Entreprendre une démarche décoloniale et antiraciste à l’université et en travail social : l’exemple d’une recherche-action au Québec pour construire une formation contre le racisme

Sophie Hamisultane, Charlène Lusikila, Maryam Diakho, Edward Ou Jin Lee, Annie Pullen-Sansfaçon et Céline Bellot

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Sophie Hamisultane, Charlène Lusikila, Maryam Diakho, Edward Ou Jin Lee, Annie Pullen-Sansfaçon et Céline Bellot, « Entreprendre une démarche décoloniale et antiraciste à l’université et en travail social : l’exemple d’une recherche-action au Québec pour construire une formation contre le racisme », Archipélies [En ligne], 13 | 2022, mis en ligne le 30 juin 2022, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.archipelies.org/1168

Dans un contexte social intense en 2020, dû notamment aux manifestations antiracistes suite au décès par étouffement de George Floyd, pour lequel un policier a été condamné aux États-Unis, durant la pandémie du COVID-19, quelques professeur.e.s ont entrepris une démarche pour écouter les personnes noires de l’École de travail social, entre autres, sur les effets de résonance ressentis. Suite à cette action, un comité statutaire a été voté (le comité antiraciste et inclusif de l’École de travail social de l’Université de Montréal, CAÉTSUM) pour pérenniser le soutien aux étudiants vivant le racisme à l’université. C’est avec le CAÉTSUM que nous avons mené une recherche-action participative pour créer une formation contre le racisme et les discriminations, qui s’adresse, en premier lieu, aux étudiant.e.s comme aux enseignant.e.s et au personnel de l’École de travail social de l’Université de Montréal. Cet article raconte le processus de cette recherche-action et comment les résultats ont été transformés pour produire une web-série formatrice interactive.

Amidst the COVID-19 pandemic and the intense social context of 2020, notably due to the anti-racist demonstrations following the choking death of George Floyd, for which a police officer was convicted in the United States, a few professors undertook a process to listen to Black people within the School of Social Work, reflecting upon the impacts of the resonance that was felt. As a result of this action, a statutory committee was voted in (the Anti-racist and Inclusive Committee of the School of Social Work of the University of Montreal, CAÉTSUM) to ensure the support for students navigating racism at the university. It is through the CAÉTSUM that we conducted a participatory action research (PAR) project to create a training program against racism and discrimination that is aimed primarily at students, as well as teachers and staff of the School of Social Work of the Université de Montréal. This article describes the research action process undertaken and how the results were mobilized into an interactive training web-series.

Introduction

Au Québec (Canada), plusieurs études montrent que les personnes racisées, notamment les jeunes adultes nés au Québec, vivent différentes formes de racisme (CDPDJ, 2018 ; Hamisultane, 2020 ; Bellot et coll., 2021). Or, en 2020, le contexte social de la pandémie due à la Covid-19 a exacerbé des micro-agressions racistes envers les personnes asiatiques. Dans ce contexte de tension, le décès de Georges Floyd par étouffement le 25 mai 2020 aux États-Unis (pour lequel le policier en cause a été jugé coupable de meurtre un an plus tard), a produit de nombreuses manifestations contre le racisme anti-noir et les violences policières au Québec comme dans le monde, notamment avec le mouvement Black Lives Matter. Des témoignages de personnes racisées ont fait surface dans les médias, exprimant leurs souffrances dues à un racisme invisible mais néanmoins présent, qu’ils vivent au quotidien et qui les rend vulnérables (Hamisultane, 2021). Par la suite, les conditions du décès de Joyce Echaquan, femme issue de la nation atikamekw au Québec, le 28 septembre 2020, révèlent les propos racistes dont elle a été victime durant son hospitalisation. Des manifestations et des pétitions ont demandé la reconnaissance du racisme systémique par le gouvernement du Québec.

L’université n’est pas un lieu institutionnel épargné par le phénomène de racisme et de discriminations systémiques (CDPDJ, 2020). Le besoin de formation sur ces questions y est crucial. Suite à la mort de Georges Floyd en mai 2020, avec l’appui de l'École de travail social de l’Université de Montréal, quelques professeur.e.s ont organisé deux ateliers de partage afin que les membres noirs de l’école puissent s’exprimer sur les effets de résonance ressentis et les impacts des actes de racisme anti-noir aux États-Unis et au Québec (CAETSUM, 2022). Dans les semaines qui ont suivi, l’École a œuvré pour réfléchir à ces questions et écouter ses étudiant.e.s1 racisé.e.s. Le comité statutaire antiraciste et inclusif de l’École de travail social de l’Université de Montréal (CAÉTSUM) a été voté et mis en place. Il s’adresse aux étudiant.e.s racisé.e.s de diverses identités de genre et orientations sexuelles vivant des multiples formes d’exclusions intersectionnelles. À travers ce comité et avec le soutien de partenaires (Observatoire des profilages et la Chaire de recherche du Canada sur les enfants transgenres et leur famille), nous avons entrepris une recherche-action avec les étudiant.e.s racisé.e.s afin de construire une formation sous la forme d’une web-série interactive contre le racisme à destination des étudiant.e.s, enseignant.e.s et personnel administratif et professionnel de l’École de travail social.

Notre propos repose sur ce projet de recherche-action. Dans un premier temps, nous introduirons plus précisément le contexte du projet ainsi que les enjeux au sein de l’université. Puis nous aborderons les aspects théoriques que nous avons convoqués pour traduire les expériences de racisme vécues par les étudiant.e.s. Notamment en mettant en lumière les ancrages sociaux historiques du racisme. Dans un troisième temps, nous présenterons comment nous avons réfléchi et déployé notre méthodologie pour travailler avec ces étudiant.e.s, particulièrement, à travers une approche anti-oppressive. Dans un quatrième temps, nous évoquerons la co-construction théorique et empirique de l’analyse des témoignages recueillis qui a permis d’établir l’architecture de la web-série, tant au plan des thématiques abordées que des personnages impliqués et des situations présentées. Enfin, nous terminerons par une réflexion critique sur l’ensemble de la démarche et du processus de recherche, en regard de la justice sociale, de l’antiracisme et de la décolonisation nécessaire de nos savoirs à l’université et dans nos pratiques d’accompagnement pédagogique et réflexif.

