans ce département peuplé de 250 000 habitants pour une superficie de 84 000 km2 où 62,2 % de la population âgée de 18 à 79 ans n’est pas née en Guyane.

Afin de comprendre la complexité du contexte, il faut ajouter que 47 % des jeunes sont âgés de moins de 20 ans, seule la moitié des 15-24 ans est scolarisée, 4 % des élèves sont non francophones et 70 % d’entre eux n’ont pas le français pour langue de première socialisation. De plus, la prise en charge des publics doit se faire dans un département où certaines communes sont accessibles uniquement par voie fluviale ou aérienne, ce qui complexifie le suivi des élèves en général et ceux qui se retrouvent en situation de handicap en particulier. En d’autres termes, plus la commune est éloignée du littoral atlantique, plus le turn-over des professionnels (enseignants, éducateurs spécialisés, travailleurs sociaux, médecins, etc.) est important. Ainsi, la question de la prise en charge et la quantification des publics en situation de handicap est particulièrement difficile.

Notre terrain d’enquête concerne l’Ouest guyanais qui a la particularité d’être peuplé, entre autres, d’Amérindiens et de descendants d’esclaves ayant fui les plantations1. En provenance de la colonie hollandaise2, aux XVIIe et XVIIIe siècles, différents groupes socioculturels noirs marrons se sont ainsi constitués et ont créé des cultures inédites (Price, 2012). Nous avons choisi ces groupes car ils sont majoritaires dans cette zone géographique d’enquête. Se pose alors la question de la double appartenance identitaire : noirs marrons et sourds.

Afin d’analyser notre sujet, la démarche s’appuie sur l’« Épistémologie du Sud », au sens de Boaventura de Sousa Santos (2011 : 38-39), qui la définit comme « une nouvelle production et évaluation des connaissances ou savoirs valides, scientifiques ou non », de « nouvelles relations entre différents types de savoirs, sur la base des pratiques des classes et des groupes sociaux qui ont systématiquement souffert des inégalités et des discriminations dues au capitalisme et au colonialisme ». En d’autres termes, « la transformation progressive du monde peut emprunter des chemins qui n’ont pas été prévus par la pensée critique occidentale ». La diversité du monde étant infinie, 

« Elle inclut des manières très différentes d’être, de penser, de ressentir, de concevoir le temps, d’appréhender les relations des êtres humains entre eux et celles entre les humains et les non humains, de regarder le passé et le futur, d’organiser la vie collective, la production des biens et des services, et les loisirs. Cette diversité d’alternatives reste largement gaspillée parce que les théories et concepts développés dans le Nord et repris dans tous les lieux de transmission du savoir ne reconnaissent pas ces solutions de rechange ou, quand ils le font, ne les valorisent pas comme des contributions valides pour construire un monde meilleur. Ainsi, à mon avis, ce n’est pas d’alternatives dont nous avons besoin mais plutôt d’une manière alternative de penser les alternatives » (Boaventura de Sousa Santos 2011 : 38-39).

Ainsi, l’auteur propose qu’aux côtés de l’écologie des savoirs – qui part du postulat qu’« il n’existe pas de connaissance ou d’ignorance dans l’absolu » et qui promeut « l’interdépendance des connaissances scientifique et non scientifique » – coexiste l’autre pilier de l’Épistémologie du Sud qu’est la traduction interculturelle. Cette dernière crée « une intelligibilité mutuelle entre les différentes expériences du monde, qu’elles soient disponibles ou possibles. C’est une procédure qui ne confère à aucun groupe particulier le statut de totalité exclusive ou homogène » (p. 40).

C’est sur cette base épistémologique que nous avons analysé le fait que les personnes sourdes noires marronnes ont développé une identité empreinte de codes, de rites, de pratiques propres à leur groupe socioculturel d’appartenance, qui a contribué à façonner leur manière de se représenter le monde. Par ailleurs, ces mêmes individus s’expriment en Langue des signes, adoptent des identités associées aux sourds issus d’une société occidentale. Nous avons alors émis l’hypothèse selon laquelle les personnes sourdes vivent entre deux systèmes de valeurs, l’un noir-marron – du fait de leur appartenance familiale – et l’autre, occidental, à travers l’accompagnement de l’Association des Parents et Amis Déficients Auditifs de Guyane (APADAG), et que ces deux systèmes pouvaient être complémentaires.

