Confiant l’équilibriste : entre opacité et lisibilité, la posture critique de Raphaël Confiant dans La Trilogie tropicale1

Lise Gauvin

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Lise Gauvin, « Confiant l’équilibriste : entre opacité et lisibilité, la posture critique de Raphaël Confiant dans La Trilogie tropicale  », Archipélies [En ligne], 11-12 | 2021, mis en ligne le 15 décembre 2021, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.archipelies.org/1104

Visant un double public, celui, immédiat, du lectorat antillais et celui, plus large, des lecteurs de langue française, Confiant s’adresse tout autant à un lecteur modèle, dont la fonction est de participer à l’élaboration des récits, d’en apprécier les enjeux, et avec lequel le narrateur-écrivain entretient une complicité de clins d’œil. Sa Trilogie tropicale/éditoriale, reproduisant la triade composée de l’écrivain et de ses publics, est une mise en évidence des enjeux institutionnels de la production littéraire en contexte francophone et de l’obligation faite au romancier de contribuer à sa propre édition critique, voire à sa propre défense et légitimation. Elle illustre de façon magistrale le rôle que joue la présence/absence du/des destinataire(s) à tous les niveaux d’une œuvre. Dans tous les cas, il s’agit de déjouer les habitudes de lecture, de déstabiliser ou de provoquer le lectorat tout en l’incluant, tout au moins de manière virtuelle, dans l’élaboration de l’œuvre. Travail d’équilibriste que doit accomplir le romancier entre une opacité consentie et la lisibilité indispensable à toute communication.

Targeting a dual audience, the immediate West Indian readership and the broader category of French-language readers, Confiant addresses both a model reader, whose function is to particpate in the development of narratives and to appreciate their issues, and with whom the narrator-writer maintains a dialogue of veiled references. His Trilogie tropicale/éditoriale, reproducing the triad consisting of the writer and his audiences, highlights institutional issues of literary production in the Francophone context and in the novelist’s obligation to contribute to his own critical edition, even to his own defence and legitimation. It masterfully illustrates the role that the presence/absence of the intended recipient(s) plays at all levels of the work. In all cases, this involves going against reading habits, unsettling or provoking readers while including them, at least virtually, in the creation of the work. A balancing act that the novelist must carry out between an agreed-upon opaqueness and the readibility indispensible to any communication.

Introduction

Co-signataire avec Jean Bernabé et Patrick Chamoiseau de l’Éloge de la créolité2, Raphaël Confiant a déjà publié poèmes, nouvelles et romans en créole quand paraît le manifeste. Son premier roman en français, Le Nègre et l’amiral, paraît chez Grasset en 1988. Rappelons que l’Éloge, à la différence du Cahier d’un retour au pays natal de Césaire, qui se voulait parole inaugurale, sans modèle antérieur, affiche d’emblée ses sources par des citations mises en exergue et attribuées à Ségalen, Césaire, Glissant et Fanon. Mais une fois de plus, l’identité s’exprime d’abord par une triple négation transformée en affirmation : « Ni Européens, ni Africains, ni Asiatiques, nous nous proclamons Créoles. Ce sera pour nous une attitude intérieure, mieux : une vigilance, ou mieux encore une attitude mentale3 ». Cette proclamation est aussitôt suivie d’un nouveau constat négatif : « La littérature antillaise n’existe pas ». Et les auteurs de préciser : « Nous sommes encore dans un état de prélittérature : celui d’une production écrite sans audience chez elle, méconnaissant l’interaction auteurs/lecteurs où s’élabore une littérature ». Les raisons de cette non-existence : le fait que l’ « histoire scripturale » des Antilles ait été frappée d’extérorité et « exotisée » par une expression mimétique et une « écriture pour l’autre », tant en langue française qu’en langue créole, telle que l’ont produite folklorisants (doudouistes) et régionalistes. Extériorité encore que la Négritude d’Aimé Césaire, considérée « anté-créole » parce qu’elle fait succéder au modèle européen celui d’une Afrique légendaire et inaccessible. À la pensée de l’Un, de l’universel et de la pureté, la créolité oppose la pensée du Divers et du multiple, déjà exprimée par Victor Segalen dans son Essai sur l’exotisme. Ce qu’à son tour Édouard Glissant reprend en précisant que « le Divers qui n’est pas le chaotique ni le stérile, signifie l’effort de l’esprit humain vers une relation transversale, sans transcendance universaliste4 ». Ces deux références données en note du manifeste en indiquent clairement les sources. Le texte littéraire sera voué à l’expression de cette réalité complexe, plongeant dans l’oralité tout en tenant compte des exigences de l’écrit, travaillant à l’épanouissement d’une « conscience identitaire » sans oublier l’ « irruption dans la modernité ». C’est ce que les signataires appellent « écrire au difficile ».

Du point de vue de la langue, il s’agit, pour les écrivains créoles, « d’accepter (un) bilinguisme potentiel et de sortir des usages contraints qu(ils) en (ont)5 ». Il faudra faire intervenir la « poétique de la langue créole » et, en cela, suivre l’exemple de ceux qui ont su « produire un langage dans la langue ». La notion de langage, telle que reprise dans l’Éloge, renvoie à Édouard Glissant, une fois de plus cité en référence : « J’appelle ici langage une série structurée et consciente d’attitudes face à (de relation ou de complicité avec, de réactions à l’encontre de) la langue qu’une collectivité pratique, que cette langue soit maternelle au sens que j’ai dit, ou menacée, ou partagée, ou optative, ou imposée. La langue crée le rapport, le langage crée la différence, l’un et l’autre aussi précieux6 ».

