Pourquoi la question des discriminations multiples et croisées, et surtout pourquoi aux Antilles ?

Gilbert Elbaz

References

Electronic reference

Gilbert Elbaz, « Pourquoi la question des discriminations multiples et croisées, et surtout pourquoi aux Antilles ? », Archipélies [Online], 6 | 2018, Online since 15 November 2018, connection on 08 October 2024. URL : https://www.archipelies.org/242

Ce travail est dédié à ma mère, à ma sœur.
Je tiens à remercier le professeur Corinne Mencé-Caster, ancienne directrice du CRILLASH et ancienne présidente de l’Université des Antilles, pour son soutien continu à tous les projets scientifiques que j’ai proposés, fussent-ils à contre-courant des champs battus.
Mes remerciements vont aussi aux évaluateurs sans lesquels ce numéro d’Archipélies n’aurait pas été possible. Bien sûr, je remercie tous les auteurs pour avoir participé au colloque international ainsi qu’à la réalisation de ce numéro qui, je l’espère, contribuera à une meilleure compréhension des discriminations. Enfin, toute erreur trouvée dans ce numéro est de mon entière responsabilité.

La discrimination la plus étudiée sur ce territoire d’où nous parlons, n’est-elle pas basée sur la couleur de la peau ? Sur ce que certains appellent la « race », à laquelle ils croient encore ? C’est bien sûr une évidence. Mais n’est-ce pas aussi le travail des chercheurs de toutes disciplines que de questionner l’évidence ? Surtout lorsque ce qui rassemble toutes les discriminations semble être une source commune : la norme. Ce concept est investi d’un pouvoir énorme, celui d’imposer aux autres comment être, paraître, comment penser, avec qui s’aligner et contre qui s’indigner : c’est la maîtresse de maison, celle qui donne des ordres, qui sanctionne, qui honore, déshonore. Ainsi ceux qui ne se conforment pas à la norme ne bénéficient-ils généralement pas de son accès au pouvoir.

Certains critiquèrent mon idée de réaliser ce colloque international sur les discriminations multiples et croisées, car ce dernier ne s’alignait pas à la tradition d’étudier l’esclavage ou d’étudier les effets de la colonisation. D’autres, adeptes du concept d’intersectionnalité, me reprochèrent d’avoir inclus des thématiques différentes de celles généralement étudiées dans ce cadre théorique, telles que la classe, le genre et l’ethnicité. Bien sûr, je passe sur ceux qui, ouvertement racistes, homophobes ou sexistes, s’opposèrent tout simplement à ce projet.

Les critiques fusèrent de tous bords, des racistes aux anti-racistes, des féministes aux sexistes, car aucun ne semblait réellement y trouver son compte. Ce colloque qui ne correspondait à aucune « catégorie » généralement prêchée à l’université perturbait. Ou plutôt, « l’idée » de ce colloque était déjà source de perturbation. Mais était-ce réellement une mauvaise chose que de perturber l’ordre établi ?

À mon grand étonnement, une partie du financement que j’avais sollicité me fut accordée, me permettant ainsi d’inviter deux chercheures de renom : la professeure de sciences politiques Diane Lamoureux de l’Université Laval, au Québec, et la professeure de sociologie et d’anthropologie Stéphanie Mulot de l’Université de Toulouse. Lamoureux explicita la portée théorique du paradigme de l’intersectionnalité et Mulot en donna une brillante illustration dans le contexte des Haïtiens vivant avec le VIH dans les Antilles françaises.

Malgré l’opposition au colloque, je commençai à percevoir que certains dans l’administration, ceux qui avaient financièrement soutenu cet évènement, ainsi que les chercheurs de renom qui avaient accepté d’y participer, et les autres peut-être moins connus, mais dont les recherches étaient tout aussi intéressantes, et enfin et surtout, le public qui était venu en grand nombre au point de remplir un amphithéâtre, tous pointaient l’importance du colloque. Ils constituaient une majorité que l’on avait peut-être réduite au silence, mais qui s’était discrètement exprimée pour répondre à l’appel d’une manifestation scientifique qui leur donnait enfin raison : vos doléances comptent, vos souffrances sont réelles et, aussi diversifiées qu’elles soient, leurs sources pourraient très bien être semblables, communes et au final, unificatrices.

Les actes du colloque se divisent en cinq parties :

  • Une première partie, « théorique », inclut l’article de Diane Lamoureux qui explicite le paradigme de l’intersectionnalité, l’article de Stéphanie Mulot qui se penche sur la question de l’épidémie du VIH/SIDA en Guadeloupe, en se focalisant sur un groupe d’immigrés, les Haïtiens. Enfin, l’article de Maryse Jotham, dans cette première partie, traite du concept de blanchité et contient une réflexion significative sur la portée théorique de l’intersectionnalité.

  • Une deuxième partie, « historique », inclut les articles de Nadia Chonville, de Liz Ovalles et de Philip Sadikalay, qui se penchent respectivement sur les concepts de sexualité, de genre et de mouvement social dans le passé.