1. Méthodologie de la recherche

Créée en 1989, l’APADAG propose un accompagnement social, médical, éducatif et scolaire. L’équipe pluridisciplinaire est composée d’éducateurs spécialisés, de psychologues, d’enseignants spécialisés, d’orthophonistes, d’animateurs en Langue des signes Française (LSF), d’assistants de service social, de psychomotriciens. Les professionnels accompagnent des enfants de 0 à 20 ans dans le cadre du service d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) et accueille 45 enfants dans trois communes (Cayenne, Kourou et Saint-Laurent-du-Maroni). Les critères d’admission en termes d’âge pour le Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés (SAMSAH) sont de 16 à 60 ans et la zone d’intervention se situe de Cayenne à Saint-Laurent-du-Maroni. Le SAMSAH accueille 40 adultes en Guyane. Par ailleurs, l’association APADAG comprend un centre de formation à la Langue des signes française. L’accompagnement des enfants ou des adultes sourds se formalise par un projet individuel discuté en équipe avec les familles et l’individu concerné. Ce document regroupe les axes d’accompagnements prévus pour une durée d’un an et précise les actions à entreprendre en fonction du bilan du précédent projet de vie, des capacités de la personne, de sa situation sociale et des projets éducatifs, scolaires ou professionnels de la famille ou de l’adulte sourd.

À Saint-Laurent-du-Maroni, notre terrain d’enquête, l’association APADAG devient ainsi le seul lieu possible de rencontres entre personnes sourdes créant parfois une confusion dans les missions de cette association. En effet, celle-ci n’a pas pour objectif de proposer un lieu de loisirs pour les personnes sourdes, mais plutôt d’effectuer un accompagnement médico-social. En d’autres termes, le rôle premier de l’association est d’accompagner l’individu dans un parcours médico-social.

L’association Sourds Entendants Recherche Actions (SERAC), spécialisée dans la formation à la Langue des signes, et l’entreprise NéO – créée en 2014 par une cheffe d’entreprise née sourde – ont vu le jour, mais l’APADAG est la plus ancienne en Guyane. Certains adultes y sont suivis depuis leur plus jeune âge. Elle représente un repère. Ainsi, l’identité des sourds3 guyanais se construit depuis plusieurs années avec cette association. Par l’organisation d’activités de loisirs, de participation à des ateliers, l’association devient un lieu d’épanouissement personnel. Les sourds se confrontent à leurs pairs et cette structure devient malgré elle « le berceau » (Mottez, 2006) de la culture sourde en Guyane, alors que jusque-là les sourds devaient quitter le département.

Soulignons la spécificité de la Langue des signes, qui se découvre puis se pratique grâce à la rencontre entre pairs. Ainsi, leur perception de l’identité sourde est fortement liée à la fréquentation de l’association APADAG.

Une première expérience dans le cadre de la formation de Conseiller en Economie Sociale Familiale (CESF)4 nous a permis d’utiliser des éléments de cette recherche complétés par les apports de l’anthropologie. Nous avons élaboré la grille d’observation et le guide d’entretien comme outils méthodologiques.

L’observation s’est déroulée lors du salon Handi-valide en novembre 2016, et est apparue comme une opportunité permettant d’analyser les interactions afin d’affiner par la suite par des entretiens individuels. L’objectif de cette manifestation est d’informer la population sur des thématiques touchant le handicap, telles que l’accessibilité, les aides techniques, les services médico-sociaux, l’insertion, l’emploi. Lors de ce salon, nous avons constaté la présence de l’APADAG, l’entreprise NéO et l’association Sourds Entendants Recherche Actions (SERAC). La grille d’observation que nous avons élaborée, consistait à recenser les interactions entre les professionnels exerçant à l’APADAG et les usagers sourds. Nous avons observé douze interactions avec des personnes venues à la rencontre des professionnels. Parmi celles-ci, deux étaient sourdes et les dix autres sont venues pour se renseigner sur les cours de LSF, la formation d’interprètes, la demande d’un stage, les troubles de l’apprentissage. Nous avons par la suite observé une activité d’initiation à la LSF. Les situations que nous avons choisies d’étudier concernent les personnes sourdes noires marronnes sans sélection de l’appartenance socioculturelle. Nous avons orienté notre entretien auprès des sourds, des parents d’enfants sourds et des professionnels œuvrant dans le domaine de la surdité, afin d’obtenir des informations concernant l’identité, le handicap, la culture, le suivi médico-social.

La première question destinée aux sourds consiste à se présenter. La présentation est un préliminaire à toute communication et constitue l’une des composantes du « pi sourd5 ». Nous souhaitions par cette présentation observer celle des sourds interrogés. Elle donne également de nombreuses indications sur l’estime que les sourds ont d’eux-mêmes et la perception qu’ils ont de leur surdité. Par la thématique abordée dans le guide d’entretien destiné aux sourds et à leurs parents, nous souhaitions savoir quelle place prend la culture noire marronne dans la vie quotidienne lorsqu’on est socialisé parallèlement dans le monde des sourds français.