Quant à la langue française, elle n’est qualifiée de « langue seconde » que pour être mieux légitimée par la suite. Le texte est on ne plus clair sur cette question : « Nous l’avons conquise, cette langue française7». « La créolité, comme ailleurs d’autres entités culturelles, a marqué d’un sceau indélébile la langue française. Nous nous sommes approprié cette dernière. Nous avons étendu le sens de certains mots. Nous en avons dévié d’autres. Et métamorphosé beaucoup. Nous l’avons préservée dans moult vocables dont l’usage s’est perdu. Bref, nous l’avons habitée. En nous, elle fut vivante. En elle, nous avons bâti notre langage8. Il serait faux de confondre cette appropriation avec « du créole francisé ou réinventé » ou « du français créolisé ou réinventé » , car l’invention se situe d’abord au niveau des poétiques et de l’« acte littéraire ».

Telles sont donc les bases à partir desquelles s’est développé le mouvement de la créolité. Ainsi sont posées les questions du lectorat immédiat, de la langue ou mieux encore, du langage. L’exotisme y est défini comme une « production pour l’Autre », sans nécessité interne, donc par le fait même extériorisée. Comment ces principes se traduisent-ils en stratégies narratives ou recours scripturaux ? Dans un article de 1993, Jean Bernadé note, à propos de Confiant, une technique originale de prise en compte du créole et du français : 

Chez Confiant, au créolisme objectif est associé un créolisme fictif fondé sur une reconstruction, grâce aux ressources de l’ancien français, d’un créole donné comme authentique, mais puisant en fait sa sève dans le seul artifice de l’écriture. En effet, si un mot comme « belleté » (signifiant « beauté ») correspond à un authentique mot créole, en revanche le mot « jolivance » est une pure invention qui n’est donc pas plus du créole que du français. Ce mot appartient néanmoins à la « langue indigène » du récit confiantien. Par cette démarche [poursuit le critique], Confiant entend à travers son imaginaire langagier remonter aux sources historiques non seulement du créole mais encore du processus de créolisation tel qu’il s’origine également dans la langue française médiévale9.

De son côté, Confiant affirme s’adresser tout autant au public français qu’antillais. Il dit tenter de « récupérer certains modes de fonctionnement, non seulement de l’oraliture au sens strict du terme, mais aussi et surtout de la parole populaire que l’on appelle aux petites Antilles le « milan » et en Haïti le « lodyans » (audience)10 ». Et il précise :

Le créole est un fantastique conservatoire d’expressions à la fois d’ancien français et d’expressions normandes, poitevines ou picardes, et la réutilisation de tout ce matériau dans le français utilisé par les auteurs antillais de cette fin de XXe siècle, redonne à la langue française la vitalité qui était la sienne à l’époque de Rabelais. À mon niveau personnel, il m’aide à donner au lecteur antillais l’illusion de lire du créole. Aucun compliment ne me touche davantage que lorsqu’un lecteur me déclare avoir eu la curieuse impression d’avoir lu du créole à travers mes livres en français. Je fais donc doublement plaisir : aux Français de l’Hexagone parce qu’ils retrouvent une strate profonde et oubliée de leur propre langue : aux créoles parce qu’ils ont le sentiment ou l’illusion de lire leur propre langue vernaculaire.11 » Et encore : « J’écris pour deux types de lecteurs : d’abord pour les Martiniquais; quand j’écris, c’est eux que j’ai en tête. Mais j’écris aussi pour un lecteur virtuel mondial amoureux de la littérature. Je crois en une sorte de république des lettres à la française12.

Dans quelle mesure ces nouvelles pratiques, et le fait de s’adresser à des publics immédiats et éloignés, séparés par des acquis culturels et langagiers différents, par des historicités et des valeurs – le référentiaire – souvent conflictuelles, en arrivent-elles à dépasser les figures de la diglossie à l’œuvre dans le corps social ? Jusqu’à quel point réussissent-elles à éviter la déterritorialisation référentielle d’une part et, d’autre part, le piège de l’exotisme ? Quelles images du lectorat sont ainsi projetées ? C’est ce que je me propose d’examiner à partir des récits qui composent La Trilogie tropicale de Confiant, récits dans lesquels la position de l’écrivain – et celle de ses publics – reçoivent un traitement explicite.

1. Les lecteurs fictifs

La Trilogie tropicale13 se présente comme un roman en trois épisodes, ou mieux encore, trois propositions de roman, articulées autour de personnage d’Abel, à la fois narrateur et écrivain. Dans chacun des récits, des narrataires sont identifiés et entrent en relation avec l’instance d’énonciation. Il s’agit dans le premier volet, Bassin des ouragans (BO), d’une Dominicaine du nom d’Anna-Maria de la Huerta, dont Abel est amoureux, ou encore de Victor Saint-Martineau, ami et rival du narrateur auprès de la jeune femme. À l’hétérogénéité de l’instance d’énonciation, acteur-personnage mais également double du romancier, correspond ainsi un vous multiple et mutant, auquel le je raconte des événements qu’il a ou qu’elle a lui-même ou elle-même vécus. À ces narrataires diégétiques s’ajoutent les lecteurs fictifs auxquels le romancier destine ses récits et avec lesquels il entre en relation au moyen de signaux récurrents. Ces lecteurs fictifs, Confiant les divise lui-même en deux grandes catégories, les créoles et les « Français de l’Hexagone », qu’il interpelle dans Bassin des Ouragans sous l’appellation « Messieurs de l’Hexagone ». Nous pouvons à notre tour subdiviser la première catégorie en deux sous-groupes, les Antillais créolophones et les autres, qui partagent le même univers référentiel, et la deuxième en lectorat français hexagonal ou lectorat francophone hors-Hexagone. Mais laissons pour le moment ces subdivisions pour voir de quelle façon sont convoqués, dans le récit, les lecteurs francophones et créolophones.

