René Maran, Batouala et l’Oubangui-Chari

Jean-Dominique Pénel

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Jean-Dominique Pénel, « René Maran, Batouala et l’Oubangui-Chari », Archipélies [Online], 14 | 2022, Online since , connection on 29 March 2024. URL : https://www.archipelies.org/1267

Le retentissement de Batouala et une partie notable de la production écrite de René Maran peuvent s’évaluer à travers la presse. Il importe en effet d’inventorier d’une part la masse de textes que René Maran a publiés dans de multiples journaux et revues et d’autre part le nombre considérable d’articles qui lui ont été consacrés. On se rend compte ainsi d’un aspect moins connu, mais important de la créativité de l’auteur et on peut réaliser également l’impact populaire de Batouala (ouvrage qu’il vaut mieux considérer comme un roman et non comme une œuvre ethnographique). Aucun autre prix Goncourt n’est parvenu, dans l’entre-deux guerres, à pénétrer à ce point la vie quotidienne des Français (sport, spectacle, mode, langage courant…). Par contre et paradoxalement, en Oubangui-Chari (République centrafricaine), René Maran reste méconnu.

The resonance of Batouala and of a sizable part of René Maran’s written production can be assessed through the press. It is important indeed to inventory both the mass of texts published by René Maran in numerous papers and magazines, and the considerable number of articles written about him. One thus discovers a lesser-known and yet important aspect of the writer’s creativity, and also the magnitude of the popular impact of Batouala (a work that, incidentally, should be considered as romance and not an ethnographic document). No other novel crowned with the Goncourt between the two World Wars managed to reach so far into the daily life of the French (in sports, shows, fashion, common speech, etc.). On the other hand, and paradoxically, René Maran remains little known in Oubangui-Chari, today’s Central African Republic.

Introduction

Je remercie les responsables du colloque sur René Maran de m’avoir associé à cette recherche collective et voudrais brièvement exposer les raisons qui m’ont mené à l’étude de René Maran, avant de faire quelques remarques sur Batouala, puisque ce colloque de Dakar s’attache particulièrement à cet ouvrage, couronné par le prix Goncourt le 14 décembre 19211.

1. Intérêt pour l’œuvre de René Maran

1.1 René Maran et les Oubanguiens

Je me suis intéressé à cet écrivain pour plusieurs raisons. D’abord, pour avoir passé quatorze années (de 1969 à 1983) en République centrafricaine (RCA) – l’Oubangui-Chari du temps colonial. Je connaissais donc un peu les lieux et les modes de vie de ses habitants, ce qui m’a donné une relative proximité avec l’œuvre de l’écrivain qui s’enracine pour une bonne partie dans ce pays. Ensuite, j’ai été intrigué par le rapport entre René Maran et les Oubanguiens. En RCA, rien ou presque rien n’évoque le souvenir de René Maran, alors que cet espace de l’Afrique centrale a été connu non seulement grâce à Batouala mais aussi grâce aux nombreux autres livres, nouvelles et articles que cet écrivain lui a consacrés.

Dans une petite étude, intitulée Les Représentants oubanguiens à la Ligue contre le Racisme et l’antisémitisme (LICA), 1947-1959 : R. Maran, B. Boganda, J. Vialle, H. Rivierez (Bangui, janvier 1987, document ronéoté de 35 pages), je m’étais étonné du fait que les représentants de l’Oubangui-Chari à l’Assemblée Nationale (Barthélémy Boganda) et au Conseil de la République (d’abord Jane Vialle puis le Guyanais Hector Rivierez) avaient publié dans Le Droit de vivre, le journal de la LICA, en même temps que René Maran, mais en l’ignorant complètement – Barthélémy Boganda étant un des vice-présidents de la LICA de 1952 à sa mort en 1959. Ce qui n’est pas le cas de René Maran :

  • il a donné quelques textes (poèmes, lettre) à Liaison, le journal des centres culturels de l’AEF, créé en 1950 et subventionné par l’administration, où se firent connaître un assez grand nombre de jeunes Oubanguiens ;

  • d’autre part, dans son article « La France et l’Union française devant leur avenir » publié par Le Monde du 23 juillet 1952 (repris dans le n° 10 juillet-août de Frères d’Afrique de l’avocat communiste Kaldor), René Maran citait nommément « l’ex-abbé noir Boganda » qui faisait l’objet d’une campagne virulente depuis qu’il avait été réélu député. Mais, la référence littéraire de Boganda est Congo Terre de Souffrance de Marcel Homet (publié en 1934) : il le citait volontiers et le recommandait à ses partisans, tout en ignorant complètement l’œuvre et l’action de René Maran.