Nous l’avons vu, le lien avec l’APADAG débute pour beaucoup de déficients depuis l’enfance. Ce lien a probablement des influences sur la construction identitaire. Notre démarche consiste donc à savoir dans quelle mesure l’accompagnement de l’association APADAG a-t-il eu un impact sur le développement identitaire des sourds noirs marrons. De plus, nous savons que la perception du handicap diffère en fonction de la culture d’appartenance. Dès lors, nous souhaitions savoir à quelles pratiques, se rapportant aux soins, les parents ont fait appel. Par ailleurs, le guide d’entretien vise à comprendre la perception de la déficience, et plus largement, du handicap de leur enfant, et comment celui-ci est intégré au sein de la famille. Pour ce faire, nous avons effectué des entretiens semi-dirigés auprès des sourds, des parents d’enfants sourds et des professionnels.

Le groupe des sourds est composé de trois femmes. Au regard de la spécificité de la Langue des signes, nous avons filmé les échanges. Les trois femmes sont toutes sourdes noires marronnes ndjuka et se prénomment Christelle, Lila et Danielle. Elles ont 27 ans pour la première et les secondes sont jumelles et âgées de 30 ans. Elles communiquent en Langue des signes. Deux d’entre elles vivent à Saint-Laurent-du-Maroni et la troisième, en France hexagonale6. Christelle travaille au Centre Hospitalier de l’Ouest Guyanais (CHOG) en tant qu’aide-soignante. Les jumelles sont mères de famille et ont respectivement trois et deux enfants. Elles ne travaillent pas, n’ont jamais été scolarisées, mais ont toutes les deux effectué une formation dans le domaine de l’entretien des locaux.

Les parents rencontrés sont deux mères. L’une est Ndjuka, l’autre Saamaka. Denise est la mère des jumelles Danielle et Lila, elle a dix enfants en comptant ses jumelles. Norma quant à elle, a deux garçons, dont Philibert qui est sourd et âgé de dix ans. Elle héberge par ailleurs une nièce âgée de 7 ans. Les entretiens ont été enregistrés, mais du fait de notre maîtrise insuffisante des langues ndjuka et saamaka, nous avons eu recours à des interprètes7. Afin de faciliter leur travail, nous avions en amont indiqué les différents thèmes que nous souhaitions aborder ainsi que les objectifs des entretiens afin de leur permettre de réfléchir aux termes spécifiques à utiliser et à la manière dont ils pourraient les traduire lors des entretiens. Ces derniers ont été filmés au domicile des personnes interviewées ou à distance via Skype.

Le groupe des professionnels rencontrés est composé de trois personnes. La première se prénomme Claire, elle est orthophoniste et a travaillé durant six ans à l’APADAG de Saint-Laurent-du-Maroni. Elle exerce aujourd’hui en tant que libérale et continue de recevoir des patients sourds qui sont par ailleurs suivis au sein de l’APADAG. L’entretien effectué avec Claire est de type exploratoire. Nous avions envisagé celui-ci comme le moyen de cibler les thématiques à aborder. Jean-Pierre est un enseignant spécialisé toujours en activité au sein de la structure. Il y exerce depuis 2008 et travaille exclusivement au sein du Service Education Spéciale et de Soins À Domicile (SESSAD). Clothilde est une ancienne professionnelle de l’APADAG. Elle est sourde et a exercé de 2001 à 2003 en tant que formatrice et animatrice de et en LSF. Elle exerce aujourd’hui en tant que chargée de médiation et d’accessibilité au service accueil et accessibilité à la bibliothèque des sciences et de l’industrie à Paris.

Les personnes sourds que nous avons rencontrées vivent entre deux systèmes de valeurs, l’un noir marron du fait de leur appartenance familiale et l’autre occidental via l’accompagnement de l’APADAG. Les difficultés des personnes sourdes en matière d’autonomie, la maîtrise limitée de la Langue des signes, en raison d’une faible implication éducative des parents selon les professionnels de l’APADAG, sont en partie liées à des systèmes de valeurs différents. Selon l’APADAG, cette opposition pose des difficultés en matière de perception de l’éducation, notamment au regard de l’absentéisme des parents aux réunions concernant le projet individuel de leur enfant, et l’association semble démunie pour apporter des réponses.

Le processus identificatoire des enfants est une donnée à prendre en compte dans le projet personnalisé. On peut donc s’interroger sur l’absence de professionnels d’origine noire marronne ou de professionnels sourds au sein de l’association. Dans ce contexte, on peut considérer que l’environnement culturel familial du sourd auditif est à l’opposé de celui proposé au sein de la structure. Ainsi, le déficient se trouve confronté à un système de valeurs occidental dans lequel il devra développer des stratégies d’adaptation. Il convient, dès lors, de définir la notion de handicap, vue dans la société occidentale tout d’abord, puis de présenter sa perception par la société marronne.

