Les descriptions de la grammaire du créole néerlandais (Negerhollands / VIDC) des Îles Vierges Danoises : Oldendorp et Magens

Peter Stein

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Peter Stein, « Les descriptions de la grammaire du créole néerlandais (Negerhollands / VIDC) des Îles Vierges Danoises : Oldendorp et Magens », Archipélies [En ligne], 16 | 2023, mis en ligne le 15 décembre 2023, consulté le 01 mai 2024. URL : https://www.archipelies.org/1968

La grammaticographie créole commence au xviiie siècle dans la colonie danoise des Îles Vierges, où une langue créole à base du néerlandais était parlée et écrite dans le cadre de la mission des Frères Moraves d’une part et de l’autre par les missionnaires de l’Église protestante danoise. Oldendorp décrit le créole sur plus de 50 pages du manuscrit de son Historie der caribischen Inseln… qui ne fut publié intégralement qu’en 2000/2002, et une version très abrégée en 1777. Quelques années avant, en 1770, la Grammatica du colon danois Magens fut publiée à Copenhague en langue danoise, la première grammaire d’une langue créole jamais imprimée sous forme de livre.
L’étude se propose de présenter les trois grammaires dans leur contexte historique et de les comparer pour montrer leurs mérites et leurs points faibles, mais surtout leur actualité, pour ne mentionner que la première attestation des verbes sériels dans une langue créole par Oldendorp.

The grammaticography of creole languages starts in the 18th century in the Danish colony of the Virgin Islands, where a Dutch-based Creole was spoken and written as part of the activities of the Moravian missionaries as well as by the missionaries of the Danish Protestant church. Oldendorp describes the Creole language on more than 50 pages of the manuscript of his Historie der caribischen Inseln… This was edited completely only in 2000/2002, and in a very abridged version already in 1777. A few years before, in 1770, the Grammatica of the Danish colonist Magens was published in Copenhague in Danish, the first Grammar of a Creole language ever printed as a book.
The following paper will present the three grammars in their historical context and it will make a comparative study show the merits as well as the weak points of the three texts. It will, furthermore, stress on their importance for current Creole studies. One example is the first attestation of serial verb constructions in a Creole language made by Oldendorp.

Introduction

La grammaticographie créole commence au xviiie siècle, plus exactement dans les années 1770 dans la petite colonie danoise des Îles Vierges, composées des trois îles, St Thomas, St John (Jan) et St Croix. Les Danois vendirent leur colonie aux États-Unis en 1917, et depuis on les appelle « The Virgin Islands of the United States ». Les Frères Moraves1 y arrivèrent en 1732 pour apporter la foi aux esclaves. Une vingtaine d’années plus tard, l’Église protestante danoise suivit leur exemple et se mit également à établir une communauté d’esclaves dans le cadre de l’église pour ainsi dire d’État. Les Frères Moraves découvrirent très vite le rôle important du créole des îles pour entrer en contact avec les esclaves, qu’ils considéraient comme leurs frères et leurs sœurs. C’était un créole à base de néerlandais – la majorité des colons européens étant des Néerlandais – qui fut remplacé de plus en plus par l’anglais à partir du milieu du xixe siècle et qui s’est éteint aujourd’hui.

Les frères Moraves n’apprenaient et n’utilisaient pas seulement le créole dans leurs entretiens avec les esclaves, ils commençaient également à l’écrire, avec des textes catéchétiques, des hymnes, des traductions de la Bible, et à enseigner la lecture aux esclaves, dont quelques-uns savaient même écrire pour pouvoir communiquer par lettres. Le premier livre créole imprimé date de 1765. Ce ne fut toutefois pas le premier texte imprimé, car le comte de Zinzendorf, lors de sa visite aux îles en 1739, avait adressé une lettre d’adieu aux esclaves, et cette lettre, ainsi que deux lettres des esclaves adressées au roi et à la reine du Danemark furent imprimées en Allemagne « in cariolischer Sprache » (en langue cariole [créole]) en 1742, dans un gros volume d’œuvres diverses de Zinzendorf, rédigées en diverses langues2. En 1759, le registre des baptêmes comptait déjà plus de mille personnes.

En 1767-1768, Christian Georg Andreas Oldendorp, qui avait fait des études de théologie à Iéna, fit un stage de 17 mois aux îles, chargé d’écrire une histoire des 35 premières années de la mission des Frères Moraves. Le résultat en fut un manuscrit de plus de 3 000 pages, dont environ 60 donnent une description de la langue créole. Et ce ne fut pas seulement une histoire détaillée, écrite au jour le jour, des activités des missionnaires et de la petite communauté des esclaves, mais aussi une encyclopédie des îles et de la vie aux îles. C’était un texte trop long pour pouvoir être publié à l’époque, et il contenait des données authentiques sur la vie dans la société esclavagiste qu’on ne pouvait pas publier en Europe à cette époque sans de graves risques pour la mission et les missionnaires. Par conséquent, il a fallu retravailler et raccourcir le texte, mais la nouvelle version rédigée par Oldendorp n’était guère plus courte, ce qui fit qu’un certain Johann Jakob Bossart fut chargé de retravailler le texte. Le résultat ne satisfit pas Oldendorp, qui protesta, mais il dut accepter et se résigner. La version de Bossart fut publiée en 1777, toujours plus de 1 000 pages, dont neuf pages pour parler du créole et pour donner une brève esquisse de sa grammaire. Quand les créolistes parlent de la grammaire d’Oldendorp, ils se réfèrent toujours à ce texte ; ce n’est qu’en 1987 que le livre de Bossart fut traduit en anglais et publié par Highfield et Barać.3

Le manuscrit d’Oldendorp, ou plutôt les deux manuscrits ont été conservés aux Archives des Frères Moraves à Herrnhut et le texte intégral fut publié en 2000-2002, plus de 200 ans après sa rédaction, par une équipe de chercheurs, en quatre gros volumes.4 La description du créole ou grammaire du créole est non seulement beaucoup plus longue que la version de Bossart, publiée en 1777, mais elle en diffère aussi sous certains aspects. Oldendorp a noté et rédigé des dialogues, des expressions et proverbes ainsi que des textes en usage dans le service : ils accompagnent la grammaire pour illustrer la langue.

