Aujourd’hui, pour l’enseignement des langues étrangères (LE), l’apport du numérique/digital est-il une innovation cognitive positive ?

Nicole Koulayan

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Nicole Koulayan, « Aujourd’hui, pour l’enseignement des langues étrangères (LE), l’apport du numérique/digital est-il une innovation cognitive positive ?  », Archipélies [En ligne], 7 | 2019, mis en ligne le 15 juin 2019, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.archipelies.org/520

L’enseignement des langues étrangères a continuellement utilisé les technologies de la communication du moment comme la radio, l’audiovisuel, le multimédia.
Aujourd’hui en 2019, nous sommes dans l’ère du numérique/digital, ayant donné naissance en matière d’enseignement au « digital learning » ou « enseignement digital » également associé à « l’enseignement nomade » ou « mobile learning », lesquels sont caractérisés par des outils comme les ordinateurs portables, smart/i/phones, iPad, tablette, etc. devenus très accessibles tant du point de vue du prix que du design technologique ou bien de la connexion permanente, à bon marché ou gratuite (wifi, Bluetooth, etc.).
C’est pourquoi, depuis 2008, ce sont ces outils qui avec le web 2.0 numérique/digital, sont en train de bousculer l’enseignement des LE et c’est à ce titre que nous sommes confrontés à un paradigme didactique des plus intéressants. En effet, il est du même ordre technologique et sociétal que le précédent, tout en se montrant différent de par l’ergonomie des outils et le public impliqué, à savoir la jeune génération d’apprenants qui peut, dans certains cas, être plus performante dans l’utilisation de ces outils que ses enseignants.
C’est pourquoi, nous posons la question de savoir s’il s’agit d’une innovation didactique réelle par rapport au e-learning, se traduisant par un mieux enseigner et apprendre tel que nous le connaissons depuis plus d’une décennie, ou bien si nous n’avons à faire qu’à une déclinaison élargie de ce dernier ?
Nous nous proposons de commencer à répondre à ces questions en ciblant particulièrement la didactique des langues étrangères dont le français (FLE) en nous référant à des analyses et expériences disponibles sur le numérique/digital learning impliquant comme supports didactiques la classe inversée et le TBI numérique, afin d’en savoir un peu plus sur la réalité ou pas d’une plus-value cognitive générée par les outils numériques actuels.

The foreign language teaching constantly used the technologies of the communication of moment as the radio, the broadcasting, the multimédia.
To day in 2019, we are in the era of the digital with some new tools as ipods, notebooks,smart/i/phones,i-pads, tablets, etc. sold at very accessible prices with an easier and free internet connexion.
That is why since 2008, tools are offered by digital web 2. 0 which are pushing aside the didactic of languages and it is as such that we are confronted in one didactic paradigm of the most interesting.
Indeed, we have the technological and sociétal order as the precedent while showing itself different due to the ergonomics of tools and the audience involved, namely the young generation of learners who can in certain cases to be more successful in the use of the tools than their teachers.
That is why we ask whether this is a real didactic innovation versus e-learning that translates into a better teaching and learning as we have known it for more than a decade, or whether we have to do only with an expanded declination of the latter?
We propose to begin to answer these questions with a particular focus on the didactic of foreign languages including french as foreign language (FLE) by referring to available analyses and experiences on digital learning involving the flipped classrooms and digital TBI as teaching materials in order to learn a little more about the reality or not of cognitive gain generated by the current digital tools.

Introduction

Cette réflexion aborde une question qui intéresse beaucoup les acteurs actuels du monde de l’éducation, notamment les enseignants des langues étrangères (LE), qui est celle de savoir si « Aujourd’hui pour l’enseignement des langues étrangères, l’apport du numérique/digital est une innovation cognitive positive 1» ?

Pour apporter des éléments de réponse à cette question aussi vaste que passionnante, nous allons suivre un cheminement en plusieurs étapes. Nous commencerons avec un état des lieux synthétique pour notre société, sur les environnements et outils numériques ou digitalisés (nous utilisons les 2 termes comme synonymes) qui nous sont proposés en lien avec l’enseignement des LE. Nous nous attarderons sur la présentation du concept d’« Innovation technologique » en présentant brièvement de quoi il relève de manière générale, en lien avec son application dans l’enseignement/apprentissage numérisé des LE. Puis nous poursuivrons avec un petit rappel sur les environnements numériques d’avant le web 3.0, notamment dans les milieux éducatifs pour l’enseignement des LE.

Pour ce faire, nous comparerons le web 1.0 et le web 2.0 en se posant la question de savoir si une plus-value cognitive s’est produite en faveur de l’actuel web 3.0 ou bien s’il ne s’agit que d’une simple redondance par rapport à celle que nous avions dégagée pour le web 1.0. lors de nos travaux des années 90, lorsque nous avons commencé à travailler sur l’enseignement du FLE dans un contexte qui au départ n’était que celui que l’on appelait le « multimédia » (Koulayan, N, 1998).

Il s’en suivra une illustration concrète de cette innovation en classe de LE, avec un focus sur deux exemples actuels : pour le premier, il relève d’une pédagogie particulière : celle de la classe inversée, et pour le deuxième, d’un outil à nos yeux très emblématiques de la technologie innovante du numérique : le Tableau Blanc Interactif dit TBI

Pourquoi ces deux exemples ? Parce qu’ils s’affichent comme étant « accessibles » en milieu éducatif aussi bien d’un point de vue pédagogique, technique que financier. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils sont de plus en plus utilisés partout dans le monde, dans les établissements publics et privés.

Enfin, nous répondrons à notre question de départ sur l’innovation cognitive positive ou pas, générée par le numérique/digital dans un cours de LE.

1. De l’innovation technologique dans l’enseignement d’une langue étrangère

1.1. Reconfiguration

Dans ces temps présents, complètement ou presque voués à la communication numérique ou digitale, les enseignants des langues étrangères doivent reconfigurer leurs pratiques pédagogiques en référence à des évolutions majeures de nos modes de fonctionnement sociétaux induits par les technologies de la communication.

Ainsi, une fois de plus, ils sont confrontés à de l’innovation technologique que pour la plupart ils ont toujours acceptée, notamment avec l’apparition du manuel en 1815 ; c’est pourquoi depuis un siècle, ils auront connu la méthode papier, le gramophone, la radio, l’audiovisuel, le multimédia, pour arriver au numérique/digital, donc autant de défis didactiques offerts par l’innovation du moment, comme celle principalement portée par le web 2.0, et depuis peu par le web 3.0, faisant suite à la précédente concrétisée par le multimédia des années 2000. Voici pour rappel les définitions des différents « web » les plus communément visibles sur le net :

  • Le Web 1.0 est le Web constitué de pages web liées entre elles par des hyperliens qui a été créé au début des années 1990.

  • L’expression « Web 2.0 » désigne l’ensemble des techniques, des fonctionnalités et des usages qui ont suivi la forme originelle du web, www ou World Wide Web, caractérisée par plus de simplicité et d’interactivité (sociabilité). Le Web 2.0 est le Web social, qui s’est généralisé avec le phénomène des blogs, et enfin, avec les réseaux sociaux et fondamentalement la technologie wiki. Le Web Squared est une étape intermédiaire entre le web 2.0 et le futur web 3.0.

  • Historiquement, le Web 3.0 est une expression qui désigne la troisième étape en cours des transformations majeures dont le Web fait l’objet depuis son lancement. Le Web 3.0, lui, n’est pas vraiment défini. L’expression est employée par tous les spécialistes pour expliquer ce que sera selon eux la prochaine étape de développement du Web. Les deux thèses dominantes sont de considérer le Web 3.0 comme « l’Internet des objets », qui émerge depuis 2008, l’autre thèse dominante est d’en faire le web sémantique.

Notons que si le web 3 en tant « qu’internet des objets » émerge depuis 2008 en France, nous ne l’avons perçu en tant qu’usagers que bien plus tardivement, autour des années 2012-13.