Or, Boganda et René Maran avaient beaucoup d’expériences et d’objectifs en commun : chassés d’établissements réservés aux blancs, poursuivis par la justice, dénonçant les abus dont les populations et eux-mêmes étaient victimes sans être « communistes » ni (au moins au départ) contre la colonisation elle-même, affrontant la question du mariage mixte, etc. Ce qui paraissait converger, et qui aurait pu les rapprocher, s’est limité à la coexistence d’expériences et de réflexions similaires. C’est en ce sens que j’ai publié également un article intitulé « Boganda et René Maran, deux combats parallèles » dans La Semaine africaine (n° 1796 du 20-26 avril 1989) et une petite note, « René Maran et le combat des Oubanguiens », dans Notre Librairie (n° 97, avril-mai 1989).

Si en 2021, à l’occasion du centenaire de Batouala, des commémorations ont eu lieu à Bangui, il faut constater que René Maran ne faisait partie des repères collectifs centrafricains que pour quelques personnes2, alors qu’André Gide est sans doute mieux connu des historiens et sociologues du pays. On est donc là en présence d’une question à approfondir.

1.2. Projet bibliographique

En janvier 1989, j’étais venu à Dakar consulter les archives de René Maran à la Bibliothèque de l’Université Cheikh Anta Diop. À l’époque, on ne disposait pas de smartphone pour photographier les documents, ni d’ordinateur, ce qui rendait le travail bien plus long qu’aujourd’hui. Je souhaitais établir un inventaire des écrits dans la presse et des diverses productions de René Maran, autres que les livres : conférences, émissions de radio, etc. J’ai été alors confronté à un problème auquel je ne m’attendais pas. Quand René Maran faisait un compte rendu critique d’un livre, il découpait son article et le collait ou l’insérait dans l’ouvrage qu’il avait lu, sans indiquer ni dans quelle revue ni à quelle date son commentaire avait été publié3. On s’en rend bien compte dans le catalogue réalisé depuis lors par les archivistes de l’Université de Dakar, puisque beaucoup d’articles ne sont pas référencés.

Étant alors enseignant à plein temps et n’ayant pas de disponibilité suffisante pour la recherche, j’ai ressenti un certain découragement, j’ai abandonné mon projet et remis toutes mes notes à un collègue qui se disait déjà impliqué dans ce travail, mais qui, à ma connaissance, n’en a rien fait. L’affaire en serait restée là, en ce qui me concerne, si je n’avais eu, quelques décennies plus tard, l’heureuse opportunité de rencontrer le groupe René Maran de l’équipe Manuscrits francophones de l’ITEM-CNRS, qui vient de se lancer dans un travail collectif d’exploration et de publication des œuvres de l’écrivain. Rejoindre un tel groupe pour apporter ma propre contribution m’a paru stimulant et a ranimé mes anciens rêves bibliographiques. En sus de l’aspect collectif, s’ajoutent les moyens de recherche dont on dispose aujourd’hui : internet, les collections numérisées de diverses institutions comme la BNF et d’autres archives accessibles, etc.

Ainsi, en suivant le déroulement chronologique (année, mois, jour) des parutions dans la presse, si abondante dans la première partie du xxe siècle, ai-je entrepris de faire un tableau, d’une part, des productions de René Maran à partir de 19074 et, d’autre part, des articles sur – ou allusions à – René Maran à partir de 19095. En outre, dans les journaux et revues, on trouve mention des conférences et de plusieurs émissions radio de René Maran, ce qui donne une idée, encore partielle, de l’œuvre en dehors des écrits proprement dits.

Ce travail d’inventaire, toujours en cours, permet d’ores et déjà de prendre la mesure de l’ampleur de la créativité de René Maran et du retentissement de son œuvre sur ses contemporains. Il viendra compléter les travaux de qualité entrepris de toutes parts par la communauté des chercheurs, que le centenaire de Batouala, Prix Goncourt, a opportunément stimulé.

2. Quelques remarques à propos de Batouala

Je voudrais aborder juste deux points pour les débats sur Batouala.

2.1. Ethnographie ou littérature ?

René Maran a répété de nombreuses fois qu’il était « objectif » et qu’il reproduisait ce qu’il avait vu, affirmation qui a conduit à parler d’ethnographie, autant ou plus que de littérature, ce qui mérite réflexion et qui, d’ailleurs, peut expliquer certaines réticences des Centrafricains qui ont lu Batouala.

