Avant-propos

Corinne Mencé-Caster

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Corinne Mencé-Caster, « Avant-propos », Archipélies [En ligne], 2 | 2011, mis en ligne le , consulté le 29 avril 2024. URL : https://www.archipelies.org/1836

Ce numéro 2 de la revue Archipélies réunit, sous l’égide du Centre de Recherches en Lettres, Langues, Arts et Sciences Humaines (CRILLASH, EA 4095) un ensemble d’études portant sur Léopold Sédar Senghor et son œuvre. Ces articles constituent la version remaniée et expertisée de communications présentées lors du colloque SENGHORIANA qui s’est tenu à l’Université des Antilles et de la Guyane, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, en novembre 2007, en collaboration avec la CORPUCA (Conférence régionale des Recteurs, Présidents et Directeurs d’Institutions dans la Caraïbe).

Comme son titre l’indique, le colloque avait pour ambition de porter au premier chef un regard novateur sur l’œuvre de Léopold Sédar Senghor, mais aussi d’interroger à travers cette œuvre, l’homme politique, le penseur qu’il fut, ce qui explique que les interventions qui se trouvent ici rassemblées relèvent certes d’universitaires, mais aussi d’écrivains, d’enseignants, de personnalités politiques… Soit donc des contributions qui proviennent d’horizons variés et qui permettent de croiser les regards sur l’œuvre, sur l’homme, sur le créateur…

Par ses originalités comme par son immense fortune, l’œuvre de Léopold Sédar Senghor ne peut que fasciner le chercheur, l’homme de lettres, le citoyen engagé. En dépit des critiques peu souriantes qui furent çà et là adressées à ce « poète-président », souvent jugé trop francophile ou à l’inverse anticolonialiste trop militant, la complexité de son œuvre et l’influence très grande que ses écrits devaient avoir sur la perception de l’imaginaire colonial, les relations interculturelles, l’éducation au plurilinguisme, le « monde noir », continuent de nourrir le désir des exégètes. L’œuvre heurte de front ce qu’était alors la vision européenne du rapport entre les civilisations, des canons esthétiques, de la formation de l’homme colonisé, du Noir…

La place qu’occupe la poésie dans les articles réunis dans ce numéro témoigne de l’étonnement toujours ouvert des critiques, en vertu de la force inépuisable de vers fécondés par un rythme puissant, dont chacun s’essaye, par un patient et minutieux travail sur le texte, à pénétrer le secret…

Mais qu’elles s’inscrivent ou non dans le champ de la critique littéraire, les résonances du texte senghorien sont multiples, nous permettant ainsi de découvrir – ou alors de redécouvrir – un Senghor pédagogue et didacticien (Pierre Dumont) dont l’œuvre poétique est d’une modernité déconcertante (Lionel Martin), en raison sans doute de son classicisme identitaire (Liliane Fardin). La dimension axiologique des textes n’est pas non plus écartée (Alioune Diané), pas davantage que l’énigme des rapports entre raison hellène et émotion nègre (Jean Bernabé). Poésie en action (Jean-Louis Joubert), figure totale (Christian Valantin), traducteur imprudent ou audacieux (Georges Voisset), autant de tracés singuliers de lectures, de parcours d’une œuvre ineffable…

L’intérêt pour l’homme politique proprement dit trouve aussi naturellement sa place dans ce recueil : entre perception de Senghor par un anticolonialiste martiniquais (Camille Darsières), humanisme des sources à l’africaine (Cyr Descamps) et passerelles entre Afrique et Occident (Daniel Maximin), c’est le combat senghorien contre l’impérialisme, contre l’accaparement occidental de l’Universel ou encore en faveur de la reconnaissance d’un humanisme africain qui nous est conté avec émotion et retenue.

À l’image de cette figure foisonnante qui a su tisser mille liens entre les continents, entre les cultures, entre les textes, entre les disciplines, puisse ce modeste ouvrage être pépinière…

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