Introduction
La comparaison est définie comme « a mental act by which two objects are assigned a position on a predicative scale » (Stassen, 2013). De ce fait, si les entités se trouvent dans des positions différentes sur cette échelle on parle de comparaison d’inégalité : « Pierre est plus grand que Paul » (Fuchs 2014 : 63), et si elles se trouvent dans les mêmes positions sur l’échelle associée, on parle de comparaison d’égalité : « Pierre est aussi grand que Paul » (Fuchs 2014 : 36). La comparaison consiste donc à rapprocher deux entités ou plus au regard d’une certaine propriété (Fuchs, 2014; Abeillé et Godard, 2021), afin de faire ressortir leurs ressemblances et leurs dissemblances. Les langues disposent de plusieurs procédés grammaticaux pour établir des comparaisons.
Dans la présente étude, nous nous intéressons aux marqueurs de comparaison utilisés en créole haïtien (désormais CH) au xviiie siècle, comparativement à ceux qu’on trouve en CH contemporain. Plus précisément, nous allons analyser les marqueurs de la comparaison d’égalité, à savoir les équatifs et les similatifs et les marqueurs du comparatif de supériorité. Le corpus pour le xviiie siècle est constitué de quatre textes : la chanson-poème Lisette quitté laplaine tirée d’Hazaël-Massieux (2008), la Prière de Boukman prononcée lors de la cérémonie du Bois-Caïman, tenue dans la nuit du 13 au 14 août 1791, la Proclamation prononcée en 1796 au Cap, la traduction créole de la Passion du Christ ; pour le corpus contemporain nous puiserons des travaux de Valdman (2008), de Lainy (2019), de Sixto (s.d.), du journal Bon Nouvèl, de certains textes musicaux, proverbes et de nos données personnelles comme locutrice native.
Dans un premier temps, nous donnerons un aperçu du contexte de l’évolution de la langue créole au xviiie siècle ; dans un deuxième temps, nous présenterons les constituants d’une construction comparative ; dans un troisième temps, nous nous intéresserons aux marqueurs utilisés dans une comparaison d’égalité (les équatifs, les similatifs) et dans une comparaison d’inégalité plus précisément le comparatif de supériorité au xviiie siècle et à l’époque contemporaine.
Nous nous baserons pour la comparaison d’égalité sur Haspelmath 2017, Haspelmath et Buchholz 1998, Lainy 2019 et pour la comparaison d’inégalité sur Stassen 1985 et 2013, Fuchs 2014 ; Cabrédo 2020 ; Abeillé et Godard 2021. L’apport de cette étude par rapport aux travaux antérieurs sur le CH réside dans le fait que :
-
nous montrerons que les principaux marqueurs de la comparaison d’égalité sont équatifs et similatifs alors qu’ils sont présentés seulement comme marqueurs similatifs dans les exemples de Lainy 2019 ;
-
nous identifierons le marqueur « pòtrè/pòtre » comme un marqueur purement similatif qui, à notre connaissance, n’a pas été pris en compte ;
-
nous montrerons qu’en CH on peut également parler de standard générique ou spécifique dans les constructions similatives et équatives comme en français et en anglais ;
-
nous analyserons le verbe depase en CH permettant aussi d’exprimer le comparatif de supériorité qui n’a pas été pris en compte dans Cabrédo 2020.
1. Le xviiie siècle et le CH
Le CH étant une langue à base lexicale française a pris naissance au cours des colonisations européennes des xviie et xviiie siècles comme le soulignent plusieurs auteurs (Hall 1966 cité dans Tabouret-Keller 1979 ; Lefèbvre 1998 ; Hazaël-Massieux 2002 et 2005). Il a émergé à Saint-Domingue dans le contexte des contacts de langues au cours de l’esclavage, soit le français (différentes variantes du français) et les langues africaines (principalement les langues de la famille gbe s’étendant sur la zone entre l’est du Ghana et de l’ouest du Nigeria), dans un souci de communication. Comme toute langue, elle a été d’abord une langue orale avant d’être écrite (Hazaël-Massieux 1997 : 7). Ce qui fait que les textes en créole qui datent de l’époque coloniale sont assez rares. Aussi, à cette époque le créole était décrit dans les textes comme « français corrompu/baragouin », etc.
C’est au xviiie siècle qu’apparaissent les véritables textes en CH (Hazaël-Massieux, ibid. : 22). Pour le CH nous pouvons citer : Lisette quitté la plaine, le tout premier texte littéraire écrit en créole, une chanson-poème publié en 1754 par Duvivier De La Mahautière ; La Passion de Notre Seigneur selon Saint-Jean en langage nègre, traduction en créole d’un extrait de la Bible « La Passion du Christ » vers 1760-1780 ; la publication dans le Moniteur de la partie française de Saint-Domingue d’une proclamation en langue créole le 26 mai 1793 par Sonthonax et Polverel (Pauris Jean-Baptiste dans Méroné 2008).
