À propos de l’identité française actuelle

Emmanuelle Guerin

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Emmanuelle Guerin, « À propos de l’identité française actuelle », Archipélies [En ligne], 10 | 2020, mis en ligne le 15 décembre 2020, consulté le 19 mars 2024. URL : https://www.archipelies.org/805

Cet article tente d’apporter des éléments de compréhension de l’identité française actuelle. Il s’agit de mettre en lumière ce qui distingue les référents culturels formellement et socialement légitimes. On pointe le fait que cette distinction n’est pas sans conséquence sur la construction identitaire notamment des Français dits « issus de l’immigration ». Ces derniers sont pris dans des processus d’auto- et d’hétéro-marginalisation qui les conduisent à entretenir des « imaginaires communautaires ». Au-delà des représentations communes, on cherche à montrer que les frontières sont poreuses et que ces Français participent comme les autres au dessin des contours de l’identité française actuelle. Cela est particulièrement visible dans les pratiques langagières qui bravent ordinairement la pression normative, souvent à l’insu des locuteurs, et rend compte de la réalité de l’évolution de la société.

This article attempts to provide some understanding of the current French identity. It’s about highlighting what distinguishes formally and socially legitimate cultural referents. It is pointed out that this distinction is not without consequences on the construction of identity, in particular for French people known as "of immigrant background". They are caught up in self- and hetero-marginalization processes which lead them to maintain "community imaginaries". Beyond the common representations, I’m trying to show that the borders are porous and these French people participate like the others in drawing the outlines of the current French identity. This is particularly visible in language practices which ordinarily defy normative pressure, often unbeknown to the speakers, and reflect the reality of society’s evolution.

Introduction

Que signifie être français aujourd’hui ? La réponse à cette question n’est pas simple, notamment parce qu'elle dépend des enjeux qui la sous-tendent et implique un engagement politique et idéologique. La problématique de la reconnaissance d’une identité (culturelle) nationale est donc complexe. L’argument de la légalité (posséder ou non la nationalité française) devrait permettre d’objectiver la discussion. Dans les faits, la seule détention de la carte d’identité française ne garantit pas à un individu la reconnaissance de son appartenance à la communauté nationale.

L’hypothèse défendue ici met en lumière l’écart qui sépare ce que recouvre l’expression d’une identité française dans le discours socialement légitime et la réalité d’une identité nationale appréhendée par le prisme des pratiques et attitudes des citoyens. On renvoie ainsi à un des aspects de la complexité de la notion de légitimité, la distinction entre « légitimité formelle » et « légitimité sociale » : « la légitimité formelle est celle du droit, l’aspect légal d’une organisation politique ; la légitimité sociale relie les citoyens sur la base d’une identité collective forte et d’intérêts communs » (Bouquet 2014 : 13). Autrement dit, certains Français le sont formellement sans l’être socialement.

La marginalisation (sociale) passe par un processus où se répondent hétéro-exclusion et auto-exclusion (Guerin 2018). Elle contraint les Français concernés au « bricolage » d’un référentiel culturel qui leur permet d’asseoir une identité autre que française. Cela est particulièrement remarquable parmi les Français descendants d’immigrés en provenance des pays d’Afrique du Nord, lesdits Arabes, Beurs, Rebeus voire (métonymiquement) Musulmans.

Dans un premier temps, il s’agit d’identifier les fondements de l’identité française socialement légitime. L’angle adopté ici concentre la réflexion sur ce qui est pointé comme s’en distinguant. On cherche à montrer que la façon dont est appréhendée l’inévitable diversité culturelle qui anime le pays renforce le figement et l’étanchéité du référentiel culturel socialement légitime. On s’aperçoit que, paradoxalement, dans la plupart des cas, plus les référents culturels venus d’ailleurs tendent à s’enraciner sur le territoire, plus les boucliers se lèvent. Il en va de ce que Geisser voit comme la « relation problématique à notre francité qui proclame simultanément son universalité “sans attache” et sa supériorité identitaire » (2019 : 7).

Partant, on est en mesure d’observer, pour tenter de comprendre, les postures identitaires des Français qui ne le sont pas socialement. Comme le souligne Ali, collégien d’un quartier populaire parisien : « Même s’ils sont na – ils ils ont la nationalité française ils sont pas ils sont pas des vrais Français hein »1. Faute d’être socialement reconnus comme de « vrais » Français, nombreux sont les citoyens qui revendiquent une appartenance extra-nationale, qui, dans les cas extrêmes, peut être perçue comme le symptôme d’un mouvement « séparatiste » menant à une forme de « communautarisme ». L’objet de cet article est notamment de montrer que ces affirmations ont bien plus de sens en discours qu’en pratique et que la valeur ethnicisante des propositions masque, en fait, un découpage du tissu social qui ne dit pas son nom, sous couvert d’égalité.

C’est dans le champ des représentations communes que se dessinent les contours des identités socialement légitimes (par opposition à formelles) ou non et il est donc difficile, voire impossible, d’y accéder par la voie des statistiques. L’observation des pratiques, en particulier langagières, permet en revanche d’éclairer la problématique. Le point de vue (socio)linguistique permet d’approcher les attitudes plus ou moins conscientes, plus ou moins intentionnelles des individus parce que, comme le souligne Leimdorfer : « les pratiques et les productions langagières (le discours) ne sont pas les reflets des rapports de pouvoir et de domination, même si elles en portent les traces ; elles sont organisées par ces rapports » (2010 : 229).

1. Identité et diversité culturelle en France

« Le xxe siècle est régulièrement scandé de crises de l’identité nationale, au cours desquelles les menaces incarnées par les étrangers et plus gravement encore par les étrangers “camouflés” – i.e. juridiquement français – sont dénoncées » (Masure 2007 : 6).

À l’heure où la mondialisation imprègne jusqu’aux aspects les plus intimes de la vie quotidienne des individus, le questionnement sur l’identité culturelle (incluant le linguistique) des pays se réactive inévitablement. Alors que, en fin de compte, peu d’actions sont menées par les États pour stopper les échanges internationaux, chaque gouvernement cherche, à sa façon, avec plus ou moins de vigueur et de force d’expression, à contenir les tenants d’une culture nationale, notamment dans le rapport qu’elle entretient avec les autres cultures.