Cependant, force est de constater que le numérique/digital a provoqué des transformations profondes dans toutes les sociétés du monde, quel que soit leur état de développement économique (par exemple : des Papous de Nouvelle-Guinée vivant dans le bush de manière traditionnelle dans des huttes en haut des arbres pour se protéger, se rendent au village pour recharger leur téléphone portable et/ou au cybercafé pour envoyer et répondre à leurs mails – en cas de besoin, un écrivain public le fait pour eux – idem pour des membres de tribus de Namibie dans le désert du Kalahari. Tous disent qu’ils ont conscience de ce grand écart entre le traditionnel et le moderne, et que c’est justement celui-ci qui leur plaît : « voulant vivre comme toujours, mais appréciant de pouvoir communiquer ici et maintenant avec leur proche ou autres non-présents ») (source : https://www.arte.tv/fr/videos/RC-014123/arte-reportage/2017).

Ces transformations se sont imposées en s’appuyant sur un nouveau paradigme économique et sociétal qui à cause de son succès semble largement non réversible. En effet, qui aujourd’hui envisagerait ne plus avoir de smartphone, d’internet, et autres ? D’autant que le choix n’est plus donné au citoyen d’être ou ne pas être dans le digital, comme par exemple en France où l’administration publique demande de lui envoyer vos dossiers et documents numérisés, et non plus forme de courrier papier postal, et où les téléphones dits « fixes », branchés sur le réseau d’Orange (ex-France Télécom), ne sont plus vendus depuis le 15 novembre 2018.  On dépend donc obligatoirement d’une box internet.

Ce succès du numérique dans notre vie de tous les jours a été généré par une fusion spécifique entre la sphère publique et la sphère privée, comme on le voit avec les opérateurs internet qui sont très majoritairement des sociétés privées.

Dans le monde pédagogique, nous avons également des exemples de cette fusion comme en France avec l’École de Microsoft installée à Paris dont voici la présentation sur : https://www.microsoft.com/fr-fr/education/training-and-events/classe-immersive/default.aspx

 « La Classe Immersive Microsoft – Inspirez, créez, vivez la classe du futur.
Un nouvel apprentissage – À l’heure de l’apprentissage des connaissances du xxie siècle, nous avons à cœur de permettre aux élèves d’apprendre à mieux collaborer, communiquer, de favoriser la créativité et d’apporter des compétences liées aux technologies de l’information et des communications.
Une classe unique – La Classe Immersive Microsoft : un espace unique permettant aux élèves de s’immerger dans un environnement favorable à l’apprentissage de ces nouvelles connaissances ! Depuis plus de trente ans, l’Éducation est partie intégrante de l’ADN de Microsoft, c’est pourquoi nous avons à cœur d’ouvrir ce lieu à l’ensemble des acteurs de l’éducation.
La Classe Immersive propose des ateliers permettant de développer les compétences du xxie siècle : collaboration, coding, créativité…
Nous avons construit 4 pôles permettant aux enseignants et à leurs élèves de découvrir de nouvelles formes d’apprentissage grâce au numérique :

  • « Collaboration en classe » : initier les élèves à collaborer et s’organiser collectivement au travers d’outils numérique.

  • « Apprendre à coder » : initier les élèves à la programmation avec Minecraft : Education Edition.

  • « Concevoir en 3D » : faire découvrir aux élèves l’impression 3D et la réalité augmentée, expérimenter la réalité mixte en situation d’apprentissage.

  • « Intelligence artificielle » : faire découvrir le fonctionnement et les enjeux de l’intelligence artificielle.

Pour qui ? – La Classe Immersive est ouverte gratuitement aux enseignants du CE1 à la 3e qui souhaitent venir y faire cours et faire vivre aux élèves de nouvelles expériences pédagogiques. 
Cet espace est également ouvert aux collectivités, aux chefs d’établissement et à l’ensemble du monde éducatif pour alimenter les réflexions autour de l’intégration du numérique à l’école.

Le premier slogan mis en avant : « Inspirez, créez, vivez la classe du futur » n’est pas surprenant car on y retrouve les principales spécificités induites par le numérique en contexte pédagogique. Microsoft se place d’emblée dans le paradigme du futur en signifiant bien que nous sommes dans de l’innovation en cours, que Microsoft est à l’écoute pour prendre en compte leurs idées et leur participation inspirée et créative dans une activité partagée dans le dynamisme de leur vie d’écoliers.

Leur « Classe Immersive » répond bien à ce programme puisqu’elle reçoit chaque semaine plusieurs classes de Paris et régions qui viennent avec leur enseignant à la fois découvrir et surtout expérimenter les environnements, espaces, outils « nouveaux » mis à leur disposition. Les élèves travaillent en petits groupes et montent une concentration et un intérêt des plus prometteurs (cf. la vidéo de www.futuremag.fr). Ainsi actuellement, c’est ce type d’espace numérique d’un ordre nouveau qui se trouve à l’origine de nouvelles dispositions techno-pédagogiques mises en œuvre dans l’enseignement des langues vivantes.

En effet, les structures éducatives, non seulement ne sont pas hors de ce mouvement, mais se voient fortement encouragées d’en constituer l’un des moteurs essentiels, aussi bien pour des établissements relevant du privé que du public, avec des programmes intéressants comme le Programme Européen d’Investissement d’Avenir (P-I-A) ou en France pour l’enseignement universitaire : le Programme de France Université Numérique (F-U-N) (https://www.france-universite-numerique.fr/)

On note également que l’Europe et le gouvernement français soutiennent à la fois financièrement et structurellement des programmes assez conséquents en la matière, afin de poursuivre et consolider le processus de mondialisation qui continue de faire une large part au numérique au travers de son concept phare de « Société numérisée », dans la lignée du précédent que l’on a connu sous l’appellation de « société de l’information ».

Dans ce monde globalisé, la maîtrise des langues étrangères est largement sollicitée et dynamisée par et pour celles et ceux qui souhaitent réussir une intégration professionnelle intéressante, c’est d’ailleurs pourquoi chaque année, les apprenants d’une langue étrangère (LE) sont de plus en plus nombreux, aussi bien en présentiel qu’en ligne, à s’inscrire dans des MOOCS (Massive On Line Classes) de langue étrangère, y compris pour le FLE, offerts gratuitement depuis 2012 et également déclinés aujourd’hui sous leur modèle réduit et payant : les SPOC (Small Private On Line Classes), ouverts à un public réduit (30 participants) sélectionné en amont.

Après ce rapide tour d’horizon, nous allons uniquement nous centrer sur l’enseignement/apprentissage des langues étrangères (LE) en rapport avec le numérique tel qu’il peut être proposé dans les structures éducatives publiques (écoles, lycées, universités) et privées comme les Centres de langues ou Alliances françaises.

Notre objectif est de pouvoir déterminer si pour une classe de LE l’utilisation du numérique, aussi bien par les enseignants que par les apprenants, induit ou pas un nouvel apport cognitif en matière d’amélioration de l’apprentissage des LE, autant pour les conditions que les résultats obtenus, ou bien, si n’avons à faire qu’à une redondance de ce qui avait déjà été généré par le multimédia web 1.0.

Mais avant, revenons sur le concept d’« Innovation technologique », car comme on l’aura compris en référence avec ce que l’on vient de voir en matière dans la didactique de langues, le processus d’innovation est grandement porté par le numérique ; or le numérique, c’est de la technologie plurielle, car à la fois issue de l’informatique et de la communication.

Le concept d’innovation technologique est par nature si ouvert à la réflexion, qu’il ne cesse de s’enrichir de réflexions et d’analyses diverses, surtout en ce xxie siècle largement dévolu à la technologie du numérique, et ceci à tous les niveaux : professionnels, éducatifs, sociétaux, en matière de santé, de transport et autres.