Il est important de souligner que les premières personnes à écrire le créole furent des Blancs créoles parce que le Code Noir de 1685 interdisait aux maîtres d’apprendre à lire et à écrire à leurs esclaves noirs. Cela explique également le fait qu’à cette époque le créole était écrit suivant l’orthographe du français.
2. Les constituants d’une comparaison
On retrouve cinq éléments dans une construction comparative (Stassen, 1985 : 24) représentés dans (1) qui sont les mêmes dans une construction équative et similative, mais avec une terminologie différente dans la littérature (Haspelmath et Buchholz 1998 : 279) représentés dans (2) : cible de comparaison, l’objet de comparaison, le premier référent à comparer ; prédicat gradable, mot de concept de propriété gradable ; morphème comparatif, morphème indiquant le degré de comparaison ; marqueur de standard, introducteur du standard, il est étroitement lié au standard ; standard, l’autre référent auquel le premier référent est comparé, aussi appelé « comparant ». La cible de comparaison (comparé) et le standard (comparant) sont appelés comparandes (Fuchs, 2014). Ces schémas nous permettront de mieux saisir la notion de marqueurs de comparaison dont nous parlons, qui se constituent du marqueur de paramètre comme « aussi » en français ou morphème comparatif comme « er » en anglais et du marqueur de standard comme « que » en français et « than » en anglais. Dans ce travail, nous suivons la terminologie de Haspelmath et Buchholz (1998) dans nos explications et gloses.
(1) |
Cible de Comparaison |
Prédicat gradable |
Morphème comparatif |
Marquer standard |
Standard de comparaison |
|
Kim |
is |
tall |
-er |
than |
Lee |
|
(2) |
Comparé |
Marqueur de paramètre |
Paramètre |
Marqueur de standard |
Standard |
|
Kim |
est |
aussi |
grande |
que |
Lee |
2.1. Nature des comparandes
Le comparé et le standard peuvent être un être animé (3 a), un être inanimé (3 b), un objet concret (4 a), un objet abstrait (4 b) qu’il s’agisse d’une construction équative ou comparative. Ils peuvent ainsi être un lieu (5a), une époque temporelle (5 b), un état (5 c) (Fuchs, 2017 : 54), etc.
(3) |
a. |
Ajantin |
pi |
fò |
pase |
Brezil1 |
||||||||||||||||||||||||
Argentine |
plus |
fort |
dépasser |
Brésil |
||||||||||||||||||||||||||
Litt : « Argentine est plus forte que Brésil » |
||||||||||||||||||||||||||||||
« Les joueurs de l’Argentine sont plus forts que les joueurs du Brésil » (Valdman, texte 8 : 22)2 |
||||||||||||||||||||||||||||||
b. |
Pye sitwon |
an |
grandi |
pi |
vit |
pase |
pye zorany |
lan |
||||||||||||||||||||||
citronnier |
det |
grandir |
plus |
vite |
dépasser |
oranger |
det |
|||||||||||||||||||||||
« Le citronnier grandit plus vite que l’oranger » |
||||||||||||||||||||||||||||||
(4) |
a. |
Bouch |
fanm |
nan |
tankou |
on |
ponya |
|||||||||||||||||||||||
bouche |
femme |
det |
comme |
indef |
poignard |
|||||||||||||||||||||||||
« La bouche de la femme est comme un poignard » (Sixto s.d. : 63) |
||||||||||||||||||||||||||||||
b. |
Non vyolans |
la |
pi |
fò |
pase |
vyolans |
||||||||||||||||||||||||
Non-violence |
det |
plus |
fort |
dépasser |
violence |
|||||||||||||||||||||||||
« La non-violence est plus forte que la violence » (JBN n° 546, fevriye 2017 : 16) |
||||||||||||||||||||||||||||||
(5) |
a. |
Gen |
plis |
solèy |
an |
Ayiti |
pase |
Lafrans |
||||||||||||||||||||||
avoir |
plus |
soleil |
prep |
Haïti |
dépasser |
France |
||||||||||||||||||||||||
« Il y a plus de soleil en Haïti qu’en France » |
||||||||||||||||||||||||||||||
b. |
Peryòd |
nwèl |
pi |
bèl |
pase |
peryòd |
pak |
|||||||||||||||||||||||
période |
noël |
plus |
beau |
dépasser |
période |
pâques |
||||||||||||||||||||||||
« La période de noël est plus belle que la période de pâques » |
||||||||||||||||||||||||||||||
c. |
Nou |
plis |
bezwen |
lapè |
pase |
lasante |
nan |
peyi |
a |
|||||||||||||||||||||
1 pl |
plus |
besoin |
paix |
dépasser |
santé |
prep |
pays |
det |
||||||||||||||||||||||
Litt : « Nous avons plus besoin de la paix que de la santé dans le pays » |
Nous avons vu que les comparandes peuvent être un nom propre (3a) ou un nom commun (3 b et 4). Les exemples suivants illustrent des comparandes qui prennent la forme d’un pronom (6 a), d’un adverbe (6 b), d’une phrase (7), ou d’un verbe, qu’on retrouve généralement dans des proverbes ou dans des cas l’on compare deux propriétés différentes chez une même entité (8).