En France, le contact se fait notamment avec les cultures issues des ex-colonies2. Que l’on y voit un danger ou non, les référents culturels auxquels on serait capable d’associer une origine extra-nationale, sont, à quelques exceptions près, exclus du syllabus de la culture française socialement légitime. La diversité n’est pas niée sur le territoire, mais elle est perçue comme une forme de multiculturalisme, qui suppose la cohabitation de la culture française avec d’autres cultures, avec comme présupposé qu’elles seraient cloisonnables et imperméables. C’est sur la base de cette conception que Nicolas Sarkozy, dans son discours d’Avignon le 25 novembre 2015, à la suite des attentats terroristes qui ont frappé la France le 13 novembre, a pu affirmer :

« Ici, c’est la culture de la France, ce n’est pas la culture multiculturelle. Il n’y a pas d’identité française heureuse si nous ne partageons pas des valeurs morales, un mode de vie, le sentiment d’appartenir à une Nation, d’avoir une histoire, une langue, qui est le français, un imaginaire commun, une politesse et une courtoisie. Une solidarité dans les plus grands succès comme dans les pires épreuves, c’est cela être français ».

Ainsi, face à l’incompréhension générale quant aux raisons qui poussent de jeunes Français à des actes terroristes dirigés contre le pays, le gouvernement de l’époque suit une ligne déjà tracée depuis les années quatre-vingt qui consiste à considérer l’auto-exclusion des acteurs. Ils appartiennent à une de ces autres cultures importées sur le territoire.

L’identité culturelle française se dessine ainsi dans un cadre normatif dans lequel, bien que plus d’un siècle se soit écoulé depuis les premières vagues significatives d’immigration des ex-colonies, bien que l’on puisse observer objectivement ce que Héran perçoit comme une « infusion durable » (2017 : 24) des populations, les politiques comme les cadres institutionnels tentent de faire perdurer une image immuable de la culture nationale, et comme le souligne Masure :

« l’identité nationale imposée par l’État lui échappe lorsque la fiction a pris. Elle s’impose jusque dans les corps, et la société nationale dans son ensemble s’en empare. Son affirmation peut alors se passer de l’action de l’État » (Masure 2007 : 8).

Dans ce contexte, on peut s’interroger sur ce que signifie être français aujourd’hui. Quels sont les habitus qui caractérisent les Français ? Deux points de vue s’affrontent à ce sujet : celui qui associe tout écart à la norme de référence à une forme de communautarisme, voire de séparatisme ; celui qui permet de constater que les Français font communauté autour du partage de référents dont l’origine s’étend bien au-delà de l’hexagone.

Le premier est celui qui oriente la parole politique dominante. On voit d’ailleurs que toute tentative d’adoption du second point de vue à ce niveau se solde par une levée de boucliers qui transcende les clivages politiques traditionnels. On se souvient par exemple des vives réactions qui ont suivi la déclaration d’Emmanuel Macron, alors en campagne présidentielle, lors d’un meeting :

« Notre culture, ça ne peut plus être une assignation à résidence. Il n’y aurait pas la culture des uns et la culture des autres, il n’y aurait pas cette formidable richesse française, qui est là, dont on devrait nier une partie, il n’y a d’ailleurs pas une culture française, il y a une culture en France, elle est diverse, elle est multiple. Et je ne veux pas sortir du champ de cette culture, certains auteurs ou certains musiciens ou certains artistes, sous prétexte qu’ils viendraient d’ailleurs »3.

Bien que le désormais Président de la République n’ait pas franchement cherché à soutenir ce positionnement une fois au pouvoir, il illustre avec ses propos le second point de vue, celui que j’adopte ici, celui qui consiste à tenter de comprendre la culture française contemporaine compte tenu des pratiques et attitudes actuelles des Français. On comprend qu’une fois à la tête de l’État français, il soit difficile d’aller contre une tradition politique et idéologique selon laquelle : « l’État reste conçu en France comme un dispositif essentiel d’intégration sociale et comme le lieu privilégié de construction de l’identité collective » (Chevallier 2019 : 128). Autrement dit, les tenants de la culture française sont régulés par l’État et ses institutions et ne sauraient être le simple reflet d’un état actuel des habitus de la communauté.

Pourtant, le brassage des cultures sur le territoire français n’est pas anecdotique, mais constitutif de l’histoire de France (Noiriel 1988-1992). Si la diversité est de fait incontestable, elle n’a pas pour effet, en France, la reconnaissance d’une culture nationale dynamique, ouverte à la multiplication de possibles culturels :

« À une multiculturalité qui, de facto, est forte (constatable dans un simple état des lieux de la pluralité culturelle aujourd’hui constitutive de la population française) correspond de jure à un refoulement de toute forme de multiculturalisme » (Renaut 2015 : 154).

On doit ce refoulement à la tradition unificatrice française sur laquelle repose la conception de l’égalité entre les individus. Comme les deux faces d’une même pièce, la conséquence est double : une mise en œuvre des institutions à des fins inclusives visant à permettre un accès à un ensemble de référents donnés ; une exclusion de toute autre forme de référents. Force est de constater que lorsque la première option échoue, la seconde s’impose. Autrement dit, ne pas accéder au modèle convenu implique la marginalisation. On peut ainsi parler d’une assignation identitaire (Duvoux 2017) binaire et figée qui, dans certains cas, supplante l’identité individuelle toujours complexe et dynamique.

Le discours politique est une des forces à l’origine de la diffusion d’outils rhétoriques pour servir cette assignation. Parmi ce que la mode langagière du moment désigne sous l’étiquette « éléments de langage », il en est un qui illustre bien la volonté du Président Emmanuel Macron de marquer, au moins en discours, la nouveauté de sa politique par rapport au « monde d’avant ». Le terme « séparatisme » réfère à cet « ennemi de la France » autrefois envisagé sous celui de « communautarisme ». Pour Emmanuel Macron, il est désormais question de viser :

« ce phénomène que nous observons depuis des décennies qui est une volonté de quitter la République, de ne plus en respecter les règles, d’un mouvement de repli qui, en raison de croyances et d’appartenance, vise à sortir du champ républicain et ça, ce n’est pas acceptable »4.

Le passage d’un terme à l’autre supposerait un positionnement quant au respect des particularités des différentes communautés qui seraient identifiables sur le territoire français :

« Parce que nous pouvons avoir dans la République française des communautés. Selon le pays d’où on vient, chacun se revendique d’ailleurs selon la communauté à laquelle il appartient. Il y en a aussi selon les religions. Simplement, ces appartenances ne doivent jamais valoir soustraction à la République. Elles s’ajoutent en quelque sorte. Elles sont une forme d’identité en plus qui est compatible avec la République et il ne s’agit pas ici de les stigmatiser. On peut appartenir donc à une famille de pensée, on peut être attaché à une religion, on peut avoir des origines étrangères auxquelles on tient et qui relèvent d’une culture, d’un imaginaire, de choses qui sont importantes, tout en étant pleinement Françaises et Français et dans la Nation »5.