À la même époque, probablement après le départ d’Oldendorp et son retour en Europe, mais avant la publication de son livre, le colon danois Jochum Melchior Magens, habitant des îles (« en paa St. Thomas Indföd Mand »), écrivit une grammaire du créole à l’usage de la mission danoise. Cette grammaire fut imprimée et publiée à Copenhague en 17705 en langue danoise, et elle fut ainsi la première grammaire d’une langue créole jamais imprimée, un livre de 80 pages, dont 20 pages consacrées à la description de la langue, et 50 pages donnant des exemples de la langue, des expressions quotidiennes, des dialogues des dictons et proverbes, ainsi que 14 pages d’enseignement catéchétique. Alors que chez Oldendorp les textes accompagnent et illustrent sa description de la langue, ils semblent la dominer chez Magens par leur abondance.

Nous disposons ainsi de trois grammaires qui décrivent une langue créole parlée (et aussi écrite) au xviiie siècle. Nous nous proposons de comparer les trois et d’en montrer la valeur et les différences.

1. Les trois Grammaires ou descriptions de la langue créole.

La première grammaire qui vit le jour est celle de Magens, imprimée en 1770. Plus de la moitié des 80 pages présentent des textes, et quand on regarde les dialogues de plus près, on se rend compte que les sujets discutés concernent surtout la vie des Blancs et bien moins les conditions de vie et la vie des esclaves. La partie grammaticale, qui les précède, consiste surtout en tableaux morphologiques et en listes de mots grammaticaux (les nombres cardinaux et ordinaux, les noms des jours et des mois, les adverbes, les prépositions, les conjonctions et les interjections), avec leur traduction danoise en face, suivant ainsi le modèle de la grammaire latine. Le relevé des temps et des modes correspond à celui de la grammaire latine. Magens décrit ainsi le créole comme il décrirait n’importe quelle langue européenne à flexion, et il force le créole plus ou moins dans cette matrice. À côté des tableaux et des listes de mots, il y a quelques remarques et explications, qui ont le mérite de décrire et analyser des structures typiques du créole. Nous les trouvons également chez Oldendorp, où, dans la version de Bossart, imprimée en 1777, elles sont aussi brèves que chez Magens ; elles sont par contre bien plus nombreuses, plus longues et plus riches dans le texte manuscrit d’Oldendorp, et traitent de certains sujets qui n’ont pas été retenus par Bossart.

La description de la langue que nous donne Oldendorp (les pages 681 à 715 de l’édition de 2000 qui correspondent aux pages 771 à 811 du manuscrit, suivies de 10 pages de textes créoles, et les pages 424 à 434 du livre imprimé en 1777, suivies de deux pages de textes créoles) est bien différente. Elle fait partie de sa très riche et volumineuse Histoire de la mission des frères Moraves et plus précisément de son encyclopédie des Îles Vierges danoises et de l’ensemble des Îles Caraïbes. Il ne s’agit pas d’une grammaire au sens propre du terme, mais d’une description de la langue, dont Bossart, dans sa version raccourcie, a retenu les traits les plus importants et qui lui paraissaient mériter d’être communiqués à ses lecteurs en Europe. Oldendorp dit lui-même qu’il n’avait pas l’intention d’écrire une grammaire (« Sprachlehre ») du créole, mais seulement d’en donner des notions et de décrire le concept, et Bossart intitule le chapitre tout simplement « Von der creolischen6 Sprache der Neger7 » (De la langue créole des Nègres).

Les deux versions, le manuscrit d’Oldendorp et la version abrégée de Bossart, ne connaissent pas de tableaux, mais donnent un texte continu, où apparaissent toutefois les mêmes catégories, à savoir celle de la grammaire latine. Bossart a réduit la taille du texte original sans en réduire pour autant le contenu. Il fait apparaître, dans la perspective des langues européenne, une certaine simplicité de la langue créole et ainsi ce qu’il considère comme son infériorité par rapport aux langues européennes, due à l’invariabilité des mots. Oldendorp parle également d’une simplicité de la langue, mais plutôt dans un sens positif :

« C’est comme si on avait inventé cette langue exprès pour permettre aux Noirs qui débarquent de converser plus facilement avec les Blancs et pour leur enseigner cette langue en très peu de temps. Ils l’apprennent très vite et sont très doués pour apprendre des langues (notre traduction8). »
« Es ist, als wäre diese Sprache mit Fleiß erfunden worden, den ankommenden guineischen Schwarzen das Reden mit den Blanken recht leicht und sie in kurzer Zeit dazu geschickt zu machen. Sie fassen sie auch sehr geschwind und haben überhaupt eine große Fähigkeit, Sprachen zu lernen. » (711)

Et alors qu’Oldendorp lui-même parle de la langue créole (« die criolische Sprache »), Bossart reprend le terme de langue tout en disant qu’il doute d’une telle valorisation. Magens, lui, parle dans le titre de sa Grammatica de « Creolske Sprog » (langue créole) comme Oldendorp.