En nous interrogeant sur son rapport avec l’enseignement numérisé ou digital des LE, nous avons choisi de nous appuyer sur une analyse de l’innovation centrée sur les pratiques des usagers, car nous pensons qu’elle correspond bien au processus qui nous intéresse, puisque les apprenants d’une LE sont pour leur apprentissage des « usagers multiples », à la fois de la langue cible et des environnements numériques.

Ce lien entre innovation technologique informatique et usage, a déjà été exploré, notamment par le Professeur Serge Agostinelli, chercheur spécialiste en informatique et cognition numérique, avec un focus des plus intéressant sur le couple « innovation et usage », pour lequel il propose un modèle pragmatique que nous avons retenu, car ce binôme s’ajuste très bien à l’objet « langue vivante », puisque comme nous le verrons dans la partie 2 : l’enseignement en général et particulièrement celui des langues vivantes a toujours su s’approprier les usages technologiques innovants, aussi bien pour la langue première (maternelle) que pour une langue seconde (étrangère).

De plus, par nature, toute langue vivante est porteuse d’innovation, particulièrement en matière lexicale et sémantique : puisqu’elle se renouvelle en permanence par la variation ses registres, notamment lexicaux. Ce n’est donc pas étonnant que les cours de langues, en particulier pour les LE, se soient régulièrement approprié l’innovation en matière de supports et d’outils de communication.

Nous allons voir que les caractéristiques de l’innovation technologique telles que Serge Agostinelli (2014) les analyse, sont en résonnance avec ce que nous venons de mettre en avant quant au processus d’acquisition d’une langue vivante. Voici comment il définit l’innovation technologique :

« Elle doit être ouverte, pluridisciplinaire et centrée vers l’usager, car elle prend autant naissance dans les pratiques des usagers et des acteurs de la société que dans les laboratoires des centres de recherches publics ou industriels… et... quand la recherche s’intéresse à l’innovation par l’usage, cela revient à étudier les réponses individuelles aux propositions d’actions inscrites dans les technologies, même s’il va de soi que l’on peut avoir des usages partagés » (Agostinelli. 2014).

1.2. Mais qui donne ces réponses individuelles ?

Dans le cadre pédagogique qui nous intéresse : dans une salle de cours, c’est aussi bien l’enseignant que l’apprenant ; mais en dehors, c’est souvent beaucoup plus l’apprenant.

Ici, nous retrouvons bien le corollaire de ce que nous avons présenté plus haut, à savoir que l’apprenant, même s’il travaille en groupe dans la salle de classe, que ce soit pour une classe dite « traditionnelle » ou « inversée », in fine, est et demeure « seul » pour apprendre la LE. C’est pourquoi l’évaluation des compétences en LE reste toujours individuelle, comme pour les certifications de type T.O.E.F.E.L pour l’anglais (Test of English as a Foreign Language) ou TCF (Test de Connaissance du Français) pour le français.

Nulle surprise avec ce constat, car même si nous sommes dans un environnement sociétal largement numérisé, l’individualisme reste dominant par rapport au travail de groupe, grâce entre autres au « mobile learning » qui devient du « rapid learning » avec la camera stylo, le smartphone, le iPad, etc. Dans le mobile learning, les activités proposées le sont majoritairement sous la forme de capsules vidéos qui restent majoritairement utilisées en « solitaire ».

Attardons-nous un peu sur cet outil qui connaît un grand succès, car une capsule vidéo est une séquence vidéo généralement courte, de 2 à 5 mn maximum, qui a été scénarisée, permettant de développer une idée, une notion ou un thème.

Initialement, elle a surtout été l’apanage des formations en entreprise, car considérée comme un support de présentation dynamique et réalisée à peu de frais, cependant, depuis plusieurs années, elle a aussi fait son entrée dans les apprentissages autres comme celui des LE, tout comme elle est également très prisée dans le milieu de la formation à distance.

La capsule est indissociable des MOOC (Massive Open Online Course/Cours en ligne ouvert à tous) et de la pédagogie inversée ; elle est très appréciée par ses utilisateurs, que ce soit dans les classes de langue ou dans les entreprises, car les utilisateurs peuvent les réaliser eux-mêmes gratuitement. C’est pourquoi le grand succès de ces nouveaux outils numérisés nous pousse à poser la question de savoir ce qui se passe quand l’innovation technologique rencontre l’innovation pédagogique, notamment dans l’apprentissage des langues étrangères ?

1.3. Qu’est-ce que nous pouvons retenir ?

Pour faire court, nous dirons qu’actuellement, ce qui émerge en didactique des langues pour les fonctions consacrées à l’apprentissage, c’est de pouvoir intégrer dans les classes, les résultats des recherches récentes issues des domaines tels que la didactique générale, la psychologie cognitive, le numérique, avec l’application d’environnements et d’outils favorisant la mobilité, les échanges et la collaboration entre les apprenants.

Ainsi, ces partages d’expériences permettent de mettre en évidence l’apport de l’innovation en lien avec les avancées de la recherche en rapport avec des domaines connexes (comme avec la psychologie cognitive), ce qui dans l’enseignement traditionnel des LE n’était pas pris en compte, c’est pourquoi cette convergence très emblématique de notre époque a été des plus positives. À titre d’exemple, voici le cas en France de l’Université de Lille et de son équipe de recherche de la Faculté des Sciences humaines en didactique numérisée, qui en 2016 a été récompensée par le ministère de l’Éducation nationale.

Son projet de recherche : « Autoformation en langues : quel guidage pour l’autonomisation ? » (http://acedle.org/old/spip.php?article2445), était consacré à l’apprentissage des langues en mode hybride, à la fois en présentiel et en ligne. Il aura duré 9 années et aura permis de mieux cerner les plus-values didactiques produites par l’autonomie de l’apprenant, autonomie possible grâce au numérique et pas évidente à assurer en matière de langue vivante.

Suite à ces résultats, dans l’enseignement supérieur français, on a pu assister à la transformation des pratiques en didactique des langues, quand elles sont exercées dans un environnement numérisé pour lequel peu importe que l’utilisateur soit enseignant ou apprenant puisque c’est l’exercice de la double compétence linguistique et technologique qui est requise, et force est de constater que l’on n’a plus le choix de séparer le linguistique et le technologique, aussi bien côté enseignant qu’apprenant.

Nous étions loin de cet incontournable lorsque dans les classes de langues il n’y avait que des supports papiers et où seule la compétence linguistique était requise.

De plus, le fait nouveau révélé par l’importance du rôle de la compétence technologique, est que d’une part elle aide à apprendre, et que d’autre part, on constate un fait très étonnant dans l’histoire de la didactique de LE : pour la première fois, l’apprenant peut être plus performant que son enseignant dans sa compétence technologique.

Nous sommes donc au cœur d’une situation actuelle des plus passionnante en termes d’enseignement et apprentissage, situation qui se construit un peu plus chaque année avec les promotions issues des nouvelles générations dites « digital natives ». C’est en 2001 que Marc Prensky a dénommé ces élèves les : « digital natives » ou « natifs du numériques ».

Effectivement, leur privilège est « d’être nés » avec le web 2.0, le GSM (Global System for Mobile), l’ordinateur portable, les réseaux sociaux comme Facebook, Tweeter, etc., ce qui leur confère, avec ces outils de communication, une aisance que leurs aînés, appelés eux : les « immigrants du numérique », n’avaient pas au départ et qu’ils ont dû s’approprier par le biais de formations ciblées. C’est pourquoi il est indispensable de bien comprendre quels sont la nature et le rôle de cette innovation technologique qui s’impose comme le moteur central de tous ces changements.

Toujours en poursuivant l’analyse des travaux d’Agostinelli (ibid) sur l’innovation technologique, ces études montrent que celle-ci résulte d’un processus particulier, celui d’être le résultat d’interactions produites par différentes composantes selon le domaine concerné. Ces composantes sont au nombre de cinq, avec les « acteurs de l’innovation », les « besoins des usagers », les « pratiques professionnelles », les « intentions des commanditaires » et enfin, la « médiation des connaissances scientifiques ».