2. Handicap et société occidentale

C. Lavigne (2009) met en évidence les résultats de l’enquête effectuée auprès des structures médico-sociales et des jeunes sourds et qui montrent, d’une part, un décalage dans la perception de la souffrance liée à la surdité et d’autre part, fait état de trois discours différents sur le sujet. Le premier associe la surdité à une diminution des facultés physiques et à une souffrance. C’est une pathologie qu’il convient de soigner par l’éducation, la rééducation, l’appareillage ou la chirurgie. Le deuxième situe la souffrance dans la société. Les sourds souffrent à cause d’un milieu social discriminant qui ne met pas en place les moyens pour s’adapter. Ainsi, ce n’est pas aux sourds de s’adapter et de se rapprocher de la norme entendante, mais à la société de mettre en place des moyens, par l’intermédiaire de politiques sociales adaptées et de rendre l’espace public accessible. Enfin, le troisième discours est l’évocation de la souffrance psychique. Selon les psychologues, la surdité constitue en soi une violence psychique. Les jeunes quant à eux, déplorent la focalisation de ces structures médico-sociales sur la capacité ou pas d’oraliser. Ils rejettent par ailleurs, l’association faite parfois entre la surdité et le retard mental.

Dans l’enquête de C. Lavigne, nous notons le lien entre surdité et souffrance, et plus largement, entre handicap et souffrance. En effet, lors de l’évocation de la surdité dans les médias, ceux-ci utilisent les termes suivants, « personnes souffrant de surdité », ou bien « personnes souffrant de handicap ». On comprend ainsi la difficulté pour celles-ci d’accepter ce regard stigmatisant qui nous amène à nous interroger sur la place occupée par la notion du handicap dans la dimension de la surdité.

Le handicap est la conséquence d’une interaction entre la déficience sensorielle, motrice, physique, mentale ou psychique avec l’environnement dans lequel évolue l’individu. Pour Mottez (2006), le handicap est l’« ensemble des lieux et de rôles sociaux desquels un individu ou une catégorie d’individus se trouvent exclus en raison d’une déficience physique » (p.38). Par cette définition, l’auteur engage la société dans son incapacité de s’adapter et de modifier sa vision pour ne plus percevoir le handicap comme une exclusion subie par la personne en raison de sa déficience. Ainsi, la déficience comporte un aspect physique, tandis que le handicap a une dimension sociale. Résultant de l’altération ou de la diminution d’un organe, la déficience réduit les capacités physiques d’une personne. En raison de sa déficience, certains rôles sociaux, actions, capacités, décisions ne peuvent être réalisés par la personne. La société peut ainsi choisir d’adopter une attitude visant à mettre en place une action sur l’individu pour diminuer la déficience, ou bien engager des actions sur la société en vue de réduire le handicap (Mottez 2006).

Afin de comprendre les difficultés pour la société d’intégrer le handicap dans ses représentations, Mottez ajoute la notion de « déviants », qu’il définit comme « tous ceux qui pour des raisons physiques ou autres ne se conforment pas à certaines normes (handicapés, bègues […] voleurs, etc.) » (2006 : 148). Le fait de ne pas être en phase avec la norme consciemment ou pas acquise par les membres de la société, rend les comportements déviants, en dehors des normes. S’appuyant sur les théories de Lemert et de Becker, il insiste sur le fait que « les déviations sont des comportements ou des rôles utilisés comme moyens de défense, d’attaque ou d’adaptation aux problèmes que lui créent la société » (ibid.).

Les déviances sont donc des comportements d’adaptation à la majorité des personnes composant la société. Ainsi, en réaction, se créent des normes propres à la communauté en plus de celles de la majorité. Par extension, on pourrait dire que pour faire face à la société majoritaire entendante qui fait de « la surdité une affaire d’oreille » (Mottez 2006), les sourds sont une communauté de déviants. On apprend à se comporter dans la société entendante afin de s’adapter au mieux aux codes de la majorité. Afin de poursuivre sur le handicap, Bernard (2001) nous apprend que celui-ci peut être accepté par l’individu si la déficience est elle-même admise par la mère. En effet, pour permettre une meilleure intégration du handicap, l’acceptation par la mère est primordiale afin d’éviter à la personne sourde de se construire autour d’un déni. L’argument proposé par Bernard (2001) concernant le lien mère/enfant sourd, amène à se questionner sur ce même lien dans le groupe socioculturel matrilinéaire noir marron.