(6) |
a. |
Li |
bèl |
menmjan ak |
ou |
|||||||||||||||||||||||||||||||||
3 sg |
beau |
comme |
2 sg |
|||||||||||||||||||||||||||||||||||
« Elle est aussi belle que toi » |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
b. |
Jan |
dòmi |
plis |
jodi a |
pase |
yè |
||||||||||||||||||||||||||||||||
Jean |
dormir |
plus |
aujourd’hui |
dépasser |
hier |
|||||||||||||||||||||||||||||||||
« Jean dort plus aujourd’hui qu’hier » (Cabrédo 2020 : ex 18) |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
(7) |
a. |
Ti |
bebe |
ki |
adwat |
la |
malad |
souvan |
kouwè |
lè |
m |
t |
bebe |
|||||||||||||||||||||||||
petit |
bébé |
rel |
à droite |
det |
malade |
souvent |
comme |
sub |
1 sg |
ant |
bébé |
|||||||||||||||||||||||||||
« Le petit bébé qui est à droite tombe aussi souvent malade que quand j’étais bébé » |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
b. |
Ou |
travay |
plis |
pase |
sa |
w |
fè3 |
|||||||||||||||||||||||||||||||
2 sg |
travailler |
plus |
dépasser |
dem |
2 sg |
faire |
||||||||||||||||||||||||||||||||
Litt : « Tu travailles plus que ce que tu fais » |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
« Tu travailles plus que ce que tu récoltes » (Valdman, texte 1 : 15) |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
(8) |
a. |
Evite |
miyò |
pase |
mande |
padon |
||||||||||||||||||||||||||||||||
éviter |
meilleur |
dépasser |
demander |
pardon |
||||||||||||||||||||||||||||||||||
« Éviter est mieux que demander pardon » |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
b. |
Li |
pale |
plis |
pase |
l |
manje |
||||||||||||||||||||||||||||||||
3 sg |
parler |
plus |
dépasser |
3 sg |
manger |
|||||||||||||||||||||||||||||||||
« Elle parle plus qu’elle ne mange » |
2.2. Nature des paramètres
Pour qu’il y ait comparaison, il faut que les éléments soient comparables, c’est-à-dire qu’ils partagent une certaine propriété, soit au même niveau (égalité) ou à des niveaux différents (inégalité). Cette propriété est exprimée linguistiquement par un prédicat gradable (Stassen, 1985).
Dans la littérature, les adjectifs sont généralement considérés comme des prototypes de prédicats gradables (Klein, 1991 ; Haspelmath et Buchholz, 1998 ; Haspelmath, 2017). Ainsi, Kennedy (1997 : 1) distingue deux critères permettant de reconnaître un prédicat gradable :
-
il possède une propriété qui lui permet d’être ordonné suivant un classement, un ordre : bèl « beau », lou « lourd » ;
-
il accepte des expressions de degré comme des modifieurs de degré : trè « très », anpil « beaucoup » ; des constructions comparatives : pi/plis […] pase, mwen / mwens […] pase ; etc.
(9) |
a. |
[…] E |
m |
trè |
jalou |
||||
coord |
1 sg |
très |
jaloux |
||||||
« […] Et, je suis très jaloux » (Valdman, texte 5 : 6) |
|||||||||
b. |
Sak |
sa |
a |
lou |
anpil |
||||
sac |
dem |
det |
lourd |
beaucoup |
|||||
« Ce sac est très lourd » |
Ainsi, nous pouvons dire que les adjectifs dans (9) sont gradables et ceux dans (10) ne le sont pas.
(10) |
a. |
*Kalin |
ansent |
anpil |
|||
Carline |
enceinte |
beaucoup |
|||||
b. |
*Tab |
la |
trè |
rektang |
|||
table |
det |
très |
rectangle |
Toutefois, les prédicats gradables ne sont pas limités aux adjectifs, les verbes, les adverbes, les noms peuvent aussi être gradables, car ils peuvent également s’employer avec des expressions de degré (11).
(11) |
a. |
M |
renmen |
mizik |
anpil |
|||||||||
1 sg |
aimer |
musique |
beaucoup |
|||||||||||
« J’aime beaucoup la musique » (Valdman 2008, texte 3 : 28) |
||||||||||||||
b. |
[…] timoun |
yo |
viv |
trè |
byen |
|||||||||
enfant |
det |
vivre |
très |
bien |
||||||||||
« […] Les enfants vivent très bien » (Valdman 2008, texte 8 : 6) |
||||||||||||||
c. |
Mwen |
li |
anpil |
liv |
sou |
lengwistik |
||||||||
1 sg |
lire |
beaucoup |
livre |
prep |
linguistique |
|||||||||
« J’ai lu beaucoup de livres sur la linguistique » |
De ce fait, les exemples (3a), (4 b) et (5a) nous montrent qu’en CH le paramètre peut être un adjectif ; (5 b) un verbe ; (3 b) un adverbe, et l’exemple suivant (12) nous montre qu’il peut aussi être un nom.
