« Femme noire » de Léopold Sédar Senghor ou la défense et l’illustration de la Négritude

Christian Lapoussinère

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Christian Lapoussinère, « « Femme noire » de Léopold Sédar Senghor ou la défense et l’illustration de la Négritude », Archipélies [En ligne], 2 | 2011, mis en ligne le , consulté le 30 avril 2024. URL : https://www.archipelies.org/1819

La présente étude s’attache à l’analyse du poème « Femme noire » de Senghor dans l’objectif de montrer comment la construction plurielle de la femme contribue à façonner un puissant imaginaire de la féminité capable de féconder celui de la Négritude.

Este estudio analiza el poema « Femme noire » de Senghor con el objeto de mostrar cmo la construccin polifacética de la mujer que se da en el poema contribuye a crear un poderoso imaginario de la femenidad capaz de enriquecer el de la Negritud.

Qui ne connaît pas « Femme noire », ce très beau poème de Léopold Sédar Senghor ? Écrit en 1945, dans « Chants d’ombre », il a aujourd’hui 61 ans. Pourtant, il a gardé toute sa fraîcheur, beauté, force et succulence. De même, depuis que je l’ai découvert, c’est toujours avec le même et le plus grand intérêt que je le redécouvre. C’est toujours avec la même chaleur que je l’aborde, la même passion que je suis appelé à en faire l’analyse. « Femme noire », quelle est la définition que Senghor en donne ? Quelle en est sa vision symbolique ? Sont-ce là des questions auxquelles nous tenterons de répondre plus loin, mais comment y répondre si l’on ne se réfère pas au préalable à la Négritude, ce mouvement littéraire et artistique dont le nom fut forgé par Aimé Césaire en 1932, et lancé en plein Quartier latin en 1934 avec L. S. Senghor et Léon Gontrand Damas, alors qu’ils étaient tous étudiants ?

Selon la définition que Césaire en donne, c’est « La simple reconnaissance du fait d’être noir, et l’acception de ce fait, de notre destin de noir, de notre histoire et de notre culture. » Dans Négritude, Arabité et Francité, L. S. Senghor ne dit pas autre chose quand il affirme, que « c’est l’ensemble de valeurs de civilisation du monde noir. »

Ces valeurs, c’est avant tout le rythme dont Senghor a montré le rôle important dans la vie et les œuvres des Noirs, symbolisé par le Tam-tam et dont il a dit avec raison, que « c’est le sceau de la Négritude. » Ce sont toutes les formes d’expression et de création artistiques noires, qu’il s’agisse du bèlè, du negro spiritual, du jazz, de la flûte des mornes. 

La Négritude est née à Paris, à l’époque de l’Exposition universelle qui visait à discréditer les objets et œuvres culturelles et artistiques d’autres peuples, et singulièrement des peuples de l’Afrique noire, par rapport à ceux et celles de l’Europe et singulièrement de la France. Au moment où les livres écrits par les Noirs ont exprimé leur propre culture et non celle de leurs maîtres occidentaux. C’est avant tout, l’affirmation ou la revendication d’une identité. La marque de la naissance d’une nouvelle littérature nègre, mais aussi, de la désaliénation de l’expression littéraire nègre. Qu’il s’agisse de la Créolité, de l’Antillanité , de l’Américanité, ou de l’Africanité, c’est la diversité dans l’unité, des sous-ensembles dans un plus vaste ensemble que traduit très bien le terme anglais « Black personality », tous, ses éléments constitutifs ou ses départements comme Césaire aime à le dire. En somme, c’est à l’évidence, une manière de sentir, de penser, d’agir des peuples de la diaspora noire.

Mais, la Négritude n’est pas seulement l’affirmation d’une identité, c’est aussi, celle d’une solidarité et d’une fraternité. Cela se comprend d’autant mieux, que par-delà le combat qui mène à soi en tant que nègre, son combat est aussi celui que mènent tous les peuples en quête de liberté, victimes d’inégalités et d’injustices, de toutes les formes d’exploitation et d’oppression, de tous les systèmes destinés à avilir l’homme. L’homme, sa seule préoccupation, situé au cœur de son principe moteur, le seul objet de sa défense et qui à l’évidence, montre qu’elle est ouverture aux autres et au monde, sinon un humanisme à portée universelle.