3. La société noire marronne

Il existe six groupes socioculturels noirs marrons : Ndjuka, Aluku, Paamaka, Matawaï, Kwinti, Saamaka. Des différences culturelles vont marquer les frontières entre les groupes, mais nous y retrouvons également des points communs qui nous permettront une meilleure analyse de l’interdépendance des connaissances occidentales et marronnes (Hidair & Ailincai 2015).

Les sociétés marronnes sont matrilinéaires. Chez les Ndjuka par exemple, le groupe est divisé en clans (lo), organisés en matrilignages (bee). Chaque clan à sa tête un chef (gaaman), nommé à vie et qui détient des connaissances sacrées. Il est aussi garant de l’organisation politique. Ce gaaman est assisté de capitaines (kapiten), qui le représentent dans les divers villages (konde) et qui sont eux-mêmes épaulés de capitaines assistants appelés les basia, en charge de la vie du village.

Les décisions importantes et relatives au village sont prises en groupe sous la forme de conseils (Moomou 2004). Ainsi y sont traités des faits concernant des manquements aux règles de la vie sociale, des différends, des délits et même des crimes. On juge et sanctionne des actes contraires à la vie en société. Les morts aussi sont jugés. Il sera ainsi décidé si le défunt sera digne ou non d’accéder au statut d’ancêtre et si celui-ci sera inhumé ou non en fonction des règles (Parris 2012).

Les enfants sont membres du matrilignage. Ainsi, la mère prend toutes les décisions importantes relatives à sa progéniture (soins médicaux, scolarité...). Il est possible que la mère confie un enfant à la grand-mère ou l’une des sœurs. Dans le cas où l’enfant serait confié au mari ou à une personne de sexe masculin, l’enfant appartiendra alors au matrilignage de cet homme et aura comme référent féminin la mère ou la sœur de celui-ci.

La résidence est uxorilocale. La femme et les enfants s’installent dans la maison préalablement construite par le mari dans la famille de l’épouse. Celui-ci lui rendra visite de manière à assurer le bien-être matériel de sa famille. Il vivra le reste du temps dans son propre lignage. L’homme adulte a une place importante en tant qu’oncle dans son village maternel et détient l’autorité auprès de ses nièces et neveux dont il a la charge éducative.

Les Noirs marrons sont pro-natalistes et considèrent qu’il est important d’avoir une famille nombreuse. « Le schéma de vie à l’occidentale, qui consiste à avoir un travail, de l’argent avant de faire un enfant, est – du point de vue noir marron – tout à fait aberrant », souligne l’anthropologue Vernon8. Par ailleurs, il est inhabituel de rendre intelligibles certains événements de la vie. En effet, verbaliser ce qui est de l’ordre de l’influence d’un ancêtre n’est pas aisé. De plus, contextualiser ces pratiques dans une langue qui n’est pas la langue maternelle, accentue les écarts de compréhension du monde environnant.

Par ailleurs, les personnes détentrices de savoirs ne sont pas enclines à les enseigner de façon systématique. Non pas dans l’optique de conserver un secret jalousement, mais il semblerait que les anciens accordent de l’importance à la transmission des savoirs, donc il convient plutôt de faire confiance à celui qui est en mesure d’accueillir ce savoir patiemment (Fleury 1996).

Les Anciens enseignent difficilement leurs savoirs puisque ceux-ci sont liés à un pouvoir important et dangereux. Le détenteur de ces précieuses informations est capable de restaurer l’ordre mais aussi de provoquer le désordre. Parallèlement, les jeunes ne souhaitent pas se détourner de ces savoirs car, selon Fleury (1996), ils ne souhaitent plus entretenir des relations parfois pesantes avec les esprits. Cet apprentissage demande aussi du temps, qui manque aux jeunes, lesquels sont de plus en plus nombreux à occuper une activité salariée.

Ainsi, les Noirs marrons découvrent et s’adaptent aux critères de la culture occidentale par le biais de l’école, des administrations, des nouvelles technologies et des réseaux sociaux. Chaque individu se trouve imprégné de cette culture et qui n’est pas celle avec laquelle il a été élevé. Ainsi, entre ces deux systèmes de valeurs, l’individu gère avec plus ou moins de difficultés les contradictions auxquelles il est confronté.

3.1 Le handicap dans la société noire marronne

Le handicap dans la société noire marronne s’explique par le non-respect des règles de vie ayant pour conséquence la survenue d’un nenseki9 porteur d’une déficience dans le processus de réincarnation. Dans le même temps, le porteur d’un handicap bénéficie d’une attention particulière au cours de son enfance. Il est choyé et accepté dans sa différence par la famille. Sur ce point, Claire, orthophoniste, nous indique que « le handicap ne s’explique pas par des raisons scientifiques et la prise en compte du handicap ne fait pas l’objet d’une prise de recul sur le développement de la personnalité. […] La personne grandit naturellement avec la surdité, sans explication ni prise de recul de la part de la famille. L’enfant grandit “comme ça” ».