(12) |
Yo |
toujou |
bay |
sa |
k |
ekri |
plis |
valè |
pase |
sa |
yo |
tande |
3 pl |
toujours |
donner |
dem |
rel |
écrire |
plus |
valeur |
dépasser |
dem |
3 pl |
écouter |
|
« On accorde toujours à ce qui est écrit plus de valeur qu’à ce qu’on entend » (Sixto, s.d. : 137) |
Nous allons analyser les marqueurs utilisés au xviiie siècle pour exprimer la comparaison d’égalité dans la section (3) et la comparaison d’inégalité (plus précisément le comparatif de supériorité) dans la section (4) parallèlement à ceux utilisés de nos jours (les principaux). Pour plus de détails, voir Dragon (en préparation).
3. Comparaison d’égalité
On parle de comparaison d’égalité, appelée construction équative (Haspelmath, 2017 : 10), quand la comparaison s’établit au même degré, au même niveau entre les référents ou comparandes. La comparaison d’égalité se divise en deux grands types : comparatif équatif (équatif) et comparatif similatif (similatif).
3.1. Les marqueurs du comparatif équatif
Pour Haspelmath (2017 : 9-10), les constructions équatives expriment des situations dans lesquelles les deux référents ont une propriété gradable au même degré (13a). Mais, d’après Morzycki (2013 : 167), pour parler d’équatif, le comparé doit atteindre ou dépasser le standard comme le montre la possibilité d’une modification par menm plis « même plus » en (13b).
(13) |
a. |
Nouvo |
pwojè |
sa |
a |
enteresan |
menmjan ak |
sa |
ki |
te |
sòti |
mwa |
mas |
la |
||||||||
nouveau |
projet |
dem |
det |
intéressant |
ms |
dem |
rel |
ant |
sortir |
mois |
mars |
det |
||||||||||
« Ce nouveau projet est aussi intéressant que celui qui était sorti au mois de mars » |
||||||||||||||||||||||
b. |
Nouvo |
pwojè |
k |
ap |
sòti |
pou |
fen |
ane |
a |
m |
||||||||||||
nouveau |
projet |
rel |
tma |
sortir |
prep |
fin |
année |
det |
1 sg |
|||||||||||||
espere |
y |
ap |
fè |
yo |
plezi |
tankou |
sa |
k |
sòti |
|||||||||||||
espérer |
3 pl |
tma |
faire |
3 pl |
plaisir |
ms |
dem |
rel |
sortir |
|||||||||||||
anvan, |
menm |
plis |
||||||||||||||||||||
adv |
même |
plus |
||||||||||||||||||||
« Les nouveaux projets qui sortiront à la fin de l’année j’espère qu’ils leur feront plaisir autant que ceux d’avant, même plus » (Darline Desca dans un interview, 2019) |
Dans les textes du xviiie siècle nous avons relevé un seul marqueur équatif : « tan comm’ » ou « tant com’ » (venant de « tant comme » en français) qui est un marqueur de standard, préposé au standard. Le paramètre se trouvant dans les exemples (14) est un adjectif (14a) et un verbe (14b), (14c). Les standards retrouvés dans ces phrases sont : souche, zozo, bois cot’lette. Ils sont dits génériques, car ils n’ont pas une référence spécifique, mais réfèrent à une classe générique. Ces standards possèdent la propriété en question à un point saillant de haut degré (Haspelmath et Buchholz, 1998).
(14) |
a. |
Mon |
maigre |
tant com |
gnon |
souche |
|||
1 sg |
maigre |
ms |
indef |
souche |
|||||
« Je suis aussi maigre qu’une souche » (Hazaël-Massieux 2008 : 85) |
|||||||||
b. |
Mon |
chanté |
tan comm |
zozo |
|||||
1 sg |
chanter |
ms |
oiseau |
||||||
« Je chante autant qu’un oiseau » (Hazaël-Massieux 2008 : 93) |
|||||||||
c. |
Li |
seche |
tant com |
bois cote’lette |
|||||
3 sg |
sécher |
ms |
bois côtelette |
||||||
« Il a autant séché qu’un bois côtelette » (Hazaël-Massieux 2008 : 93) |
En revanche, les principaux marqueurs équatifs contemporains sont au nombre de trois (3) : « tankou » qui vient de « tant comme » en français qui a son équivalent « autant que » (Sylvain, 2012) ; « menmjan avèk/ak » composé de « menmjan » (formé de menm « même » et jan « genre » qui peut vouloir dire aussi « façon, manière ») que nous considérons comme étant un marqueur de paramètre quand il s’emploie seul (15a) et de « ak/avèk » (avec) comme un marqueur de standard simple corrélatif4 et « kouwè » qui est un marqueur de standard analytique et découle de la paraphrase française « comme vous voir » (Fattier, 1998) (à ce propos nous avons relevé dans le parler du Nord le marqueur tankou wè [15b]). Ils sont tous des marqueurs de standard et sont toujours préposés au standard. Ils peuvent se trouver dans un comparatif équatif avec un paramètre adjectival, verbal, adverbial et nominal et le standard peut être spécifique (16a), (16b) ou générique (16c), (16d).