  • Une troisième partie, « représentation », comporte les articles de Yolande-Salomé Toumson et d’Agnès Aurore, l’une mettant en exergue les problèmes liés à la représentation d’une célèbre réalisatrice de cinéma caribéen, et l’autre, les problèmes liés à la représentation des femmes africaines américaines dans des séries télévisées étatsuniennes.

  • Une quatrième partie, « expérience », comprend les articles de Marlène Montagne, et Céliane Romany, qui soulèvent les questions de handicap visible et invisible au sein du système éducatif.

  • Enfin, une cinquième partie, « mobilisation contemporaine », inclut les articles de Rita Bonheur, Stéphanie Melyon-Reinette et Steve Gadet, qui analysent, d’une part, les mobilisations intersectionnelles autour de la violence contre les femmes, l’afro-féminisme, et d’autre part, le mouvement social étatsunien connu sous le nom de « Black Lives Matter ».

1. Théorie

Afin d’atteindre une meilleure compréhension du concept d’intersectionnalité d’un point de vue théorique, il est logique d’ouvrir ces actes par l’article de Diane Lamoureux, « Luttes contre les injustices et construction des solidarités ».

Brillant dans son fond et dans sa forme, cet article dresse les principales caractéristiques du concept d’intersectionnalité, défini comme les différentes sources de domination qui pèsent sur un même sujet. D’emblée, Lamoureux se positionne sur le plan politique, car c’est l’endroit d’où l’on peut pointer l’injustice et la combattre. Peu de situations, nous rassure-t-elle, dominent totalement l’individu, qui a toujours un espace de subjectivation et d’agentivité. Trois stratégies sont souvent déployées pour maintenir la domination : premièrement, l’altérisation, une façon de nommer ceux qui ne respectent pas la norme comme « autre », et essentiellement néfaste, surtout lorsqu’ils s’organisent en mouvements sociaux, précipitamment taxés de mouvements identitaires. Deuxièmement, l’autre est défini de façon binaire comme moindre, comme inférieur. Troisièmement, cette caractérisation est « bien sûr » un fait de nature, sans histoire, sans rapport aux structures profondément inégales de la société. Le triptyque définit donc l’autre, celui qui ne respecte pas la norme, comme néfaste, inférieur, et essentialisé.

Selon Lamoureux, le processus de subjectivation n’est pas seulement un acte d’introspection, c’est aussi un moyen politique d’agir en se départant du mépris des agents normatifs, de se créer un espace avec d’autres qui souffrent de discriminations semblables ou différentes, de s’unir, de s’entraider et d’agir contre les sources de domination. Les différents visages de la domination exigent de la solidarité de la part des individus qui y sont assujettis. Cette solidarité n’est pas productrice d’homogénéité, au contraire, elle exploite les différences de chacun pour célébrer un « plurivalisme », cette tension entre les spécificités et l’universalisme. Lamoureux n’est pas dupe des formulations rapides et reconnait que cette solidarité pluriverselle implique des risques que chacun doit prendre. L’interculturalisme alimente la solidarité et implique l’hybridation, l’altération, le respect entre cultures. Au final, la solidarité est indissociable de la liberté, de l’inclusion et de l’égalité. En citant plusieurs exemples de solidarité, Lamoureux conclut d’une part que la coalition est la meilleure forme d’interaction entre les groupes, et d’autre part, qu’il n’existe pas de solution globale à notre « vivre ensemble », seulement des solutions partielles, toujours en délibéré ; la mobilisation continue, dynamisant la démocratie en tant que conversation infinie…

En introduction de son étude sur la question de la prévention à l’infection du VIH en Guadeloupe, Stéphanie Mulot définit son cadre intersectionnel. Le rôle du chercheur en anthropologie et en sociologie est d’identifier des mécanismes sociaux qui transforment les différences individuelles telles le sexe, la classe, le phénotype, ou la religion, en différences structurelles telles les inégalités systémiques au niveau de la santé, au niveau de la prévention sanitaire, pouvant aussi déboucher sur des discriminations multiples et souvent croisées. Tout comme Patricia Hill Collins et Sirma Bilge, mais aussi Diane Lamoureux, Mulot voit en l’analyse intersectionnelle des discriminations un moyen de comprendre les « constructions » et les stratégies de mobilisation des « subjectivités » (Collins et Bilge, 2016).

C’est dans le cadre intersectionnel de son étude que Mulot est en mesure d’analyser et de comparer les constructions des hommes et des femmes de la Guadeloupe, en prenant soin d’y inclure un groupe d’immigrés, les Haïtiens, déjà stigmatisés au niveau social, et encore plus dans le contexte de l’épidémie du VIH/SIDA.

Alors qu’au niveau de l’épidémiologie du SIDA, les chercheurs ont identifié le multi-partenariat comme facteur primordial du risque d’infection par le VIH, Mulot met en garde contre ce genre de généralités qui occultent les méandres de la culture et surtout le différentiel de pouvoir que les subjectivités doivent constamment naviguer. Ainsi, bien qu’il nécessite la participation des deux sexes, le multi-partenariat est jugé dans la culture antillaise comme indice d’immoralité pour les femmes et, paradoxalement, de virilité pour les hommes. Cette même grille socioculturelle sert aussi de point de référence dans la négociation de l’utilisation du préservatif, souvent perçu dans la société antillaise, comme une invention de « Blancs ».