La description des lieux et des atmosphères, la critique féroce de la colonisation, l’usage des termes locaux (banda, sango, et plus tard sara) pour désigner les personnes, les animaux et les objets s’avèrent tout à fait convaincants et prouvent la connaissance de René Maran et ses efforts pour comprendre les langues et la culture des populations. Ainsi, les pratiques funéraires qui obligent, d’une part, à différer de plusieurs jours l’enterrement après le décès d’une personne pour permettre la présence de tous et, d’autre part, à chercher les responsables de la mort, sont toujours en vigueur aujourd’hui, sous des modalités adaptées à la vie contemporaine.

Par contre, un certain nombre d’aspects posent question :

  • la circoncision des garçons et l’excision des jeunes filles ne peuvent pas se passer en même temps et aux mêmes lieux, ni s’opérer de la façon dont le rapporte Batouala ;

  • la scène de danse finale de la Ganza étonne et, même si la sexualité est moins bridée dans ce type de société qu’ailleurs, on ne voit pas mentionnés de semblables relâchements collectifs dans un travail ethnographique comme celui de Félix Éboué, Les peuples de l’Oubangui-Chari. Essai d’ethnographie de linguistique et d’économie sociale (1933) ; il y est question de règles sociales qui norment la sexualité, ce qui rend peu crédible la scène d’orgie à la fin de la Ganza, même si elle conserve tout son intérêt littéraire – et d’ailleurs dans ses autres ouvrages comme Le Livre de la Brousse René Maran n’a jamais réitéré de telle scène ;

  • Yassinguindja, décrite comme la femme préférée de Batouala, était sa première épouse et son enfant est mort ; on pourrait s’attendre, en termes culturels, à ce que Batouala préfère, d’une part, une femme plus jeune et, d’autre part, une femme qui a des enfants, car elle assure la descendance nécessaire du chef ; or les enfants n’apparaissent pas ou peu dans le livre, ce qui ne correspond pas aux coutumes centrafricaines (ils apparaissent un peu mieux dans Djouma, chien de brousse) ;

  • Que Bissibingui ait pu avoir des relations sexuelles avec toutes les femmes de Batouala ne manque pas non plus de surprendre.

À l’époque de la sortie du roman, ces questions ne se posaient pas : les comportements et les actions étaient accrédités du fait de leur distance culturelle et de l’idéologie coloniale. Un document a même apporté une sorte de caution ethnographique6 à Batouala : le film La Croisière noire, tourné en 1924-1925 et présenté en 1928 en version muette puis sonorisée en 1933. Les membres de l’expédition Citroën7, qui traversa l’Afrique de Colomb Béchard à Tananarive, avaient lu Batouala et le cinéaste de l’équipe, Léon Poirier, ne rêvait que de mettre en scène et filmer la Ganza – ce qu’il fit. Les danses ont été rejouées et, pour la circoncision et l’excision, il a reproduit ce qui est décrit dans Batouala, mais en ne montrant les opérations que de dos et à distance, et en excluant la scène finale de l’orgie.

Bien plus tard, dans le journal La Dépêche du 2 février 1937, René Maran a fait un compte rendu du livre d’Antonin Marius Vergiat (1900-1983), Les Rites secrets des Primitifs de l’Oubangui (Payot, 1937). Vergiat est également l’auteur, la même année, de Mœurs et coutumes des Manjas. Maran félicite l’auteur pour la qualité de son travail et ajoute :

Il convient à présent que je batte ma coulpe, moi aussi : « Il nous a été donné de lire, note M. A.M. Vergiat dans son remarquable ouvrage, des récits sut la circoncision chez les peuples de l’Oubangui, récits où cette cérémonie était décrite avec une brutalité repoussante. Nous ignorons si les auteurs ont assisté aux opérations, qu’on me permette d’en douter ».

Et René Maran de préciser :

J’avoue bien volontiers n’avoir jamais assisté aux fêtes qui sont données, lors de la circoncision en certains villages de l’Oubangui. Je ne les ai connues que par ouï-dire et ai dû les romancer – chose que je n’ai jamais caché du reste – mon personnel domestique n’étant que réticences chaque fois que je lui demandais de me fournir des éclaircissements à ce sujet. J’ajoute que j’ai séjourné dans l’Oubangui de 1910 à 1919, c’est-à-dire à une époque où les mœurs et coutumes des autochtones étaient infiniment plus rigides qu’elles ne le sont aujourd’hui. […] De nos jours, il est moins dangereux et moins difficile de connaître ses secrets qu’il y a quinze ou vingt ans.

Plus près de nous, en 1976, Pierre Vidal a publié Garçons et filles, le passage à l’âge d’homme chez les Gbaya Kara, une très remarquable description et analyse de la circoncision et de l’excision à l’ouest de la Centrafrique, chez les Gbaya. On comprend donc que je préfère considérer Batouala comme un texte littéraire et non ethnographique, ce qui ne retire rien, ni à sa qualité ni à son impact.