1. Contexte du projet et enjeux universitaires

1.1. Le projet de formation contre le racisme et les discriminations.

Même si c’est un phénomène social étudié depuis de nombreuses années, comme nous le soulignons au début de ce texte, le racisme a fait couler beaucoup d’encre depuis l’année 2020 au Canada comme dans d’autres pays. Pour autant, la question du racisme systémique n’est toujours pas reconnue par le gouvernement actuel de la province du Québec2, bien qu’il ait mandaté le Groupe d’Action contre le racisme (GACR) afin de produire un rapport sur la situation au Québec. Ce rapport confirme ce que de nombreuses recherches démontrent sur le racisme systémique et les discriminations que vivent les personnes racisées et/ou migrantes (GACR, 2020 ; Hamisultane, 2021).

Or, quelles que soient ces formes, le racisme renvoie à des représentations de la différence phénotypique construites sur une hiérarchisation naturelle des peuples héritée des organisations colonialistes et esclavagistes ; question que nous aborderons dans un deuxième temps. Les concepts les plus souvent entendus (racisme institutionnel, systémique ou structurel), qui supportent chacun leur lot de critiques (Dhume, 2016), démontrent que la manifestation du racisme est complexe et que son analyse doit intégrer une articulation des dimensions individuelle, systémique mais également épistémique.

Aussi, pour à la fois s’attaquer aux formes individuelles, systémiques et épistémiques du racisme au sein de l’université, nous avons fait le projet de construire une formation – pour divers publics – avec des personnes racisées, sur des expériences ciblées de racisme que vivent les étudiant∙e∙s. Combattre l’ignorance (par la formation ou l’enseignement), n’est pas dire que les personnes ignorent ce qu’est le racisme ou ignorent qu’il est véhiculé par des actes au sein de notre société (il y a beaucoup d’informations aujourd’hui sur cette thématique qui circulent dans les médias et permettent d’en entendre parler). Combattre l’ignorance signifie déconstruire les représentations de l’Autre que l’on perçoit différent à cause de son phénotype, et combattre les préjugés qui y sont attenants, fondés sur une absence de connaissance et de compréhension de l’histoire des processus de domination. C’est également l’idée d’agir dans la structure avec d’autres cadres épistémiques et de tenir compte du fait que

« l’ignorance blanche n’est pas « confinée aux Blancs », mais elle peut affecter les non-Blancs, soit à cause de mécanismes d’hégémonie épistémique privant les non-Blancs des connaissances pertinentes, soit par l’adoption par des non-Blancs de contre-épistémologies strictement oppositionnelles, qui se contentent d’inverser, non de transformer ou d’éliminer, la hiérarchie raciale » (Bessone, 2020 :15)

Suite à des recherches entreprises3 sur la question du racisme, notamment auprès des nouvelles générations de personnes asiatiques, et suite aux échanges au sein du CAÉTSUM, nous avons constaté la nécessité de donner la parole aux étudiant.e.s de l’École de travail social mais aussi qu’il.elle.s participent à l’élaboration de ce projet de formation. L’ouverture d’un appel à projet du Vice-rectorat, Partenariats communautaires et internationaux, de l’Université de Montréal, nous a permis de déposer un projet de recherche-action avec des étudiant.e.s racisé.e.s dont la finalité serait une formation contre le racisme et des discriminations à destination de la communauté universitaire de l’École de travail social. Deux étudiantes de l’École de travail social, Charlène Lusikila et Maryam Diakho, en qualité d’auxiliaires de recherche, ont mené des consultations auprès de leurs pairs racisé.e.s suite à un appel à recrutement diffusé dans les associations étudiantes, entre autres.

Les consultations ont mis en évidence le fait que les étudiant.e.s souhaitaient que leurs témoignages servent, notamment, de manière concrète, à leur cause antiraciste et à participer à cette déconstruction des mécanismes structurels racistes qui néanmoins sont toujours le lieu d’interactions individuelles. Après avoir abordé les enjeux au sein de l’université qui sous-tendent notre formation, nous développerons dans la prochaine partie notre protocole de recherche

1.2. Les enjeux universitaires

La question du racisme fait partie depuis quelques années des préoccupations priorisées par l’Association canadienne pour la formation en travail social (ACFTS), tout comme celle de la décolonisation des savoirs. L’un des objectifs centraux, parmi les politiques pédagogiques de l’ACFTS, vise à « développer les connaissances et les habiletés nécessaires pour reconnaître et résister à toutes les formes de racisme, en particulier au racisme contre les Autochtones, contre les Noirs et contre les Asiatiques, en portant une attention aux enjeux de pouvoir et de positionnalité » (p. 17). Ainsi, à la suite des appels à l’action de la Commission Vérité et Réconciliation dans son rapport final en 20154 visant directement la formation et l’intervention des travailleur.euse.s sociaux.les, l’ACTFS a approuvé la «  Déclaration de complicité et d’engagement pour le changement », afin de garantir que la formation en travail social contribue à transformer la réalité coloniale du Canada.

Par cette déclaration et les comités de travail mis en place, l’ACFTS reconnait le rôle du travail social dans la perpétuation des réalités coloniales, tant dans la formation, la recherche que dans la pratique en travail social. Les derniers évènements, que nous citions en introduction (la mort de G. Floyd ou celle de J. Echaquan), mais plus globalement la dénonciation du racisme vécu par les étudiant.e.s issues des communautés racisées et autochtones au Canada sur les campus universitaires, ont contribué à renforcer la volonté politique d’assurer des changements tant dans les structures de formation que dans les contenus pédagogiques. C’est dans cette perspective que de nombreuses universités ont adopté des politiques d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI), mais également des stratégies d’action de lutte contre le racisme, les discriminations et les inconduites au Canada5. À l’Université de Montréal, un plan d’action EDI6 a été adopté en 2020, ainsi qu’un autre pour soutenir l’accueil et l’intégration des Premiers Peuples.7 À l’École de travail social, et pour faire écho à de nombreuses études qui montrent les enjeux vécus par les étudiant.e.s racisé.es dans leur formation (Forrest-Bank et coll., 2018 ; Fairtlough et coll.., 2014 ; Daniel, 2011; Bartoli et coll., 2008), différentes démarches ont été entreprises : un rapport synthèse sur les politiques et les pratiques en matière d’équité (Lee et coll., 2019), un stage réalisé par une étudiante de maîtrise pour soutenir des ateliers pour les étudiant.es racisé.es (Fadel, 2021), la création du CAETSUM, et le projet dont il est question ici.

Considérant ces volontés politiques de changement, d’adoption de plans d’action et de formation développées en ligne pour rejoindre l’ensemble de la communauté universitaire, le projet de recherche-action s’inscrit dans cette continuité.