Dans le contexte de l’épidémie du VIH/SIDA, les Haïtiens vivant en Guadeloupe représentent un groupe particulièrement vulnérable aux discriminations multiples et croisées puisque même dans cette ancienne colonie, ils se retrouvent au bas de l’échelle sociale et sont souvent stigmatisés en tant que population à haut risque d’infection par le VIH. Selon Mulot, cette stigmatisation tend à essentialiser, à « ethniciser » la « dangerosité » de ce groupe à travers des pratiques culturelles, notamment le vaudou. Situés à la marge de la société guadeloupéenne, les Haïtiens sont particulièrement vulnérables à des discriminations multiples sur la base de leur statut légal ou non, et de leur culture. Étrangement, ces discriminations font écho aux discriminations que les Haïtiens vivant aux États-Unis avaient connues dans les années 1980, lorsque le gouvernement les avait inclus dans la liste des groupes à haut risque d’infection par le VIH. La particularité des Haïtiens vivant en Guadeloupe, c’est qu’ils sont discriminés de façon croisée par une culture qui, historiquement, a elle-même souffert de discriminations et devrait être à même de les comprendre et de les aider. Mulot identifie ce mécanisme d’ethnicisation de l’identification du risque, et plus généralement de l’épidémie du VIH/SIDA en Guadeloupe, à un moyen de consolider l’identité insulaire, qui n’est pas sans rappeler les réactions nationalistes et conservatrices de l’hexagone : pointer le différent pour affirmer le semblable.

En s’appuyant sur une analyse intersectionnelle dans un contexte postcolonial qui inclut des facteurs structurels, culturels, mais aussi individuels, Mulot conclut qu’il est important de mettre sur pied des programmes de soins adaptés aux besoins réels des personnes séropositives, ainsi que des programmes de prévention sur la base d’études scientifiques et non d’un imaginaire culturaliste ethnicisant.

Dans son essai, « Blanchité, discrimination et intersectionnalité », Maryse Jotham se penche sur le concept de « blanchité » qui, logé dans une analyse intersectionnelle, permet de mieux appréhender les relations de pouvoir nées de l’esclavagisme. Selon Jotham, ce concept de blanchité n’a pas totalement disparu avec l’esclavage et ses survivances se manifestent encore dans le racisme bien présent dans les sociétés modernes. Par exemple, le binarisme chromatique, l’opposition artificielle blanc/non blanc, déjà pointée du doigt par Franz Fanon (1952), est une construction du dominant imposée au dominé. En contraste, l’approche intersectionnelle pose que les groupes sociaux, même dans une dynamique de pouvoir, sont engagés dans un processus interactionnel à partir duquel doit se dégager l’analyse des rapports de domination. Faisant écho aux Whiteness studies, Jotham s’éloigne des auteurs postcoloniaux classiques pour se rapprocher de la perspective intersectionnelle et interactionnelle de Paul Gilroy (1993), elle-même étayée par la philosophie hégélienne qui avait déjà identifié dans la dialectique du maître et de l’esclave un processus de co-substantiation et de co-fabrication identitaire (1977).

2. Histoire

L’intersectionnalité est une perspective qui peut s’appliquer à des phénomènes passés comme le démontre Nadia Chonville dans son excellent article, « L’homophobie aux Antilles : réappropriation d’un obscur héritage colonial ». Sa thèse principale repose sur l’idée que la colonisation a importé l’homophobie dans les sociétés antillaises. S’inspirant des queer studies, Chonville définit l’homophobie comme une arme de contrôle utilisée pour forcer les individus à se conformer aux normes sociales de sexe et de genre. C’est avec éloquence qu’elle déclare : « Si l’hétéronormativité est apprise à travers des discours sexistes, il semble que ce soit à travers des méthodes homophobes qu’elle se fasse respecter en Martinique, notamment chez les jeunes garçons ». Une des conséquences principales de cette nouvelle approche est que l’homophobie ne menace pas seulement les homosexuels, mais tous les membres de la société qui transgressent les normes de sexe et de genre, indépendamment de leur objet sexuel.

Durant l’esclavage nous informe Chonville, la mesure de sang blanc déterminait la mesure de l’humanité des individus. Dans ce système chromatique, le Noir se trouvait au bas de l’échelle humaine, au même niveau que les animaux. Perçu également comme animal hypersexuel, le Noir se trouvait au carrefour de différentes discriminations, de différentes essentialisations intersectionnelles.

Chonville identifie l’origine du discours homophobe aux Antilles dans l’héritage culturel gréco-romain ainsi que dans les textes sacrés judéo-chrétiens. Contrairement à la perception populaire, la culture gréco-romaine n’était pas inconditionnellement favorable aux pratiques homosexuelles, mais les codifiait de façon très rigide afin de marquer des rites de passage vers la masculinisation du jeune garçon. Passé la puberté, un homme passif était perçu comme une femme, comme un esclave.