Cependant, s’il y a un point sur lequel les conceptions politiques (mais aussi médiatiques et, par extension, communes) n’évoluent pas, c’est bien celui sur lequel se fonde la notion de communauté. Celle-ci est posée comme une évidence : on saurait assurément dire qui sont les membres de ces communautés repliées sur elles-mêmes en rupture avec la société française. Ce second extrait du discours d’Emmanuel Macron suggère en substance une appréhension de la notion uniquement à un niveau micro, c’est-à-dire au niveau de sous-ensembles qui constituent la société française, comme si le terme n’était pas valable au niveau macro. Dans les faits, l’expression « communauté française » apparaît rarement dans les discours publics. On lui préfère « nation », « patrie » ou toute autre entrée qui suggère un a priori qui se doit d’être commun (l’adjectif prend ici le sens de « partager par tous ») pour faire unité et non la reconnaissance d’attributs, de pratiques, et/ou d’attitudes manifestement communes (l’adjectif prend ici le sens d’« usuelle ») pour faire unité. Cette distinction est très nettement mise en évidence avec l’usage de « communautarisme » qui n’intègre jamais l’idée d’un « repli » au niveau national (on parle alors de « nationalisme » ou « patriotisme »). Mais elle l’est aussi avec « séparatisme » puisque, si l’on se base sur l’acception retenue par le Président Macron, elle implique qu’il y aurait un modèle préalablement posé et des attributs, pratiques et/ou attitudes qui s’en écarteraient.

Or, un autre point de vue inviterait à considérer que si lesdits attributs, pratiques et/ou attitudes sont observables sur le territoire alors on a affaire à des composantes de la communauté française. Par exemple, alors que, selon l’INSEE, le prénom Mohamed figure parmi les vingt prénoms les plus donnés en 2018 en France, on pourrait conclure qu’il s’agit d’un prénom français. Or, bien que ne pouvant m’appuyer sur des données incontestables, je peine à penser qu’il soit ainsi qualifié par la majorité des Français. Ainsi, au regard d’une liste de prénoms français qui serait préalablement établie, appeler son enfant Mohamed constitue un acte d’adhésion à la communauté des individus qui optent pour un prénom étranger, donc s’écartent (se « séparent ») de l’usage socialement légitime, parce que la liste en question ne tient pas compte de ce qui se pratique manifestement sur le territoire national. Par ailleurs, considérer que telle ou telle pratique et/ou attitude partagée est un critère qui permet de déterminer une communauté, il n’est pas raisonnable de considérer que ses membres pourraient être réduits à cette seule caractéristique. Tout individu se trouve au cœur d’un enchevêtrement de communautés. Penser en termes de communautarisme (ou séparatisme) revient à supposer le déni d’appartenance à certains groupes auxquels on appartient pourtant de fait. Seniguer (2017) propose alors de parler d’un « imaginaire communautaire » pour viser ces groupes qui existent surtout sur la base de fantasmes et d’idéaux.

En somme, « communautarisme » ou « séparatisme » viennent enrichir l’ensemble des « éléments de langage » qui s’est constitué pour dire la diversité qu’il est politiquement correct de reconnaitre mais semble difficile à admettre en tant que composante essentielle de la communauté française. Dans d’autres termes, Saverot affirme :

« L’usage du lexique lié à la diversité apparaît comme une posture rhétorique, permettant d’évoquer pudiquement la question de l’immigration, de l’intégration et des banlieues. (…) Ce discours dénote un impensé de la part de l’État ; elle est en ce sens une prénotion, un lieu commun constamment évoqué sans être jamais défini » (2020 : 93).

La définition manquante est celle de la réalité de l’identité française actuelle. Les discours articulent les représentations au point où, bien que chacun soit à même de constater l’hétérogénéité des pratiques sociales et culturelles des personnes légalement françaises, on assigne un caractère étranger à certaines sous le prétexte d’une certaine « origine » pour laquelle on se garde bien d’éclairer les liens réels que les personnes entretiennent effectivement avec les pays concernés. Ainsi, qu’un parent, un grand-parent voire un arrière grand-parent soit issu de l’immigration suffit à considérer qu’on n’appartiendrait pas pleinement à la communauté française :

« Le lexique des “générations immigrées” marque le tournant de la racialisation explicite des rapports sociaux : le terme “immigré” se défait de ses considérations strictement géographiques – le déplacement – pour devenir héréditaire » (Masure 2007 : 6-7).

2. Être « issu de l’immigration », une catégorie sociale : conséquence sur l’identité

Une fois la distinction identité formellement légitime/socialement légitime posée, reste à s’interroger sur les conséquences pour les individus : quels en sont les effets sur le positionnement identitaire de ceux pour qui la distinction est opérante ? Certes, personne, en fait, ne se reconnaît exactement dans les codes socialement légitimes qui ne correspondent qu’à un idéal. D’ailleurs, on serait bien en peine d’en dresser la liste. Cependant, certaines caractéristiques identitaires/culturelles excluantes semblent faire l’unanimité.

C’est notamment le cas d’une supposée descendance ou origine extra-nationale. Comme précisé plus haut, cette caractéristique est héréditaire puisque sont également concernés des individus qui peuvent n’avoir pratiquement plus aucun lien direct avec l’origine en question. On pense en particulier auxdits « jeunes des quartiers » qui constituent une catégorie clairement définie dans les discours publics (médiatiques et politiques), mais nettement moins définie en réalité (Guerin 2018a), à laquelle on associe une série de stigmates, dont « être issu de l’immigration ». De fait, comme le souligne De Rudder, ces Français formellement légitimes, sont :

« Français, mais par effraction, “sur le papier”, les jeunes “issus de l’immigration” n’“appartiennent” pas entièrement à la nation : ils ont une “origine” et une identité qui disqualifient leur intégration nationale » (1998 : 6).

La question qui se pose alors est celle de l’attitude face à ce double « étiquetage » paradoxal. En l’occurrence, des études notamment menées à partir du corpus MPF montrent une adhésion à l’assignation sociale excluante qu’implique être « issu de l’immigration » dans les discours de beaucoup de ces « jeunes », avec une conscience plus ou moins éclairée du fondement de leur marginalisation. Si certains affirment leur refus intentionnel d’appartenir à la communauté française (ex. 1), d’autres (parfois les mêmes) savent dire que l’affirmation d’une identité extra-nationale relève de la nécessité d’identification à un groupe faute de se reconnaître dans la figure du Français socialement légitime (ex. 2).