« Femme noire, de Léopold Sédar ou la défense et l’illustration de la Négritude » tel est l’intitulé de notre communication. Mais, avant de tenter de répondre aux questions posées précédemment, et surtout, afin de convaincre en quoi ce beau poème est une définition et illustration de la Négritude, nous appuyant sur sa symbolique, c’est surtout à une analyse thématique et sémantique que nous entendons nous livrer ici, au préalable.

Le poème commence par un vers de deux hémistiches : « Femme nue, femme noire », séparés par une virgule, tous deux commandés par le mot « Femme ».

Dans le premier hémistiche, le terme « femme » est suivi d’un mot d’une syllabe courte : l’adjectif qualificatif « nue ». Dans le second, il est suivi d’un mot de même nature, lui aussi fait d’une seule syllabe longue, « noire ». Cela dit, comme si l’auteur avait une volonté farouche de renforcer le thème premier développé, objet de son poème, ces deux adjectifs qualificatifs utilisés, tous deux commençant par la même consonne, génèrent une allitération en « n ».

De même, à la lumière de ce qui vient d’être dit, visiblement, et comme le témoigne le second vers, « Femme noire », telle qu’elle se présente est saisie ici, telle qu’elle est, c’est-à-dire, sans fard, dans sa pureté ou son authenticité.

« Femme noire » est une nue, paradoxalement de noir vêtue. Cette nue est une peinture sinon une sculpture. Non pas une nature morte. Non plus quelque chose de figé ou de statique. Mais, en tout état de cause, une véritable œuvre plastique vivante, dynamique et en perpétuel devenir.

Peinture ou sculpture vivante, œuvre plastique ou pas, en tout cas, il s’agit pour le poète de mettre à nu ses qualités exceptionnelles. Et ce faisant, de la saisir dans sa plénitude et sa porosité, de tenter de cerner ses contours, de l’appréhender de l’intérieur comme de l’extérieur, d’apprécier sa beauté, et partant, le caractère polymorphe et élastique de cette beauté, au point d’en faire plus qu’une œuvre d’art, un véritable chef-d’œuvre. Ainsi, au fil du texte, ce n’est pas par hasard qu’elle est tour à tour identifiée, à une mère, à une terre, à une maîtresse, à un tam-tam sculpté, à la musique, enfin, au Rythme. Comme le témoigne le troisième vers, cette mère à laquelle elle est identifiée est une mère africaine dont il dit clairement qu’il a grandi à l’ombre, et dont la douceur des mains bandait ses yeux, pour le paraphraser.

De même, la terre à laquelle elle est assimilée, c’est cette terre découverte, « … terre promise, du haut d’un haut col calciné » ainsi que cela est clairement dit dans le quatrième vers. S’agissant de la maîtresse, c’est cette femme dont « la beauté le foudroie comme l’éclair d’un aigle ». Cette femme, « fruit mûr à la chair ferme » qu’il aime d’amour, éros, dont la « bouche lyrique » fait « lyrique ma bouche », et qui à l’évidence, vin noir, l’enivre, le transporte de plaisir et d’admiration, dans un monde merveilleux, et qui ne va pas sans rappeler ce « ciel féerique et divin » et ce « paradis » vers lequel, à cheval « sans mors, sans éperons, sans bride… » nous invite à nous élancer Baudelaire, dans Le Vin des amants (Baudelaire, 1972 : 161). C’est cette femme, « Savane aux horizons purs » qui frémit « aux caresses ferventes du vent d’Est », identifiée à ce « tam-tam tendu » qui gronde « sous les doigts du vainqueur », ce « tam-tam sculpté » qui visiblement se donne tout entier au poète devenu du coup son amant, et qui ne va pas sans faire penser à ces vers bien connus de Césaire, que voici :

« Et ce ne sont pas seulement les bouches qui chantent, mais les mains, mais les pieds, mais les fesses, mais les sexes, et toute la créature qui se liquéfie, en sons voix et rythme. »