Dès les premières pages, un commentaire métalinguistique atteste de la présence du double lectorat et une connotation négative est attachée à l’usage métropolitain : « Sa culbutoire, ou bien sa garçonnière comme on dirait en Français de France sur lequel, ô très sainte Académie, je chie… (BO, p. 12). Plus loin, le français sera qualifié de « dialecte », rien de moins : « Chaque fois qu’elle me criait à-moé (qu’elle m’appelait au secours, dit-on en dialecte hexagonal » (BO, p. 40). Le mot « dialecte » revient pour qualifier la langue des médias parsemée de mots anglais (BO, p. 56).

La difficulté de s’exprimer pour Abel est liée à ce qu’il nomme une « langue d’emprunt », inapte à décrire certaines réalités antillaises :

Sans se retourner, le zigoto m’apostropha en ces termes : « Eh, Abel ! Viens m’aider au lieu de bâiller aux corneilles », complètement insoucieux du fait que cette variété d’oiseaux n’existât point dans le ciel azuréen et édénique des Antilles (Ah ! Quelle sacré tonnerre de misère que d’être contraint et forcé d’utiliser une langue d’emprunt ! On se sent presque aussi gauche que le beauf qui loue un smoking pour aller diner chez Maxim’s avec bobonne à l’occasion de leurs noces d’argent) (BO, p. 46).

Remarquons ici que la comparaison utilisée pour expliquer la difficulté langagière est empruntée à la culture française hexagonale, voire parisienne (chez Maxim’s) ainsi qu’à son lexique particulier (bobonne, le beauf).

On constate toutefois que la majorité des parenthèses explicatives donnent préséance au français martiniquais sur celui de la métropole, comme dans l’exemple suivant : « Djobeur (ou « porte-faix comme ils jargouinent là-bas) » (BO, p. 20). Ou encore : « Manquant de nous faire chalvirer (ici on ajoute un « l », alors ne nous emmerdez pas, hein ?) dans le dalot » (BJ,19). Il arrive également qu’on souligne les différences régionales : « vitement pressé (disent ces Messieurs de la Martinique), vitement dépêché (disent ces bonnes gens de la Guadeloupe) » (BO, p.39).

À quelques reprises cependant, l’usage français est énoncé en premier lieu, pour souligner, par exemple, l’aspect cliché de certains expressions : « À pas de loup – bien que cette sorte d’animal-là n’existât pas dans nos contrées exotiques » (BO, p. 36). On remarque ici que l’explication s’accompagne d’un imparfait du subjonctif, temps que Confiant manie avec la plus grande dextérité. Ou encore, à cause de la référence à Rabelais : « Un appétit gantagruélien (ou d’agoulou-grand-falle comme nous préférons dire par ici) » (BO, p. 41).

Par ailleurs, tout au long du récit, le romancier parsème son texte de d’archaïsmes (« doulce », « nostre isle », « esbaudir » ), de créations lexicales obtenues par composition (« peine-à-jouir ») ou dérivation (« couillonnaderie »), ce dernier procédé étant toutefois plus courant en français régional qu’en créole, selon M.C. Hazaël-Massieux14. En mixant ainsi style très littéraire – imparfaits du subjonctifs, mots savants, phrases complexes –, tournures empruntées à l’oralité populaire et expressions en français créolisé, souvent données sans explications, tel le « final de compte » qui revient à la manière d’un leitmotiv, Confiant donne au lecteur « l’illusion de lire du créole », comme il l’atteste lui-même. Et cela bien que dans le premier volet de la Trilogie, le créole ne soit jamais cité directement.

Dans La Savane des pétrifications (SP), Abel, qui se présente comme un « écriveur à la notoriété interplanétaire » (SP, p. 64) mime le discours du conteur pour interpeller aussi bien les auditeurs que les lecteurs :

Et alors, mesdames et messieurs de la compagnie, est-ce que la cour dort ? Non, la cour ne dort pas ! Eh ben, écouteurs qui m’écoutez, lecteurs qui me lisez, voyeurs qui me voyez, je vous annonce qu’à cet instant précis, moi, le maître de la parole ancestrale venue des fins fonds de notre mère l’Afrique… » (SP, p. 66).

Et le récit de se terminer par une formule de conte : « Nous nous marierons pour vivre longtemps et avoir beaucoup d’enfants » (SP, 131).

Comme dans Bassin des Ouragans, inventions lexicales et sémantiques (le mot « voltiger » par exemple, est employé dans le sens de « voler » (SP, 67) voisinent avec des commentaires métalinguistiques. L’expression « noyau de mangue » appelle une longue explication pour être ensuite transformée en « graine de mangot », avec les sous-entendus que le mot « graine » laisse supposer dans la culture créole (SP, 67). Quant au mot « chabin », il est accompagné de la définition suivante : « un mélange insensé de nègre fou et de Caucasien barbare, un être qui a hérité des pires défauts des deux ethnies les plus antagonistes de l’univers ». Définition aussitôt suivie d’une parenthèse métacritique : « vu la fréquence avec laquelle j’emploie ce dernier terme, j’espère qu’il n’y aura plus aucun honorable membre de la lumpen-nomenklatura littéraire martiniquaise pour m’accuser de faire de la littérature nombriliste » (SP, 72). Le narrateur, par contre, ne se gêne pas pour employer à plusieurs reprises le terme d’ « en-ville », à propos duquel il ironisait dans le premier volet de la Trilogie.