1) Sonia : Je sais enfin je suis française, mais pour moi c’est juste une nationalité, mais pour moi je suis algérienne. (Nawal3, 537.744)6
2a) Harouna : c’est eux la France entre guillemets qui me dit que je ne suis pas français (Sandrine 1, 1532)
2b) Youssef : Même en tant que Français les Français ils te considèrent pas comme un Français. (Nawal7, 4682.93)
2c) Nassim : Si tu veux c’est le mec il a vu ma tronche Nassim il s’est dit lui dans sa tête c’était logique il est pas tu vois il s’est dit lui c’est logique lui il est pas français tu vois (…) Bah forcément ben quand tu vois bah quand tu vois des gens qui réagissent comme ça il y a des moments bah limite tu te sens plus algérien que français. (Zakia1, 571.988)

Pour aller dans le sens d’Harouna, et voir un signe de cette mise en marge institutionnalisée, on peut s’intéresser aux Enseignements de Langues et Cultures d’Origine (ELCO) dans les écoles primaires. Ces cours qui, en principe, ne devraient plus exister en l’état, mais être transformés à la rentrée scolaire 2020 en Enseignements Internationaux de Langues Étrangères (EILE), ont la particularité d’être donnés par des enseignants mis à disposition par les États concernés. À l’origine, leur mise en place à la fin des années soixante-dix avait pour objectif la scolarisation des enfants de travailleurs immigrés et plus précisément le maintien d’un lien avec la langue et la culture du pays d’origine des parents dans la perspective d’un « retour au pays ». Je n’entre pas davantage dans le détail de leur mise en place et des implications politiques et idéologiques et renvoie, par exemple, à l’article de Bertucci (2007) à ce sujet. En revanche, le fait que ce dispositif, ainsi nommé, soit resté en place au moins jusqu’en 2020 éclaire le propos : bien que depuis le début des années 2000, les ELCO soient officiellement ouverts à tous les élèves qui le souhaitent, indépendamment de leur « origine », indépendamment de leur « langue maternelle », leur appellation n’a pas évolué. Petek-Şalom en souligne l’aberration en ces termes :

« Comment concevoir alors de continuer à parler de l’apprentissage de leur langue “d’origine” à des enfants français ? On a pourtant continué à distribuer, dans les écoles, les mêmes formulaires d’inscription facultative, en utilisant le même vocabulaire. Mais il est difficile de ne pas ressentir un malaise devant l’incongruité de la mise en parallèle de notions telles que “intégration” ou même “citoyenneté” avec “votre pays d’origine”, pour des enfants qui dans leur majorité sont nés et ont été scolarisés en France » (2004 : 45).

L’incongruité évoquée par l’auteur n’en est pas vraiment une si l’on considère, loin des discours policés, qu’être un Français socialement légitime implique que l’on n’ait pas une « origine », puisque l’approche normative française d’un modèle culturel de référence n’intègre que très peu, voire pas du tout, les effets des inévitables contacts avec d’autres cultures.

La situation de ces « jeunes » serait probablement plus simple (sans être plus acceptable) s’ils pouvaient effectivement se construire en tant qu’Algérien, Tunisien, Sénégalais… : leur marginalisation, acceptée ou non, aurait au moins le mérite de reposer sur des arguments objectivables. La complexité de la situation tient au fait que d’une part, même si au sein de la famille, on cherche parfois à maintenir et transmettre des pratiques observables dans le pays d’origine, celles-ci prennent nécessairement une forme actualisée parce que les conditions écosystémiques ne sont pas les mêmes en France et parce que les contraintes macro-sociales les influencent. Si l’on prend l’exemple de la langue, on peut très bien imaginer qu’au sein d’un foyer, on parle exclusivement une autre langue que le français. Cependant, il y a probablement des unités linguistiques qui tendent à disparaître au profit d’autres qui répondent bien mieux aux besoins communicationnels des locuteurs en contexte français. De plus, la scolarisation des enfants, le contact avec des administrations, des commerçants, les médias… font entrer le français dans le foyer. D’autre part, lorsque les « jeunes » ont l’opportunité (ce n’est pas toujours le cas) de séjourner dans le pays « d’origine », ils sont, là aussi, identifiés comme des étrangers, ce qu’ils sont objectivement cette fois. C’est ce qu’expriment clairement Samir ou Elmajoub dans les extraits du corpus MPF suivants :

3a) Samir : Donc tu dis va te faire foutre tu as pas de pays (en riant) donc tu t’en fous tu vois tu euh tu t’attaches pas après des deux côtés de la mer après tu dis euh tu t’attaches ni aux Algériens tu t’attaches ni aux Français donc tu deviens un enfant de la DDASS. (Nacer3, 4020.66)
3b) Elmajoub : je vous dis la vérité quand on y va au bled le blédard ils nous prennent pour des Français quand on vient en France les Français ils nous prennent pour des blédards. (Wajih1, 3299.9)

Finalement, cela revient à dire que ces « jeunes » n’ont pas d’identité culturelle reconnue comme partie prenante d’une identité nationale, la seule possession de la carte d’identité française n’ayant pas de valeur inclusive dans ce domaine.

Alors s’inventent des référents culturels ad hoc, des référents qui puisent autant dans le vécu ici et maintenant, le vécu dans ces espaces cloisonnés que sont les quartiers populaires des grandes villes et leurs banlieues, que dans l’imaginaire d’un ailleurs imposé. Il s’agit de donner corps aux frontières que la légitimité sociale impose et maintient.

« Les acteurs sont “objectivement” confrontés à l’existence des frontières dans le même temps qu’ils les accentuent, les effacent, les déplacent, les redéfinissent, se les approprient, les dénient ; bref, les modifient et les recatégorisent continuellement, contribuant ainsi à leur donner forme et sens en relation avec des projets, explicités ou non explicités qui guident leurs comportements dans la conjoncture » (Nicolaï & Ploog 2007).