C’est durant la colonisation, selon Chonville, que les empires coloniaux ont introduit dans leur cadre légal les textes judéo-chrétiens contre l’homosexualité, dont le Lévitique est le plus emblématique, afin de renforcer leur domination des peuples américains. L’abolition de l’esclavage n’a pas emporté avec elle l’homophobie, puisque les Etats antillais, indépendants ou décolonisés, ont maintenu ces mêmes textes, les élevant au statut de politique nationale.

In fine, afin de mieux comprendre les origines de l’homophobie, ses cibles et ses mutations, la recherche historique de Chonville souligne l’importance de porter un regard croisé sur l’interaction des différents types de pouvoir sociétaux, fussent-ils chromatiques, sexuels, statutaires, religieux ou économiques.

Dans un registre totalement différent, mais tout autant historique, l’article de Liz Ovalles, « Héros nationaux officiels versus héroïnes nationales oubliées : le cas de Manuela Sáenz au Venezuela », questionne l’effacement des femmes héroïnes de l’histoire à laquelle elles participent pourtant très activement. L’article offre une parfaite application du paradigme de l’intersectionnalité en se penchant sur le cas de Manuela Sáenz qui, malgré son statut de bâtarde, n’en deviendra pas moins maîtresse de Simon Bolivar, au côté duquel elle s’investira corps et âme à l’émancipation des pays de l’Amérique du Sud de l’emprise espagnole.

L’analyse des diverses discriminations vécues par Sáenz sur la base de sa naissance illégitime, de son statut de femme, de maîtresse, de sa bisexualité, s’opère dans un cadre intersectionnel mettant à jour l’effacement systémique de l’histoire de cette femme, et plus généralement, l’effacement de cette femme de l’histoire.

En conclusion, Ovalles constate que si la société vénézuélienne semble avoir récemment remédié à cet effacement historique en réhabilitant la mémoire de Sáenz, elle est loin d’avoir corrigé la stratification structurelle qui maintient les femmes, y compris les héroïnes, au bas de l’échelle sociale, culturelle et historique. Ainsi la mémoire historique de Sáenz ne peut-elle être réhabilitée, selon les autorités vénézuéliennes, qu’au côté de Bolivar, et derrière la longue liste des héros mâles. Le temps n’est donc pas encore venu, selon Ovalles, de célébrer les héroïnes à leur juste valeur.

Dans la continuité historique de l’article d’Ovalles, l’article de Philip Sadikalay, « Le geste Jazz et la condition noire féministe : Une étude comparée des dissonances », tente aussi de réhabiliter la mémoire des femmes qui se sont investies dans le mouvement des droits civiques et dans le jazz, mais qui sont restées, pour la plupart, dans l’obscurité historique.

L’investissement des femmes a été crucial dans la logistique organisationnelle du mouvement des droits civiques, nous rappelle Sadikalay, mais également plus tard, dans la rédaction des législations anti-discriminations non seulement sur la base de la couleur de la peau, mais aussi sur la base du sexe. Protagonistes incontestables du mouvement des droits civiques, même si elles ont été « gommées » par certains historiens conservateurs, elles ont indubitablement guidé ce mouvement vers la voie intersectionnelle, un phénomène souligné par le Critical race feminism.

Instrument fédérateur d’une communauté maintes fois meurtrie, le jazz la nourrit, la préserve et la renforce au niveau esthétique, tout autant que politique. Le jazz n’est pas qu’une référence musicale pour les femmes, puisque, comme le souligne éloquemment Sadikalay, on le retrouve dans la littérature : Toni Morrison ne s’inspire-t-elle pas du call and response dans la construction de ses romans ?

Cette ingénieuse analyse met en parallèle les dissonances typiques du jazz avec les stratégies employées par les féministes noires, comme si ces dernières y trouvaient une source d’inspiration directe. Totalement investies dans le jazz, les femmes noires n’en ont pas moins été discriminées par les hommes, fussent-ils blancs ou noirs, un contexte intersectionnel qui les maintiendra durant de longues années dans l’ombre historique.

3. Représentation

Dans son article, « Lecture du cinéma caribéen féminin francophone », Yolande-Salomé Toumson offre une analyse du processus de marginalisation de la réalisatrice martiniquaise Euzhan Palcy. D’emblée, cette dernière affirme son unicité, sa marginalité, en révélant que d’être jeune, femme et noire a été un handicap formidable dans son expérience hollywoodienne. De plus, elle affirme sa résistance à l’establishment cinématographique, qui l’a pourtant consacrée, en refusant de reproduire le discours que ce dernier attend d’elle.