Ces vers bien connus sont extraits du Cahier d’un retour au pays natal. Ils montrent à l’évidence que le Noir a le sens profond du rythme. Qu’il a, comme l’on dit couramment, « la musique et la danse dans le sang. » Qu’il a tellement profondément le sens du rythme, que lorsqu’il chante et danse, il ne se contente pas d’être seulement chanteur et danseur, mais devient lui-même à son tour, musique et danse. Reconnaissant chez Césaire lui-même la primauté du rythme, Senghor n’a-t-il pas écrit à son propos : « Aimé Césaire se sert de sa plume comme Louis Armstrong de sa trompette. Ou plus justement peut-être, comme les fidèles du Vaudou, de son tam-tam. Il a besoin de se perdre dans la danse verbale, au rythme du tam-tam, pour se retrouver dans le Cosmos. » (Senghor, 1964 : 165). Tout à fait conscient du rôle éminent de la musique dans sa propre poésie, n’a-t-il pas écrit aussi ? :

« Je persiste à penser que le poème n’est accompli que s’il se fait chant, parole et musique en même temps ! » (Senghor, 1964 : 168).

La musique dont parle ici le poète, c’est cette musique qui se réfère non seulement à sa poésie, mais aussi aux autres formes d’expression artistique noires auxquelles elle est ou peut être identifiée. Ainsi, poursuivant dans le même ordre d’idée qui précède, ce n’est pas par hasard qu’il affirmait : « Le poème est comme une partition de jazz, dont l’exécution est aussi importante que le texte. » (Senghor, 1964 : 167)

Pour ne concentrer notre effort que sur Femme noire, la musique à laquelle fait allusion ici le poète, est sans aucun doute le jazz sinon le negro spiritual, comme l’exprime le vers de rythme ternaire : « Ta voix grave de contralto/est le chant spirituel/de l’Aimée ». L’Aimée qui nous rappelle la chanteuse de jazz noire américaine dont la voix est effectivement grave. Mais, cette musique c’est aussi, l’éructation et le halètement du tam-tam ou du tambour bèlè « sous les doigts du vainqueur. »

L’image du « tam-tam sculpté » est censée être celle de « Femme noire », cette sculpture vivante. Celle « du vainqueur » est censée être celle du tanbouyé ou du tambourinaire assis à califourchon sur son tambour, qui frappe énergiquement et vigoureusement dessus des deux mains. L’image du « tam-tam tendu » est métaphoriquement celle de la peau du tambour bien tendue, mais aussi d’une femme en chaleur au paroxysme de l’excitation, prête à se donner entièrement ou se faire prendre ou posséder, qui visiblement, effectivement se donne, et qu’on entend gémir de plaisir comme le témoigne le vers « tam-tam tendu toi qui grondes sous les doigts du vainqueur ».

À n’en point douter, le vainqueur est le tanbouyé et par analogie, l’amant. Le terme « vainqueur » a à l’évidence une connotation de domination, de supériorité. A contrario, celui de « tam-tam sculpté », une connotation de soumission, d’infériorité. Cette prestation de tambour dont nous sommes gratifiés ici par le poète, est-ce pour autant un conflit, une marque d’opposition ? Certainement pas. C’est à coup sûr, un acte d’amour, un homme et une femme en plein coït, une forme de danse où les amants se livrent pour ainsi dire à une lutte corps à corps qu’on peut appeler, non pas le « ladghia de la mort » comme dirait Joseph Zobel, mais le « ladghia d’amour ». Le ladghia d’amour qui en fait, n’est rien d’autre qu’une session de tambour dans Femme noire de L. S. Senghor, où il n’y a ni violence, ni agressivité, mais force, douceur, vigueur, tendresse, volupté, extase et où le rythme règne en maître.

Encore une fois, Femme noire est une peinture élastique et poreuse de la femme noire sinon une sculpture vivante en perpétuel devenir. Cela se comprend d’autant mieux, qu’elle est une femme aux multiples visages fondus en une seule image, et qui ne va pas sans faire penser à une œuvre cubiste, une œuvre de Picasso, c’est-à-dire, une image-synthèse, la cristallisation de plusieurs vues d’une même image prise sous des angles différents ou saisie comme c’est le cas ici analogiquement, ou subordonnée au pouvoir de transmutation du poète ou à sa démarche cénesthésique si chère à Baudelaire.