Ainsi, en pratique, c’est l’interaction entre les composantes impliquées qui permet d’aboutir à un changement, donc à quelque chose de nouveau. Mais pour l’enseignement numérisé des LE, il nous paraît très intéressant de poser la question : qu’en est-il des composantes impliquées dans ces cinq interactions ? Pour répondre, nous avons donc transposé ces composantes et interactions sur l’enseignement numérisé des LE. Voici ce que l’on peut en retenir.

Avec des enseignants très créatifs, « les acteurs de l’innovation » deviennent les outils du numérique, avec le web 2.0, le GSM, les ordinateurs portables, le TBI, les tablettes, etc. Cependant, pour les « pratiques professionnelles », celles-ci continuent de relever exclusivement de l’enseignant qui dans sa classe reste le seul à savoir comment faire apprendre puisque c’est sa spécialité professionnelle.

Pour « les intentions des commanditaires », dans le cas présent, celles-ci peuvent être (pour partie) soit des émanations institutionnelles, comme pour les curricula, ou le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL), soit les auteurs et/ou les éditeurs des méthodes de langue, etc.

Pour « les besoins des usagers », il s’agit des apprenants qui veulent commencer à apprendre une L2 ou bien en améliorer leur niveau linguistique.

Et enfin, pour « la médiation des connaissances scientifiques », elle est assurée majoritairement par les enseignants et quelquefois par les apprenants s’ils sont allés vivre à un moment donné dans le pays de la langue cible, ils apportent ainsi un « plus » dans le cours en raison cette expérience authentique ou bien en raison de leurs relations avec un natif, comme dans le cas des programmes Pen-Pal (les anciens programmes de « correspondants » de langue) ou Tandem.

Suite à cette transposition, nous pouvons dire en conclusion que dans un environnement numérisé/digital pour l’enseignement et l’apprentissage des langues étrangères (LE), l’interaction de ces cinq composantes se trouve en permanence adossée à de l’innovation technologique grâce au web 2 et 3 où deux processus d’innovation se côtoient : celui intérieur qui concerne la langue cible qui en tant que système vivant innove en permanence dans son registre lexical en fonction de ses registres sociolinguistiques comme par exemple avec le registre familier « jeune » qui produit chaque année plusieurs termes nouveaux, et celui extérieur, offert par les outils et supports générés par le numérique.

Concernant ce dernier, voici l’exemple d’un contact entre ces deux processus au résultat très réussi, car il génère une superbe créativité linguistique émanant d’une activité sociale devenue quasi permanente pour la très grande majorité des terriens que nous sommes, celle de « poster » chaque jour des millions de SMS depuis nos smartphones et tablettes, écrits avec de nouveaux codes linguistiques régulièrement partagés par des centaines de millions d’usagers. En effet, le nombre de messages écrits envoyés dans le monde par SMS/MMS/WatsApp se compte par milliards. Par exemple, pour les SMS, on en était en 2015 à 6 100 milliards, pour les messages whatsApp, en 2016, à plus de 40 milliards échangés en 53 langues ; avec, pour la France de janvier à mars 2018, un total de 44,7 milliards de messages SMS et MMS envoyés.

Avec ces chiffres issus du net, on voit bien que : « L’innovation technologique structure l’émergence de nouveaux modes de vie et les usages quotidiens de la technique orientent l’ensemble des activités sociales » (Agostinelli, ibid).

Ainsi, comme nous l’évoquions plus haut, en ce xxie siècle, grâce au web 2 et 3 des objets connectés, l’innovation technologique s’est irrémédiablement immiscée dans notre vie quotidienne, c’est pourquoi son impact sur nos systèmes éducatifs ne peut pas être nié, mais doit être pris en compte à la mesure des moyens de chaque État et Nation.

Cependant, cette affirmation peut se discuter avec un contre-exemple à la fois curieux et paradoxal, celui de la Waldorf School of the Peninsula située dans la Silicon Valley en Californie (USA) (Source BFM TV/2018 http://www.bfmtv.com/).

Elle est l’école préférée de tous les cadres de la Silicon Valley, de tous les grands pontes de Google, Apple, Facebook... qui mettent leurs enfants dans cette école. Sa particularité : elle est complètement déconnectée. Il n’y a ni smartphone, ni ordinateur, ni connexion Internet... Seulement tableau noir et craies, stylos et papiers.

Même si ce cas d’école demeure rare, il nous interpelle quand même, mais peut-être est-il dû, pour ces familles majoritairement constituées par des professionnels du numérique, au fait que : « trop de numérique tue le numérique », car aujourd’hui, la tendance générale partout dans le monde, est que, pour l’enseignement, et en particulier celui des LE, on lui associe les supports et outils technologiques disponibles : comme les tablettes qui sont devenues très accessibles en termes de prix d’achat (sauf pour les tablettes iPad), et des applications gratuites emblématiques des réseaux sociaux en ligne avec les plates-formes elles aussi gratuites comme par exemple YouTube et celle qui est l’une des plus utilisée par les jeunes gens du monde entier : Instagram, que l’on retrouve fréquemment comme support dans les cours de LE, utilisé, comme nous allons le voir plus loin, pour l’enseignement du Français Langue étrangère (FLE).

Instagram n’est pas qu’une application, elle est aussi un réseau social et un service de partage de photos et de vidéos appartenant à Facebook, disponible sur plates-formes mobiles de type iOS, Android et Windows Phone, et sur ordinateurs avec des fonctionnalités réduites. Il faut être âgé au minimum de 13 ans pour pouvoir l’utiliser. Elle a été créée en octobre 2010 par l’Américain Kevin Systrom et le Brésilien Michel Mike Krieger. Selon les chiffres officiels qu’elle a fournis sur son site, en juin 2018, Instagram revendiquait plus d’un milliard d’utilisateurs à travers le monde, dont 75 % en dehors des États-Unis, utilisateurs à qui l’entreprise a donné le nom de : « Igers ».

Concernant les « Igers » apprenants de FLE, en 2018, un travail de recherche a été effectué en Californie par un enseignant de FLE, Baptiste Genestin, dans le cadre de son mémoire de Master 2 que nous avons dirigé à l’Université des Antilles. Sa problématique portant sur Instagram et le FLE, était la suivante :

« Instagram, une plateforme sociale au service de l’apprentissage du Français Langue étrangère hors temps scolaire. Pour quels bénéfices didactiques ? Le cas de 4 classes de lycéens californiens débutants (Niveau A2) ».

Voici les résultats les plus significatifs de cette recherche sur les bénéfices, pédagogiques ou pas, induits par l’utilisation d’Instagram dans les cours de FLE.

  1. La conception d’activités d’apprentissage appropriées est un élément clé de la réussite de l’intégration d’Instagram.

  2. L’interface sociale et conviviale permet aux étudiants de collaborer, de partager des informations, des expériences et de se connecter par le biais de services de communication synchrones et asynchrones.

  3. Les étudiants doivent avoir :

    • la possibilité de présenter des critiques et des commentaires sur le travail de l’autre étudiant,

    • de collecter et de partager des références et du matériel pertinents pour leurs travaux de portfolio,

    • d’assigner des tâches les uns aux autres,

    • d’utiliser des solutions mobiles, des vidéoconférences et des podcasts.

  1. L’objectif ultime, pour l’enseignant, réside dans la recherche continue de situations d’apprentissage pendant lesquelles les élèves sont amenés à réfléchir pour ainsi créer une réelle culture du « penser » efficace.

Nous constatons que le travail collectif de la part des apprenants est bénéfique dans la classe en présentiel et qu’ensuite, il est aussi très efficacement complété, consolidé par un travail individuel en dehors, grâce au mobile-learning, surtout pour les exercices structuraux de type grammatical, lexical ou autre, comme il a été souligné plus haut.