Après avoir été couronnée de nombreux prix, Palcy avoue avoir reçu de nombreuses offres de réalisations de films et de les avoir refusées, car elles ne correspondaient pas à sa conception créatrice, à sa philosophie. Toujours opposée à être cataloguée dans un style, son approche cinématographique et discursive est multiple, comme le sont les discriminations croisées auxquelles elle fait référence dans ses films. Selon Toumson, Palcy ne surmonte pas les discriminations, elle les transforme en « contraintes de création ». L’œuvre de Palcy ne peut donc être qu’un acte créateur toujours en lutte que Toumson qualifie de « contre-culture cinématographique, régionaliste et féministe ».

À la fois consacrée par l’establishment cinématographique et marginalisée par ce dernier, qui veut absolument la limiter à un style, à une catégorie de réalisatrice, Palcy souffre au final d’un paradoxe qui semble ignorer sa parole, son positionnement multiple, sa propre définition de l’acte créateur.

La représentation des femmes noires, non pas au grand écran, mais au petit écran cette fois-ci, c’est le sujet de l’article d’Agnès Aurore, « Discriminations dans Being Mary Jane ». Selon Aurore, la diversité des femmes noires a rarement été représentée dans les séries étatsuniennes. Limitées par les stéréotypes de la Jezabel, de l’hypersexuée, de la prostituée ou de la superwoman, les séries étatsuniennes ont activement participé à l’effacement des biographies multiples et variées des femmes noires. La recherche a montré que la cause de ce phénomène de stéréotypisation se trouve du côté de la production de ces séries : les hommes blancs. Cependant, Aurore note que l’apparition d’hommes noirs du côté de cette même production a en fait produit peu de changements dans la représentation des femmes noires.

Aurore entreprend donc d’analyser les changements, s’il y en a, dans les séries étatsuniennes produites, écrites et réalisées par des femmes noires. En analysant Being Mary Jane, elle note que le personnage principal, une femme noire, professionnelle, affiche tous les marqueurs de la réussite et en cela déconstruit un certain nombre de stéréotypes. Cependant, cette représentation positive de la femme noire n’échappe pas au final, selon Aurore, au stéréotype de l’hypersexualisation. La différence d’avec les autres représentations, c’est qu’elle est plus subtile, même si elle tombe tout de même dans le piège de la stéréotypisation. Selon Aurore, les femmes noires n’ont pas besoin de reprendre à leur compte les critères définitoires des stéréotypes. Au contraire, elles ont besoin de créer leurs propres critères et d’élaborer ce que Stuart Hall (1973) conceptualise comme le « champ des possibles ». En conclusion, bien qu’il y ait amélioration indubitable de la représentation des femmes noires par les femmes noires, comme le montre l’analyse de la série Being Mary Jane, les productrices et réalisatrices noires n’ont pas encore réussi, selon Aurore, à se défaire totalement de l’emprise des stéréotypes.

4. Expérience

Dans son article « Parcours scolaire des élèves en situation de handicap : égalité des droits et des chances vs. cumul d’inégalités », Marlène Montagne se penche sur les discriminations multiples infligées par le système scolaire et universitaire aux élèves en situation de handicap.

Étrange de parler de discrimination dans ce contexte alors que la loi de 11 février 2005 oblige les établissements scolaires à créer des conditions de travail assurant l’égalité des chances pour les personnes en situation de handicap. Montagne identifie deux failles structurelles contrevenant aux objectifs de la loi : l’inefficience des institutions et l’inégalité des ressources mobilisables par les parents.

Le poids des facteurs sociaux, selon Montagne, notamment la politique de l’établissement et l’inégalité des ressources des parents, détermine le degré de sévérité de la situation de handicap. Ce constat s’applique même à l’aspect biophysique du handicap, puisque les facteurs sociaux, et eux principalement, déterminent, selon Montagne, la sévérité du vécu de la situation de handicap.

Un exemple criant de cette injustice est le processus d’orientation qui s’opère en fonction des incompétences séparant l’élève de la norme au lieu de se focaliser, selon Montagne, sur ses capacités, sur ses projets et ses désirs. Cependant, la situation de handicap n’est pas traitée de façon ouvertement discriminatoire, ni de façon volontairement inclusive. Il s’agit plutôt d’un entre-deux où la situation de handicap de l’élève dépend souvent, selon Montagne, des ressources mobilisées par les parents.

Bien que ces deux auteures ne se connaissent pas, Marlène Montagne et Céliane Romany se rejoignent parfaitement dans leur réflexion sur les discriminations qui frappent les personnes en situation de handicap dans le système scolaire et universitaire.

Céliane Romany décrit son expérience du handicap dit invisible et de la discrimination quotidienne qui en découle. Comme son nom l’indique, le handicap invisible est un terme générique qui regroupe un ensemble de troubles non apparents affectant socialement les personnes atteintes sans que personne ne s’en rende compte. Romany remarque justement qu’au contraire des handicaps physiques facilement visibles, ce qui pose problème pour le handicap invisible, c’est l’absence de manifestations visibles, son invisibilité, et bizarrement, la croyance selon laquelle il suffit de vouloir pour pouvoir guérir le handicap.