(15) |
a. |
Di |
mwen |
si |
w |
ape |
toujou |
renmen |
m |
menmjan |
||||||
dire |
1 sg |
si |
2 sg |
tma |
toujours |
aimer |
1 sg |
mp |
||||||||
« Dis-moi si tu m’aimeras toujours autant » (Nu Look, What about tomarrow) |
||||||||||||||||
b. |
M |
chante |
tankou wè |
pijon |
konn |
ap |
chante |
|||||||||
1 sg |
chanter |
ms |
pigeon |
savoir |
tma |
chanter |
||||||||||
« Je chante comme chantent les pigeons » (Valdman, 2008 : 42, texte 3) |
(16) |
a. |
Li |
bèl |
menmjan ak |
manman |
l |
|||||||||||
3 sg |
beau |
ms |
maman |
3 sg |
|||||||||||||
« Elle est aussi belle que sa maman » |
|||||||||||||||||
b. |
Mwen |
jwenn |
yon |
moun |
ki |
kwè |
menmjan avèk |
mwen… |
|||||||||
1 sg |
trouver |
indef |
personne |
rel |
croire |
ms |
1 sg |
||||||||||
« J’ai trouvé quelqu’un qui croit autant que moi… » (Klass, You don’t want me) |
|||||||||||||||||
c. |
Li |
jwe |
byen |
tankou |
Mesi |
||||||||||||
3 sg |
jouer |
bien |
ms |
Messi |
|||||||||||||
« Il joue aussi bien que Messi » |
|||||||||||||||||
d. |
Li |
renmen |
chante |
kouwè |
wosiyòl |
||||||||||||
3 sg |
aimer |
chanter |
ms |
rossignol |
|||||||||||||
« Elle aime autant chanter qu’un rossignol » |
3.2. Les marqueurs du comparatif similatif
Le similatif est une comparaison permettant d’exprimer une similarité de manière entre deux référents (Haspelmath, 2017 : 13). Cette similarité peut exister dans la manière de faire (17) ou la manière d’être (18) (Fuchs, 2017 : 6). Cette auteure parle alors de comparaison qualitative de ressemblance.
Dans les textes du xviiie siècle, nous avons relevé deux marqueurs de standard préposés au standard qui sont « tant comm(e), tant com ») » et « comme ». Dans ces phrases du xviiie siècle, nous avons relevé un standard spécifique : « zottes » (autres) employé avec « comme » (17b) et des standards génériques : « zozo » (oiseau) et « roseau » employés avec « tant comm(e) » (17a), (18).
En raison du petit nombre d’exemples, nous ne pouvons pas tirer des conclusions fermes sur le choix des types de standard, mais dans les exemples attestés nous avons vu que « tant comm(e), tant com’ » s’emploie généralement avec un standard générique.
(17) |
a. |
Mon |
chanté |
tan comm |
zozo |
|||||||||||||
1 sg |
chanter |
ms |
oiseau |
|||||||||||||||
« Je chante comme un oiseau » (Hazaël-Massieux, 2008 : 93) |
||||||||||||||||||
b. |
jugé |
li |
comme |
zottes |
coutimés |
|||||||||||||
juger |
3sg |
ms |
autres |
coutumée |
||||||||||||||
« Juge-le comme les autres à la coutumée » (Passion du Christ : 7, tiré d’Hazaël-Massieux, 2008) |
||||||||||||||||||
(18) |
a. |
Jambe |
a |
moin |
tant comme |
roseau |
||||||||||||
jambe |
prep |
1sg |
ms |
roseau |
||||||||||||||
Litt : « Les jambes à moi sont comme le roseau » (Hazaël-Massieux 2008 : 85) |
||||||||||||||||||
b. |
Mon |
tant com |
zozo |
dans |
cage |
|||||||||||||
1sg |
ms |
oiseau |
prep |
cage |
||||||||||||||
« Je suis comme un oiseau dans une cage » (Hazaël-Massieux, 2008 : 93) |
Pour exprimer le similatif, le CH contemporain dispose des mêmes marqueurs de standard pour l’équatif à savoir « tankou, menmjan avèk/ak, kouwè » et « kòm » qui a la même phonétique que l’unité grammaticale française « comme ». Ils sont également toujours préposés au standard que ce dernier soit spécifique (19c), (19 d) ou générique (19a).