Les chiffres monumentaux que nous avons vus sur l’utilisation de cette application, nous conduisent à nous pencher sur notre passé récent et à analyser ce qu’il y avait en matière d’environnement à l’époque dite « multimédia », donc à la période du web 1.0., et après celle du web 2.0, pour en faire un rapide récapitulatif sur ce qui qui aura été marquant en matière d’innovation didactique concernant la didactique des LE.

2. Petit rappel sur les environnements dans les milieux éducatifs avant le web 3.0

Avant le web 3. 0, il se passait quoi dans les milieux éducatifs utilisant un environnement nouveau en technologie de la communication ? D’autant qu’aujourd’hui, en 2019, il reste encore beaucoup de structures éducatives, notamment en France, mais aussi dans énormément de pays dans le monde en raison de leur spécificité géo-économique, pour lesquelles l’environnement technologique reste toujours à maxima celui du web 2. 0. ou à minima celui des TICE. De plus, la disparité peut également se retrouver dans un même pays, selon qu’il s’agisse d’un espace urbain ou rural. Faisons un rapide retour en arrière dans le monde occidental aux décennies 1990-2000.

À cette époque, la connexion internet était loin d’être puissante et efficace, de plus, elle était chère voire très chère selon les pays, même si l’internet ne concernait encore que les « pays riches ». Dans les établissements qui avaient des espaces dédiés au multimédia, pour les cours de langues, en général, l’utilisation d’internet pour les apprenants se résumait au grand maximum à 2 h par semaine. Ceux-ci avaient aussi l’occasion d’utiliser pendant ces séances des cédéroms de méthodes de langue non encore hybrides, c’est-à-dire sans lien avec leur site internet.

Dans les années 2000, un changement important intervient avec la possibilité de connecter les classes au premier wifi, ce qui réduit le coût de l’abonnement internet. Ainsi à cette époque, dans l’ensemble, le contexte le plus répandu était celui du blended-learning, c’est-à-dire un enseignement mixte ou hybride liant à la fois des modalités traditionnelles d’enseignement des LE à l’emploi de sites sur le web 1.0., eux-mêmes associés à des cédéroms de méthodes de langues.

A partir de 2007/2008, les nouveaux terminaux pour aller sur le web, permettent de migrer du web 1.0 au web 2.0, ce dernier va grandement associer les réseaux sociaux, les blogs, les sites et autres à des outils de connexion et de consultation de plus en plus performants en rapidité, puissance, ergonomie et coût, car de moins en moins chers. C’est pourquoi les tablettes, smartphones, petits ordinateurs portables ultra légers connectables par Bluetooth à un réseau wifi, ont pu commencer à s’implanter dans nombre d’établissements, en même temps que dans les foyers.

Tant et si bien qu’aujourd’hui, pour la première fois dans l’histoire de l’enseignement des langues étrangères (et autres), particulièrement pour les pays riches, on constate un fait nouveau très intéressant : l’enseignant dans sa salle de classe n’est plus l’unique détenteur du savoir-faire dans l’utilisation de l’outil technologique le plus récent du moment, comme ce fut le cas dans le passé avec l’audiovisuel, avec un projecteur, un magnétoscope ou avec le multimédia et les ordinateurs fixes équipés d’un lecteur de cédérom.

Cette situation se révèle inédite, car force est de constater que l’élève, même jeune, est bien plus et souvent mieux équipé, technologiquement parlant, chez lui que dans son école ou lycée. Cependant, une exception demeure : celle du TBI (Tableau Blanc Interactif ou TNI Tableau Numérique Interactif, comme il est aussi appelé). Cette unique exception est due non seulement à sa taille, et à son prix, mais surtout à la finalité de son utilisation, c’est pourquoi il demeure l’apanage des établissements scolaires et universitaires, du moins pour ceux dotés d’un budget conséquent. Nous reviendrons sur le TBI un peu plus loin.

On constate que depuis quelques années, les jeunes apprenants de LE, à savoir les 12-25 ans, dits comme vu plus haut, « digital natives » ou en français, les « natifs du numérique », peuvent de manière générale pour beaucoup d’entre eux, être plus performants dans leur utilisation des outils numériques/digitaux que leurs enseignants. Si l’enseignant veut éviter de les « ennuyer », il doit obligatoirement adapter son design pédagogique à cet état de fait.

Nous avons donc ici une situation, pour le cours de LE, d’un ordre « nouveau » et pluriel, relevant à la fois du sociologique (tranche d’âge, classe sociale, etc.), du public (natifs du numérique), du technologique (avec une connexion des outils disponibles 24 h sur 24 h) et du didactique, qui fait du cours « traditionnel » avec 100 % d’utilisation du tableau craie ou feutre, une situation de plus en plus rare, du moins dans les pays riches (exception faite en Californie, comme nous l’avons vu pour l’École Waldorf).

Donc depuis 10 ans environ, notamment en France, les écoles, les universités, les instituts et autres, en matière d’équipement de communication numérique, se sont dotés de points wifi gratuits multiples, de TBI et d’espaces numériques dédiés aux langues, souvent ouverts en permanence et non plus pour 2 h par semaine comme dans les années 90.

La conséquence de cette évolution novatrice d’un point de vue didactico-cognitif, c’est qu’aujourd’hui, dans une classe de LE, par rapport à l’époque du multimédia, la problématique technologique dévolue à l’enseignant et aux apprenants ne concerne plus l’appropriation des outils numériques disponibles (sauf encore pour le TBI, notamment sa dernière version), mais aussi bien pour l’enseignant que pour l’apprenant, quel que soit son âge, elle concerne comment savoir en retirer le plus de valeur ajoutée d’un point de vue cognitif et du progrès en apprentissage. Autrement dit : avec le numérique, comment enseigner et apprendre mieux et pour quelles plus-values cognitives ? Pour commencer à répondre à cette question, nous allons conserver notre exemple cible, à savoir l’enseignement des LE, notamment avec le FLE.

Dans les années 90 à 2010, quand l’on parlait encore de « multimédia », nous avions fait nos premières recherches sur les plus-values cognitives induites par le multimédia. Notre terrain d’étude était celui des établissements éducatifs ou culturels comme les écoles, universités, les centres culturels français, les Alliances françaises de l’étranger, qui à l’époque proposaient aux enseignants et aux apprenants des PC connectés à internet, dotés d’un lecteur de cédéroms. Par rapport à l’enseignement dit « traditionnel », c’est-à-dire avec un manuel papier et un tableau craie ou feutre, nous avions constaté pour celui avec le multimédia, plusieurs plus-values cognitives, à savoir :

  • pour le binôme apprenant et l’enseignant : un usage technologique innovant

  • pour l’apprenant : une autonomie plus grande avec ou sans son enseignant et une auto-réflexion sur les procédures didactico-pédagogiques en jeu produite par cette autonomie,

  • et enfin, toujours pour l’apprenant, celle qui était la plus importante pour l’époque en matière d’innovation : l’interactivité entre l’apprenant et la machine et/ou avec un pair connecté à internet.

Car c’était bien la 1ere fois dans l’histoire de l’enseignement que l’apprenant pouvait tout seul « dialoguer donc inter-agir » avec un outil technologique dédié à une activité pédagogique. Comme on le remarque à cette époque, ces plus-values bénéficiaient majoritairement à l’apprenant grâce à l’interactivité. L’enseignant restait alors en charge non seulement de sa tâche « traditionnelle » d’enseignant, mais devait également assurer dans l’espace multimédia dédié à son cours, la formation de son public d’apprenants à l’utilisation de l’ordinateur, du lecteur de cédérom, à l’usage du net pour accéder aux ressources documentaires évoquées dans son cours, etc. Mais suite au perfectionnement du web 2.0. et à l’apparition web 3.0., les choses ont changé.

Comme évoqué supra, de nouveaux outils digitaux/numériques très ergonomiques, devenus de plus en plus abordables, comme les smartphones, tablettes, PC portables, etc., et aux connexions internet illimitées : G3, G4, Bluetooth et gratuites pour le wifi, ont permis de casser la sédentarisation liée au laboratoire multimédia et à la classe, pour entrer dans celle du « mobile » ou « nomadisme digital/numérique », accessible quasiment à tous et partout.