On éclaire ici le dynamisme essentiel de toute identité dont l’un des moteurs est l’imbrication des communautés. C’est ainsi qu’au-delà des distinctions ethniques qui peuvent s’affirmer explicitement en discours, ces individus « issus de l’immigration » partagent, en fait, de nombreux traits avec les « vrais Français ». Et ce n’est pas surprenant parce que bien que l’on distingue ce qui est formellement légitime de ce qui est socialement légitime, ce qui est observable de ce qui est prescriptible, ce qui est normal de ce qui est normatif, l’un ne va pas sans l’autre ou, plus exactement, l’un ne peut se soustraire à l’autre : « La normalité s’avère ainsi comme une forme dérivée ou déléguée de la raison, elle est placée sous la tutelle de la normativité régnante » (Waldenfels 2005 : 41). Aussi puissante que soit l’affirmation d’une identité autre que française, les pratiques, représentations et attitudes sont imprégnées des normes institutionnelles. Finalement, les frontières communautaires sont poreuses dans les faits, tout en étant nécessaires à la compréhension du monde puisqu’elles servent « [l’]activité quotidienne de catégorisation que nous partageons tous pour le meilleur et pour le pire » (Vignaux 1999 : 73).

Du côté des « jeunes », l’expression d’une identité autre que française est probablement une réponse à la marginalisation, en tentant d’en devenir les acteurs. Il s’agit d’être aux manettes de la catégorisation (4a), en affirmant son intégration à un groupe dont les membres auraient en partage d’être « issus de l’immigration » et/ou de ne pas se reconnaître dans les codes qui organisent les pratiques et les attitudes socialement légitimes, celles des « Français » (4b).

4a) Nassim : Si tu veux c’est le mec il a vu ma tronche Nassim il s’est dit lui dans sa tête c’était logique il est pas tu vois il s’est dit lui c’est logique lui il est pas français tu vois (…) Bah forcément ben quand tu vois bah quand tu vois des gens qui réagissent comme ça il y a des moments bah limite tu te sens plus algérien que français. (Zakia1, 571.988)
4b) Samir : Les filles françaises elles parlent pas comme nous (.) les Blacks et les Rebeus elles parlent comme nous. (Nacer3, 864.739)

Il est intéressant de noter que ces deux « critères » sont de même importance et pour être intégré au groupe, un seul suffit pour que l’autre soit associé. Ainsi, on admet difficilement qu’en étant « issu de l’immigration » l’on puisse avoir des pratiques et des attitudes marquant une tentative d’adhésion au groupe des « Français ». Cela constitue un aveu d’exclusion volontaire du groupe : on se « francise ».

5a) Samir2 : Nos potes qui atteignent par exemple qui font des études après ils côtoient le milieu parisien genre pour eux on existe pas ils sortent le soir à le samedi soir ils vont sur Paris avec leurs collègues de bureau ou avec le les les petits Français qu’ils ont côtoyés et nous tu vois on existe plus on reste sur la cité et basta. (Nacer8, 3902.18)
5b) Mouna : Et donc comme il s’est francisé et bah il a dit ouais je vais plus habiter dans les cités euh on a marre des et tout ça. (Nacer2, 567)
5c) Hanane : Genre elle fait des trucs de Français (…) Euh genre elle reste avec des Françaises et euh elle s’est un peu francisée (voix basse). (Nacer2, 3808.37)

Inversement, une personne « sans origine » qui adopte des pratiques et des attitudes qui ne sont pas celles des « Français », peut être assimilée à une personne « issue de l’immigration ».

6) Samir2 : Ouais ouais ma mère ouais elle a toujours vé – elle est née en France même ses parents sont Allemands, mais elle est née en France elle a fait quelques voyages en Allemagne, mais ma mère elle est comme moi elle côtoie que des étrangers (.) des Rebeus des Renois Asiatiques bah en fait vraiment français il y avait pas beaucoup dans la cité, mais elle a elle a plus une mentalité comme eux donc euh bah elle a plus la mentalité d’une femme de cité hein. (Nacer8, 2750.32)

En fait, comme le souligne Affergan :

« l’identité consiste en classant les autres à se classer soi-même, soit dans la même classe soit dans une autre. (…) Et peu importeraient alors les critères de sélection retenus, pourvu qu’on puisse se séparer, s’affronter, se différencier, s’assimiler, s’intégrer » (2018 : 83).

C’est bien d’assimilation et d’intégration dont il est ici question, un besoin d’appartenance en réaction à une absence de reconnaissance. Puisque les référents culturels socialement légitimes sont institutionnellement associés à l’identité nationale, puisque « l’État a été conçu en France comme la clef de voûte de l’architecture sociale et le dépositaire de l’identité collective » (Chevallier 2019 : 117), alors il n’est pas surprenant qu’en écho, tout écart manifeste s’exprime à travers un discours qui met en opposition les « Français » et les autres, bien qu’il soit en fait plus question d’une opposition reposant sur des caractéristiques sociales qu’ethniques, c’est ce qu’illustre l’extrait 6. La mère de Samir est avant toute chose « une femme de cité ». Déjà De Rudder soulignait, à propos de la « génération Beur » : « la “génération beur” est devenue une figure sociale plus ou moins emblématique, directement inscrite dans les classements et les enjeux de classements sociaux » (De Rudder 1998 : 6).

En somme, la problématique de ces Français qui ne se disent pas « Français », qui s’entend comme un affront à la République dans le discours politique et comme la revendication (en fait désespérée) d’une identité culturelle dans le discours des personnes « issues de l’immigration », des « gens des cités », nait d’une conception de l’identité nationale « contractuelle et politique » (Masure 2007 : 4) et non culturelle, comme ce peut être le cas dans d’autres pays (pour lesquels il ne s’agit pas de prétendre qu’ils auraient mieux réussi le « vivre ensemble »). Un lexique ethnicisant le débat en est une conséquence, faute de considérer que « l’ethnicité est une notion confuse, conjuguant dans une sorte de brume conceptuelle des dimensions culturelles, et d’autres, naturelles, et racialisantes » (Wieviorka 2020 : 16).

Alors on prend pour argent comptant les prétentions algériennes, sénégalaises, portugaises… de ces Français. Tout le monde se prend au jeu avec plus ou moins de malignité selon que l’on soit ou non un acteur du processus de marginalisation, favorisant les amalgames. Certes, il existe en France des mouvements communautaristes et/ou séparatistes dont le projet est de s’opposer aux droits et libertés des citoyens français. Cependant, ils sont le fait d’extrémistes (de tout bord rappelons-le) minoritaires. Cependant, en perpétuant la tradition d’une identité nationale qui se définit essentiellement par un figement des référents étanches aux contacts, l’État français exclut les citoyens « issus de l’immigration » de la collectivité nationale. On favorise ainsi la recherche d’un ancrage culturel qui, dans le moins pire des cas, se réalise dans une représentation fantasmée des origines des parents, grands-parents, arrière-grands-parents (le lien pour certains est encore plus ténu) et, dans le pire des cas, dans un cadre fourni clé en main par des organisations soucieuses de nourrir leur bataillon à des fins idéologico-politiques.