La Baignoire de Joséphine (BJ) reprend sensiblement les mêmes procédés que dans les récits précédents, avec cette différence toutefois que le narrateur s’adresse directement aux lecteurs, qu’il interpelle à plusieurs reprises, notamment pour noter ses lacunes: « ô lecteur qui ignore la langue de Cervantès » (BJ, p. 142) Ou encore : « ô lecteurs peu familiers des mœurs martiniquaises » (BJ, 155). L’aspect ludique des effets de langue est dans ce récit plus appuyé. Il y est question d’« avalasses de larmes » (BJ, p. 136), d’une rue qui « charivarait » (BJ, p. 143), ou d’un teckel diglotte, celui d’Abel, capable de japper en français ou en créole, selon les circonstances. Abel lui-même est qualifié de « mismartinicanthrope » (BJ, p. 156). À un certain moment, un mot d’abord donné en français, puis traduit en créole sans italiques, est assorti d’une explication pseudo-savante : « Une odeur de pieds. De choubichou comme on dit en créole (n’y vois aucune nègrerie, cher lecteur d’ailleurs, car ce mot vient tout simplement de Chabichou, le nom d’un camembert hexagonal) » (BJ, p. 188). Et ce narrateur de déclarer sans ambages : « Je hais les Nègres à cravate et à bel français » (BJ, p. 156).

La Trilogie tropicale s’adresse à un double lectorat, l’un, le public antillais, dont on valorise l’usage en le prenant en compte de façon récurrente15, l’autre, le public hexagonal et francophone, à qui on explique le sens de certains mots ou de certaines expressions. Sachant que tout commentaire ou toute glose donne à la culture du récepteur un statut supérieur à celle du producteur, Confiant corrige la hiérarchie ainsi connotée par des remarques ironiques et dépréciatives concernant l’usage franco-français. Ainsi peut-il en arriver à un compromis acceptable, ce qui lui permet, selon Rainier Grutman, de textualiser la diglossie : 

En dépassant une vision essentialiste des langues pour mettre l’accent sur leurs interrelations dialogiques, [cette textualisation] instaure une logique inclusive (ET/ET) plutôt qu’exclusive (OU/OU) et indique une troisième voie à l’écrivain francophone. Le double effet dont parle Confiant, référentiaire (référence) dans le cas des lecteurs français, référentiel (référent) dans celui des lecteurs créoles, l’aide à dépasser la logique de la double contrainte qui caractérise sa situation périphérique16.

Dans ces conditions, le terme même de diglossie paraît inadéquat puisque le clivage social (diglossique) entre les langues est transformé en polyphonie narrative et textuelle17. Quoi qu’il en soit, la dualité langagière créole/français ne rend compte que partiellement du rapport écrivain-publics tel qu’il s’instaure dans la Trilogie. Existe également une autre instance ou une troisième catégorie de lectorat à qui le romancier destine ses récits et que je nommerai archi-lecteur. Soit un lecteur modèle, critique ou romancier faisant partie de la République des Lettres, porté par son travail – ou par son statut s’il s’agit d’un pair – à juger et à qualifier les œuvres des contemporains. Ce lecteur fictif est un lecteur appréciatif, appartenant à l’un ou l’autre des publics virtuels déjà identifiés, et avec lequel l’un des avatars du je, qui pour l’occasion se confond avec l’auteur lui-même, entre en relation interactive.

2. Une mise en scène parodique

C’est à ce lecteur, déjà bien au fait du monde littéraire, que sont destinées tout particulièrement les marques d’autodérision dont Confiant truffe ses récits : « Ma grand-mère […] elle qui, du temps de sa jeunesse, courait par monts et par vaux, ou plus exactement par mornes et par ravines, pour parler à la manière de ces clowns de la créolité » (BO, p. 33). Et de manière tout aussi appuyée : « ou peut-être quelque incendie quelque part à travers la ville (ou l’En-ville comme préfèrent écrire les types de la créolité pour faire exotique « (BO, p. 52). C’est cet archi-lecteur encore qui est visé par des phrases comme celle-ci. : « … en a qui trouvent que je proustifie trop » (BO, p. 49). D’autre commentaires sont de nature esthétique: « Loin de moi la tentation de verser dans le réalisme merveilleux à l’haïtienne où le moindre héros possède huit paires de couilles ou dans le baroque sud-américain pour épater les distingués critiques littéraires de la rive gauche. Ni – horreur et damnation – dans le réalisme socialiste puisqu’il s’est effondré bien avant le mur de Berlin » (BO, p. 42).

Par ce métadiscours ironique, Confiant se parodie lui-même, jusque dans l’usage de ses parenthèses : « non équivoque (ou équivoque – dans les deux cas on aboutit au même sens) » (BO, p. 42). Il parodie également une certaine image de l’écrivain et un certain mythe de la profondeur, sous les traits du poète dandy Axel Timonier, « versificateur tropical de haut vol » dont toute l’œuvre est centrée sur le sentiment de l’irréversibilité de la mort » (BO, p. 37). Il n’épargne pas non plus « la poésie surréaliste » de celui qu’il nomme le Nègre fondamental, « Amadeus César », le seul à pouvoir se permettre l’usage de métaphores telles que « cheveux dans le vent », « puisque ceux du Nègre ne peuvent être bousculés en aucune manière par le vent le plus furieux » (BO, p. 51).