2. Cadre théorique utilisé pour la recherche-action.

Pour étayer notre réflexion sur la construction de ce projet de formation contre le racisme et les discriminations, nous articulons des éléments des perspectives post-coloniales, décoloniales et des Critical Whiteness Studies (CWS)

2.1. La colonialité, le pouvoir et les enjeux épistémiques

Ainsi que nous le rappelle Etemad (2000), de manière très concrète, 70% de la population mondiale a une histoire coloniale. Nous parlons ici de l’ampleur des organisations colonialistes européennes, qui même si elles n’étaient pas gérées de manière homogène ont peu à peu instauré un système de pouvoir appuyé sur des critères scientifiques de la race (Stoler, 2012), aujourd’hui caduques mais qui imprègnent toujours les champs sociaux, politiques et économiques. Ce que Quijano (2000) désigne par la colonialité du pouvoir. Nous ne reviendrons pas sur la notion de race8, mais il est important de clarifier que le processus de construction scientifique occidental (édifiant jusqu’à la moitié du XXème siècle une hiérarchisation des races) a permis de soutenir ces organisations coloniales afin de justifier l’exploitation des ressources, l’asservissement des populations et le commerce triangulaire. En effet, malgré tout, « la race n’appartient pas au passé – en faire l’histoire c’est aussi proposer une histoire du temps présent et se demander quel est l’avenir que nous voulons et celui que nous ne voulons pas pour la question raciale » (Bessone, 2018 : 453). Pour comprendre cette difficulté à écouter les personnes racisées, il est donc nécessaire de comprendre quelle position leur est donnée dans le social, la science et l’histoire. Car

« l’histoire peut nous fournir les moyens de comprendre nos conduites raciales actuelles si elle les débarrasse d’une référence constante aux modèles historiques (à certains modèles historiques constitués comme les standards de la « pensée raciale ») pour saisir la nouveauté des structures de violence induites par le recours à la race. Mais elle peut également nous aider à interroger les contours et les limites de ce « nous » que la race a toujours servi à identifier par exclusion de ceux qui sont désignés comme extérieurs, « nous » qui se reconfigure en permanence » (Bessone, 2018 : 453)

Concernant la science, les perspectives postcoloniales et décoloniales nous montrent peu à peu comment se sont installées les injustices épistémiques (Fricker 2007 ; Mills, 1997, 2015 ; Bessone, 2018) selon lesquelles, d’une part, les témoignages des personnes vivant des injustices (en l’occurrence des personnes racisées) ne sont pas perçus comme source de savoir crédible ; la crédibilité étant accordée à d’autres catégories d’individus (en l’occurrence non racisés). D’autre part, ces injustices épistémiques, nous rappelle Bessone (2018), intègrent également les injustices herméneutiques (Fricker, 2007) qui traduisent le fait qu’en raison des inégalités sociales dues aux discriminations systémiques, certains groupes ont moins accès à l’éducation qui leur permettrait de rendre compte de leurs expériences. Parallèlement, même si ces groupes sont en mesure de produire des connaissances, ils doivent faire face à des groupes épistémiques dominants qui les invalident (Bessone, 2018). Ce qui est le produit d’un rapport de pouvoir.

Ce rapport de pouvoir prend ses sources dans la colonisation. Le pouvoir est, selon Foucault, avant tout une relation sociale. Il s’inscrit dans un discours qui, au fil du temps, produit du savoir et participe à construire des représentations et des positions. En d’autres termes, « pouvoir et savoir s’impliquent directement l’un l’autre […] il n’y a pas de relation de pouvoir sans constitution corrélative d’un champ de savoir, ni de savoir qui ne suppose et ne constitue en même temps des relations de pouvoir » (Foucault, 1975 : 32 dans Hall, 2007)9. D’ailleurs, avec Foucault (1971) nous pouvons faire ce lien entre la science, le pouvoir et l’histoire :

« J’ai compris que, indépendamment de l’histoire traditionnelle des sciences, une autre méthode était possible, qui consistait en une certaine manière de considérer moins le contenu de la science que sa propre existence ; une certaine manière d’interroger les faits, qui m’a fait voir que, dans une culture comme celle de l’Occident, la pratique scientifique a une émergence historique » (1026).

En d’autres termes, la manière de produire de la connaissance s’inscrit aussi dans une façon d’interroger les faits, laquelle, dans le processus historique de la colonisation, est devenue dominante (Saïd, 1978 ; Mills 2015 ; Melamed, 2015). À cet égard, Hall (2007) se demande si le discours qui s’est développé à « l’Ouest » pour parler du « Reste » pouvait s’installer sans un système de pouvoir. Or ce système de pouvoir est aussi mis en évidence à travers les travaux sur l’Eurocentrisme et dans les Critical Whitness Studies (CWS).

Selon ces travaux, l’eurocentrisme est une idéologie qui met l’Europe et l’Occident au centre d’une norme civilisationnelle (Mbembe, 2021; Inglebert 2014), qui sous-tend la supériorité de l’Europe au niveau scientifique, technique, politique et culturel après 1789. Le modèle européen s’inscrit comme visée ultime de civilisation universelle et par la suite de modernité (Stoler, 2012). Cette vision du monde est imposée par la colonisation au reste du monde qui adopte les standards européens et l’idéologie de la suprématie blanche. Par ailleurs, selon Stoler, ces standards imposent « des différences raciales […] fondamentalement structurées en termes genrés » (Stoler, 2013 : 70).

Cet eurocentrisme diffère d’une région à l’autre. Comme le souligne Etemad, si la colonisation fait de l'Amérique une « création » de l'Europe, « en Asie et en Afrique, elle n’ébranle pas, comme en Amérique, les fondements démographiques des peuples soumis, mais véhicule des techniques nouvelles qui rongent les structures économiques et sociales en place » (Etemad, 2000 : 258) ». En effet, il y aurait eu entre 350 000 et 500 000 personnes autochtones au XVIème siècle au Canada, et au XIXème siècle on estime qu’il reste 100 000 à 125 000 membres de cette population (Hamelin, 1965). Désigné par Hamidi et Kanapé Fontaine (2018) comme étant « un génocide toujours en marche », le colonialisme d’occupation au Canada et au Québec se présente comme un « système institué pour exercer une oppression dans tous les domaines de l’existence humaine : physique, psychique, territorial, institutionnel, juridique et domestique » (p. 14). Cela étant dit, l’histoire sociale des peuples autochtones, notamment les femmes autochtones, comprend également des actes de résistance et de solidarité qui perdurent (Hamidi et Kanapé Fontaine (2018).