Tout en s’appuyant sur les catégories de la grammaire latine, Oldendorp observe et décrit des structures qui dépassent celles du modèle latin, des structures qui se trouvent hors de ce que l’on trouve dans la grammaire traditionnelle latine et c’est là que Bossart le suit seulement partiellement. En plus, Oldendorp s’intéresse à des aspects pratiques et fait ainsi de la linguistique appliquée. Il cherche une orthographe appropriée située entre la phonologie du créole et les graphies néerlandisantes en usage, et il montre la problématique de l’usage de structures syntaxiques trop proches des langues européennes et loin des usages du créole, ou de néologismes lexicaux étrangers aux esclaves, pour traduire les textes bibliques et autres.

2. Le système verbal

Pour mieux comprendre et voir comment les deux aperçoivent le créole et ses structures, prenons comme exemple le système verbal.

Sur dix pages (14-23), Magens parle du verbe, d’abord, § 12, [de] Verbo auxiliari, à savoir wees (être) en donnant des tableaux de conjugaison pour les six personnes, bien que le verbe soit invariable, exception faite du présent où nous trouvons bin9 au lieu de wees. Seul le pronom personnel sujet change (mie, ju, hem, ons, jender, sender). Magens donne les noms des temps en latin :

Praesens Indicativi : particule zéro
Praeteritum Imperfectum : ha
Praeteritum Perfectum : ka
Praeteritum Plusqvamperfectum : ha ka
Futurum : sa
Paulopostfuturum : sa ha
Imperativum :
Conjunctivus : égal à l’indicatif, à part ha sa au Praeterito imperfecto
Infinitivu : for précède le verbe

Ensuite, le §13 traite d’autres Verbis, et il répète les mêmes tableaux avec le verbe vervolg (« poursuivre » – pourquoi, peut-on se demander, le choix particulier de ce verbe ?), et dans le même paragraphe suit le Verbum Passivum et encore une fois les mêmes tableaux. La voix passive, d’ailleurs, est formée, selon Magens, comme en néerlandais, par l’auxiliaire wees (au présent bin), « être », suivi, dans notre cas, de la forme verbale verfolgt (« poursuivi »), qui correspond à la forme du participe passé des deux langues européennes.

Suivent quelques notes, disant qu’on utilise la plupart du temps la particule le pour marquer le présent (ape en haïtien, ka en guadeloupéen et martiniquais), qui se trouve aussi en combinaison avec la particule de l’imparfait ha, à savoir ha le.

En ce qui concerne ka comme marqueur de l’accompli dans notre créole, Magens a observé et note que le mot ka est souvent utilisé à la place de la copule bin, « être » :

Die Man ka trou « L’homme est marié » ; Die Meisje10 ka beloof « La jeune fille est fiancée » ; Die Vrouw ka Sjansee « La dame est bien habillée » ; Die Kabaj ka Sael11 « Le cheval est sellé » ; Die Hus ka bou « La maison est bâtie » (16).

Une deuxième construction que les deux, Magens et Oldendorp, décrivent, mais dans des contextes différents, est celle avec da (« [voi]là ») et la répétition du verbe. Magens classe da parmi les pronoms relatifs et interrogatifs, car il précède souvent les mots interrogatifs. Da wie ben daeso ? (« Qui est là ? ») etc. (13) : Et de la même façon on peut mettre da devant le verbe pour le mettre en relief ; le verbe est alors repris, il apparaît deux fois.12 Voici les exemples que donne Magens juste avant de traiter du Verbo auxiliari et de donner les tableaux de conjugaison de wees / bin (« être ») :

Da loop mie le loop « Voilà aller je suis en train d’aller = je vais » ; Da kurrie mie ha kurrie « Je courais vraiment » ; Da slaep mie ka slaep « (Que) J’ai dormi ! » ; Da jeet mie ha ka jeet « J’avais bien mangé » ; Da doot mie sa doot « Mourir, je vais mourir » ; Da leef mie ha sa leef « Et j’aurais dû vivre ! » (13)

Oldendorp parle également de ka comme copule, mais il s’intéresse à da seulement après avoir discuté et présenté les temps et les modes du verbe.

En ce qui concerne le verbe lui-même, Oldendorp, nous venons de le dire, renonce aux tableaux. Il présente les formes les unes à la suite des autres dans le texte courant ce qui lui permet d’éviter des répétitions trop fréquentes, et il fait suivre les termes de la grammaire latine par leur traduction : « temps complet, temps incomplet, temps surcomplet, temps futur ». Il commence par les pronoms personnels en utilisant une graphie un peu différente de celle de Magens, plus proche du néerlandais : mi, joe, em (he and she), die (it), ons, jender, sender, en ajoutant à la liste de Magens non seulement le neutre die, mais aussi le mot volk (peuple, les gens) qui correspond à l’allemand man et au français on :13

« Le verbe je suis s’emploie de la façon suivante. Le temps présent se dit au singulier mi ben je suis ; joe ben tu es ; em ben il ou elle est ; die ben cela est ; volk ben on est ; au pluriel : ons ben nous sommes ; jender ben vous êtes ; sender ben, ils [ou elles] sont. Le temps inaccompli ou imparfait se dit mi a wees j’étais ; joe a wees tu étais ; et ainsi de suite pour toutes les personnes jusqu’à sender a wees ils étaient. Le temps accompli ou parfait : mi ka wees j’ai été ; joe ka wees tu as été etc. Le temps sur-accompli ou plus-que-parfait : mi a ka wees j’avais été, etc. Le temps à venir ou futur : mi sal wees je serai ; joe sal wees tu seras et ainsi de suite jusqu’à sender sal wees ils seront ; et de la même façon mi sal ka wees j’aurai été ; joe sal ka wees, etc. »
Das Verbum ich bin gehet auf folgende Weise. Die gegenwärtige Zeit oder das Präsens heißt in der einzeln Zahl: mi ben ich bin; joe ben du bist; em ben er oder sie ist; die ben es ist; volk ben man ist; in der mehrern Zahl: ons ben wir sind; jender ben, ihr seid; sender ben sie sind. Die unvollkommene Zeit oder das Imperfectum heißt: mi a wees ich war; joe a wees du warst, und so weiter durch alle Personen bis sender a wees sie waren. Die vollkommene Zeit oder das Perfectum: mi ka wees ich bin gewesen; joe ka wees du bist gewesen u.s.w. Die übervollkommene Zeit oder das Plusquamperfectum: mi a ka wees ich war gewesen u.s.w. Die zukünftige Zeit oder das Futurum: mi sal wees ich werde sein; joe sal wees du wirst sein, und so weiter bis sender sal wees sie werden sein; ingleichen mi sal ka wees ich werde oder soll gewesen sein; joe sal ka wees u.s.w. (694-695)