Le deuxième constat significatif de l’étude de Romany, c’est que plus le niveau universitaire est élevé, plus les aménagements sont rares ou absents. En dépit des lois qui les protègent, les personnes en situation de handicap invisible déploient une grande partie de leur énergie, d’une part à « prouver » qu’elles vivent réellement un handicap, et d’autre part, à faire face à des institutions d’enseignement du plus haut niveau qui doutent de la véracité de leur handicap, l’ignorent ou tout simplement, refusent d’y consacrer les ressources nécessaires afin qu’elles puissent compléter leurs études. Romany ajoute donc un élément supplémentaire à l’analyse intersectionnelle de Montagne : le défaut de reconnaissance du handicap invisible, lequel représente paradoxalement la majorité des handicaps officiellement répertoriés.

5. Mobilisations contemporaines

Après l’expérience de la discrimination, certains parleront de subjectivation de la discrimination, la cinquième et dernière partie de ces actes traite des mouvements sociaux qui n’acceptent pas, ne se soumettent pas et réagissent à la discrimination, quelle qu’en soit la nature. Ils offrent, non pas des postures victimaires, mais des modes pensées, d’analyse qui permettent de comprendre les cadres intersectionnels dans lesquels ces discriminations s’inscrivent, et à partir desquels peuvent être définis des modes d’actions efficaces.

Différent dans sa forme tout autant que dans son fond, l’article de Rita Bonheur, « Femmes, discriminations et violences : L’expérience militante de l’Union des Femmes de Martinique », affiche un style qui ne se veut pas universitaire, mais ouvertement politique. Il répond à un des objectifs du colloque : inclure des non-universitaires qui ont une longue expérience de mobilisation contre les discriminations.

L’organisation de l’Union des Femmes de Martinique donne la parole à toutes celles qui sont exclues du système, et ceci depuis 1944. S’attaquant de front à toutes les injustices frappant les femmes, inégalités économiques, racisme, sexisme, monoparentalité majoritairement féminine, pour n’en citer que quelques-unes, l’organisation y apporte des solutions concrètes en créant des espaces pour des femmes victimes de violence domestique, en organisant des forums de discussions, en interpellant les médias et les politiques. En un mot, l’organisation ne se limite pas au discours, mais s’implique réellement pour aider les femmes de la Martinique, en y incluant aussi celles qui ne sont pas nées en Martinique, une façon de valoriser la diversité des expériences féminines de l’île.

En fait, selon les militantes, connaître l’histoire des femmes en Martinique, c’est une façon d’y restituer la diversité des expériences et des visages féminins. L’histoire témoigne de la constante citoyenneté des femmes de l’île, et sa connaissance donne aux femmes contemporaines un moyen de mieux croire en soi, et au final, un modèle à suivre. Afin de produire une conscience plus éclairée, mais aussi de multiplier les interventions dans l’arène sociale, les militantes ont créé « le mois de l’histoire des femmes en Martinique », affirmant ainsi leur citoyenneté croissante dans une société encore marquée par la domination masculine.

Il faut reconnaître que depuis sa naissance en 1944, l’organisation a baigné dans l’intersectionnalité bien avant que cette perspective ne devienne à la mode dans les cercles universitaires et ne soit récemment élevée par eux au rang de paradigme. Ces derniers n’ont-ils pas donc beaucoup à apprendre des militantes ?

Dans son article, « Contre Misogynoire, des Caribéennes francophones entre Black Feminism et Afro-féminisme », Stéphanie Melyon-Reinette soulève spécifiquement la question de l’implication des Caribéennes francophones dans le contexte d’action sociale contre la discrimination qu’elle nomme Misogynoir, c’est-à-dire l’ensemble des « manifestations et comportements discriminatoires à l’égard des femmes noires et de couleur, basés tout à la fois sur le sexisme, le racisme et le colorisme ».

D’emblée, Melyon-reinette cherche à identifier les racines de l’Afro-feminisme en France, représenté par le collectif MWASI, et de ses influences, en particulier le Black feminism. L’Afro-feminisme n’est-il qu’une réplique exacte du Black feminism se demande Melyon-Reinette ou a-t-il développé ses propres caractéristiques ?

La culture caribéenne est faite du traumatisme de l’esclavage, lui octroyant automatiquement un cadre intersectionnel, car la violence subie est tant physique que symbolique. Si le Noir, bien-meuble, n’a aucun droit sauf celui de servir le Blanc, même en tant que « bête » sexuelle, la « Négresse », elle, est non seulement hypersexualisée, mais souffre constamment de violences sexuelles. Pour autant, Melyon-Reinette constate que le genre n’a été abordé qu’avec beaucoup de timidité par les auteurs post-coloniaux. Elle les critique ouvertement pour avoir contribué à l’effacement de la mémoire historique des femmes, pourtant constamment impliquées dans les luttes contre l’esclavage, la discrimination, et les autres sources d’injustice. En cela, elle rejoint les thèses de Liz Ovalles et de Philip Sadikalay.