René Maran n’a pas été le premier à critiquer le système colonial. D’autres Français l’avaient fait avant lui (Brazza, Challaye, Vigné d’Octon…), mais il a été le premier écrivain de couleur à en dénoncer les abus, et l’attribution du prix Goncourt a donné à son roman une importance propre à secouer et scandaliser les bonnes âmes coloniales. D’autre part, l’initiative d’un député de l’Assemblée nationale demandant en février 1922 au ministre des Colonies de sanctionner l’auteur de Batouala, a conduit l’opinion publique et les députés à s’interroger sur la liberté d’expression. Enfin, les prises de position de René Maran sur le recrutement des troupes noires lui ont valu en novembre-décembre 1924 un procès retentissant, intenté par Blaise Diagne, ce qui a, une nouvelle fois, amené l’opinion publique à prendre conscience du problème de l’enrôlement des Africains dans l’armée.

Au total, quels que soient les jugements qu’on porte sur la nature du texte Batouala, ce qu’il a suscité est considérable et constitue un acquis incontournable.

2.2. Une image populaire

Quand on considère la liste des récipiendaires du Prix Goncourt, on s’aperçoit que beaucoup n’ont pas dépassé quelques années de notoriété. Bien souvent, d’ailleurs, cette notoriété ne vaut que dans un milieu lettré restreint et ne dépasse pas un cadre limité de lecteurs. Or, la particularité de Batouala, c’est d’avoir pénétré dans différentes sphères de la population française pendant la période de l’entre-deux guerres. En voici quelques échantillons.

2.2.1. Dans le domaine du sport

En boxe, Batouala, comme personnage du roman, a souvent été rapproché du Sénégalais Amadou Mbarick Fall, surnommé Battling Siki, qui avait battu le 24 septembre 1922 Georges Carpentier, le champion du monde. Ainsi, sur un ton moqueur, L’Auto du 1er octobre parle de Battling Siki « notre Batouala du ring », Le Réveil économique du 11 novembre 1922 évoque le « doux Batouala Battling Siki », et on lit dans L’Information sociale du 15 septembre 1927 : « Siki ou Batouala Imperator ».

En 1927, dans la rubrique des courses hippiques, un cheval, souvent mentionné pour ses performances, s’appelle Batouala III – ce qui suppose qu’il y a eu précédemment Batouala I et II. En novembre – décembre 1948, aux courses à Vincennes, un cheval s’appelait Bissibingui.

2.2.2. Dans le domaine du spectacle, de la chanson, de la parodie, de la poésie

En musique et en danse, il y eut aux Folies Bergères, dans les années vingt, un groupe qui s’appelait « Les Batouala Boys ». Le Mémorial de la Loire et de la Haute Loire du 7 janvier 1927 publie un article intitulé « Sous l’œil de Batouala » : Joséphine Baker y est qualifiée de « sœur de Batouala » et le meneur de la danse s’appelle Batouala ! En 1930, il est question d’un Fox trot intitulé « Batouala » dans L’Avenir de la Charente du 11 mai.

Une chanson avec le titre « Diagne-nostic » a été composée par le chansonnier Jean Jam sur le procès Diagne-Maran (Paris qui chante, 1er janvier 1925). Une composition musicale de Joé Jekyll, qui passait sur Radio Paris en janvier et juin 1933, s’intitulait « Bissibingui ».

Dans les registres de la comédie et de la caricature, plusieurs saynètes humoristiques et parodiques mirent en scène Batouala ou René Maran lui-même, si on se réfère au Crapouillot du 15 janvier 1922, au Paris qui chante du 15 juin 1922 (parodie d’Horace de Corneille), à L’Homme libre du 28 mai 1924, à Bonsoir du 31 mai 1924, à L’Artilleur du 1er janvier 1934.

Le Dimanche illustré du 28 juin 1923 présente le dessin d’un marché en Afrique avec une discussion entre M’ame Batouala et M’ame Siki sur le prix de la viande !

Dans La Vie parisienne du 8 mars 1924, on lit : « L’un de mes ingénieurs, M. René Maran, vient de tracer le plan d’un roman-chenille qui fera merveille dans le désert et pour lequel je me suis assuré la collaboration des meilleurs romanciers coloniaux ». Et, dans le même journal du 26 mai 1928, sur le mode fiction : « Monsieur René Maran dans la Revue d’Anthropologie comparée, expose une théorie d’après laquelle l’art glozelien se rattacherai à la civilisation batoualienne. Cette affirmation ne repose sur aucun fondement scientifique ».