Pour autant, l’historiographie de l’étendue de cette emprise coloniale est difficile à transmettre du point de vue des réalités des pays colonisés, étant donné qu’elle apparaît peu dans les livres scolaires d’histoire et que, donc, les nouvelles générations n’en sont que peu informées, notamment au Québec. Par exemple, Gay (2004), qui retrace l’histoire de l’esclavage et des personnes noires au Québec à partir du XVIème siècle, montre bien la participation de la Nouvelle France à l’esclavage (colonie française en Amérique du Nord, préfigurant le Québec actuel) qui possédait des esclaves provenant du commerce triangulaire et des esclaves autochtones. Ces informations contredisent les représentations selon lesquels l’esclavage se situait au sud des États-Unis et non au Canada. De même, Vergès (2018) souligne comment cette historiographie de la colonisation et de l’esclavage n’intègre pas les personnages de résistance et les révolutions anti-esclavagistes – par exemple, la révolution des esclaves en Haïti, qui donna naissance à l’instauration d’une république en 1804, et qui influença les autres communautés d’esclaves dans les pays en Amérique du Sud.

L’Eurocentrisme et la colonisation ont construit les représentations de la couleur de peau et du phénotype (par exemple, l’hypersexualisation des corps racisées) qui s’inscrivent aujourd’hui dans les préjugés raciaux (Peiretti-Courtis, 2021; Painter, 2019 ; Lowe, 2015). Ainsi, le fait d’être blanc représente aussi une catégorie. Cette catégorie demeure en questionnement à travers les Critical Whiteness Studies (CWS) aux États-Unis comme en Europe (Kerner 2009 ; Applebaum, 2016). Par exemple, si aux États-Unis la dichotomie noir/blanc est au centre des réflexions, en Europe, la racisation, notamment en Allemagne, s’est posée sur les personnes juives et pas seulement sur les personnes noires. La blanchité est alors perçue comme une catégorie politique, un système de domination, une situation de privilège structurel (Kerner, 2009). Ce privilège blanc dénoncé par les CWS ne peut être uniquement « résolu » par une autoréflexion des personnes blanches mais doit être réfléchi dans plusieurs dimensions : épistémique, structurelle et individuelle (Kerner, 2009).

C’est en nous basant sur ces réflexions touchant à ces dimensions que nous avons entrepris notre démarche de recherche et la construction de la formation.

3. Démarche éthique et méthodologique de la recherche-action participative

3.1. Positionnement éthique

Le développement de la formation s’actualisant par le biais d’un projet de recherche visant à co-construire le contenu à partir du vécu des personnes concernées, une démarche approbation éthique auprès du Comité d’éthique à la recherche - société et culture (CER-SC), a été entreprise et un certificat d’éthique a été obtenu. Cela dit, le projet émanant de l’École de travail social, il est apparu important d’aller au-delà des normes minimales d’éthique de la recherche et s’assurer que la démarche méthodologique soit également en cohérence avec les valeurs et la mission de la profession.

En effet, le travail social est une discipline qui est reconnue comme s'appuyant sur un ensemble de valeurs et de principes spécifiques qui devraient guider la pratique. Bien que la pratique puisse changer d'un contexte à l'autre, le travail social vise généralement le respect de l’égalité et des droits humains, la valeur et la dignité de tous·tes, et la poursuite la justice sociale. Le travail social a aussi pour mission de promouvoir l'émancipation et le développement du pouvoir d’agir des personnes, des groupes et des communautés avec lesquels le·a professionnel·le travaille.

Or si ces valeurs sont bien connues comme étant au cœur de la pratique des travailleur·euse·s social·e·s, il ne devrait pas en être moins lorsque l’activité concerne la recherche dans le contexte de cette discipline (Shannon 2013 ; Pullen Sansfaçon 2014).

Les chercheurs en travail social, tout comme les chercheurs d’autres disciplines qui partagent des valeurs similaires, devraient donc développer des projets qui respectent les règles éthiques de base, mais qui favorisent également le changement social, en s’inspirant de méthodologies qui poursuivent des finalités ne se limitant pas à la production de connaissances (Pullen-Sansfaçon, 2014 :40)

Les approches participatives en recherche, comme la recherche-action, constituent un bon point de départ pour effectuer un travail ancré dans les valeurs du travail social, puisque ces méthodologies favorisent le changement à partir du point de vue des personnes concernées. Cependant, les chercheur·e·s doivent demeurer vigilant.e.s quant à l’émergence possible de relations de pouvoir dans l’équipe (bailleurs de fonds, chercheur·e·s, étudiant·e·s, participant·e·s par exemple) qui pourraient nuire au processus de construction des savoirs mais aussi au processus de reprise de pouvoir et d’émancipation des personnes concernées par le projet. Afin d’assurer que le projet rencontre réellement les valeurs du travail social et qu’il évite le développement de relations de pouvoir entre les différentes parties, les principes de l’approche anti-oppressive ont été intégrés tout au long du processus de recherche.

L’approche anti-oppressive est souvent décrite autant comme philosophie et « manière de penser » que méthode de travail (Pullen-Sansfaçon, 2013 ; Lee et coll., 2017). Pullen-Sansfaçon (2013) décrit six principes à poursuivre afin de développer des interventions ou des recherches qui sont dites anti-oppressives. Par exemple, l’intervention devrait poursuivre une visée de transformation sociale, ce qui, dans le cas de ce projet, est central du fait du désir de changer les structures à travers la formation ; elle devrait également revêtir un engagement fort de la part des personnes impliquées, afin de mettre au jour leurs savoirs et cultiver leur esprit critique sur les connaissances à acquérir et sur celles acquises, aux fins d’évaluer de manière réflexive leurs actions et décisions.