Oldendorp continue par l’impératif, l’infinitif et le soi-disant gérondif, formé par voor (« pour ») + verb (à l’infinitif). Il n’y a pas de subjonctif explicite ou l’on ajoute moe, moet (allemand mögen, anglais may) devant le verbe. Magens va dans le même sens, mais de façon bien plus succinte.

Le deuxième verbe auxiliaire ha (« avoir ») – il n’a cependant pas de fonction auxiliaire en créole, ce qu’Oldendorp ne semble pas avoir remarqué – fonctionne de la même façon, et tous les autres verbes aussi. Le verbe qu’Oldendorp choisit comme exemple est skriev (« écrire »).

Comme Magens, Oldendorp note la particule le qui est fréquente, au lieu de la particule zéro, pour exprimer le présent, mais il a mieux observé sa fonction précise et il constate ainsi qu’il y a quelques verbes qui ne l’acceptent pas : mi ben (« être »), mi ha (« avoir »), mi moet ou moe (« devoir »), mi sal (« devoir »), mi kan (« pouvoir »), mi wil (« vouloir »), mi daerf (« avoir la permission »). Oldendorp est ainsi le premier à avoir noté la différence entre verbes statifs et non-statifs. Et il explique par la suite :

« C’est un marqueur du présent, sans être obligatoire. On l’utilise pour faire le discours plus mélodieux et plus fluide. Sa vraie fonction est celle d’exprimer que quelque chose est en train de se passer. »
« Es ist ein Zeichen des Präsens, das aber auch ausgelassen werden kann. Um des Wohlklangs willen bedient man sich seiner am meisten, weil es die Rede fließender macht. Eigentlich soll es anzeigen, daß etwas schon geschiehet und im Werden ist. » (697)

Avant de parler de la voix passive, il observe, comme aussi Magens, que la particule du passé parfait/accompli peut remplacer la copule ben :

On dit mi ka moe au lieu de mi ben moe « je suis fatigué » ; allegaar goed ka klaar « tout (toutes les choses) est prêt » ; die kaschoe sender ka riep « les noix de cajou sont mûres » ; die pot ka vol « le pot est plein » ; die kawai sender ka saddel « les chevaux sont sellés » ; mi no ka kleed « je ne suis pas habillé(e) » et ainsi de suite.
Für ben ist es sehr gewöhnlich, ka zu setzen. Man sagt: mi ka moe anstatt [792] mi ben moe ich bin müde; allegaar goed ka klaar alles ist fertig; die kaschoe sender ka riep die Caschu sind reif; die pot ka vol der Topf ist voll; die kawai sender ka saddel die Pferde sind gesattelt; mi no ka kleed ich bin nicht angezogen, und dergleichen eine Menge (697).

Les deux, Magens et Oldendorp, évoquent ainsi, sans le savoir, la question actuellement discutée par les créolistes, de savoir s’il y a des adjectifs en créole14.

Oldendorp continue par da et l’usage double du verbe pour mettre en relief le verbe ou exprimer une emphase. Voici les exemples que donne Oldendorp pour la mise en relief par da :15

« Le verbe est souvent mis deux fois de façon particulière pour affirmer une chose et pour la renforcer, et dans ce cas on le fait précéder de da. À la question Joe no le kom ? « Tu ne viens pas ? » on répond Da kom mi le kom « Si si, je viens » ou « Bien sûr que je viens ». Joe no a koeri ? « Tu n’as pas couru/Tu ne t’es pas dépêché ? » Et la réponse : Da koeri mi a koeri « Voilà courir j’ai couru ». Voor wagoed joe no loop ? « Pourquoi tu ne vas pas ? » La réponse : Da loop mi le loop « Mais voilà je suis en train d’aller ». De la même façon on dit : da slaap mi ka slaap « Bien sûr que j’ai dormi » ; da jeet mi a ka jeet « i, j’avais mangé » ; da dood em sal dood « il va mourir, c’est sûr », et ainsi de suite. »
« Das Verbum wird oft auf eine besondere Art doppelt gebraucht, um etwas zu bekräftigen oder einen Nachdruck darauf zu legen, und alsdann wird immer da davor gesetzt. Auf die Frage: joe no le kom ? kommst du nicht? wird geantwortet: Da kom mi le kom ja ja, ich komme oder ich komme ja. Joe no a koeri? bist du nicht gelaufen? Antwort: Da koeri mi a koeri ich bin wohl gelaufen. Voor wagoed joe no loop? warum gehst du nicht? Antwort: Da loop mi le loop ich gehe ja. Ebenso sagt man: da slaap mi ka slaap ich habe freilich geschlafen; da jeet mi a ka jeet ja, ich hatte gegessen; da dood em sal dood ja ja, er wird gewiß sterben, und dergleichen mehr. » (698)