Alors que la société caribéenne contemporaine permet aux hommes de « courir », les femmes doivent se respecter. De cette inégalité culturelle, il devrait logiquement découler l’émergence d’un féminisme, mais Melyon-Reinette constate que ce n’est pas le cas. Le féminisme noir caribéen, à l’instar du féminisme noir étatsunien, émergera pour répondre aux discriminations multiples et croisées auxquelles font face les femmes noires dominées par un patriarcat à la fois blanc et noir.

Ces discriminations se logent dans un contexte spécifiquement antillais. Malgré l’abolition de l’esclavage et l’avènement de la départementalisation, les Antillais n’en restent pas moins étrangers sur le territoire hexagonal. Le BUMIDOM, politique d’emplois officiellement élaborée pour attirer des milliers d’Antillais frappés par le chômage, ne sera qu’un leurre. En France, ils sont reçus par un regard racialisé, discriminant, et symboliquement violent. C’est dans ce contexte discriminatoire que le féminisme noir caribéen émergera, celui de la décolonisation, des migrations, de la Négritude.

Selon Melyon-Reinette, la source première des afro-féminismes est le Black Feminism, un modèle étatsunien. Pour exemple, le collectif MWASI refuse tout lien avec l’État, prône l’indépendance financière, prêche la transmission intracommunautaire du savoir par et pour les femmes noires. Ce collectif anti-hiérarchique s’implique dans de nombreuses thématiques, telles que la reconnaissance de la diversité des femmes noires, y compris celles qui refusent l’hétéronorme et luttent contre les discriminations multiples et croisées, ce qui inclut la lutte pour la réparation de l’esclavage et de la colonisation, mais aussi la lutte contre la violence domestique, quelle que soit la couleur de l’homme qui en est la cause.

Inextricablement lié au black feminism, Black Lives Matter (BLM), le mouvement étudié par Steve Gadet dans son article « Black Lives Matter : Analyse d’une réaction citoyenne face à la brutalité policière aux États-Unis », reprend la tradition des mouvements féministes anti-hiérarchiques qui optent pour une dynamique de coalitions. Affirmant avec fierté leur identité lesbienne, trois femmes noires ont créé BLM en réaction aux brutalités policières. Ce mouvement propose une analyse intersectionnelle de : la pauvreté, l’incarcération disproportionnée des minorités ethniques, la discrimination contre les sans-papiers, contre les personnes vivant avec un handicap, contre les personnes non hétéronormées, enfin, de l’hypersexualisation des Africaines-américaines.

Faisant écho au mouvement des droits civiques ou plus récemment aux mouvements féministes, ou plus récemment encore, au mouvement contre le SIDA, BLM utilise copieusement la désobéissance civique. Ses organisations se sont multipliées sur tout le territoire des États-Unis, s’invitant même au Canada.

Conjointement à d’autres mouvements, BLM a réussi à conscientiser la population civile et la communauté politique au problème de la brutalité policière, d’aucuns parleront de violence d’État, même si le bilan final affiche encore un solde négatif.

Enseignements

L’organisation de ce colloque a été pour moi une expérience de vie, en fait un partage d’expériences. Surtout celles des autres participants. J’ai appris comment, de différents points de vue, les individus comprennent la discrimination et, pour certains, la vivent. Il est difficile, d’aucuns diront interdit, d’établir des règles universelles, mais ce qui est certain, c’est que chacune des contributions montre clairement que la situation de discrimination dépasse rapidement la posture victimaire pour endosser celle de l’analyste, puis du combattant.

La passivité n’est pas une option. Il faut réfléchir, puis réagir. La discrimination est donc source d’analyse, puis d’action. Plus généralement, elle permet d’appréhender les dynamiques au sein de la société et surtout de comprendre comment le pouvoir se définit, s’impose, mais aussi comment il peut être questionné et, il faut l’espérer, renversé par les personnes discriminées.

Diane Lamoureux, dans son approche franchement politique, nous exhorte à la solidarité pour mieux affronter cet ennemi de la différence, ce condensé de pouvoir. Mulot de son côté nous met en garde contre la victime qui se transforme en bourreau. Maryse Jotham nous invite à questionner les termes de base de notre langage quotidien, tels que blancs, noirs, cette perception chromatique de la société qui nous réduit tous à l’état de couleurs, mais de couleurs stratifiées. Il faut donc questionner, tout questionner, même le langage que nous utilisons, car il inflige aux personnes, à des communautés tout entières, des violences symboliques auxquelles il est très difficile d’échapper.

La discrimination n’est pas seulement un phénomène moderne, elle est omniprésente dans l’histoire, en particulier dans sa forme invisible. Ainsi Nadia Chonville nous enseigne que l’homophobie, même si le terme n’existait pas encore à l’époque, se retrouve bel et bien dans la culture antique que l’on pensait pourtant libérale par rapport aux pratiques sexuelles entre personnes de même sexe. L’homosexualité est en fait un rite de passage vers l’hétérosexualité, et n’a donc pas d’existence reconnue en soi, malgré sa pratique assidue. Adulte, l’homosexuel est condamné, vilipendé, féminisé, et donc rendu invisible en tant qu’être.