3. La langue comme révélateur de l’identité culturelle

« Les discriminations linguistiques, à mon sens plus profondément identifiées sous le concept de glottophobie, engagent l’ensemble des fonctionnements sociaux, car le linguistique est partout dans le social et le social partout dans le linguistique » (Blanchet 2013 : 36-37).

L’observation et l’étude de la langue a à voir avec l’observation et l’étude du social. Les pratiques langagières sont, comme toute pratique sociale, régulées selon le principe de l’imbrication de contraintes collectives (normes institutionnelles) et de contraintes individuelles (besoins communicatifs et ressources langagières). Ainsi, leur observation apporte un éclairage sur la façon dont les membres d’une communauté gèrent, avec plus ou moins d’intentionnalité et/ou de conscience, ces contraintes. En s’intéressant à la façon dont les locuteurs parlent, la problématique identitaire telle qu’abordée ici s’éclaire, notamment parce que l’histoire des politiques linguistiques en France apparaît comme un reflet grossissant, décomplexé, des idéologies plus ou moins avouées qui sous-tendent l’organisation et le maintien de l’État-nation. Gadet rappelle que « La France s’est dotée d’organismes de gestion et de défense de la langue » et que les interventions de l’État « constituent une constante dans l’histoire du français » (2007 : 32).

Au moins depuis le seizième siècle, par légifération et institutionnalisation, l’État intervient de façon notable dans le quotidien langagier des Français en imposant des normes d’usage qui affectent inévitablement les attitudes, ne serait-ce que parce qu’elles conditionnent les représentations communes, en posant l’homogénéité comme valeur absolue : « il faudrait de l’homogénéité pour que les idiomes fonctionnent » (Gadet 2017 : 82). L’histoire montre que si de nombreux changements sont intervenus dans la société française, la finalité homogénéisante et unificatrice des politiques linguistiques en France reste constante. On voit par exemple que si la Révolution française a considérablement modifié les rapports sociaux en instaurant un régime davantage égalitaire et démocratique, en matière de politique linguistique, les évolutions ne rompent pas avec des dispositifs qui maintenaient les distinctions sociales. Dans son projet de dictionnaire de 1694, l’Académie française mentionnait explicitement qu’elle s’opposait à la réforme de l’orthographe visant une meilleure adaptation à l’usage contemporain et ainsi un accès facilité à l’écrit, afin de continuer à distinguer « les gents de lettres davec les ignorants et les simples femmes ». L’école publique telle qu’elle est pensée après la Révolution, au moins pour ce qui est de l’enseignement de la langue, relève de cette même volonté de distinguer une élite :

« Seuls les bourgeois instruits dans le bilinguisme franco-latin pensèrent dans l’abstrait la révolution linguistique, en possédèrent les moyens scientifiques. (…) Ils restructurèrent complètement les établissements scolaires (ce que nous nommons actuellement l’Ecole date de la Révolution française) et inventèrent le Système Scolaire à Degrés selon lequel, pour ne prendre les choses que du point de vue linguistique, le Degré Primaire surmonte les marques de classes sociales parce que tous les citoyens y acquièrent, non pas un langage empirique, mais le pouvoir d’engendrer des énoncés selon des règles en vue de la communication nationale (ce qu’on appelle à l’école construction de phrase, formation du sens propre, rédaction) ; tandis que le Degré Secondaire retravaille tous les acquis du Primaire par la construction des sens figurés et des contextes culturels, et réalise la greffe des élites dirigeantes sur le tronc commun » (Balibar 1977 : 26).

Tout se passe comme si la langue constituait un champ de résistance aux initiatives démocratiques. Les politiques linguistiques en France sont par essence marginalisantes puisqu’elles reposent sur une volonté d’homogénéisation qui, encore aujourd’hui, ne se dément pas. Un exemple contemporain est donné avec la parution en 2011, sous l’égide du Ministère de l’intérieur, du référentiel Français Langue d’Intégration (FLI)7 supposé permettre « l’intégration, sociale, économique et citoyenne des migrants adultes ». Dans l’argumentaire proposé, on peut lire : « La connaissance et l’usage de la langue du pays d’accueil constituent le premier facteur de l’intégration, car ils permettent une vie sociale normale » ou encore « Pour les 130 000 étrangers qui deviennent français chaque année, la langue française doit pouvoir devenir une langue première ». Les auteurs laissent ainsi penser qu’une « vie normale » n’est garantie que par la maitrise de la langue française et c’est pour cela que celle-ci doit prendre la place de la langue d’origine, autrement dit supplanter cette langue première. Il est bien question d’envisager au niveau institutionnel l’exclusivité de la langue française qui repose sur une idéologie que Encrevé caractérise en ces termes :

« s’il y a des droits linguistiques, ce ne peuvent être que les droits exclusifs de la langue française ; laquelle, figure par excellence de l’identité unitaire de la nation, a tous les droits » (Braudeau & Encrevé 2007 : 23).

On comprend dès lors sans mal que les locuteurs puissent être influencés au point de mettre en œuvre un processus d’atténuation, voire d’effacement de traits langagiers qui marqueraient un écart par rapport au français. L’extrait du corpus MPF suivant illustre un cas extrême où le locuteur arrivé en France dans son enfance exclusivement wolofophone, à peine 20 ans après, a totalement perdu la compétence à parler en wolof bien qu’il ait été élevé dans un environnement (dit) bilingue. Il semble même frappé d’amnésie, comme s’il était né avec l’acquisition du français.

7) Habib : ouais français je comprends aussi le wolof c’est la la langue maternelle (…) de ma mère, mais je le parle pas trop quoi parce que (.) sinon je le comprends assez bien (…), mais c’était ma langue d’origine à la base quoi (.) je suis arrivé en France (.) enfin d’après ce que (.)ce que ma maman m’en a dit (.) je suis arrivé en France je parlais que le wolof en fait je parlais pas le français (.) donc après avec le temps (.) j’ai appris le français maintenant je parle que le français (.) donc en fait ça s’est un peu renversé quoi. (Roberto1a, 162,162)

Il est probable que le parcours linguistique d’Habib qui l’a conduit à perdre ses compétences dans sa langue première ait été influencé par l’idéologie institutionnellement soutenue qui domine les représentations communes sur la langue. Pourtant, aucun discours politique, même les plus extrêmes, ne cautionnerait ouvertement un tel processus de substitution s’il s’agissait d’un autre trait caractéristique de l’identité d’un individu. L’appareil institutionnel ne saurait encourager le blanchiment de la peau des personnes à peau noire ou l’hétérosexualité des personnes homosexuelles afin de se conformer davantage au référentiel socialement légitime. Comme le souligne Blanchet :

« les pratiques linguistiques constituent un cas quasi unique où ce rejet n’est pas compris comme une altérophobie à l’encontre de personnes, mais comme une sorte d’évaluation “purement” linguistique objective et incontestable » (2013 : 30).