Visiblement ici chez Senghor, il y a interpénétration ou décloisonnement des arts. Ainsi, « Femme noire » n’est pas la seule à être transfigurée tout au long du poème, mais c’est le cas aussi du poète qui n’apparaît pas seulement comme poète, mais tour à tour, comme peintre, sculpteur, musicien, qui plus encore, à l’instar de Baudelaire, met en branle tous ses organes de sens pour saisir l’objet ou le sujet de son œuvre d’art, qui établit entre eux (les organes de sens), des correspondances.
Peinture ou sculpture vivante de toute évidence, chant dédié à la femme noire,
Femme noire on ne le dira jamais assez, est et reste une œuvre d’art, d’autant plus qu’elle est une sublimation de la beauté noire.

De l’œuvre d’art et de la beauté noire, qu’est-ce à dire ? Le propre de l’œuvre d’art ou picturale, c’est avant tout, le rythme : l’harmonie des formes, des mouvements, des couleurs. En ce qui concerne la beauté noire, de Femme noire on peut dire justement que c’est une réaction acerbe de la part de Senghor contre les canons de la beauté européenne ou occidentale. Pour ce faire, sur quoi s’appuie-t-il ? Dans son essai intitulé Négritude, Arabité et Francité, il s’appuie sur : la Vénus de Milo et la Vénus de Lespugue pour les opposer et par-là même opposer diamétralement, deux conceptions de la Beauté.

Dans Femme noire, telle qu’il l’appréhende, la Beauté n’est pas déterminée une fois pour toutes. C’est une notion élastique, relative, poreuse, ouverte, dynamique, en perpétuel mouvement ou devenir, à l’image de la peinture qu’il fait de la femme noire. Et, conformément à sa volonté, il reste un défenseur fidèle à la Négritude. Mais, afin de mieux comprendre ce qui oppose ces deux conceptions, qu’est-ce à dire de la Vénus de Milo ? Qu’est-ce à dire de la Vénus de Lespugue ? Vénus est une déesse de la Grèce antique. Elle symbolise la Beauté. Mais elle est descendue du ciel sur la terre, de l’esprit dans la matière, et conformément au principe fondamental de l’art grec qui, par excellence, imite la nature, la Vénus de Milo est une sculpture-photographie, la photographie d’une femme de type méditerranéen, et plus généralement d’une femme aujourd’hui dans le monde, en chair et en os, corrigée, idéalisée, qui ne représente en fait, rien de plus qu’elle-même. Grande, les muscles longs, finement galbée, à la callipygie et stéatopygie audacieuses, parfaites, c’est-à-dire bien proportionnée et répartie ou bien équilibrée, et de surcroît blonde, « les Vénus grecques étaient sculptées pour le plaisir des yeux et surtout de l’esprit. C’étaient des objets-ornements, qui flattaient l’orgueil du maître en entretenant un climat d’érotisme, semblable à celui que créée jusqu’à l’obsession, la civilisation industrielle, intellectuelle de l’Europe et de l’Amérique contemporaines. » (Senghor, 1969 : 12)

En ce qui concerne la Vénus de Lespugue, c’est une de ces statuettes en pierre, en stéatite ou en ivoire que nous a laissées la première civilisation du paléolithique supérieure : la civilisation aurignacienne, œuvre des Négroïdes de Grimaldi. Ces statuettes sont encore fabriquées aujourd’hui par les sculpteurs de l’Afrique noire. Visiblement, elle relève de l’art nègre, sinon en est l’ancêtre. Aux dires de Senghor, les vénus grimaldiennes étaient sculptées pour aider à la fécondité des femmes, pour aider à l’action des Ancêtres et de Dieu, elles étaient porteuses de charme, magiques. Elles avaient une fonction, celle de faire vivre leurs possesseurs et leurs contemplateurs dans l’au-delà du monde matériel : dans le monde de la métaphysique, de les faire participants de la Force des forces qu’est Dieu. La Vénus de Milo ne représente rien de plus qu’elle-même. C’est un art descriptif, de contemplation, d’imitation, d’idéalisation de l’objet d’art. En revanche, celle de Lespugue, à titre de comparaison, est un art profondément différent. C’est un art d’identification. Il résume, schématise, d’un mot, stylise. La Vénus de Milo et la Vénus de Lespugue diffèrent aussi bien par leurs significations, par leurs destinations respectives, que leurs styles.