Bref, c’est l’ensemble de l’institution littéraire martiniquaise qui est ainsi mise en cause avec son critique littéraire incompétent, lequel ferait mieux, selon Abel, de « se contenter de nous informer de naufrages, de marins péruviens ou d’ensevelissements de chinetoques suite à des tremblements de terre, au lieu de s’égarer sur les sentiers périlleux de l’analyse littéraire) » (BO, p. 51). Le même Abel attend impatiemment la critique que Jocelyne Servignon du Monde aurait dû normalement consacrer au formidable roman du célébrissime Albert Normandeau, publié (ou en voie de publication) aux Éditions du Seuil » (BO, p. 28).

Dans La Savane des pétrifications, le narrateur Abel se rapproche encore davantage de l’écrivain Confiant, qui n’hésite pas à déclarer, en parlant d’un professeur de l’université de Trifouillis-les-oies, Jérôme Garnier, venu en Martinique observer de près ses sujets d’étude : « n’étais-je pas, moi et mes potes de la créolité, désormais son nouveau fonds de commerce et lui, qu’il le veuille ou non, notre VRP ? » (SP, p. 93). À ce « négrologue » décontenancé par la « nouvelle idéologie macaronique, arlequinade et patchworkinienne » (SP, p. 89) des tenants de la créolité et qui reproche à ces derniers d’abuser des créolismes et des néologismes, le narrateur répond que plusieurs des mots que l’on perçoit comme des créolismes – tel le mot racontage – existent déjà dans Hugo. Et de déclarer : « Vous voyez, vous autres Hexagonaux, ne connaissez plus que le dialecte de TF1, alors je vous en prie, cessez vos accusations linguicides à notre rencontre. C’est nous les Zoulous qu’on va réanimer la langue française ! » (SP, p. 107). Retenu dans la liste des Goncourt, le romancier Abel aurait même rigolé en entendant l’un de ses concurrents déclarer : « Je suis confiant » (SP, p. 106).

À côté de ces justificatifs, on note encore la pratique de l’autodérision. L’expression « la culbute d’une puce » appelle la parenthèse suivante : « (expression créole ringarde remise à l’honneur, on ne sait trop pourquoi, par les tenants de la créolité dont la principale préoccupation semble-t-il, est de déterrer les vieilleries langagières) » (SP, p. 118). Le même narrateur, par contre, ne se gêne pas pour employer à plusieurs reprises le terme d’En-ville qu’il raillait dans le récit précédent.

Les écrivains martiniquais nommés dans La Savane des pétrifications, le poète Andréas Bladère, ou le romancier Hubert Badineau sont, soit mal compris par le critique du Nouvel observateur, Julius Poulidor, soit injustement méconnu et ignoré des grandes maisons d’éditions françaises. Rien à voir avec Camomille Bèzmoilà, l’écrivaine africaine de Belleville, « dont le succès parisien prouvait, si besoin en était, que dans ce milieu-là, une femme doit posséder non seulement de l’entregent mais surtout beaucoup d’entre-jambes » (SP, p. 95).

En représentant de manière caricaturale les principaux acteurs de la scène littéraire, et en s’incluant dans cette vision parodique, Abel, qui se dit le « greffier d’un imaginaire débridé », expression qu’il aurait empruntée à Chamoiseau, se montre conscient des risques liés aux choix qui sont les siens. Mieux encore, le romancier déjoue ses propres détracteurs en leur décrivant avec humour la scénographie du rapport écrivain/lecteurs tel qu’il s’institue aux différents niveaux de la réception d’une œuvre.

L’autoréflexivité se poursuit dans La Baignoire de Joséphine. On y apprend qu’Abel le narrateur, rédige une thèse de doctorat sur « Le concept de vert dans la poésie blanco-européenne moderne » (BJ, p. 139) mais aussi qu’il a déjà écrit des best-sellers (BJ, p. 157), voire même La Savane des pétrifications (BJ, p. 183). L’identification du je avec le romancier est on ne peut plus évidente. C’est ce même je qui, une fois de plus, se permet de régler ses comptes avec l’institution littéraire martiniquaise, en attaquant les théories d’un pseudo-linguiste SDF (sans diplôme fiable) ou encore « les ratés de la littérature qui [lui] en voulaient à mort d’être célèbre, eux qui n’étaient universellement connus qu’entre Schoelcher et Macouba » (BJ, p. 172). Ces membres en règle du Cercle des écrivains des tropiques viennent de lancer une nouvelle revue, Ortolan, avec la collaboration d’ « hexagonaux à la caucasienne voyante ». Parmi ceux-ci, un certain Danny Pigeon, négrologue patenté de l’université de Perpète-les-Oies, a osé accuser Abel d’avoir inventé les termes « énumérable », « inexpuisible » ou « heureuseté », alors que n’importe quel dico du XVIIe siècle, voire plus tard le Littré, attestaient de l’existence des mots en question » (BJ, p. 173). Là encore, il appartient au lecteur modèle, celui qui fait profession de lire ou d’écrire, celui qui a suivi les débats entourant le mouvement de la créolité, d’acquiescer ou non aux arguments d’Abel dont la voix se confond avec celle du romancier Confiant. Justifications et accusations se présentent alors comme un contre-manifeste, une sorte d’épilogue à une œuvre qu’il est nécessaire de défendre ou à tout le moins, d’expliquer dans une mise en scène textuelle savante, qui inclut son propre protocole de lecture.