La catégorisation et la hiérarchisation des langues en circulation sur le territoire sont donc politiquement correctes et peu importe qu’à travers elles soient visés les locuteurs. Or, ce rattachement est bien réel et les jugements sur les productions langagières imprègnent les jugements sur les locuteurs. La valeur (symbolique) attribuée aux langues n’est pas sans effet sur la valeur symbolique attribuée aux locuteurs dans les relations sociales. Pour reprendre Bourdieu & Boltanski :

« Cette relation objective de domination symbolique affecte réellement la valeur qui est objectivement assignée aux produits linguistiques des différents locuteurs et, par là, modifie leurs dispositions et leurs pratiques » (1975 : 5).

De fait, les phénomènes d’hypercorrection ou, à l’inverse, les phénomènes de détournement de la norme, l’introduction d’unités en provenance d’autres langues, peuvent constituer des indices de l’influence de cette idéologie qui repose sur ce que Boyer (2001) envisage comme un dispositif représentationnel promouvant l’unilinguisme dont l’orientation est tout autant interlinguistique qu’intralinguistique. En effet, les rapports entre le français et les autres langues sont du même ordre que les rapports entre la forme socialement légitime du français et les autres formes. Comme le souligne Bailly : « des personnes de langue maternelle française, issues de milieux très défavorisés, peuvent rencontrer les mêmes difficultés de langage dans un rapport social que les personnes d’origine étrangères » (2004 : 58). Des productions langagières peuvent être formellement légitimes, mais socialement illégitimes. Autrement dit, le respect du système grammatical (au sens du linguiste) ne garantit pas qu’une production soit perçue comme relevant de la langue française. C’est précisément cette opposition que mettent en évidence les extraits suivants :

8a) Alexis : Mais euh (.) eh ouais c’est sûr que on chamboule tout dans la langue française ça il y a pas photo (.) on va euh on va faire des phrases qui concrètement c’est pas du français. (Marion2, 929.405)
8b) Halima : Donc ça fait que maintenant les gens ils ils parlent plus vraiment le français on parle euh une langue remasterisée en fait. (Joanne3a, 1181.89)

Les propos d’Alexis et Halima ne laissent aucun doute quant à leur conception de la langue française qui réduit le spectre de ses actualisations à sa seule forme socialement légitime : « Parler français », dit-on, ce n’est pas « parler le français » » (Bourdieu & Boltanski 1975 : 14).

Cela étant dit, les contours de l’identité française actuelle, au-delà des discours et représentations assignatrices, c’est-à-dire ce qui devrait constituer l’image du Français formellement légitime, peuvent être saisis dans l’étude de la langue ordinaire, observée dans des conditions écologiques8.

Par exemple, pour ce qui est des effets du contact avec d’autres langues, une fois débarrassé du préconçu qui suppose que les personnes « issues de l’immigration » sont bilingues, au profit du fait manifeste que la plupart d’entre elles, en étant nées et socialisées en France, sont incontestablement, (voire exclusivement) francophones, on est en mesure d’envisager que le lexique du français s’enrichit d’items en provenance d’autres langues. On évacue du même coup l’idée selon laquelle on aurait affaire à de l’alternance codique ou même des cas classiques de xénismes dont l’évocation couvrirait une réalité étrangère. Dans une étude antérieure (Guerin 2018b), j’ai ainsi tenté de montrer que l’usage des locuteurs permet de mettre notamment en évidence que d’une part, comme montré précédemment, la perception de ce qui n’est pas français vise toute forme qui n’est pas la norme socialement légitime, même si elle n’est pas le fruit du contact avec une autre langue. Ce nouvel extrait en est une parfaite illustration :

9) Nacer : La reum c’est mère.
Samir : Ouais ouais en arabe.
Nacer : Mais non c’est du verlan. (Nacer3, Samir, 2868)

D’autre part, lorsque l’unité est effectivement puisée dans une autre langue, elle peut perdre totalement son sens initial pour constituer une unité nouvelle de la langue française, nécessaire pour remplir un besoin communicationnel qui n’est pas prévu par le lexique socialement légitime. Compte tenu du figement de la forme de français socialement légitime, il n’est pas surprenant que ces cas concernent le besoin de l’expression d’une réalité actuelle et/ou qui ne concerne que les locuteurs socialement illégitimes.

10a) Daniel : Comment ils menaient le clash avec la prof quand ils étaient pas d’accord sur beaucoup de choses. (Aristide2a, 864)
10b) Alain : Tout à l’heure je partais de chez moi (.) j’ouvre la porte pour partir je vois ma mère qui revient du bled. (Aristide5b, 276.341)

Dans l’extrait 10a, l’usage de clash ne relève évidemment pas de l’alternance codique puisque les locuteurs ne sont pas bilingues et que, par ailleurs, le mot n’est pas employé avec l’amplitude référentiel qu’il a en anglais : s’il est bien question ici d’affrontement, il s’agit ici exclusivement d’un affrontement sous la forme de joutes verbales comme dans le rap américain. Le lexique français n’offre pas de mot qui permet d’évoquer cette forme d’affrontement. L’usage de clash répond ainsi à un besoin, notamment pour les locuteurs familiers de la culture urbaine américaine qui peuvent ainsi évoquer une pratique selon un mode d’appréhension qui se nourrit d’un cadre de référence particulier. L’emploi de bled dans 10b, se fait dans les mêmes conditions : Alain n’est pas bilingue, il ne s’agit pas du sens du mot en arabe et le locuteur fait référence à une réalité qui n’est pas couverte par le lexique français socialement légitime. Le sens actuel de bled en français renvoie à une réalité qui concerne particulièrement les personnes « issues de l’immigration ». L’étude de bled dans le corpus MPF fait apparaitre qu’il permet aux locuteurs d’évoquer tous les pays duquel part l’immigration économique, particulièrement les pays des ex-colonies. Le fait que le mot soit emprunté à la langue arabe n’est pas anodin. Il constitue un indice du caractère emblématique de l’immigration des populations d’Afrique du Nord. Comme pour d’autres items, la culture maghrébine est particulièrement sollicitée lorsqu’il s’agit de création néologique en référence à une pratique propre à la communauté « issue de l’immigration » (Guerin sous presse).