Pour Oldendorp, da fait partie du syntagme verbal et non pas des pronoms. Il y reviendra plus tard dans le contexte des particules, à savoir des prépositions, conjonctions et adverbes (708) pour constater que

« Da est très souvent utilisé pour désigner des choses qui sont présentes, que l’on montre quasiment du doigt, que l’on veut mettre en relief, dont on parle avec joie, surprise ou avec d’autres émotions, surtout quand on pose des questions et quand on répond. On dit : da mi wief ben da « Voici c’est ma femme » ; da die, « C’est exactement ça » ; bring mi die kaussen. Da welk mi sal bring ? « Va me chercher les chaussettes. Lesquelles veux-tu que je t’apporte ? » da ons ha die faut, « C’est notre faute à nous » ; da joe Benina ? « C’est (vraiment) toi Benigna ? » da jender le doe soo goed! « C’est vous qui faites de telles choses ? » da wie le kom ? Da mi Meester le kom. « Qui vient là ? C’est mon maître qui vient ». On trouve de nombreux autres exemples. »
« Da wird sehr häufig von Dingen gebraucht, die gegenwärtig sind, auf die man gleichsam zeiget, auf die man einen Nachdruck legen will, bei denen man Freude, Verwunderung und andere Affecten äußert, sonderlich in Fragen und Antworten. Man sagt: da mi wief ben da, da ist meine Frau; da die, das ist es eben; bring mi die kaussen. Da welk mi sal bring? Bringe mir die Strümpfe. Welche soll ich bringen? da ons ha die faut, wir haben die Schuld; da joe Benina? Ei, bist du es Benigna? da jender le doe soo goed! ihr tut so etwas! da wie le kom? da mi Meester le kom. Wer kommt ? Mein Meister kommt, und so vieles mehr. » (708)

Par la suite, à la fin de sa description grammaticale, Oldendorp mentionne et discute encore trois phénomènes que l’on ne retrouve pas chez Magens. D’abord c’est le mot kabaa, qui suit ka, pour souligner qu’une action est vraiment terminée. À l’origine des deux se trouve le verbe espagnol acabar. Ainsi on dit : die ka kabaa « c’est fini, c’est fait » ; die sal kabaa mee em « il va mourir » ; mi ka kabaa die werk « j’ai fini le travail » ; die sukker ka riep kabaa, « le sucre (la canne) est bien mûr (pour la récolte) ». (709)

Et juste après, il parle de « mots superflus ». Il s’agit de la reprise du sujet qui exprime une sorte d’emphase :

Mi Meester em a see « Mon maître il a dit » ; mi God en Heiland em alleen ben mi betrouw « Mon Dieu et Sauveur, lui seul, il est mon assurance ».

et de la construction sérielle, que les créolistes ont découverte il n’y a pas encore très longtemps – Oldendorp les a précédés de plus de 200 ans. Après avoir parlé de la reprise du sujet, il continue ainsi :

« Bring kom mi die goed hieso, Apporte me venir la chose ici ; mi bring die kom, j’apporte le venir, sont des expressions courantes dans lesquelles kom [venir] est d’autant plus superflu qu’il suit le mot apporter. La même chose vaut pour loop (aller) dans une expression comme kom mi sal draag joe loop na Sanct Jan, « viens je t’emmènerai aller à Saint Jean ».
« Bring kom mi die goed hieso, bringe mir das her; mi bring die kom, ich bringe es, sind gewöhnliche Redensarten, worin kom desto überflüssiger ist, weil es dem bringen nachgesetzt wird. Ebenso ist es mit loop in der besondern Redensart: kom mi sal draag joe loop na Sanct Jan, komm, ich will dich nach St.Jan mitnehmen. » (709)

3. La voix passive

Retournons à la voix passive, car Oldendorp montre un intérêt particulier pour cette construction. Magens s’en occupe aussi pour constater qu’elle est rarement utilisée et que l’on utilise la voix active à sa place. Si on la trouve, c’est presque toujours chez les Blancs, qui la construisent à l’aide du verbe auxiliaire wees/ben, « être ». Malgré son usage très limité, Magens la présente sur presque quatre pages (19-23) dans des tableaux de conjugaison, similaires à ceux pour la voix active, et il y inclut quasi mécaniquement même l’impératif.

Oldendorp constate également l’emploi limité voire la quasi-inexistence de la voix passive et la préférence pour la voix active. Mais il va plus loin que Magens et note des constructions qui lui ont échappé. Il note qu’il n’y a pas seulement le verbe wees/ben « être », mais aussi le verbe kom « venir »16 ainsi que la particule de l’accompli ka quand il s’agit d’un fait accompli (le Zustandspassiv, la voix passive d’état de l’allemand), et cette forme, ka + verbe, correspond selon lui, dans certains contextes, au participe passé de l’allemand. À propos de ka, Magens avait seulement noté son usage comme copule.

Ces possibilités suffisent pour l’usage quotidien de la langue, mais, remarque Oldendorp, elles ne satisfont pas pour exprimer de façon adéquate les matières de la vie spirituelle, pour traduire la Bible ou les hymnes. C’est pour cette raison que les constructions allemandes de la voix passive ont été introduites dans la langue créole, à savoir les verbes auxiliaires woord/woor ou wees suivis du participe passé des verbes allemands ou néerlandais comme geliefd (« aimé »), vervolgd (« poursuivi »), pardoneerd (« pardonné »), trakteerd (« traité »), verhoogt (« élevé »). Toutefois, on peut aussi bien utiliser la construction avec kom, mentionnée ci-dessus : mi kom geliefd « je suis aimé », etc. Le lecteur moderne s’étonnera que la forme du participe allemand reste dans les exemples donnés par Oldendorp.