Ainsi, pour détailler ce que nous avons relevé dans la première partie, le « mobile-learning » a offert, et continue de le faire avec encore plus de performance, la possibilité de suivre une formation adaptée à ses propres outils électroniques de communication connectés qui sont généralement capables de lire la plupart des supports exploités par le e-learning, comme les textes, les vidéos, le son, les images de la reconnaissance graphique/gestuelle ou bien la synthèse vocale (qui leur donne la possibilité d’effectuer des exercices d’entrainement phonétiques accessible à tout moment et en tout lieu), de développer de nouvelles activités grâce aux fonctionnalités proposées : photos, films, mails, médias sociaux, etc.

On relève également que contrairement à l’époque précédente, aujourd’hui la formation se fait par des outils qui sont complétement familiers aux apprenants et de plus, ils peuvent bénéficier d’une formation aussi bien en présentiel, qu’à distance, que synchrone ou asynchrone, assurée avec tous les types de techniques pédagogiques possibles : expositive, participative, auto-réactive, tutorée, etc.

C’est ce « nouveau » qu’actuellement les cours de LE numérisés offrent à leurs apprenants, qui apprécient d’être pour partie de réels acteurs de leur apprentissage, notamment dans des pratiques didactiques comme la « Classe inversée », les programmes « Tandem et Pen-Palls », les blogs et enfin, quand ils sont en classe, avec un TBI numérique qui comme nous allons le voir, leur apporte un « plus » à tous les niveaux.

L’évocation de ces pratiques nous conduit à la troisième partie de notre réflexion, celle illustrative portant sur deux exemples cités dans ces pratiques : la classe inversée et le TBI. Actuellement, ils sont très utilisés pour un cours de LE dans le monde entier, et il nous paraît intéressant de souligner que nos étudiants de Master 2 enseignant en dehors de France, sont de plus en plus nombreux à nous proposer des sujets de mémoire portant sur la classe inversée qu’ils expérimentent dans leurs cours de FLE.

3. Pour l’enseignement des langues dans un environnement numérisé

3.1. La classe inversée 

La classe inversée est une possibilité de choix didactique qui en 2019, se retrouve dans tous les niveaux d’enseignement primaire, secondaire ou supérieur.

Voici un petit récapitulatif historique sur son apparition, inspiré de l’article de Mehdi Lazar paru en ligne 2013. (https://www.latribune.fr/blogs/la-tribune-des-expats/20130923trib000786575/la-classe-inversee-une-piste-d-avenir-pour-la-france-.html).

La classe inversée, ou initialement « flipped classroom », est née aux USA en 2006, grâce à Salman Khan, analyste financier qui a commencé par mettre des vidéos en ligne afin d’aider ses cousins hors USA à mieux réviser leur cours de mathématiques. Sa caractéristique innovante a été au départ, de mettre majoritairement dans un cours l’accent sur le numérique et sur le suivi personnalisé à distance.

Ainsi la classe inversée vise le développement de compétences caractéristiques de l’apprenant, telles que la créativité, l’autonomie, la capacité de résolution et de raisonner, de choisir l’information pertinente, de savoir l’expliquer pour la transmettre, ceci grâce à l’intégration « décrochée » du numérique, qui n’est pas central dans le processus d’apprentissage, mais qui sert à la fois d’environnement et d’outil pédagogique flexible, facile dans son utilisation pour une application productive des compétences citées supra.

Il s’agit donc de l’association de contenus sélectionnés et mis en ligne par l’enseignant. Ce doit être des contenus courts comme pour les vidéos-caps (cf partie 1), clairs dans leur présentation, que les apprenants peuvent réorganiser à leur propre rythme depuis chez eux, selon leur vision et partager avec leurs camarades. Ensuite, ils seront « re-travaillés » en classe, au travers des questions posées à l’enseignant, discutés avec lui et complétés par d’autres activités. En référence aux constats de Mehdi Lazar : « certains élèves ne se sentent plus frustrés par l’incapacité de faire leurs devoirs ; les enseignants peuvent mieux revoir les notions avec les étudiants en classe puisqu’ils ont plus de temps (en outre, les élèves peuvent écrire leurs questions pendant et après avoir regardé les leçons, à leur rythme) ; la mise en pratique des compétences travaillées a lieu dans la salle de classe avec l’aide de l’enseignant, qui est plus disponible pour aider individuellement les élèves. D’ailleurs, ceux qui n’ont pas le soutien de leurs parents à la maison peuvent alors obtenir le soutien de l’enseignant lors des devoirs – dorénavant en classe – alors que ce n’était pas le cas avant. De plus, les élèves qui sont absents ne manquent pas les leçons, tandis que l’utilisation des TICE crée un environnement d’apprentissage motivant à la maison et collaboratif en classe ».

On relève ici tout le positif induit par cette nouvelle pédagogie pour les apprenants, qui prennent grandement confiance en eux grâce à la multiple flexibilité du processus qui les « sort » de la pression de la classe.

L’article conclut ainsi : « En France, avec une utilisation régulière et une adaptation adéquate de la classe inversée, les résultats scolaires pourraient être très encourageants, surtout dans nos établissements difficiles. À ce titre, pouvons-nous encore nous passer d’une bonne idée sous prétexte qu’elle vient de l’étranger ? » (op, cit.). A cette question ouverte, on peut répondre que depuis 2013 en France, la pédagogie de la classe inversée a bel et bien été adoptée dans les milieux éducatifs (comme nous le verrons à titre d’exemple pour le lycée Edouard Branly) ; grâce aux cahiers de textes électroniques, à l’ENT (Environnement Numérique de Travail), aux Padlets et aux blogs pédagogiques, l’externalisation est plus facile, tout en palliant un agenda papier défectueux ou une absence.

C’est pourquoi l’enseignant peut ainsi repenser ses choix pédagogiques stratégiques pour donner à lire, regarder, écouter à l’extérieur de la classe une partie de ce qui se faisait en présentiel, permettant aux apprentissages de bénéficier d’un temps flexible tout en redonnant un vrai sens à la présence en cours puisque l’apprenant n’y arrive plus en béotien total, ayant pu auparavant travailler les points du cours, soit chez lui ou au sein de son établissement, dans la salle de permanence, au Centre de Documentation ou à la bibliothèque. Ainsi la classe inversée n’a été possible qu’avec l’aide du numérique tel qu’il est aujourd’hui accessible, aussi bien dans l’espace éducatif que privé.

En France, en ce qui concerne les cours de LE, la classe inversée est choisie aussi bien par les enseignants des collèges, des lycées que des établissements de l’enseignement supérieur. Pour le secondaire et l’enseignement des LE, voici l’exemple du Lycée Technique et Technologique Édouard Branly de Châtellerault, où durant les deux années scolaires de 2012 – 2013/14-2014-2015, une classe inversée en espagnol a été expérimentée pour des élèves de seconde, 1ere et terminale. (http://www.lyceebranly.fr/spip.php?article349).

Les conclusions tirées de cette expérimentation sont sur le site du lycée (http://www.lyceebranly.fr/spip.php?article349) :

« Le travail asynchrone sécurise l’apprenant, “nourrit” le travail en présentiel, favorise les apprentissages, car le temps n’est plus le même, il est moins court puisqu’uniquement consacré à l’expression de ce qui a été fait en dehors de la classe, donc le manque d’idée n’a pas plus lieu d’être, car on a eu tout son temps pour y réfléchir bien à l’avance ».

Conclusion : Pour les enseignants de ces classes d’espagnol, ce constat se révèle très positif.

Leur témoignage : « On constate chez l’apprenant un « mieux-être » progressivement quantifiable, une meilleure attention en classe, un désir de participer, de s’investir et de s’impliquer, une réelle motivation, prémices d’une amélioration quantitative de la moyenne. L’ambiance de la classe est plus décontractée et certains élèves en grande difficulté dans d’autres matières reprennent espoir, se sentent valorisés et encouragés… vos objectifs en tant qu’enseignant sont atteints.