L’invisibilité, ce sont surtout les femmes qui en sont atteintes. Au cœur de la révolution vénézuélienne, Manuela Sáenz sera pendant de longues années ignorée des historiens, nous explique Liz Ovalles, pour n’être que maladroitement réhabilitée au côté des vrais héros masculins. Pointant la même discrimination, Philip Sadikalay analyse la situation des femmes musiciennes de jazz, engagées dans le mouvement des droits civiques. Gommées de l’histoire, elles aussi le seront totalement, malgré leur engagement vital dans ce mouvement. La forme de la discrimination, quelquefois, c’est donc de ne pas avoir de forme du tout. C’est l’invisibilité, être invisible, ou rendre l’autre invisible.

Si elles ne sont pas atteintes directement d’invisibilité, elles sont réduites à des stéréotypes, qui cachent donc leur visibilité réelle. En particulier à la télévision. Agnès Aurore, qui s’est penchée sur la représentation des femmes noires, trouve que ces dernières sont réduites à certains personnages : celui de l’hystérique, de la colérique, ou de l’hypersexuelle. En fait, même lorsque les femmes deviennent productrices de ces séries, Aurore note qu’il est difficile pour elles de se défaire totalement de ces stéréotypes.

Euzhen Palcy, réalisatrice cinématographique martiniquaise, vit, elle, un paradoxe plutôt inhabituel, nous explique Yolande Salomé-Toumson, celui d’être « reconnue » sans être vraiment « connue » par l’establishment d’Hollywood, qui la réduit à des catégories contre lesquelles elle s’élève vigoureusement. Les stéréotypes n’éliminent donc pas l’invisibilité, ils la rendent paradoxalement invisible. Cela parait redondant, mais ils rendent effectivement invisible l’invisibilité en proposant une représentation erronée des personnes et donc en les maintenant au final dans une situation d’invisibilité.

Étrangement, alors que l’invisibilité semble être l’arme de prédilection de la discrimination, cette dernière arbore une approche totalement différente dans le cas d’élèves en situation de handicap, selon que le dernier est visible ou invisible. Les élèves en situation de handicap se trouvent souvent prisonniers d’un paradoxe où on peut leur reprocher trop de visibilité s’ils sont en situation de handicap physique, ou pas assez s’ils sont en situation de handicap invisible. Visibilité et invisibilité sont donc ici, selon les humeurs de la discrimination, les armes utilisées par cette dernière pour infliger son fléau.

Enfin, de nouveaux mouvements sociaux se sont créés pour porter la question des discriminations et des injustices sur la place publique, une façon de briser l’invisibilité de ceux qui ne se sentent pas représentés par le système politique. Le premier exemple de mouvement social étudié ici est l’Union des Femmes de Martinique qui, selon Rita Bonheur, soulève, entre autres, la question de la violence domestique et des injustices socio-économiques qui frappent tout particulièrement les femmes de l’île. MWASI est un autre exemple de nouveau mouvement social constitué majoritairement de femmes afro-caribéennes qui s’attaquent au problème du racisme, du sexisme et de l’homophobie. Enfin, Steve Gadet, à travers son analyse du mouvement Black Lives Matter, né aux États-Unis, met au jour les brutalités policières contre les Noirs. Ce mouvement rappelle les mouvements sociaux des années 1960, qui fonctionnaient en coalition. Il refuse le modèle hiérarchique et le soutien politique, et utilise abondamment les médias.

Au moment où le monde semble passer par une transition sans vraiment en connaître la destination, au moment où le sentiment de ne pas être représenté par les politiques se fait de plus en plus sentir chez le citoyen ordinaire respectueux des règles normatives, il ne serait pas étonnant que ce dernier prête une oreille plus attentive à ce que proclament ces nouveaux mouvements sociaux au sujet des injustices, des discriminations multiples et croisées, et en particulier au niveau de l’écart grandissant, au quotidien et de façon exponentielle, entre les plus grandes richesses et les plus démunis. Cette injustice peut susciter le sentiment de ne pas être pris en compte par ceux qui pensaient faire partie du clan, produire un sentiment d’invisibilité. Seul le futur dévoilera si cette population nouvellement atteinte par l’injustice sociale et économique, en fait la majorité d’entre nous, se joindra aux nouveaux mouvements sociaux pour œuvrer à la réalisation d’une société plus juste dans tous ses aspects.

Collins, Patricia Hill. Bilge, Sirma. Intersectionality. Cambridge, UK : Polity Press, 2016.

Fanon, Frantz. Peau noire, masques blancs, 1952, rééd., Le Seuil, col. « Points », 2001.

Gilroy, Paul. The Black Atlantic, Modernity and Double Consciousness. Havard University Press, 1993.

Hegel, Georg Wilhelm Friedrich. La Phénoménologie de l’Esprit, [1801]. Paris, Aubier, 1977.

Hall, Stuart. Encoding and Decoding in the Television Discourse. Birmingham : Centre for Contemporary Cultural Studies, 1973.

Gilbert Elbaz

Université des Antilles, gilbert.elbaz@univ-antilles.fr

licence CC BY-NC 4.0