Et, résumé d’Oldendorp : les Noirs comprennent de tels verbes passifs, mais ne les utilisent que très rarement. Il ne faut pas s’en servir trop souvent, sinon on ne parle plus créole, on parle alors uncriolisch, c’est-à-dire non-créole, car il n’y a qu’un nombre limité de verbes qui acceptent de tels participes, et ce sont, semble-t-il, des verbes empruntés à l’allemand et introduits dans le créole par les missionnaires. Les verbes du langage habituel forment leurs participes avec la particule ka ; Oldendorp en avait déjà parlé antérieurement : ka doe (« fait »), ka maak (« fait »), ka praat (« parlé »), ka hoor (« entendu »), ka voel (« senti »), ka hou (« tenu »), ka trek (« tiré »), ka morss (« gâché »). Les participes formés à l’européenne ne seraient pas compris ou seulement par ceux qui connaissent les deux langues européennes ; de tels néologismes compromettraient la langue créole.

Oldendorp distingue alors entre le créole parlé quotidiennement par les esclaves et le créole écrit et utilisé et en partie aussi créé par les missionnaires pour l’usage écrit, et qui, dans une certaine mesure, est aussi leur langue quotidienne à eux. Magens semble plutôt avoir décrit cette variété du créole, le créole des Blancs – il ne parle ici que de la voix passive formée à l’aide de woord ou wees –, alors qu’Oldendorp s’est surtout intéressé au créole parlé, c’est-à-dire parlé par les esclaves17.

Dans une perspective plus large, nous avons ici affaire à la problématique des documents créoles anciens, car ce sont les missionnaires, et plus généralement les Européens (blancs) qui savent écrire et c’est leur créole qui nous a été transmis. Il faut en tenir compte et interpréter de tels documents avec une certaine prudence. Oldendorp semble en avoir été conscient. Il savait distinguer les deux façons de parler créole, et le (dia)lecte ou la variété qu’il nous a transmise est celle des esclaves, c’est le créole parlé au xviiie siècle, la première grammaire, ou plus modestement, la description de la variété parlée d’une langue créole. C’est ce qui distingue aussi sa grammaire de celle de Magens, qui ne fait que quelques remarques relatives aux particularités du créole par rapport aux langues traditionnellement décrites dans les grammaires.

Et que fait Bossart du texte d’Oldendorp et des informations qui y sont contenues ? Dans le contexte du verbe, c’est la préférence de la voix active, et il ne mentionne que deux possibilités pour exprimer la voix passive, celle avec kom et celle avec ka. La construction avec ben/wees, empruntée au néerlandais ou à l’allemand, reste absente de sa présentation. Il a bien vu qu’il s’agit d’une forme de la langue écrite par les missionnaires.

4. Oldendorp sous la plume de Bossart

Bossart, se trouvant devant le manuscrit d’Oldendorp, a trois devoirs à remplir : raccourcir le texte, présenter un texte bien lisible et compréhensible à ses lecteurs, à savoir l’homme européen cultivé de la fin du xviiie siècle, et présenter un texte qui n’éveille pas la méfiance de l’administration et du gouvernement. Le troisième aspect ne concerne pas (ou que très peu) le chapitre sur la langue créole, c’est le premier aspect et surtout le deuxième qui nous occupent ici. La question est alors si Bossart reste fidèle à Oldendorp ou s’il le trahit pour ne pas créer des difficultés à ses lecteurs en Europe, plus exactement en Allemagne. Une comparaison des deux versions montre qu’il a bien réussi, bien qu’il ait raccourci et même supprimé certaines parties du texte d’Oldendorp, comme la longue liste et les exemples de l’usage des prépositions et des conjonctions, dont seules quelques-unes sont restées. Mais l’essentiel a été conservé. Ce qu’il n’a pas gardé, ce sont les pronoms die et volk et la voix passive exprimée par woord ou wees, qu’il ne mentionne même pas. Par contre, il parle de la particule le et signale que certains verbes ne l’acceptent pas, mais il ne mentionne pas sa valeur aspectuelle progressive. Il fait état de la reprise du sujet, et la mise en relief du verbe par da et son double emploi, mais, et c’est le seul point qu’il faut regretter, il passe outre la construction sérielle. Mais abstraction faite de ce point, Bossart a réussi à résumer l’essentiel, ce qui n’empêche pas que les quelques pages restent loin de la richesse et de la profondeur de la version d’Oldendorp lui-même.

Conclusion

Arrivé à ce stade, on peut se demander où l’on en est avec la description grammaticale d’autres créoles – et il n’y a rien, rien de comparable pour presque deux générations à venir. Il faut attendre 60 ans avant qu’apparaisse le manuscrit de Treu en 1838, suivi par le livret de Wullschlegel imprimé en 1854 relatif au sranan – deux ouvrages à nouveau écrits dans le contexte de la mission des Frères Moraves. Pour les créoles français, nous trouvons le catéchisme de l’abbé Goux en 1842, puis celui de J. J. Thomas en 1869, de Saint-Quentin en 1872, de Turiault en 1872-75 et finalement de Baissac en 1880. Pourquoi ce retard du monde francophone ou, autrement dit, d’où vient l’intérêt précoce des Frères Moraves pour leur créole, avec, comme résultat et chef-d’œuvre, la description de la langue par Oldendorp ? Pourquoi cette place particulière et extraordinaire pour un créole insignifiant et oublié, si les événements ne lui avaient pas concédé cette place et l’honneur d’être écrit et même imprimé ?