3. Cohabitation pacifiée et posture critique

D’une manière générale [écrit Jean Bernabé], pour les écrivains antérieurs à Césaire ou ceux de sa génération et pour beaucoup encore aujourd’hui, le problème a été – et est encore – non pas : « faut-il écrire en français ou en créole ? » mais : « comment dire en français (dans une territorialité scripturale portée par la langue française) la réalité antillaise (le référentiel et le référentiaire antillais) ». La langue française se trouve alors chargée d’une multitude de procurations contradictoires : elle doit tenir son rôle, mais aussi celui d’autres instances linguistiques exclues de la narrativité. C’est-à-dire que la stratégie du recours est appelée à être la stratégie centrale de l’écriture antillaise dite d’expression française.

Et Bernabé d’ajouter :

En raison de l’hybridation qu’il favorise et de la double appartenance qu’il suggère, le créolisme devient, nous semble-t-il, le recours par excellence, du moins pour les écrivains qu’interpelle le créole18.

Pour Confiant, le recours a consisté d’abord à se créer un « double ironique, parodique et fraternel19», personnage porte-parole dont l’une des fonctions principales est d’interpeller directement les diverses instances de réception du texte. Le recours a consisté également à inventer un style puisé à même les ressources conjuguées de la langue française et de la langue créole, tout en mélangeant habilement archaïsmes et néologismes. « Bref, de conclure Katia Lévesque au terme de ses analyses, il s’agit moins d’inscrire l’oralité créole, que de faire passer la langue des récits pour telle20 ». C’est ce que Confiant désigne de son côté comme « l’illusion de lire du créole ». Dans un numéro du Magazine littéraire, le romancier déclare :

Marié d’abord au créole. Marié en secondes noces avec le français, il m’arrive aussi d’avoir des liaisons avec l’anglais et l’espagnol. […] Je me bats pour que cette cohabitation pacifiée entre le créole et le français que j’ai réussi à établir en moi-même puisse s’étendre à toute ma société21

Cohabitation pacifiée qui rejoint l’imaginaire de la langue créole mais qui n’exclut pas un certain clivage ou une distance entre les différents publics visés, distance accusée par la nécessité de la traduction ou de la parenthèse explicative.

Dans un des romans postérieurs à la Trilogie, Brin d’amour, on retrouve sensiblement les mêmes effets, avec cette fois une surabondance de néologismes. Les mots « jalouseté », « haïssance », « insolenceté », « doucereuseté », etc.. voisinent avec des commentaires métalinguistiques. À titre d’exemple, celui-ci :

Le planteur ignorait, du haut de sa noblesse coloniale, que c’était le rire et le rire seul qui avait permis au nègre de supporter les mille et un tourments de l’esclavage d’abord, puis de l’esclavitude après l’abolition, néologisme plein de désabusement forgé par la négraille elle-même pour décrire sa nouvelle condition22».

L’héroïne du roman, Lysiane, est une liseuse qui est aussi une écriveuse. Dans un de ses carnets, elle note ses réflexions sur la société martiniquaise :

On comprendra le ridicule achevé des investigations du détective Amédien, le grotesque des éditoriaux triomphants du journaliste Casoar, tous deux formés dans le moule du déni de soi et de la suffisance gratuite23.

Lysiane poursuit ainsi la tradition des délégués à la parole, tradition que l’on retrouve aussi bien chez les auteurs de la créolité que chez d’autres romanciers francophones.

Conclusion

On peut se demander jusqu’à quel point ces stratégies énonciatives, qui ont à la fois étonné et séduit le public français et francophone, ne sont pas devenues des procédés désormais attendus et normalisés. Jusqu’à quel point ne font-elles pas partie d’un nouveau réalisme qui, comme le disait Barthes de celui du XIXe siècle, crée des effets de réel et une forme de pittoresque langagier ou d’exotisme par la langue et, osons le mot, une nouvelle préciosité. D’où précisément les lectures exogènes qui ne cessent de célébrer les « trouvailles », alors que les lecteurs et critiques martiniquais sont davantage sceptiques24. À ceux-là, l’écrivain Abel répond dans La Trilogie tropicale par l’autodérision ou l’accusation d’ignorance.

Souscrirait-il encore a à l’affirmation du manifeste, à l’effet que la littérature antillaise n’existe pas, faute d’une véritable interaction écrivain-lecteurs ? La question qui se pose aujourd’hui est de savoir quelle est la part de risque dans les recours scripturaux de certains romanciers de la créolité. En d’autres termes, y a-t-il une post-créolité ? Si oui, quelle est-elle ? Peut-être serait-il plus juste de parler d’une métacréolité dans la mesure où l’écrivain lui-même devient son propre critique en choisissant de mettre en scène, voire de parodier, le discours produit par les diverses instances littéraires. Dans La Trilogie tropicale, métafiction et posture critique deviennent garants de légitimité.

Visant un double public, celui, immédiat, du lectorat antillais et celui, plus large, des lecteurs de langue française, Confiant s’adresse tout autant à un lecteur modèle, dont la fonction est de participer à l’élaboration des récits, d’en apprécier les enjeux, et avec lequel le narrateur-écrivain entretient une complicité de clins d’œil. Sa Trilogie tropicale/éditoriale, reproduisant la triade composée de l’écrivain et de ses publics, est une mise en évidence des enjeux institutionnels de la production littéraire en contexte francophone et de l’obligation faite au romancier de contribuer à sa propre édition critique, voire à sa propre défense et légitimation. Elle illustre de façon magistrale le rôle que joue la présence/absence du/des destinataire(s) à tous les niveaux d’une œuvre.