Pour expliquer la survenue de ces atteintes physiques ou mentales, le diagnostic prend en compte les constatations physiques, l’impact des émotions et certaines actions symboliques qui sont ensuite traités par des soins phytopharmacologiques (Vernon, 2010). Parfois, la survenue de ces déficiences ou handicap trouve son explication dans un oubli, une maladresse ou une entorse aux règles de la vie sociale (Vernon 2010), on se questionne quant à l’identité de l’esprit venu se venger ou punir ces manquements. Celui-ci s’en prend ainsi au matrilignage en s’installant dans le corps du nouveau-né ou en se manifestant au cours de la vie.

Afin de connaître l’origine des atteintes physiques, les esprits sont interrogés grâce à des pratiques divinatoires. Seuls le génie de la conception et l’ancêtre réincarné sont responsables des déficiences de naissance. Ces deux entités sont indissociables et d’une manière générale, toute personne naît avec un ou plusieurs nenseki. C’est un ancêtre connu de l’entourage venu se réincarner dans le corps du nouveau-né. Ce nenseki peut provoquer une déficience dès la naissance, ou se manifester lorsque l’individu a un problème de santé.

La surdité, qui est invisible à la naissance, ne fait pas l’objet d’une attention divinatoire particulière. Elle peut éventuellement intervenir lorsque la mère se rend compte de la surdité de son enfant au cours de son développement. C’est le cas de Denise, qui a découvert la surdité de ses jumelles à l’âge d’un an. Ses filles ont bénéficié de bains spécifiques visant à soigner leur pathologie. Denise raconte : « […] À cette période, nous avons effectué des bains spirituels dans le but de soigner mes filles de la surdité, afin qu’elles puissent entendre et parler. Cela n’a visiblement pas fonctionné ». De son côté, Norma, la mère de Philibert, précise « Non, nous n’avons pas fait de bains. Pour moi, mon fils est en bonne santé. Ce n’était pas nécessaire ».

La recherche menée par Dalle-Nazébi (2010) au sein de la population congolaise, met en évidence que la surdité révèle que le handicap de communication n’est pas aussi important qu’en France hexagonale. La population congolaise communique naturellement avec son corps, les gestes utilisés dans la vie quotidienne viennent accompagner et appuyer le discours, si bien que les interactions entre sourds et entendants sont plus fluides que dans la société française. Dalle-Nazébi (2010) indique que l’expression du corps faisant partie intégrante des situations de communication, les gestes réalisés par les sourds ne renvoient à aucune gêne, inquiétude ou difficulté. L’auteure analyse que si la personne sourde est difficilement acceptée dans la société française, c’est en partie à cause des marques d’expression du corps et du visage utilisées par les sourds pour communiquer et dans lesquelles les Français ne se reconnaissent pas. Le sourd devient à différents degrés plus ou moins exclu de la communication, renvoyant à la personne entendante un mal-être lié à l’impossible identification physique.

Au même titre que la société congolaise, la communication s’établit plus naturellement et facilement dans la société guyanaise, notamment dans les cultures noires marronnes, qu’en France hexagonale. L’enfant en situation de handicap est désigné par le terme de « gadu pikin » (l’enfant d’esprit de dieu). Celui-ci dispose d’une attention particulière par rapport aux autres enfants. Il est privilégié et la communauté s’applique à assurer son intégration sociale et familiale au sein du village. Ainsi, la difficulté de la personne sourde ne se situe pas au niveau des éventuelles barrières relationnelles ou communicationnelles au sein de la société, mais réside plutôt dans le manque d’approfondissement et de précision en matière de communication des personnes entourant l’individu sourd.

Les mères rencontrées se sont adaptées à la déficience de leur enfant en élaborant des stratégies visant à communiquer avec ceux-ci, mais la question du rôle des parents est souvent discutée au sein des réunions pluridisciplinaires à l’APADAG. Au regard de l’absence de ces derniers aux réunions concernant le projet individuel de leur enfant, l’association semble démunie. C. Lavigne (2007 : 269), met en évidence que « l’analyse de la littérature scientifique et professionnelle française traitant de surdité (C. Lavigne, 2004), montre une forte et constante tendance à fixer les parents (surtout les mères d’enfant sourd) dans un traumatisme infini, un deuil impossible, une blessure narcissique irréparable ». Les professionnels se questionnent aussi quant à l’opportunité des propositions d’accompagnement faites aux familles et se confrontent quotidiennement à un système de valeurs opposé à leur conception de la famille et au rôle éducatif. Sur ce point, Claire, l’orthophoniste, précise :

« Paradoxalement, peu de moyens éducatifs sont mis en place par la famille pour le développement de la personnalité de l’enfant sourd. Concernant la communication, peu d’efforts sont effectués par l’entourage familial pour échanger avec la personne sourde. Ainsi, l’appréhension du monde de l’enfant sourd en est biaisée, voire inconnue ».