La réponse se trouve dans le contexte social, politique et historique : une colonie danoise sur un espace limité, une langue créole à base de néerlandais, parlée dans une société plurilingue et pluriethnique, du côté africain aussi bien que du côté européen : Oldendorp mentionne les Danois, Anglais, Irlandais, Écossais, Hollandais, Allemands, Espagnols, Français et Juifs (330), et il interroge les esclaves entre autres sur leurs langues africaines, pour en trouver plus d’une vingtaine, dont il établit un bref vocabulaire comparatif et la traduction d’une brève phrase (457-465). On était peut-être plus conscient qu’ailleurs de la variété de langues.

Il faut des circonstances propices et un peu de hasard, et peut-être encore plus les bonnes personnes. L’arrivée des Frères Moraves, dont le sens pratique leur a permis de s’adapter aux circonstances, condense l’ensemble. Ils n’avaient pas de préjugés, les esclaves étaient des êtres humains pour eux, qui vivaient dans des conditions de détresses extrêmes. Ils voulaient leur apporter la foi et les guider, selon leurs propres mots, vers le Seigneur et le Sauveur. Et pour faire cela, il fallait communiquer, il fallait trouver, voire créer, une langue commune. St Thomas et les Îles Vierges étaient leur première destination, une expérience tout à fait nouvelle et sans précédent.

On leur avait dit que le néerlandais était la langue dominante. Ils l’apprirent pendant la traversée pour constater ensuite que ce n’était pas la langue des esclaves. Ils découvrirent, pour ainsi dire, une nouvelle langue, qu’ils avaient apprise puis nommée cariolse, ce dont attestait le journal du missionnaire Friedrich Martin, huit mois après son arrivée. Et il y avait un colon qui leur proposait de traduire le nouveau testament dans cette langue – il faut les bonnes personnes au bon moment et au bon endroit.

Finalement, il y avait Oldendorp qui observa, étudia et décrit cette langue, dans une partie modeste seulement de son ouvrage, mais qui représente un travail immense pour l’étude des langues créoles et l’histoire de la linguistique en général. Et en même temps, il y avait un colon danois du nom Magens qui, lui aussi, étudia et décrit cette langue. Sans ces deux témoins, que saurions-nous de ce créole ? Il y aurait vraisemblablement des traductions de textes catéchétiques et de la Bible. Mais il n’y aurait ni grammaire ni dictionnaire18.

1 Pour en savoir davantage sur les Frères Moraves et les circonstances de leur mission, voir, entre autres, Stein, 2014.

2 Zinzendorf, 1742. Les trois lettres se trouvent aux pages 453-457 et 483-487 du premier des trois volumes.

3 Oldendorp, 1777 / 1987 (traduction anglaise).

4 Oldendorp, 2000/2002.

5 Magens, 1770.

6 Alors qu’en 1742, chez Zinzendorf, nous trouvons le mot sous la forme cariolisch, Oldendorp note criolisch dans son manuscrit, rédigé après 1767 et

7 Oldendorp utilise les deux mots die Schwarzen (les Noirs) et die Neger (les Nègres) comme synonymes et sans différences sémantiques apparentes et

8 L’ensemble des passages a été traduit par nos soins. Nous faisons le choix de présenter la traduction avant le texte original afin de faciliter la

9 Bin ou ben correspond à la première personne du singulier de néerlandais et de l’allemand. Notre créole se distingue ici d’autres créoles pour avoir

10 Le /j/ correspond à la semi-voyelle yod [j].

11 Le /e/ après une voyelle veut dire que la voyelle est longue.

12 Da correspond dans une large mesure à se (« c’est ») dans les créoles à base du français. Une origine africaine semble être très probable ici.

13 Il rappelle (enn) dimoun (< [il y a] du monde), « quelqu’un, des personnes » en mauricien et dans d’autres créoles.

14 Stein, 2021. On y trouve un résumé de la discussion.

15 Voir ci-dessus ce que Magens a dit à propos de da.

16 Comme en italien, d’ailleurs.

17 Quand, un siècle plus tard, Pontoppidan distinguera hochkreolisch (créole haut) et plattkreolisch (créole bas), il se référera à ces deux variétés

18 Oldendorp étudia non seulement la grammaire du créole, mais il en rédigea aussi un dictionnaire (Oldendorp, 1996) de plus de 4 000 entrées. Le

Baissac, Charles, Étude sur le patois créole mauricien, Nancy, Berger-Levrault, 1880.

Goux, l’abbé, Catéchisme en langue créole, précédé d’un essai de grammaire sur l’idiome usité dans les colonies françaises, Paris, Vrayet de Surcy, 1842.

Magens, Jochum Melchior, Grammatica over det Creolske Sprog, som bruges paa de trende Danske Eilande, St. Croix, St. Thomas og St. Jans i America. Sammenskrevet og opsat af en paa St. Thomas Indföd Mand, Kiöbenhavn, Kongelige Waysenhusets Bogtrykkerie, 1770.

Oldendorp, Christian Georg Andreas, Geschichte der Mission der evangelischen Brüder auf den caraibischen Inseln S. Thomas, S. Croix und S. Jan, herausgegeben durch Johann Jakob Bossart, Barby, Laux 1777.

Oldendorp, C. G. A., A Caribbean Mission. C. G. A. Oldendorp’s History of the Mission of the Evangelical Brethren on the Caribbean Islands of St. Thomas, St. Croix and St. John. Ann Arbor, Karoma, 1987.

Oldendorp, Christian Georg Andreas, Criolisches Wörterbuch. Erster zu vermehrender und wo nöthig zu verbessernder Versuch [1767/68], édité par Peter Stein, suivi du Vestindisk Glossarium d’un auteur anonyme, attribué à J. C. Kingo, édité par Hein van der Voort, Tübingen, Niemeyer, 1996.