En reprenant les constats des enseignants associés à ceux relevés plus haut pour l’apprenant, voici quelle valeur ajoutée on peut commencer à déduire de cette pédagogie particulière :

  • apprendre n’est pas synonyme d’accumulation de connaissances, mais de la construction individuelle des savoirs.

  • l’apprenant ne reçoit pas les informations, mais il va les chercher lui-même en mettant en place des stratégies individuelles d’apprentissage.

  • l’apprenant développe alors une attitude plus responsable tout en travaillant à son rythme et à son niveau de connaissance

Ce sont donc ces plus-values que le multimédia des années 2000 ne pouvait pas offrir, mais que le numérique assure en termes de bons résultats pour les deux acteurs majeurs de la didactique, à savoir l’enseignant et l’apprenant. Penchons-nous maintenant sur notre 2eme exemple, celui de Tableau Blanc Interactif (TBI)

3.2. Le Tableau Blanc Interactif (TBI)

La particularité du TBI est d’être à ce jour, comme déjà souligné, le seul outil de communication numérique à ne pas être entré dans l’espace privé et pour lequel l’enseignant reste seul détenteur de son mode d’emploi. Fait très intéressant, il est également utilisé en petite section ; c’est pourquoi en France on le retrouve dans des écoles maternelles. Cet outil est capable de mémoriser du texte, des photos, des images animées et inanimées, des schémas, des vidéos, de la musique.

Sa grande caractéristique en termes de plus-value, est de se présenter comme le cadre de deux fonctionnalités différentes pouvant se produire simultanément : celle qui sert de tableau (au sens traditionnel du terme) sur lequel l’enseignant ou l’apprenant écrivent, et celle de l’écran numérique support de l’information et de l’interaction d’ordre communicatif, information issue en direct du net, de documents sur clefs, smartphones ou autres.

En raison de ces fonctionnalités, le TBI se présente toujours comme un outil pédagogique des plus performants, c’est pourquoi beaucoup d’écoles de langue s’en sont équipées, comme par exemple toutes les Alliances françaises de Chine (depuis 2010) ou le French Institute Alliance française de New York, grâce auquel, dès 2008, le français a pu devenir une « langue branchée » (ref Claire Bourgeois, FdLM, n° 355,2008), bousculant ainsi les représentations stéréotypées du français, perçu comme langue « classique » ou de « luxe ».

Pourquoi un tel succès du TBI, en particulier pour les cours de langue ?

Nous nous appuyons sur les conclusions des rapports de 2009 de Betcher Chris et Mal Lee (https://unesco.com.uqam.ca/wp-content/uploads/sites/.../St-Jacques_Emilie_TBI.pptx) et de 2010 de Drechsker Michèle, portant sur le TBI comme outil de médiation cognitive.

De manière générale, les avantages relevés sont : une mémorisation facilitée, la possibilité de revenir sur une erreur permettant à l’apprenant de mieux voir le chemin qu’il parcourt pour arriver à ce qui est « correct » (ce qui lui plait et l’intéresse grandement), jusqu’au partage en direct avec ses pairs. Ainsi son savoir se trouve discuté, élargi, consolidé, etc., ce qui le conduit à une prise de parole encouragée et libre pour parvenir à un travail collectif de synthèse, donc il ne se sent plus seul dans ses efforts pour apprendre.

De plus, le temps passé avec des supports médiatiques riches et variées mis à disposition en direct dans la classe, est plus long, avec pour effet capter encore mieux l’attention des élèves qu’avec le manuel ou de simples images.

En définitive, pour les LE et autres disciplines, le TBI numérique, grâce à son interactivité, se révèle un bon outil pour une médiation cognitive réussie en impliquant du côté enseignant une re-visite du concept « apprendre », car ici les apprenants doivent en direct comprendre et montrer qu’ils peuvent agir grâce à l’aide de l’enseignant. La nouveauté réside dans le fait que ce dernier n’est plus le seul détenteur de l’information puisque le TBI le fait à sa place, et que désormais, il demeure encore plus et en mieux, la personne ressource pour guider, expliquer et préciser à la fois individuellement et collectivement les contenus de son cours.

Dans ce sens, cet outil lui offre une aide précieuse dans sa démarche pédagogique et répond bien aux souhaits de l’UNESCO qui en matière d’éducation pour le xxie siècle, tablait sur une évolution du métier d’enseignant en ces termes : « celui-ci sera de plus en plus appelé à établir une relation nouvelle avec l’apprenant, passer du rôle soliste à celui d’accompagnateur, devient désormais non plus tant celui qui dispense les connaissances que celui qui aide ses élèves à les trouver, à organiser et ainsi à gérer le savoir » (www.unesco.org/bpi/fre/unescopresse/96-62f.htm).

Pour le FLE, voici des exemples de 2 sites institutionnels qui aident les enseignants à utiliser un TBI ou TNI (Tableau Numérique Interactif) : « Le café du FLE » (https://lecafedufle.fr/) et « Educnet » (http://www.educnet.education.fr), deux sites internet dédiés à la pédagogie.

Le premier : « Le café du FLE », relève exclusivement de l’enseignement du français en langue ‎étrangère (FLE). Il nous a intéressé car il présente deux animateurs qui sont deux grands utilisateurs du TBI qui font le point sur cet outil, voici leur avis : « Cet outil est capable de mémoriser du texte, des photos, des images animées et inanimées, des schémas, des vidéos, de la musique. Sa grande caractéristique en termes de valeur ajoutée est de e présenter comme le cadre pour deux fonctionnalités différentes pouvant se produire simultanément : celle qui sert de tableau (au sens traditionnel) sur lequel l’enseignant ou l’apprenant écrivent et celle de l’écran numérique support de l’information et de l’interaction d’ordre communicatif issue en direct du net ».

Le second : Educnet, est un site proposé par le Ministère de l’Éducation nationale et le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. On y trouve des ressources pédagogiques numériques pour enseigner avec le numérique dont plusieurs dossiers consacrés au TBI, offrant un répertoire de plus de 300 scénarios pédagogiques développés par les enseignants, utilisant le tableau blanc interactif dans toutes les disciplines.

En résumé, selon ces différents rapports et évaluations, le TBI a très bien été accepté à tous les niveaux du monde éducatif, y compris pour la maternelle (https://primabord.eduscol.education.fr/cycle-1), il s’est imposé comme un support des plus performants pour des publics divers, jeunes et adultes confondus.

Par contre, pour la classe inversée, même si elle est très appréciée – comme nous l’avons vu – par le monde éducatif, elle reste difficile à mettre en place pour les très jeunes publics en raison des activités impliquées qui doivent être exercées chez soi en ligne et en lien avec un travail collectif de recherche, de mise en forme de documents, etc.

En définitive, pour la classe inversée et le TBI, tous deux tributaires du numérique, donc très emblématiques de notre époque, leur succès pédago-éducatif ne se dément pas, car ils séduisent toujours autant d’enseignants que d’apprenants, en raison de la richesse de leurs possibilités aussi bien en termes de résultats en hausse qu’en termes de progression dans l’apprentissage.

4. Grâce au numérique/digital, une innovation cognitive positive dans l’enseignement des langues étrangères (LE)

Nous allons dans cette dernière partie, commencer à apporter une réponse à notre questionnement de départ, à savoir si du point de vue cognitif, le numérique du xxie siècle a produit une plus-value positive et productive pour l’enseignement des LE.

Pour ce faire, nous allons revenir sur notre 1ere partie consacrée à l’innovation technologique en reprenant le point concernant les interactions du modèle proposé par Agostinelli (2014). Il s’agit de la 4eme interaction, celle portant sur : « L’intention des commanditaires » évoquée dans la 1ere partie de cette réflexion, mais pas développée en lien avec l’enseignement numérisé des LE.