De leur côté, les parents se sont adaptés à la déficience de leur enfant en élaborant des stratégies de communication, mais l’intervention de l’association dans la vie de ces enfants crée un écart avec la famille. Jean-Pierre, l’enseignant spécialisé, observe qu’« au sein des familles, la communication passe essentiellement par le mime, le pointage et quelques signes viennent ponctuer les échanges. Il existe une certaine compréhension entre les sourds et les membres de sa famille, mais reste souvent limitée aux actes de la vie quotidienne. Ce mode de communication ne permet pas d’aborder des questions de fond ».

L’exemple de Denise et ses filles jumelles, Danielle et Lila, nous a montré qu’une communication mimée, ou déficitaire, ne permet pas d’engager des conversations approfondies. Celles-ci, basées sur les actes de la vie quotidienne, ne traitent que de sujets concrets et occultent l’évocation des sentiments de mal-être ou de bien-être, de l’abstrait, ou de questions d’ordre existentiel. Concernant les jumelles, elles n’ont jamais été scolarisées et l’accompagnement avec l’association APADAG a débuté tardivement, ce qui explique certaines faiblesses dans le vocabulaire en LSF. Lila fait état de son accompagnement à l’APADAG et se réjouit des possibilités de rencontres qu’offre l’association. Elle raconte : « C’était bien. On échangeait en Langue des signes. On racontait des histoires. On se promenait à la crique, en forêt. Cela permettait la rencontre de sourds ayant une culture différente. […] ». Danielle, elle, apprécie le fait que quelques membres de sa famille signent. Elle souhaiterait cependant que cette pratique se généralise auprès de tous ou que certains améliorent leur niveau en Langue des signes. Elle précise :

« Je signe avec ma mère. Mais elle a peu de vocabulaire en Langue des signes. […]. Parmi mes sept frères et sœurs, j’ai une sœur jumelle qui est sourde avec qui je communique en Langue des signes. […]. J’ai une sœur entendante qui a appris la Langue des signes et avec qui je communique de manière fluide, […]. J’ai une autre sœur qui signe peu. Je regrette par ailleurs son comportement. En effet, elle ne souhaite pas faire d’efforts pour m’apporter des explications. […] ».

Le témoignage de Denise, mère de Lila et de Danielle, rejoint les propos de ses filles. En effet, elle explique que celles-ci ont dès leur plus jeune âge adopté une communication gestuelle : « Naturellement, mes filles ont adopté une communication gestuelle. Elles utilisaient le pointage et les mains pour communiquer. Nous nous sommes également adaptés à ce mode de communication. J’ai développé des facultés pour les comprendre, et elles aussi, grâce à l’expression du visage ». La mère de Philibert, Norma, fait la même constatation concernant la communication gestuelle :

« Pour revenir à la communication. A mon avis, s’il ne comprend pas ce que je lui dis en oralisant, il faut que j’accompagne la parole au geste. Je fais des signes. Sinon, il ne va pas tout comprendre ».

Si l’on part du postulat qu’« il n’existe pas de connaissance ou d’ignorance dans l’absolu » et qu’on promeut « l’interdépendance des connaissances scientifique et non scientifique », on considère donc que la stratégie adoptée par les mères noires marronnes qui consiste à considérer positivement le handicap – perçu comme la manifestation d’un ancêtre à respecter – favorise l’accueil de l’enfant. Souvent, c’est la rencontre avec l’association qui crée une mise à distance avec la société tout entière. En effet, la prise en charge vue par la société occidentale, isole les personnes en situation de handicap afin de les accompagner dans des structures spécifiques. En se basant sur l’équilibre proposé par l’Epistémologie du Sud, on peut considérer qu’une complémentarité des modèles peut être envisagée. D’un côté, en maintenant le regard positif des mères posé sur la déficience grâce aux savoirs noirs marrons qui expliquent les origines de la surdité en puisant dans la spiritualité. De l’autre, on est en mesure de proposer, grâce aux associations bâties sur le modèle occidental, un modèle de socialisation de ces enfants qui expliquerait les normes propres à la société française comme étant des propositions, au même titre que celles de leur culture d’origine. Le contact avec les entendants et les Français de l’Hexagone doit se transformer en prétexte pour aborder les questions liées à la diversité des cultures. La rencontre ne peut pas se limiter à la frustration, au manque, ou se concrétiser par l’envie de partir ou de reproduire un modèle occidental dans l’Ouest guyanais. Progressivement, nous pouvons imaginer que ces mères seront aptes à enrichir la Langue des signes, dans laquelle les mots et concepts noirs marrons auront leur place. Cet aspect est envisageable puisque les entretiens que nous avons menés pour cette recherche ont été traduits du français vers une langue nenge ou saamaka, traduite à son tour en une Langue des signes française adaptée pour communiquer avec des non-francophones.