(19) |
a. |
Tèt |
li |
long |
tankou |
yon |
baton |
bizbòl |
|||||||||||||||||||||||
tête |
3sg |
long |
ms |
indef |
bâton |
baseball |
|||||||||||||||||||||||||
« Sa tête est longue comme un bâton de baseball. » (Lainy, 2019 : 47) |
|||||||||||||||||||||||||||||||
b. |
Lavi |
ou |
pral |
dewoule |
menmjan |
touléjou |
|||||||||||||||||||||||||
vie |
2sg |
aller |
dérouler |
mp |
tous les jours |
||||||||||||||||||||||||||
« Ta vie va se dérouler de la même manière tous les jours » (Lyonel Benjamen, Rasin te gentan pouse) |
|||||||||||||||||||||||||||||||
c. |
Peyi |
a |
kouwè |
yon |
moun |
malad |
ki |
pa |
kapab |
jwenn |
lagerizon |
||||||||||||||||||||
pays |
det |
ms |
indef |
personne |
malade |
rel |
neg |
capable |
trouver |
guérison |
|||||||||||||||||||||
« Le pays est comme une personne malade qui ne peut pas être guérie » |
|||||||||||||||||||||||||||||||
d. |
Se |
kòm |
yon |
maladi |
l |
ye |
lè |
yon |
kè |
fin |
tonbe… |
||||||||||||||||||||
cop |
ms |
indef |
maladie |
3 sg |
cop |
sub |
indef |
coeur |
finir |
tomber |
|||||||||||||||||||||
« C’est comme une maladie qu’il est, quand un cœur est blessé… » (Klass, You don’t want me) |
Nous avons vu que « tan com » du xviiie siècle et « tankou, kouwè, menmjan ak/avèk » du CH contemporain sont polysémiques dans le sens où ils permettent l’expression de l’équatif ou du similatif. Dans ce cas, leur interprétation dépend du contexte ou de la situation de communication. Aussi, nous pouvons voir que les marqueurs contemporains sont plus nombreux que ceux du xviiie cela peut se comprendre par le fait qu’au xviiie siècle le CH n’était qu’à son début. Les locuteurs ne reproduisaient que « tant comme » et « comme » du français en CH.
Le CH contemporain dispose également d’un autre marqueur de standard qui n’exprime que le similatif : « pòtrè/pòtre » (20) et qui n’accepte aucun paramètre (21) ; il peut se substituer à sanble « ressembler ». Dans les textes du xviiie siècle examinés, nous n’avons pas relevé « pòtrè/pòtre » comme marqueur de standard dans une construction similative, mais nous avons vu qu’on utilisait « potré » comme un substantif qui désigne la représentation d’une personne, d’un animal ou d’un objet par le dessin, la peinture (22). De nos jours, il a également cet emploi hors contexte comparatif.
(20) |
a. |
Tèt |
li |
pòtre |
nich |
poul |
frize |
|||||||||||||||||||||||||||||||||
tête |
3 sg |
portrait |
niche |
poule |
frisée |
|||||||||||||||||||||||||||||||||||
« Sa tête est comme un nid de poule frisée » (Sixto s.d. : 39) |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
b. |
Li |
pòtre/pòtrè |
yon |
gwo |
chat |
plenn |
||||||||||||||||||||||||||||||||||
3 sg |
portrait |
indef |
gros |
chat |
enceinte |
|||||||||||||||||||||||||||||||||||
« Elle est comme une grosse chatte enceinte » (Sixto s.d. : 42) |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
(21) |
a. |
*Ana |
mache |
pòtre |
manman |
l |
||||||||||||||||||||||||||||||||||
Hanna |
v |
portrait |
maman |
3 sg |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||
b. |
*Ana |
bèl |
pòtrè |
manman |
l |
|||||||||||||||||||||||||||||||||||
Hanna |
adj |
portrait |
maman |
3 sg |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||
c. |
*Ana |
pale |
byen |
pòtrè |
manman |
l |
||||||||||||||||||||||||||||||||||
Hanna |
parler |
adv |
portrait |
maman |
3 sg |
|||||||||||||||||||||||||||||||||||
(22) |
a. |
Nou |
tout |
fèt |
pou |
nou |
jété |
potré |
djé |
Blan |
yo |
ki |
swaf |
dlo |
lan |
zyé |
||||||||||||||||||||||||
1 pl |
tout |
tma |
prep |
1 pl |
jeter |
portrait |
dieu |
blanc |
det |
rel |
soif |
eau |
prep |
œil |
||||||||||||||||||||||||||
Litt : « Nous devons tous jeter le portrait (l’image) des dieux blancs qui ont soif de voir couler de l’eau de nos yeux » (Prière de Boukman : 1791)5 |
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b. |
Jak |
fè |
pòtrè |
Darline |
sou |
mi |
an |
|||||||||||||||||||||||||||||||||
Jacques |
faire |
portrait |
Darline |
prep |
mur |
det |
||||||||||||||||||||||||||||||||||
« Jacques a fait le portrait de Darline sur le mur » |
4. Comparaison d’inégalité
Dans la comparaison d’inégalité, on retrouve le superlatif, le comparatif d’infériorité et le comparatif de supériorité. Ici nous nous concentrons sur l’expression du comparatif de supériorité, car nous n’avons pas assez de données pour le xviiie siècle pour les autres types de comparatif.