Il importe également de maintenir un processus constant d’autoréflexion critique afin de ne pas reproduire les oppressions (Pullen-Sansfaçon, 2013). Ceci est particulièrement important alors que certain.e.s chercheur.e.s pourraient ne pas travailler à partir du même positionnement social que les personnes concernées par le projet (par exemple, un.e chercheur.e cisgenre impliqué.e sur des projets concernant les enjeux trans ; ou une personne blanche travaillant auprès de personnes racisées). Prendre conscience des dimensions sociales qui touchent sa propre expérience peut aider à s’engager dans le travail avec l’Autre. Ensuite, l’approche anti-oppressive demande de s’engager dans une analyse critique des problèmes, en contestant par exemple les idéologies dominantes. Par ailleurs, une pratique dite anti-oppressive devrait favoriser le pouvoir d’agir, l’empowerment des personnes concernées, à travers « la collectivisation des problèmes, la remise en question des idéologies dominantes, la défense des droits de la personne, du groupe et de la collectivité » (Lee et coll., 2017 : 14). Enfin, elle devrait se faire à travers le développement d’alliances et de travail en partenariat (Pullen-Sansfaçon, 2013), puisque la résistance aux oppressions est parfois facilitée par la force du nombre.

À travers les détails de notre cadre méthodologique de recherche, il sera possible de voir comment ces principes ont été actualisés dans la recherche. C’est en portant attention à l’ancrage dans ces valeurs et principes que ce projet a pu devenir porteur, non seulement du développement d’une formation qui servira à sensibiliser la population étudiante aux enjeux de racisme, mais également les participant.e.s et personnes concernées pour qu’elles agissent sur les situations de racisme vécues en contexte universitaire.

3.2. Cadre méthodologique pour construire la web-série

Pour constituer notre projet de formation par le biais d’une web-série interactive de 6 épisodes, pour une durée totale d’environ 40 minutes, nous avons entrepris donc une recherche-action en plusieurs phases. Nous avons voulu qu’elle intègre la participation des personnes concernées. Dans ce contexte, le parti pris a été que les chercheur.e.s s’écartent du processus de consultation pour les laisser entre les mains des deux étudiantes, Charlènes Lusikila et Maryam Diakho, concernées par le racisme et dont les mémoires de maîtrise portent sur la racisation.

3.3. Phase de pré-construction

Avant les rencontres, la chercheure principale a transmis une grille de questions, qui se voulait davantage un support mémoriel qu’un questionnaire, ainsi qu’une base de plan structurel de la formation imaginée. Cette base structurelle constituait le plan provisoire du projet de vidéo pour la formation, intégrant les différentes thématiques à convoquer constituant le processus d’apprentissage : histoire de la racisation, concepts et théories permettant de saisir dans le contexte actuel le problème social du racisme, les profils et statuts des acteur.trice.s amené.e.s à jouer des rôles dans la vidéo, des situations spécifiques entre ces différents profils et statuts.

L’idée des consultations était de conduire les participant.e.s, d’une part à partager des témoignages de racisme qu’il.elle.s avaient vécu au sein de l’université, et d’autre part, à donner leur avis sur le contenu d’une formation qui traiterait de racisme. Ces consultations, effectuées par les deux étudiantes, Charlène Lusikila et Maryam Diakho, ont permis, de ce fait, d’ajuster le plan structurel et d’intégrer de nouveaux concepts qui semblaient importants pour les participant.e.s. Cette décision s’inscrit dans l’objectif de ne pas introduire un rapport de pourvoir avec les professeur∙e∙s et de créer un espace sécuritaire de parole.

Du point de vue éthique, il ne s’agissait pas de transcrire les entrevues mais de prendre les conseils et les témoignages pour les insérer sous une autre forme dans notre projet de web-série, à travers des dialogues créés et des personnages fictifs, bien que reflétant la pluralité des identités des étudiant.e.s.

3.4. Phase de mobilisation des étudiant·e·s dans le processus de consultation

Les étudiant.e.s racisé.e.s participant au projet se sont mobilisé.e.s à la suite de diffusions d'affiches sur les réseaux sociaux, le réseau universitaire et par le bouche-à-oreille. Par ces méthodes, il a été possible de mobiliser huit personnes. Ces dernier.ère.s, porté.e.s par une perspective critique sur le racisme et ses effets, souhaitaient, par leurs témoignages, entamer un dialogue, favoriser la conscientisation de ces enjeux et les positionner au cœur des débats universitaires. Il s’agissait d’une réappropriation de leurs vécus et de sortir d’une condition victimaire à laquelle les personnes racisées sont souvent assignées.

Les entretiens individuels ont été des espaces de libération de la parole pour plusieurs étudiant.e.s, amenant, les auxiliaires de recherche, également travailleuses sociales de formation, à accueillir des propos intimes, vifs, douloureux, traumatisants, qui montrent la nécessité d’agir concrètement. En effet, plusieurs étudiant.e.s ont indiqué « se sentir muselé.e.s ». De ce fait, cet espace sécuritaire proposé leur a permis de nommer, dénoncer et mettre en lumière des vécus souvent ignorés. Ainsi, les auxiliaires de recherche se sont adaptées et ont proposé, lorsque nécessaire, des périodes supplémentaires d’entrevues. À la lumière de ces entretiens, elles ont été en mesure de répertorier les différents défis auxquels les étudiant.e.s racisé.e.s sont confronté.e.s, tant aux niveaux structurel, relationnel qu’épistémique.

Ces consultations ont permis de mettre en lumière la manière dont les étudiant.e.s racisé.e.s vivent l’intersectionnalité de multiples sources d’oppressions. Au quotidien, les étudiant.e.s dénoncent la présence de micro-agressions liées à des stéréotypes ou des représentations erronées du groupe racial auxquelles il.elle.s sont assigné..e.s. Tou.te.s mettent en avant une altérité ambiante au sein du milieu universitaire, « nous et eux », engendrant un fort sentiment d’exclusion et d’isolement, révélé également dans des recherches sur les étudiant.e.s universitaires (Magnan et coll. 2021).

De plus, les participant.e.s ont souligné une invalidation de leurs expériences antérieures ainsi qu’une dévalorisation de leurs compétences par leurs pairs et professeur.e.s non racisé.e.s. Face à ces différents éléments, les étudiant·e·s ont déploré l’absence de mécanismes clairs de soutien en cas de violences racistes à leur endroit. En ce sens, certain.e.s ont fait part d’une crainte de représailles, et pour beaucoup, d’un sentiment d’impunité à l’égard d’un système raciste. Pour les participant.e.s, cela se traduit à travers des défis structurels, notamment par le manque de formation du corps professoral et administratif par rapport aux enjeux raciaux. Il en résulte une surcharge mentale raciale importante pour ces étudiant.e.s.

