Batouala le Mokoundji (poème)

Alexandrine Lao

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Alexandrine Lao, « Batouala le Mokoundji (poème) », Archipélies [En ligne], 14 | 2022, mis en ligne le 28 novembre 2022, consulté le 23 avril 2024. URL : https://www.archipelies.org/1409

Pourquoi ces clameurs alentour

Ces gémissements à me fendre l’âme,

Un Batouala ne meurt pas…

Un Batouala communique avec la brousse…

Un Batouala lit l’avenir, même le vôtre…

Voilà que le destin a quitté sa fourrure de fête

La terreur s’impose avec véhémence

Mais où sont les Kagas ?

Kaga Kosségamba,

Kaga Gobo et Kaga Biga ?

J’entends les hurlements de la mort

S’approcher de nos habitations

Faisant fuir mes guerriers, et mon peuple…

Je laisse vagabonder mon âme à l’abandon…

Mais, je n’ai pas peur… Avoir peur de qui ?

Peur des Boundjous ? Jamais !

Aurai-je peur de ceux qui ont fui leur pays

Sans que je ne les y ai invités, par Ngakoura

Venir semer la zizanie dans mon pays ?…

Un Batouala n’a pas peur… jamais…

Ah ! Encore cette douleur au ventre

Cette maudite douleur dont je compte les récifs

Dans le balbutiement intense de mon égo

Semblable aux multiples douleurs des Boundjous

Infligées par la chicotte, ces pluies de chicotte…

Pour nous faire travailler sur nos propres terres…

Le travail forcé sous les pluies drues de leurs fouets…

Ils sont venus d’eux-mêmes, pour donner des ordres…

Pour piller nos ressources, pour transformer nos idées…

Pour baiser nos femmes, pour nous pousser à nous haïr…

Je les hais ces Boundjous frandjés…

Ah ! Encore cette douleur…

Naguère, aux aurores, je devais me lever moi Batouala

Non pas pour satisfaire les Boundjous, non !

Mais, pour faire préparer les tam-tams

Envoyer les messages… aux quatre coins

Annoncer la célébration des ganzas…

Ah ! les ganzas, nos initiés…

Aux fins de sauver nos traditions vaille que vaille…

Je suis Batouala le mokoundji…

Je suis Batouala le leader…

Je suis Batouala le défenseur…

Je suis Batouala le grand chasseur…

Je suis Batouala l’insoumis…

Moi Batouala, je n’ai pas peur des Boundjous

J’envoie mes pets malodorants dans leurs ventouses

Je déferle sur eux, ma fierté de chef Banda

Je suis un fier guerrier de mon Afrique

Et, je les défie avec ses mosaïques culturelles

Peuple des Kagas ! Défendez les valeurs de nos terroirs…

Ô ancêtres ! Ô lingas ! Ô Kaga Kosségamba !

Ô Batouala ! Ô Ngakoura ! Ô Gbagoura !

Ô guerriers ! Ô fleuves ! Ô rivières !

Ô brousses ! Ô savanes ! Ô lianes ! Ô roseaux !

Où te caches-tu Mourou, la panthère ? Que je t’étrangle…

Où es-tu Bissibi’ngui, le traître ? Que je te tranche les couilles…

Où êtes-vous les Kagas ? Que je vous transmette le pouvoir…

Où êtes-vous mes épouses ? Pour chanter mes prouesses…

Où es-tu Yassigui’ndja ma favorite ? Que je t’aime encore…

Où est Djouma, mon chien ?

Où sont les ganzas ? Les ganzas, les initiés…

Où sont les guerriers ? Où sont les danseurs ?

Je suis B A T O U A L A

Ce n’est pas au zénith de mon éclat

Que les lingas vont se taire

Moi l’insoumis au paradigme des Boundjous…

Moi le porte flambeau de l’Afrique…

Encore cette douleur au visage exsangue…

Cette douleur assourdissante de lâcheté

Cette atteinte contre ma noblesse…

Je suis Batouala, B – a – t – o – u – a – l – a

Un nom qui sonne banda ! Bats-toi-là…

Je suis un guerrier, un véritable guerrier

Un Banda Dacpa, un tombeur de femmes…

Les femmes, j’en ai pris, hein ?

1 2 3 4 5 6 7 8 9…10…

Les villages, j’en ai commandés, hein ?

1 2 3 4 5 6 7 8 9… 10…

Un véritable record… un record bandalais…

Je bois comme un Banda, je bande comme un Banda…

Je baise comme un Banda…

Où est ma Yassi préférée ? Où est Djouma ?

Qui a ri ? Hein ? Qui a ri ? Minables que vous êtes…

Je suis B A T O U A L A, un insoumis…

Je suis contre les Boundjous frandjés…

Je vais dormir un peu, me reposer un peu…

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