4.1. Les marqueurs du comparatif de supériorité
On parle de comparatif de supériorité quand sur l’échelle prédicative, le comparé se trouve à une position supérieure que le comparant suivant une propriété gradable.
Pour le comparatif de supériorité, nous n’avons relevé que le marqueur de standard « passé » qui précède toujours le standard dans les textes du xviiie siècle (23) sans la présence de marqueur de paramètre que le paramètre soit un adjectif (23a), (23 b), un verbe (23 c) ou un nom (23 d).
« Passé » vient du verbe plein depase (DeGraff, 2007 : 113-116) et place le CH dans la catégorie de « exceed comparative » (Stassen, 1985).
(23) |
a. |
Bouche |
doux |
passé |
sirop |
|||||||||||||||||
bouche |
doux |
ms |
sirop |
|||||||||||||||||||
Litt : « Ta bouche est douce dépasser le sirop » |
||||||||||||||||||||||
« Ta bouche est plus douce que le sirop » (Hazaël-Massieux, 2008 : 95) |
||||||||||||||||||||||
b. |
Miré |
bon |
passé |
tandé |
||||||||||||||||||
voir |
bon |
ms |
entendre |
|||||||||||||||||||
Litt : « Voir est bon dépasser entendre » |
||||||||||||||||||||||
« Voir est mieux qu’entendre » |
||||||||||||||||||||||
c. |
Ça |
li |
tini |
passé |
moin |
|||||||||||||||||
inter |
3sg |
avoir |
ms |
1sg |
||||||||||||||||||
Litt : « Qu’est-ce qu’elle/il a dépasser moi » |
||||||||||||||||||||||
« Qu’est-ce qu’elle/il a plus que moi » (Réponse de Lisette à Colin dans Hazaël-Massieux, 2008 : 93) |
||||||||||||||||||||||
d. |
Papier |
la |
di |
comme |
ça |
que |
nous |
gagné |
pouvoir |
passé |
tout |
généraux |
et |
z’intendant |
roi |
|||||||
papier |
det |
dire |
comme |
dem |
rel |
1 pl |
avoir |
pouvoir |
ms |
tout |
général |
coord |
intendant |
roi |
||||||||
Litt : « Le papier dit que nous avons de pouvoir dépasser tous les généraux et les intendants du roi » |
||||||||||||||||||||||
« Le papier stipule que nous avons plus de pouvoir que tous les généraux et les intendants du roi » (Proclamation à tous les Citoyens de la Colonie : 1796) |
Dans le CH contemporain, nous avons ce même marqueur de standard orthographié « pase » qui peut se faire accompagner d’un marqueur de paramètre « plis » (avec un verbe ou un nom comme paramètre)/« pi » (avec un adjectif ou un adverbe comme paramètre) (24), mais il n’est pas obligatoire (25) parce que « pase » porte déjà la charge sémantique de la comparaison. Ayant le sens de « exceed », il est un verbe asymétrique qui marque le rapport entre les degrés associés aux 2 référents de la comparaison puisque la construction comparative suit une certaine direction marquant un début et une fin comme l’explique Schwarzschild (2012 : 213-215).
(24) |
a. |
Job |
pi |
gran |
pase |
mwen |
||||||||||||||
Job |
mp |
grand |
ms |
1sg |
||||||||||||||||
« Job est plus grand que moi » (Lainy, 2019 : 52) |
||||||||||||||||||||
b. |
Jak |
manje |
plis |
pase |
Jan |
|||||||||||||||
Jacques |
manger |
mp |
ms |
Jean |
||||||||||||||||
« Jacques mange plus que Jean » |
||||||||||||||||||||
c. |
L |
ale |
pi |
lwen |
pase |
zétwal6 |
||||||||||||||
3 sg |
aller |
mp |
loin |
ms |
étoile |
|||||||||||||||
Litt : « Il va plus loin que les étoiles » (28 Chan Déspérans) |
||||||||||||||||||||
d. |
Job |
gen |
plis |
kòb |
pase |
mwen |
||||||||||||||
Job |
avoir |
mp |
argent |
ms |
1sg |
|||||||||||||||
« Job a plus d’argent que moi » (Lainy, 2019 : 52) |
||||||||||||||||||||
(25) |
a. |
Li |
gran |
pase |
m… |
|||||||||||||||
3 sg |
grand |
ms |
1sg |
|||||||||||||||||
« Il est plus grand que moi » (Lainy, 202 019 : 54) |
||||||||||||||||||||
b. |
Mizè |
fè |
bourik |
kouri |
pase |
chwal |
||||||||||||||
misère |
faire |
bourrique |
courir |
ms |
cheval |
|||||||||||||||
Litt : « La misère fait courir la bourrique plus que le cheval » (Proverbe haïtien) |
Au xviiie siècle « pase » était un verbe comme le montre (26), mais cela n’est plus le cas pour le CH contemporain dans une comparaison où le verbe est « depase » (27), (28).