Éviter la « transcendance universaliste » (Glissant) et faire passer une culture et ses langages dans l’écrit, tels sont les principaux enjeux auxquels sont confrontés les écrivains francophones. Car la question est moins d’utiliser tel ou tel lexique emprunté à des langues autres que le français ou à des usages différents de cette même langue que de trouver une forme qui autorise les différents recours que doivent inventer ces écrivains pour rendre leurs textes accessibles à des publics aussi bien endogènes qu’exogènes. Les stratégies sont variées, qui vont de la note explicative à la mise en scène de personnages porte-parole de l’écrivain qui le doublent. Mais là encore, il s’agit d’abord de poétiques. Celle de Chamoiseau comme celle de Kourouma mettent en cause le rapport réalité/fiction en brouillant les pistes. D’autres, comme Confiant, choisissent de représenter les modalités de réception d’une œuvre en mettant en scène les divers publics auxquels ils s’adressent.

Dans tous les cas, il s’agit de déjouer les habitudes de lecture, de déstabiliser ou de provoquer le lectorat tout en l’incluant, tout au moins de manière virtuelle, dans l’élaboration de l’œuvre. Travail d’équilibriste que doit accomplir le romancier entre une opacité consentie et la lisibilité indispensable à toute communication. D’où peut-être l’humilité nécessaire au lecteur qui, d’emblée, sait qu’il ne pourra pas épuiser tous les sens d’un texte. La polysémie indispensable à toute œuvre littéraire se trouve ainsi exemplifiée par les avancées des romanciers qui, pour rendre compte de la complexité de leur situation, ont été forcés d’inventer de nouvelles modalités de fiction.

Dans un monde où l’idée de globalisation coïncide le plus souvent avec celle d’uniformisation, l’écrivain francophone a pris le parti de transformer son intranquillité25 en poétique du doute et de l’incertain, bref, en interrogation sur le pour qui et le pour quoi écrire.

1 Ce texte est une version modifiée du chapitre intitulé « La trilogie éditoriale de Raphaël Confiant », dans Lise Gauvin, Écrire, pour qui ? L’

2 Gallimard/Presses universitaires créoles, 1989.

3 Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, Éloge de la créolité, p. 13.

4 Édouard Glissant, Poétique de la relation, cité dans Éloge de la créolité, note 42.

5 Éloge de la créolité, p. 44.

6 Édouard Glissant, Le Discours antillais, cité dans Éloge de la créolité, note 29, p. 69.

7 Éloge de la créolité, p. 46.

8 Ibid., p. 47.

9 Jean Bernabé, « De la négritude à la créolité : éléments pour une approche comparée », Études françaises, « L’Amérique entre les langues », numéro

10 Raphaël confiant, « Questions pratiques d’écriture créole », dans Ralph Ludwig dir, Écrire la parole de nuit. La nouvelle littérature antillaise

11 Ibid., p. 180.

12 « Raphaël Confiant », dans Paola Ghinelli, Archipels littéraires, Montréal, Mémoire d’encrier, 2005, p. 63.

13 La Trilogie tropicale, qui comprend Bassin des ouragans, La Savane des pétrifications et La Baignoire de Joséphine, a été publiée successivement

14 Citée par Katia Lévesque dans La créolité, entre tradition d’oraliture créole et tradition littéraire française, Québec, Nota Bene, 2004, p. 95. On

15 Remarquons toutefois que les passages en créole sont très peu nombreux dans les deux derniers récits, réservés à des situations de crise.

16 Rainier Grutman, « La textualisation de la diglossie », dans Des Cultures en contact, Jean Morency et al, dir., Québec, Éditions Nota Bene, 2004, p

17 Pour une discussion de cette question, voir L.Gauvin, « La place du marché linguistique : le ducharmien », Études françaises, « L’Amérique entre

18 Jean Bernabé, « Contribution à une approche glottocritqu de l’espace littéraire antillais », La Linguistique, vol. 18, 1982, p. 85-109, p. 104.

19 L’expression est utilisée par Jean Bernabé dans son roman Le bailleur d’étincelles, Paris, Écriture, 002, p. 206.

20 Katia Lévesque, ouv. cité, p. 133.

21 Raphaël Confiant, « De la bigamie linguistique », dans « Défense et illustration des langues françaises », Magazine littéraire, mars 2006, p.

22 Raphaël Confiant, Brin d’amour, Paris, Mercure de France, 2001, p.225

23 Ibid., p. 230.

24 En effet, souligne Katia Lévesque après Richard Burton, si l’idée de la créolité a été reçue de manière très positive en France, à la Martinique

25 Voir Lise Gauvin, « D’une langue l’autre. La surconscience linguistique de l’écrivain francophone », dans L’écrivain francophone à la croisée des

Bernabé, Jean, « De la négritude à la créolité : éléments pour une approche comparée », Études françaises, « L’amérique entre les langues », numéro préparé par L. Gauvin et J. Jonassaint, vol.28, n°s 2-3, 1993, p. 23-38.

Bernabé, Jean, « Contribution à une approche glootocritque de l’espace littéraire antillais », La Linguistique, vol. 18, 1982. p. 85-109.