Oldendorp, Christian Georg Andreas, Historie der caribischen Inseln Sanct Thomas, Sanct Crux und Sanct Jan, insbesondere der dasigen Neger und der Mission der Evangelischen Brüder unter denselben. Kommentierte Ausgabe des vollständigen Manuskriptes aus dem Archiv der Evangelischen Brüder-Unität Herrnhut, Berlin, VWB- Verlag für Wissenschaft und Bildung, 4 vol., 2000/2002.

Pontoppidan, E., « Einige Notizen über die Kreolensprache der dänisch-westindischen Inseln », Zeitschrift für Ethnologie 13, 1881, pp. 130-138.

Saint-Quentin, Auguste de, « Notice grammaticale & philologique sur le créole de Cayenne », Alfred de Saint-Quentin ; Introduction à l’histoire de Cayenne, suivi d’un recueil de contes, fables & chansons en créole […], Antibes, Marchand, 1872, pp. 99-169.

Stein, Peter, « Histoire d’une langue créole, le Negerhollands, 1736-1985, suivie d’une étude du début de la grammaticographie créole : C. G. A. Oldendorp », Laurence Pourchez (éd.), Créolité, créolisation : regards croisés, Paris, Éditions des Archives Contemporaines 2014, pp. 53-78.

Stein, Peter, « Un nouveau regard sur la catégorie grammaticale « adjectif » dans les langues créoles : la théorie de la translation de Tesnière appliquée aux données créoles », Penda T.Choppy et Aneesa J. Vel (éd.), Créoles : enjeux éducatifs et culturels. Actes du XVIe Colloque International des Études Créoles (Seychelles, 29 octobre-2 novembre 2018), Mahé (Seychelles), UniSey Press 2021, pp. 451-462.

Stein, Peter, « Dr. med. Erik Pontoppidan und das Negerhollands », Philip Krämer (éd.), Ausgewählte Arbeiten der Kreolistik des XIX. Jahrhunderts. Selected Works from XIXth Century Creolistics. Emilio Teza, Thomas Russell, Erik Pontoppidan, Adolpho Coelho, Hambrug, Buske 2014, pp. 109–121.

Stein, Peter, « La documentation ancienne du créole disparu des Îles Vierges danoises », Les Cahiers créoles du patrimoine de la Caraïbe/Pawol maké asi mès é labitid an Péyi Karayib 6 : Les langues créoles/Palé Kréyol !, [Gudeloupe], Canopé, 2016, pp. 37–39.

Thomas, John Jacob, The Theory and Practice of Creole Grammar, Port-of Spain, The Chronicle, 1869.

Treu, Wilhelm, Grammatik der Negerenglischen Sprache, manuscrit, 1838.

Turiault, Jean, « Étude sur le langage créole de la Martinique », in: Bulletin de la Société Académique de Brest, 2e série, 1, 1873-1876, pp. 401-516 et 3, pp. 1-111.

Wullschlägel, H. R. [anonyme, probablement H. R. Wullschlägel], Kurz gefasste Neger-Englische Grammatik, Bautzen, Monse, 1854.

Zinzendorf, Nikolaus Ludwig von, Büdingische Sammlung, Büdingen, Stöhr, 1742. Réédition facsimilé Osnabrück, Olms, 1965, vol. 1 de 3.

1 Pour en savoir davantage sur les Frères Moraves et les circonstances de leur mission, voir, entre autres, Stein, 2014.

2 Zinzendorf, 1742. Les trois lettres se trouvent aux pages 453-457 et 483-487 du premier des trois volumes.

3 Oldendorp, 1777 / 1987 (traduction anglaise).

4 Oldendorp, 2000/2002.

5 Magens, 1770.

6 Alors qu’en 1742, chez Zinzendorf, nous trouvons le mot sous la forme cariolisch, Oldendorp note criolisch dans son manuscrit, rédigé après 1767 et Bossart, dix ans plus tard, en 1777, écrit creolisch. Pour Magens, en 1770, c’est également creolske.

7 Oldendorp utilise les deux mots die Schwarzen (les Noirs) et die Neger (les Nègres) comme synonymes et sans différences sémantiques apparentes et sans une différence apparente de fréquence. C’est la terminologie en usage à l’époque et longtemps encore au xxe siècle.

8 L’ensemble des passages a été traduit par nos soins. Nous faisons le choix de présenter la traduction avant le texte original afin de faciliter la compréhension des textes par le lecteur.

9 Bin ou ben correspond à la première personne du singulier de néerlandais et de l’allemand. Notre créole se distingue ici d’autres créoles pour avoir choisi la forme de la première personne du singulier.

10 Le /j/ correspond à la semi-voyelle yod [j].

11 Le /e/ après une voyelle veut dire que la voyelle est longue.

12 Da correspond dans une large mesure à se (« c’est ») dans les créoles à base du français. Une origine africaine semble être très probable ici.

13 Il rappelle (enn) dimoun (< [il y a] du monde), « quelqu’un, des personnes » en mauricien et dans d’autres créoles.

14 Stein, 2021. On y trouve un résumé de la discussion.

15 Voir ci-dessus ce que Magens a dit à propos de da.

16 Comme en italien, d’ailleurs.

17 Quand, un siècle plus tard, Pontoppidan distinguera hochkreolisch (créole haut) et plattkreolisch (créole bas), il se référera à ces deux variétés (Pontoppidan, 1881).

18 Oldendorp étudia non seulement la grammaire du créole, mais il en rédigea aussi un dictionnaire (Oldendorp, 1996) de plus de 4 000 entrées. Le dictionnaire des Danois a été largement perdu, il n’en reste que quelques centaines de mots, édités dans le même volume que le dictionnaire d’Oldendorp 1767/1768.

Peter Stein

Universität Regensburg
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