(26) |
… toute |
monde |
noir, |
blanc |
ou |
rouge, |
tout |
égal, |
||||||||||||||||||
tout |
monde |
noir, |
blanc |
coord |
rouge, |
tout |
égal |
|||||||||||||||||||
que |
n’ |
a |
point |
yon |
qui |
passé |
l’autre |
|||||||||||||||||||
rel |
neg |
avoir |
neg |
un |
rel |
dépasser |
l’autre |
|||||||||||||||||||
Litt : « … Tout le monde noir, blanc ou rouge est égal, il n’y a point un qui dépasse l’autre » (Proclamation à tous les Citoyens de la Colonie, 3 juin 1796)7 |
||||||||||||||||||||||||||
(27) |
a. |
*Li |
pase |
pye |
zoranj |
lan |
||||||||||||||||||||
3 sg |
ms |
pied |
orange |
det |
||||||||||||||||||||||
b. |
Li |
depase |
pye |
zoranj |
lan |
|||||||||||||||||||||
3 sg |
dépasser |
pied |
orange |
det |
||||||||||||||||||||||
« Il dépasse l’oranger » |
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(28) |
a. |
Renome |
li |
kòm |
otè |
depase |
fontyè |
peyi |
d Ayiti |
|||||||||||||||||
renommée |
3 sg |
comme |
auteur |
dépasser |
frontière |
pays |
d’Haïti |
|||||||||||||||||||
« Sa renommée en tant qu’auteur dépasse les frontières d’Haïti » (Sixto s.d. : 11) |
||||||||||||||||||||||||||
b. |
Pa |
gen |
anyen |
ki |
depase |
ou |
||||||||||||||||||||
neg |
avoir |
rien |
rel |
dépasser |
2 sg |
|||||||||||||||||||||
« Il n’y a rien qui te dépasse » (Donald Désir, Di yon mo sèlman) |
Le marqueur de standard « pase » et le verbe « depase » du CH ont été hérités des langues africaines comme le yorouba (29a) et le fongbe (29b), (29c) (voir Dragon, 2023). Nous pensons que c’est pour cela que « passé » au xviiie ne se faisait pas accompagner du marqueur de paramètre et pouvait être employé comme le verbe principal du comparatif de supériorité, car c’est le même cas de figure observé dans plusieurs langues africaines.
(29) |
a. |
Ade |
sanra |
ju |
baba |
re |
lo |
|||
Ade |
be fat |
exceed |
father |
his |
std |
|||||
‘Ade is fatter than his father’ (yorouba, Howell, 2013 : 277) |
||||||||||
b. |
Kɔ́kú |
k(ó) ló |
hú |
Asíbá |
||||||
Koku |
grossir |
dépasser |
Asiba |
|||||||
« Koku est plus gros qu’Asiba » (fongbe, Platt, 1992 : 91) |
||||||||||
c. |
Nùdúdù |
tòwè |
hú |
cè |
||||||
nourriture |
2 sg poss |
dépasser |
1 sg poss |
|||||||
« Ta nourriture dépasse la mienne (en quantité) » (fongbe, Platt, 1992 : 94) |
Conclusion
Dans cet article nous avons comparé les marqueurs utilisés dans l’expression de la comparaison d’égalité et d’inégalité plus précisément le comparatif de supériorité au xviiie siècle en parallèle avec les marqueurs utilisés dans le CH contemporain. Nous avons vu que le nombre de marqueurs pour la comparaison d’égalité était très limité au xviiie siècle : « tant comm’ » pour l’équatif, « tant comm(e) et comm’ » pour le similatif contrairement au CH contemporain qui a quatre principaux marqueurs qui sont utilisés pour l’équatif et le similatif : « tankou, menmjan (avèk/ak), kouwè, kòm ». Le CH d’aujourd’hui dispose d’un autre marqueur de standard qui n’exprime que le similatif « pòtrè / pòtre » qui ne s’emploie pas avec de paramètre. Nous n’avons pas relevé ce marqueur dans les textes du xviiie siècle comme marqueur de standard, mais comme un substantif défini comme une image, un dessin.
Pour le comparatif de supériorité, le CH du xviiie siècle n’a eu que le marqueur de standard « passé » sans le marqueur de paramètre quelle que soit la nature du paramètre : adjectival, verbal, nominal. Dans le CH contemporain, nous avons le même marqueur de standard « pase » qui peut s’employer seul ou avec un marqueur de paramètre « pi/plis ». En CH du xviiie siècle, « pase » pouvait être employé comme verbe principal dans un comparatif de supériorité, ce qui est impossible en CH contemporain. Aussi, nous avons vu que le CH ayant émergé à cause du contact des variantes de la langue française et des langues africaines, ses marqueurs de la comparaison d’égalité ont donc été puisés du français, et ses marqueurs du comparatif de supériorité des langues africaines.