Par la suite, à partir d’une analyse des consultations des participant.e.s, nous avons dégagé plusieurs thématiques reflétant leurs réalités. Ces observations préliminaires ont été présentées à tou·te.s les participant.e.s, lors d’une rencontre de groupe. Cela a favorisé la co-construction d’une compréhension des enjeux du racisme en milieu universitaire et une identification d’un contenu de la formation qui y répondrait. Par ce processus, les étudiant.e.s ont pu valider la corrélation entre leurs expériences vécues/observées avec les analyses des entrevues individuelles et la théorisation proposée (Hallé, 2012).

3.5. Phase de tournage

À la suite des consultations, en suivant le plan structurel de la formation, nous avons constitué six scènes, basées sur les témoignages des participant.e.s, illustrant la question du racisme et des discriminations. Nous avons construit les dialogues en lien à des caractéristiques phénotypiques des personnages.

Au cours du tournage, nous avons rencontré les acteur.trice.s pour leur expliquer le projet. Nous avons pris soin de les questionner sur les raisons qui les avaient conduites à candidater. Pour les personnes racisées, elles se sentaient concernées par la question et pensaient que le projet avait son utilité dans les contextes de racisme actuel. Nous leur avons également demandé de partager leurs réflexions sur les personnages qu’il.elle.s incarnaient et si il.elle.s souhaitaient modifier le texte lié à leur identité. Certains aspects l’ont été selon leurs besoins exprimés.

3.6. Caractéristiques des personnages

Steven, 30 ans, Homme autochtone de la nation Crie.

Emilie, 22 ans, Québécoise (3e génération). Ses grands-parents sont originaires du Vietnam

Daniel.le, 23 ans, Québécois.e, de parents originaires du Brésil. Arrivé.e au Canada à l’âge de 5 ans. Personne trans non-binaire.

Nawel, 40 ans, arrivée de Syrie en 2018, femme. Elle porte le voile. Travailleuse sociale dans son pays ; elle reprend ses études, en travail social, dans le cadre d’une équivalence de diplôme. Elle a un enfant.

Christelle, 24 ans, femme arrivée au Québec du Cameroun francophone il y a 3 ans, pour ses études. Un petit accent français ou international.

Andréanne, 22 ans, québécoise originaire de l’Estrie. Ses arrière-grands-parents sont arrivés d’Italie. Elle est à Montréal pour l’université.

Mme Desjardins, 40 ans, femme d’origine haïtienne, ​​​superviseure de stage.

Mme Masson, 40 ans, femme blanche québécoise, professeure

André, 50 ans homme blanc québécois, agent administratif.

Dans le montage final, après chaque scène jouée, qui constitue un épisode de la web-série, une page « exercice réflexif » soumet l’utilisateur.trice à une réflexion qui lui permet de se décentrer pour mieux comprendre les situations de racisme que l’épisode a pu montrer. Suite à cet exercice (qu’il est conseillé d’effectuer avec un ou une enseignante ou superviseure), une fiche de synthèse théorique narrée permet d’apporter les concepts nécessaires pour soutenir la réflexion. Cette fiche sonore est incluse dans une autre video illustrée (articulant la voix et les images) afin que le message soit mieux assimilé par les participant.e.s. Des mots clefs interactifs sont mis en exergue, permettant d’avoir des définitions plus précises.

4. Contenu de la web-série : résultats de la recherche

Dans cette partie, nous faisons part des synopsis construits à partir de la recherche-action qui tiennent lieu de résultats de recherche et du texte qui suit cette scène.

4.1 Synopsis des six capsules video de la web-série et articulation théorique

4.1.1. Synopsis Capsule 1

On se retrouve à la fin d’un cours. Steven et Daniel rangent leurs affaires et Steven partage ses frustrations en lien avec la répartition des équipes lors de travaux de groupe. Il explique qu’il se retrouve souvent dans des équipes avec des personnes racisées. Steven a l’impression que cette situation lui est toujours imposée. Daniel acquiesce et s’inclut dans des expériences similaires. Andréanne entend l’échange entre les deux étudiants et se joint à leur conversation. Elle tente, de manière assez maladroite, de justifier cette répartition des groupes. Elle souligne que dans son expérience, il y a des différences avec les personnes d’autres cultures, par exemple, en lien avec la façon d’écrire et de travailler.

Cette scène nous a permis de convoquer la question du racisme (et ses différentes formes), de ses ancrages dans l’histoire et de comment sont forgées nos représentations de l’autre. Notamment en nous référant à l’histoire coloniale et de l’esclavage, du commerce triangulaire. Différent mots clefs apparaissent (de manière interactive), dont la définition permet d’approfondir le texte.

4.1.2 Synopsis capsule 2

Dans cette scène, Christelle parle à Daniel et Emilie à l’heure du lunch. Elle se remémore l’échange qu’elle a eu avec une professeure, il y a une semaine (flashback).

Flashback : Christelle décrit à sa professeure (Mme Masson) des micro-agressions qu’elle subit dans son milieu de stage. La professeure répond ne pas savoir quoi faire. Elle explique bien connaître le lieu de stage et qu’il n’y a jamais eu de problème jusque-là. Elle dit être désolée par la situation mais ne sait que faire. Elle souligne la difficulté de trouver un milieu de stage et qu’il serait préférable pour elle de s’adapter pour ne pas le perdre. Cela sème le doute dans l’esprit de Christelle, qui se met en question, analysant chacune de ses actions.

Retour à la cafétéria où Émilie et Daniel affirment à Christelle que la situation est grave. Iels l’encouragent à entreprendre des actions. Christelle dresse un portrait de sa réalité à titre d’étudiante étrangère et ses craintes d’être pénalisée. Émilie et Daniel lui font part des dynamiques de pouvoir qu’ils perçoivent dans l’expérience de Christelle

Cette scène nous permet d’expliquer par la suite les rapports de pouvoir et en quoi ils produisent un savoir, mais également comment s’inscrivent les micro-agressions racistes et les formes d’oppression qui vont agir sur l’identité de la personne racisée non reconnue à l’aulne de son sentiment d’être.

4.1.3. Synopsis capsule 3

Nous nous retrouvons à la fin d’une présentation orale de groupe. Les étudiant.e.s ont quitté la salle. Il ne reste qu’Émilie, Andréanne, Nawel qui rangent leurs affaires, et Mme Masson, la professeure. Émilie et Nawel se font interpeller par Mme Masson puis par Andréanne. Mme Masson met en doute l’emploi de la théorie critique de la race et sa légitimité dans la recherche. Elle nomme ses réserves et reste prudente avec ce genre de théorie. Andréanne souligne que « la race n’explique pas tout ». Nawel et Andréanne engagent une discussion autour de la postcolonialité en se référant à leurs histoires familiales respectives.