Conclusion

L’approche par l’Épistémologie du Sud permet d’adopter une démarche visant à étudier la question de la surdité, non pas sous l’aspect médical mais plutôt avec sa réalité sociale et culturelle. Nous remarquons que les notions de déviance et de handicap sont souvent liées à la surdité par les sourds noirs marrons eux-mêmes et leur famille, alors que des éléments identitaires positifs existent. Les entretiens ont permis de mettre en évidence le fait que les familles non francophones non sourdes et souvent analphabètes, ont développé une conception positive du handicap qui favoriserait l’intégration des sourds et de leur famille si cette vision du monde était connue, reconnue et exploitée par les structures d’accueil. Cependant, ces dernières étant inspirées du modèle occidental qui représente la surdité comme une déviance par rapport à la norme, nous constatons que les spécificités culturelles animistes ne sont pas valorisées. Pourtant, celles-ci nous enseignent qu’une intelligibilité mutuelle entre les différentes expériences du monde est possible.

1 On peut aussi dire « Marron », mot issu de l’espagnol cimarrón qui signifie « sauvage ». Un glissement sémantique a donné à ce terme une connotation

2 Actuel Suriname.

3 Nous avons choisi d’utiliser les mots « sourd » ou « personne sourde » car « déficient auditif » n’est pas utilisé par les sourds eux-mêmes. De plus

4 Fille de parents sourds, Sabine Lalaurette maîtrise la LSF.

5 Expression en langue des signes qui signifie typiquement sourd.

6 L’entretien a eu lieu via Skype, logiciel permettant de passer des appels vidéo et vocaux dans le monde entier par l’intermédiaire d’internet.

7 L’entretien de Denise a été traduit par sa troisième fille Chantal et celui de Norma a été traduit par un ami prénommé Samuel. Nous avons conscience

8 Propos recueillis auprès de l’anthropologue Diane Vernon en 2013.

9 Ancêtre réincarné.

Bernard, A. « Déficits sensoriels, identité et filiation ». Revue Cliniques méditerranéennes, 64, 107-121. Repéré à : URL : <www.cairn.info/revue-cliniques-mediterraneennes-2001-2-page-107.htm.DOI : 10.3917/cm.064.0107>, 2001/2.

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1 On peut aussi dire « Marron », mot issu de l’espagnol cimarrón qui signifie « sauvage ». Un glissement sémantique a donné à ce terme une connotation liée à la résistance et au courage.

2 Actuel Suriname.

3 Nous avons choisi d’utiliser les mots « sourd » ou « personne sourde » car « déficient auditif » n’est pas utilisé par les sourds eux-mêmes. De plus, ce terme revêt une dimension médicale et, à certains égards, réductrice. Par ailleurs, en langue des signes française, il existe le signe « sourd » mais le terme de « déficient auditif » n’est jamais utilisé sauf pour faire état d’une situation vécue avec des personnes entendantes. Dans ce cas, on utilise ce que l’on appelle le français signé augmenté d’une expression du visage qui dénote un certain rejet de ce terme.

4 Fille de parents sourds, Sabine Lalaurette maîtrise la LSF.

5 Expression en langue des signes qui signifie typiquement sourd.

6 L’entretien a eu lieu via Skype, logiciel permettant de passer des appels vidéo et vocaux dans le monde entier par l’intermédiaire d’internet.

7 L’entretien de Denise a été traduit par sa troisième fille Chantal et celui de Norma a été traduit par un ami prénommé Samuel. Nous avons conscience que le recours à un intermédiaire peut influencer les réponses.

8 Propos recueillis auprès de l’anthropologue Diane Vernon en 2013.

9 Ancêtre réincarné.

Isabelle Hidair-Krivsky

INSPE-Université de Guyane, isabelle.hidair@gmail.com

Sabine Lalaurette

INSPE-Université de Guyane, sabine.lalaurette@gmail.com

licence CC BY-NC 4.0