Burton, Richard D.E., Le roman marron. Études sur la littérature martiniquaise contemporaine, Paris, L’Harmattan, 1997.

Confiant, Raphaël, « De la bigamie linguistique », dans « Défense et 
illustration des langues françaises », Magazine littéraire, mars 2006, p. 46. 


Confiant, Raphaël, « Questions pratiques d’écriture créole », dans Ralph Ludwig dir, Écrire la parole de nuit. La nouvelle littérature antillaise, Paris, « Folio essais, 1994, p. 171-180.

Lévesque, Katia, La créolité, entre tradition d’oraliture créole et tradition littéraire française, Québec, Nota Bene, 2004.

Gauvin, Lise, « La place du marché linguistique : le ducharmien », Études françaises, « L’Amérique entre les langues », vol. 28. n°s 2-3, 1993, p. 105-120.

Gauvin, Lise, « D’une langue l’autre. La surconscience linguistique de l’écrivain francophone », dans L’écrvain francophone à la croisée des langues, Paris , Karthala, [1997] 2006, p. 5-15.

Ghinelli, Paola, dans Archipels littéraires, Montréal, Mémoire d’encrier, 2005.

Grutman, Rainier, « La textualisation de la diglossie », dans Des Cultures en contact, Jean Morency et al, dir., Québec, Éditions Nota Bene, 2004, p. 201-222.

1 Ce texte est une version modifiée du chapitre intitulé « La trilogie éditoriale de Raphaël Confiant », dans Lise Gauvin, Écrire, pour qui ? L’écrivain francophone et ses publics, Paris, Karthala, 2007, p. 107-125.

2 Gallimard/Presses universitaires créoles, 1989.

3 Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, Éloge de la créolité, p. 13.

4 Édouard Glissant, Poétique de la relation, cité dans Éloge de la créolité, note 42.

5 Éloge de la créolité, p. 44.

6 Édouard Glissant, Le Discours antillais, cité dans Éloge de la créolité, note 29, p. 69.

7 Éloge de la créolité, p. 46.

8 Ibid., p. 47.

9 Jean Bernabé, « De la négritude à la créolité : éléments pour une approche comparée », Études françaises, « L’Amérique entre les langues », numéro préparé par L. Gauvin et J. Jonassaint, vol. 28, n°s 2-3,1993, p. 23-38, p. 36.

10 Raphaël confiant, « Questions pratiques d’écriture créole », dans Ralph Ludwig dir, Écrire la parole de nuit. La nouvelle littérature antillaise, Paris, « Folio essais, 1994, p. 178.

11 Ibid., p. 180.

12 « Raphaël Confiant », dans Paola Ghinelli, Archipels littéraires, Montréal, Mémoire d’encrier, 2005, p. 63.

13 La Trilogie tropicale, qui comprend Bassin des ouragans, La Savane des pétrifications et La Baignoire de Joséphine, a été publiée successivement aux éditions des Mille et une nuits en 1994, 1995 et 1997. J’utilise ici l’édition plus récente de 2006, publiée chez Mémoire d’encrier (Montréal). Les références données entre parenthèses renvoient à cette édition.

14 Citée par Katia Lévesque dans La créolité, entre tradition d’oraliture créole et tradition littéraire française, Québec, Nota Bene, 2004, p. 95. On se reportera à cette étude pour un répertoire complet des marques d’oralité dans La Trilogie tropicale.

15 Remarquons toutefois que les passages en créole sont très peu nombreux dans les deux derniers récits, réservés à des situations de crise.

16 Rainier Grutman, « La textualisation de la diglossie », dans Des Cultures en contact, Jean Morency et al, dir., Québec, Éditions Nota Bene, 2004, p. 218.

17 Pour une discussion de cette question, voir L.Gauvin, « La place du marché linguistique : le ducharmien », Études françaises, « L’Amérique entre les langues », vol. 28. nos 2-3, 1993.

18 Jean Bernabé, « Contribution à une approche glottocritqu de l’espace littéraire antillais », La Linguistique, vol. 18, 1982, p. 85-109, p. 104.

19 L’expression est utilisée par Jean Bernabé dans son roman Le bailleur d’étincelles, Paris, Écriture, 002, p. 206.

20 Katia Lévesque, ouv. cité, p. 133.

21 Raphaël Confiant, « De la bigamie linguistique », dans « Défense et illustration des langues françaises », Magazine littéraire, mars 2006, p. 46.

22 Raphaël Confiant, Brin d’amour, Paris, Mercure de France, 2001, p.225

23 Ibid., p. 230.

24 En effet, souligne Katia Lévesque après Richard Burton, si l’idée de la créolité a été reçue de manière très positive en France, à la Martinique, elle a suscité l’indifférence, voire l’hostilité, et notamment parce que « beaucoup de lecteurs martiniquais sont rebutés par ce qu’ils perçoivent comme une écriture aliénée et aliénante, bourrée de néo-exotismes, sans parler de ces “ craintivement ”, “en final de compte ” et “vagabondageries ” qui sont pour eux dérisoires ». Richard Burton, Le roman marron. Études sur la littérature martiniquaise contemporaine, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 265, cité par Lévesque, ouv. cité, p. 157.

25 Voir Lise Gauvin, « D’une langue l’autre. La surconscience linguistique de l’écrivain francophone », dans L’écrivain francophone à la croisée des langues, Paris, Karthala, [1997] 2006, p. 5-15.

Lise Gauvin

Université de Montréal, lise.gauvin@umontreal.ca

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