Cette scène est sous-tendue par un texte expliquant la généalogie de la Critical Race Theory (CRT) et en quoi elle permet d’étayer les questions raciales.

4.1.4. Synopsis capsule 4

Mme Desjardins, superviseure de stage de Nawel, l’attend à la cafétéria de l’université pour une rencontre avec sa professeure. Un agent administratif, André, confond Mme Desjardins avec une préposée. Nawel arrive et les deux femmes échangent sur leurs expériences, à titre de personnes racisées, et des micro-agressions, assignations identitaires (etc.) vécues.

Cette scène précède un texte qui déplie la formation des préjugés racistes et expose en quoi il est difficile de déconstruire les représentations intériorisées liées à la couleur de la peau et aux autres caractéristiques phénotypiques.

4.1.5. Synopsis capsule 5

Dans cette scène, nous observons les interactions à travers le regard des différents personnages présents. Nawel entame une conversation avec Steven et Christelle où elle leur raconte l’échange qu’elle a eu avec sa superviseure, Mme Masson. Andréanne intervient dans la conversation en exprimant son désaccord. Nawel exprime un ras-le-bol à la suite de l’intervention d’Andréanne, en la remettant à sa place. Andréanne se met à pleurer et Christelle fuit aux toilettes. Steven soutient Nawel, comprenant la fatigue que Nawel vit. Andréanne enclenche une justification et elle tente de se dédouaner de ses actes en soulignant qu’elle n’était pas malintentionnée. Elle utilise son état émotionnel du moment pour renforcer sa bienveillance. Nawel part en tirade et exprime un trop-plein émotionnel lié au racisme qu’elle subit quotidiennement.

Cette dernière scène met en jeu la question du privilège blanc qui est expliqué dans le texte qui suit cette capsule, à travers le courant des Critical Whiteness Studies (CWS). D’autres concepts sont abordés comme le profilage racial, l’assignation identitaire, etc.

4.1.6. Synopsis capsule 6

Mme Masson est dans le couloiret rejoint Andréanne qui est visiblement bouleversée. Christelle revient des toilettes et surprend la conversation entre Mme Masson et Andréanne.

Mme Masson exprime à Andréanne qu’elle partage des caractéristiques communes par rapport à leur positionnement social (femme, blanche, classe moyenne aisée, francophone) et lui fait part de ses réflexions à la suite des échanges qu’elle a observés entre Andréanne, Nawel et Steven. Mme Masson confie à Andréanne qu’une remise en question de leurs positionnements sociaux et de leurs privilèges est essentielle afin qu’elles puissent prendre conscience des inégalités auxquelles elles participent et dont elles bénéficient toutes deux.

Andréanne réalise qu’elle a été vectrice de racisme à l’égard de ses collègues de classe et qu’elle se questionne à présent. Christelle souligne que les situations de racisme qu’elle a vécues auprès de ces personnes lui ont fait comprendre que l’évitement ne lui convient pas et qu’elle ne veut et ne peut plus tolérer d’actions et de propos racistes.

Cette scène finale est un épilogue et marque la fin de la web-série et l’idée même de cette formation : comprendre ce que vivent les personnes racisées, notamment dans le cadre de l’université, conscientiser les enjeux auxquels il.elle.s sont confronté.e.s, et enfin amener à réfléchir aux actions de lutte possibles contre le racisme.

Conclusion

Ces différents synopsis qui ont servi de support à la construction des dialogues de chaque scène pour la web-série, nous permettent de rendre réelles les violences symboliques (Bourdieu, 1997 ; Bourdieu et Passeron, 1970) qui ont été, comme en témoigne les expériences des étudiant.e.s au travers de nos recherches, invisibilisées, mais aussi vécues sous silence (Hamisultane, 2017, 2021) pendant longtemps dans les sociétés occidentales et coloniales. De ce fait, l’effacement historique de la violence raciale comme caractéristique intégrante des pratiques coloniales au Canada et au Québec ont laissé des cicatrices intergénérationnelles sur les communautés autochtones, noires et autrement racisées. La compréhension de ces cicatrices permet d’apporter un éclairage sur les réactions actuelles contre les injustices raciales et coloniales, notamment durant le contexte de la COVID-19 (Hamisultane et coll., 2022). Comme nous l’introduisons au début de cet article, le contexte de l’année 2020 aura permis qu’une parole dénonçant ces violences se répande davantage.

Cette violence symbolique (que l’on voit par exemple dans les synopsis 1 et 2), concept construit par Bourdieu dans la question de classe, notamment, et du rapport dominant-dominé dans les milieux éducatifs, peut aujourd’hui se comprendre dans une articulation avec notre cadre théorique. La pertinence du concept de violence symbolique bourdieusien (reconnu par les théories occidentales sur les rapports de domination et, en l’occurrence, en enseignement) est de montrer l’invisibilité de la violence, que l’on peut désigner comme des micro-agressions racistes (Sue et coll., 2007 ; Hamisultane, 2020), ces formes d’exclusion qui s’inscrivent dans des mécanismes reproduisant les dominations de manière normative sans qu’un acte d’autorité soit posé. Par exemple dans le synopsis 2, l’étudiante se voit convaincre par sa professeure qui lui explique qu’il vaut mieux qu’elle reste dans son milieu de stage malgré les violences symboliques subies, instaurant ainsi la normalité de ce type de micro-agressions racistes ainsi que l’inutilité d’en faire un cas de démission, donc de l’accepter.

Si le concept bourdieusien ne s’inscrit pas dans une perspective postcoloniale, nous pouvons comprendre cette violence symbolique comme un héritage des représentations de l’Autre que nous avions souligné dans notre cadre théorique. En effet, L’Eurocentrisme dans le processus de construction du savoir, a créé ces injustices épistémiques et herméneutiques qui déterminent la parole des personnes racisées comme porteuses d’un savoir illégitime dans ce cadre. Nous le voyons dans le synopsis 3, où le discours des étudiantes, présentant la théorie critique de la race, est remis en question par la professeure qui doute de sa validité au Québec. Rappelons que cette théorie est principalement édifiée par des personnes racisées.