Pour s’en convaincre, en examinant la déesse de Lespugue, que voit-on ?

« Au premier coup d’œil comme le note Senghor, ce sont des formes sphéroïdes, ovoïdes, cylindriques qui se répondent sans se répéter. Et l’on découvre dans un examen plus attentif que ce sont une tête, un ventre, des seins, des bras, des cuisses. La vénus de Lespugue, c’est une image, mais ce sont avant tout des rythmes. Aucune envie, même chez les nègres d’avoir une femme ainsi formée. Mais le rythme, les rythmes vous saisissent. C’est comme une fulguration soudaine : un coup de poing au bas du ventre, qui peut provoquer une sorte d’élan sensuel, mystique… nous voilà n’est-ce pas, bien loin de l’érotisme abstrait et stérile. » (Senghor, 1969 : 13)

Or, selon ses propres mots, qu’est-ce que le Rythme ? Le « rythme c’est l’architecture de l’être, le dynamisme interne qui lui donne forme, le système d’ondes qu’il émet à l’adresse des autres. » (Senghor, 1969 : 14) Encore une fois, « C’est le sceau de la Négritude. »

Nous ne reviendrons pas ici dans les détails, sur tout ce qui a été déjà dit sur la Négritude. Nous voudrions simplement savoir, ce qui symbolise par excellence ce rythme. C’est « le tam-tam sculpté » auquel « Femme noire » est identifiée. Ce sont, à travers le texte, le poème lui-même, la musique, la peinture et la sculpture vivantes que représente « Femme noire ». L’harmonie des formes, des mouvements, des couleurs, l’interaction ou l’interpénétration des arts, les correspondances établies de manière manifeste entre les organes de sens du poète, la terre d’Afrique et la mère protectrice, et avec lesquelles il se confond. « Le fruit à la chair ferme » à laquelle est identifiée sa maîtresse. C’est à tout prendre, sa « couleur qui est vie » qu’il revendique à cor et à cri, comme éléments de la Négritude. Mais, c’est aussi, sa « forme qui est beauté. »

« Femme nue, femme noire », qu’est-ce qui fait sa beauté ? C’est une nouvelle fois, sa porosité. Son élasticité. Sa plasticité. Son caractère, non pas figé, mais dynamique, le caractère combien lisse et la douceur de sa peau comme le témoignent les vers 18 et 19 : « Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l’athlète aux flancs des princes du Mali. »

C’est d’être, lumière éclatante, à travers les étoiles qui scintillent dans cette nuit qu’est métaphoriquement sa peau, les soleils que le poète voit dans ses yeux forcément lumière contrastant avec sa chevelure noire d’ébène, quand, l’identifiant à une « Gazelle aux attaches célestes », à son propos, il écrit à la fin du poème, aux vers 20 à 25 :

« les perles sont étoiles sur
la nuit de ta peau
Délices des jeux de l’esprit, les reflets de l’or rouge sur ta
Peau qui se moire
À l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux
Prochains soleils de tes yeux. »

Mais c’est surtout et avant tout que sa beauté n’est pas fixée dans l’Absolu. Qu’elle n’est pas déterminée une fois pour toutes. Que paradoxalement, elle est présence et absence en même temps, fixe et mouvant, oiseau calao et phénix, en tout cas, les deux faces contraires, mais aussi inséparables et complémentaires de deux éléments : la vie et la mort comme le témoignent les tous derniers vers du poème que voici :

« Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’Éternel
Avant que le Destin jaloux ne te réduise en cendres pour
Nourrir les racines de la vie. »

« Femme noire », le poème est bien une réaction acerbe de la part de Senghor contre les canons de la beauté grecque ou occidentale. Le signe de deux conceptions diamétralement opposées de la Beauté. Mais c’est la défense et l’illustration de la Négritude de la part de Senghor. C’est la référence à une femme qui se dépasse : la femme-Négritude, qui, conformément à sa démarche, est enracinement en soi et ouverture aux autres et au monde.

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