Ces exemples, brièvement traités ici, illustrent un aspect de l’actualité de l’identité/culture française actuelle : en l’occurrence, la langue en usage porte en elle les traces des idéologies qui la traversent, mais aussi la façon dont les locuteurs l’adaptent à leurs besoins langagiers compte tenu de l’état actuel de la société française. Le traitement des « emprunts » met en évidence qu’au-delà des apparences qu’il est aisé de brandir pour prêter aux personnes « issues de l’immigration » une tendance séparatiste/communautariste, on a affaire, en fait, à l’évolution naturelle de la langue française. Pour admettre ce fait, encore faut-il reconnaître que les langues et les cultures ne sont pas étanches les unes aux autres, en particulier dans un monde globalisé, et que tant qu’il y a des individus pour les actualiser en interaction, elles sont en perpétuelle évolution.

Conclusion

« Soumettre le savoir au politique, voire à la politique, revient souvent à voir le passé comme un vivier de figures archétypales, aussi évidentes qu’incontestables, dans lequel tout un chacun pourrait puiser sans précaution aucune, sans aucun souci d’exactitude historique, mû par la seule volonté de se forger un argument d’autorité à même d’appuyer la vision et les choix politiques du moment, en mêlant, avec allégresse et cécité, histoire nationale et identité (souvent au singulier), en confondant le passé (ce qui fut), l’histoire (ce que l’on croit pouvoir en dire en toute rigueur) et le présent (le lieu du monde où l’on agit). Dans ce cas, le discours sur les origines prend la voix du passé pour dire le présent. » (Bourdon 2020 : 15).

Cette contribution avait pour objectif de mettre en lumière les conséquences de la confusion entretenue dans la parole publique (politique et médiatique) de ce qui relève d’une légitimité formelle et ce qui relève d’une légitimité sociale des référents culturels. En ne mettant pas en lumière les fondements de la légitimité sociale, sa visée politique et idéologique, son caractère arbitraire et prescriptif, sa vocation excluante, on ne permet pas l’appréhension de l’état actuel de la culture française. Partant, la marginalisation d’une partie des Français, sous le prétexte d’une « origine » extra-nationale, se justifie. Ils ne sont pas français, ne parlent pas français. L’hégémonie de cette idéologie normative est telle que les personnes concernées deviennent acteurs de leur marginalisation, faute d’idéologies alternatives.

La régulation des rapports sociaux passe par la reconnaissance et la diffusion de référents socialement légitimes qui permettent d’assurer la cohésion, de garantir une certaine égalité entre les membres de la communauté. Cependant, lorsque ces référents sont à ce point distants de la réalité actuelle, des référents formellement légitimes, on nourrit les clivages et les tensions entre ceux dont la réalité identitaire n’est pas mise en danger par l’artificialité de la norme commune et ceux pour qui, au contraire, l’acceptation de cette norme commune implique l’acceptation d’une dégradation de leur réalité identitaire.

Compte tenu du poids des traditions, l’entreprise qui consisterait à faire évoluer les codes communs vers davantage d’ouverture à la « diversité » est de taille, mais l’ampleur de la tâche ne doit pas empêcher les initiatives. Œuvrer pour donner les moyens aux locuteurs de reconnaître le dynamisme et l’évolution de la langue nationale en donnant accès à une grille de lecture qui ne limite pas l’analyse aux seules formes socialement légitimes, en est une. Clash, reum, bled, wesh… sont autant de mots qui appartiennent au lexique français actuel. Leur usage ne devrait pas constituer un motif d’auto/hétéro-marginalisation. Ces mots n’apparaissent certes pas dans les pratiques de l’ensemble des locuteurs français et, à ce titre, ils ne peuvent entrer dans le lexique de référence. Cependant, il s’agit bel et bien de néologismes émergeant sur le territoire, dans les pratiques qui se réalisent dans le contexte français. Il reviendrait ainsi à toutes les institutions qui ont en charge de parler de la langue et/ou de donner les moyens d’accès à une conscience métalinguistique (l’école en premier lieu) de tenir un discours qui reconnaisse l’état actuel de la langue française, sa constitution formellement observable, tout en diffusant les éléments nécessaires à la maitrise de la norme socialement légitime, dans un souci d’équité.

1 Extrait du corpus Multicultural Paris French (MPF), disponible sur la plateforme Ortolang : https://www.ortolang.fr/market/corpora/mpf/13 (Gadet dir

2 On ne néglige évidemment pas le contact avec d’autres cultures, en particulier anglo-saxonnes, mais les effets ne sont pas du même ordre.

3 Extrait du discours donné à Lyon, retranscription intégrale sur le site d’EM ! (La République En Marche) : https://en-marche.fr/articles/discours/

4 Extrait de la conférence de presse donnée à Mulhouse, le 18 février 2020, disponible sur le site de l’Elysée : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron

5 Idem.

6 Extraits du corpus MPF : les informations entre parenthèses renvoient à leur référencement dans la base de données.

7 Heureusement abandonnée en 2018.

8 Ce que permet l’exploitation du corpus MPF (Gadet & Guerin, 2016).

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1 Extrait du corpus Multicultural Paris French (MPF), disponible sur la plateforme Ortolang : https://www.ortolang.fr/market/corpora/mpf/13 (Gadet dir., 2017).

2 On ne néglige évidemment pas le contact avec d’autres cultures, en particulier anglo-saxonnes, mais les effets ne sont pas du même ordre.

3 Extrait du discours donné à Lyon, retranscription intégrale sur le site d’EM ! (La République En Marche) : https://en-marche.fr/articles/discours/meeting-macron-lyon-discours.

4 Extrait de la conférence de presse donnée à Mulhouse, le 18 février 2020, disponible sur le site de l’Elysée : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/02/18/proteger-les-libertes-en-luttant-contre-le-separatisme-islamiste-conference-de-presse-du-president-emmanuel-macron-a-mulhouse.

5 Idem.

6 Extraits du corpus MPF : les informations entre parenthèses renvoient à leur référencement dans la base de données.

7 Heureusement abandonnée en 2018.

8 Ce que permet l’exploitation du corpus MPF (Gadet & Guerin, 2016).

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