Par ailleurs, ces synopsis nous montrent également que les violences subies (plus que symboliques dans le cas des peuples autochtones) ne peuvent pas uniquement se résoudre par des actes de reconnaissance (comme le montre le synopsis 1 et 5) qui aboutiraient à déculpabiliser historiquement les populations blanches, tel que le démontre les CWS, mais qu’il est nécessaire, comme nous l’avons souligné, de réfléchir à nos relations et interactions à l’intersection de plusieurs dimensions : épistémique, structurelle et individuelle.

Concernant, notre recherche-action, elle a « […] [le] potentiel […] de contester la cooptation idéologique qui oriente, contrôle, limite et subordonne la production, la diffusion et l’utilisation des connaissances et des pratiques scientifiques à un projet politique érigé en dominance » (Zuniga, 1981, 44). En ce sens, au-delà de sa portée éducative, cette formation se propose aussi comme témoignage de la résistance d’étudiant.e.s autochtones et racisé.e.s. Au travers de chacun des dialogues, se dessinent le refus d’une assignation à une quelconque catégorie, qu’elle soit raciale, genrée ou autre, et le désir d’être, tout simplement. Si le Canada est dépositaire d’un héritage colonial (Nelson et Nelson, 2004) et esclavagiste, l’université canadienne, et par conséquent québécoise, en est aussi bénéficiaire. La formation en travail social doit notamment surligner la manière dont la profession a été « complice des expressions historiques et actuelles de la violence et des injustices coloniales » (ACFTS, 2022 : 16). En effet, les témoignages et les dialogues évoqués par notre projet pourraient offrir une piste vers la décolonisation de la formation, tant en travail social que dans d’autres domaines.

Dans le cadre de cette formation, nous tentons de répondre aux enjeux vécus par les étudiant.e.s, à ceux de l’université et aux réalités actuelles de notre monde contemporain auquel doit faire face le travail social. La formation en travail social est caractérisée notamment par une démarche réflexive visant à amorcer un processus de conscientisation des sources structurelles des inégalités et des oppressions afin que les étudiant.e.s puissent mieux comprendre leur participation – consciente ou inconsciente – aux dynamiques d’oppression (Lee et coll., 2017). Selon MacDonald et coll. (2019), cette formation devrait offrir aux étudiant.e.s un espace de réflexion critique et collective autour des enjeux de pouvoir afin de favoriser l’élaboration « de stratégies pour les démanteler et les déconstruire, tout en travaillant à reconstruire et à repenser une vie et un être équitables » (p. 8). Ainsi, les retombées de notre projet visent à favoriser des processus d’apprentissages critiques et anti-oppressifs, ce qui est cohérent avec la mission de l’École de travail social de l’Université de Montréal : « soutenir le développement de pratiques innovantes promouvant l’égalité, la justice sociale et le bien-être des populations concernées » (ETS, 2022 : 4).

1 Dans cet article, nous utilisons l’écriture épicène pour désigner les identités mais pas pour les accords grammaticaux, pour simplifier la lecture.

2 La structure politique du Canada est fédéraliste. Chaque province du Canada est dirigée par un premier ministre élu. Le premier ministre du Québec

3 Hamisultane s., Lee, E. O.J., Le Gall, J., Ho, A. (2021-2024). Détresse, formes d’exclusion et héritage migratoire : trajectoire sociale et

Hamisultane s., Lee, E.O.J., Le Gall, J. (2020-2022). Racisme et oppression : la détresse des descendants de migrants asiatiques en contexte de

4 Rapport final de la Commission Vérité et Réconicliation (2015)

Rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada | Premier ministre du Canada (pm.gc.ca)

5 À cet égard, les Universités québécoises ont développé des formations en matière d’inconduites sexuelles. L’Université de Montréal a adopté une

6 Équité, diversité et inclusion - Université de Montréal (umontreal.ca)

7 Premiers Peuples - Université de Montréal (umontreal.ca)

8 Depuis la découverte de l’ADN, après la seconde mondiale, il est établi qu’il n’y a qu’une seule race humaine.

9 Publié dans Bouyahia M., Freitas-Ekué F. et K. Ramdami (2021).

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Université de Montréal Nouvelles, Équité, diversité et inclusion à l’UdeM: état des lieux et vision 2020-2023, mars 2020. https://nouvelles.umontreal.ca/article/2020/03/04/equite-diversite-et-inclusion-a-l-udem-etat-des-lieux-et-vision-2020-2023/

Verges, Françoise, entretien France Culture, À voix nue, 2018.

Zuniga, Ricardo, « La recherche-action et le contrôle du savoir », International Review of Community Development, n° 5, 1981, pp. 35-44.

1 Dans cet article, nous utilisons l’écriture épicène pour désigner les identités mais pas pour les accords grammaticaux, pour simplifier la lecture. Nous appliquons également l’écriture inclusive. L’article est donc rédigé dans un langage neutre (utilisation d’une féminisation avec un point médian). Ainsi, nous avons recours aux pronoms neutres « iel » et « iels » afin de respecter la diversité des expressions de genre, incluant les personnes non binaires.

2 La structure politique du Canada est fédéraliste. Chaque province du Canada est dirigée par un premier ministre élu. Le premier ministre du Québec, François Legault, est élu depuis 2018 jusqu’aux prochaines élections fixées tous les 4 ans.

3 Hamisultane s., Lee, E. O.J., Le Gall, J., Ho, A. (2021-2024). Détresse, formes d’exclusion et héritage migratoire : trajectoire sociale et subjectivité des personnes descendantes de migrants asiatiques

Hamisultane s., Lee, E.O.J., Le Gall, J. (2020-2022). Racisme et oppression : la détresse des descendants de migrants asiatiques en contexte de pandémie. Reherche – Institut Universitaire Sherpa – CIUSSS-Centre-Ouest-de-l'île-de-Montréal

4 Rapport final de la Commission Vérité et Réconicliation (2015)

Rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada | Premier ministre du Canada (pm.gc.ca)

5 À cet égard, les Universités québécoises ont développé des formations en matière d’inconduites sexuelles. L’Université de Montréal a adopté une politique entrée en vigueur en 2019, ainsi qu’une formation en ligne. Inconduites et violences à caractère sexuel (umontreal.ca)

6 Équité, diversité et inclusion - Université de Montréal (umontreal.ca)

7 Premiers Peuples - Université de Montréal (umontreal.ca)

8 Depuis la découverte de l’ADN, après la seconde mondiale, il est établi qu’il n’y a qu’une seule race humaine.

9 Publié dans Bouyahia M., Freitas-Ekué F. et K. Ramdami (2021).

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