Pour ce domaine, elle a toujours impliqué des acteurs très importants que sont les éditeurs des méthodes d’apprentissage, ce sont donc ces maisons d’édition qui portent pour la 4eme interaction le rôle de « commanditaires ».

En ce qui concerne l’enseignement du français langue étrangère (FLE), en janvier 2015, lors du colloque international des Alliances françaises sur « L’offre numérique en FLE : innovations et tendances » (http://www.lecefedufle.fr), les 4 grandes maisons d’édition françaises du FLE étaient présentes : Didier, Maison des Langues, Hachette et CLE international, ainsi que pour la recherche universitaire : les Presses universitaires de Grenoble. Il y a eu un débat sur le thème de notre questionnement, à savoir quelles sont les plus-values du numérique/digital en didactique du FLE.

Nous avons retenu les points suivants du côté positif :

Le numérique permet de personnaliser l’apprentissage, il facilite la communication entre l’enseignant et l’apprenant, c’est un apprentissage collaboratif, car même en dehors de la classe l’apprenant poursuit son apprentissage, développe sa créativité et prend beaucoup d’initiatives, ce qui le rend plus autonome.

Du côté des interrogations et des constats plus ou moins négatifs : un apprenant est un consommateur qui a des attentes de qualité. Pour l’attirer, il faut avoir des arguments, si les enseignants veulent intégrer le numérique, il faudra qu’ils partagent, or il n’y a pas toujours une culture de mutualisation chez eux. Ainsi, seuls les apprenants seraient collaboratifs entre eux et avec leur enseignant. Tandis que les enseignants ne le seraient pas ou très peu de pair à pair. En effet, à ce niveau « d’échanges », l’institution n’est pas la mieux placée pour faire progresser les choses, l’initiative ne pouvant, pour être performante, relever que des enseignants eux-mêmes.

Une remarque très intéressante du colloque et qui pourrait conclure tout en synthétisant une partie de notre réflexion : « Il faut qu’un directeur pédagogique se demande : “concernant le numérique, où ai-je envie de fixer la barre ?” »

En effet, selon les contextes, la barre peut varier, cela va dépendre de la formation des enseignants, de l’équipement que leur établissement met à leur disposition, de leur public, etc., mais d’ores et déjà, on voit que le digital/numérique a impulsé un changement dans la mission d’enseigner, et que grâce à lui, d’après ce que nous en avons vu, les plus-values sont réelles par rapport au multimédia ; cependant, ce ne sont pas les mêmes pour l’enseignant et l’apprenant.

Conclusion

Pour l’enseignant, le numérique a libéré du temps dans son horaire de cours, mais au préalable, il doit encore, du moins pour ces générations-ci, être formé à l’utilisation du numérique pédagogique et se préparer à travailler avec ses pairs.

Pour les apprenants, les plus-values sont bien plus conséquentes à plusieurs niveaux. La première est que cet environnement leur est si familier qu’ils arrivent à ne plus s’en passer, notamment pour les “digital natives”, donc l’avoir à l’école ou à l’université ne peut être que sécurisant et encourageant, ce qui se retrouve positivement dans leurs performances notamment orales pour les cours de LE et dans leurs résultats en général.

Si auparavant avec le web 1.0, la valeur ajoutée majeure avait été l’interactivité (cf Koulayan 1998), aujourd’hui, cette dernière, pour une même séance sur le net, s’est enrichie de ce phénomène de partage de production de supports, ainsi que de la possible multiplication des participants. De plus, dans les années 90-2000, elle était ponctuelle et rivée au lieu où se trouvait l’ordinateur connecté, nous étions loin d’un partage équilibré, collaboratif, nomade et gratuit tel que la réalité digitale d’aujourd’hui le permet.

Nous sommes donc avec le numérique/digital au-delà d’une redondance de l’innovation didactique d’avec le multimédia, particulièrement pour l’enseignement des LE, car le numérique/digital a permis de bénéficier d’une contextualisation authentique avec la relation orale en direct avec les locuteurs natifs de la langue cible.

Même si celle-ci ne remplacera pas l’immersion réelle : celle de se rendre dans le pays de la langue cible, elle prépare néanmoins efficacement une approche linguistique et interculturelle réussie qui – comme nous l’avons vu – profite pleinement à l’apprenant et redéfinit jour après jour l’enseignement d’une LE.

Nous pensons que le digital/numérique va continuer de livrer ses plus-values avec le web 3.0. Avec lui, on n’a pas encore fini d’expérimenter toutes ses possibilités en matière de didactique, grâce en particulier à sa flexibilité pouvant par exemple permettre à une heure fixée au préalable par nous, de voir notre smartphone, tablette, écran tv, etc. nous “lancer” des messages et ouvrir des sessions pour les exercices de prononciation ou autres que nous avions prévus.

Cependant, nous continuons de penser que malgré les énormes potentialités en cours et à venir du web 3.0, particulièrement pour les LE, la place et l’efficacité de l’enseignant humain ainsi que celle de l’immersion naturelle dans la langue-culture de la langue cible, ne pourront pas être remplacées, ni par des robots (restant artificiels dans toute l’ampleur de leur nature), ni par des applications ou des plates-formes sociales ou autres, car la communication entre les êtres humains demeure la production d’un « vivant authentique », quel que soit l’outil technique utilisé comme environnement ou média pour le faire.

1 Cet article s’appuie, tout en la complétant, sur la réflexion entamée en 2016 dans la contribution à l’ouvrage : Les écosystèmes numériques.

Agostinelli, S. Koulayan, N. (Dir) Les écosystèmes numériques. Intelligence collective, développement durable, interculturalité, transfert de connaissances, Presses des Mines, Collection Design numérique, 2016.

Agostinelli, S., Metge, M., Lombardo, E., Ouvrard, M., & Arvanitakis, S. « Design de recherche et innovation technologique » (2014). I. Tomé, (ed.) EUTIC 2014 : Le rôle des TIC dans le design des processus informationnels et cognitifs, (pp. 683-692). Centro de Investigação para Tecnologias Interactivas, Lisbonne, Portugal, 2014

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Koulayan, N. E-Learning de la formation professionnelle à distance des enseignants : enjeux, limites et perspectives. Cahiers de l’Université technologique de Cancun, Mexique, 2014

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SITOGRAPHIE

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https://edutice.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/134904/filename/Cardon_IUR2006.pdf

www.unesco.org/bpi/fre/unescopresse/96-62f.htm

http://media.education.gouv.fr/file/Racine/29/5/2009-100_enseignement_langues_140295.pdf,

espaceeducatif.ac-rennes.fr/jahia/Jahia/lang/fr/pid/5165

www.ludovia.com/2013/... /integrer-le-tbi-dans-lenseignement-des-langues

cuef.u-grenoble3.fr »... » Stages intensifs d’été

http://www.lyceebranly.fr/spip.php?article349

Vous avez dit « classes inversées » ? par Michelle Fy

https://www.latribune.fr/blogs/la-tribune-des-expats/20130923trib000786575/la-classe-inversee-une-piste-d-avenir-pour-la-france-.html

https://unesco.com.uqam.ca/wp-content/uploads/sites/... /St-Jacques_Emilie_TBI.pptx

www2.cslaval.qc.ca › Accueil du site › Formations › TNI

https://lecafedufle.fr/

http://www.educnet.education.fr

https://primabord.eduscol.education.fr/cycle-1

http://www.lecefeduflefr

Site consulté en 2017

https://www.arte.tv/fr/videos/RC-014123/arte-reportage/2017

1 Cet article s’appuie, tout en la complétant, sur la réflexion entamée en 2016 dans la contribution à l’ouvrage : Les écosystèmes numériques. Intelligence collective, développement durable, interculturalité, transfert de connaissances (Dir. Agostinelli, S et Koulayan N.), Paris, Presses des Mines, Collection Design numérique, 2016

Nicole Koulayan

Université des Antilles, nicole.koulayan@univ-antilles.fr

licence CC BY-NC 4.0