H. de Maluquer publie un quatrain « Batouala » dans La Muse horizontale (décembre 1930).

2.2.3. Dans le domaine de la mode

Paris Soir du 3 octobre 1924, montre l’initiative d’un couturier parisien. Les nouveaux mannequins des tailleurs contrefont des célébrités littéraires : « on y voit un obèse célébré par Henry Béraud, un Batouala célébré par René Maran… »

Plusieurs numéros de Fémina, de Vogue et d’autres journaux féminins de mode présentent à leurs lectrices des modèles de Lanvin : « Robe d’après-midi de batouala noir, garnie de lamé argent », « veste réversible en batouala bleu marine […] et que l’on porte indifféremment à l’endroit ou à l’envers ; le pyjama est aussi en batouala marine », etc.

2.2.4. Dans le domaine de la peinture

Au Salon des Indépendants, un portrait de René Maran est exposé en janvier février 1922, par Raymond Cornileau, un autre en mars 1924 par Marcel Gaillard, qui en expose un autre en 1931 à la galerie Drouant. Quant à Hélène Rubissow, elle présente au salon des Indépendants de 1932 « La danse nègre Ganza » et « Dans la mort, un épisode Batouala », tiré du roman de René Maran.

2.2.5. Dans le domaine des vins

Le journal La journée vinicole du 30 septembre 1937, mentionne qu’une marque « Batouala » est déposée au Tribunal de Commerce le 2 mai 1937.

2.2.6. Dans le langage courant

On lit : dans Le Journal du 30 décembre 1921 : « Batouala est indésirable dans les beaux quartiers » où Batouala = désordre, chaos ; dans Le Miroir des Sports, du 20 mai 1925 : « Alors qu’on s’attendait à clôturer sous un soleil de batouala, la pluie survint » où Batouala = un soleil très fort ; dans L’Aube, du 7 juillet 1937, parlant de l’Exposition de 1937 : « on se bouscule aux portes (…) Étrangers et Français, Gretle, Concha, Doreen, Joe, Serge et même Batouala » où Batouala = les Noirs. Etc.

Conclusion

On constate que le champ sémantique du mot « Batouala » est considérable et mériterait une étude approfondie. Les exemples pourraient être abondamment multipliés et prouvent, à l’évidence, que Batouala et son créateur ont acquis un sens pour la collectivité française, même s’il s’agit souvent d’une image discutable et parfois douteuse – et même si les gens n’ont pas lu le roman ! Cette situation est fort rare pour un prix Goncourt ordinaire qui bénéficie généralement de l’estime d’un petit public restreint sans sortir de son cercle choisi. Cette situation de Batouala est celle de l’entre-deux guerres. Après 1945, la renommée de René Maran est assurée bien autrement par les écrivains africains et africains-américains, mouvement entamé à partir des années trente. L’auteur de Batouala devient le point d’ancrage de l’expression d’une littérature nouvelle, dont il a vu la naissance, même si, une fois encore, les malentendus ne manqueront pas.

1 Cet article est issu de la communication présentée en visioconférence, au titre de « Grand témoin », lors de l’ouverture du colloque René Maran de

2 À ma connaissance, Maurice Guimendego est le seul Centrafricain à s’être interrogé longuement sur René Maran. Dans sa thèse (Les populations du

3 Ousmane Bâ dans son mémoire de maîtrise, René Maran, critique littéraire (UCAD, 1980) l’avait déjà bien souligné.

4 En ce qui concerne la production d’articles de René Maran dans la presse, elle est très variable selon les années. A titre d’exemples (et dans l’

5 La prise en compte des commentaires et allusions sur René Maran montre l’impact, qu’il soit positif ou négatif, qu’il a pu avoir sur ses

6 Parmi les nombreux objets rapportés par la mission, un siège collecté à Krébedgé (Fort-Sibut) est désigné comme « siège de Batouala ».

7 Dont Alexandre Iacovleff, qui fit de belles peintures sur la ganza et le pays banda et qui, plus tard en 1928, illustra une nouvelle édition de

Bâ, Ousmane, « René Maran, critique littéraire », (UCAD, 1980), Mémoire de maîtrise.

Éboué, Félix, Les peuples de l’Oubangui-Chari. Essai d’ethnographie, de linguistique et d’économie sociale, Paris, Comité de l’Afrique française, 1933.

Guimendego, Maurice, « Les populations du Centre-Est de l’Oubangui-Chari face à l’implantation coloniale française 1900-1945, contribution à l’étude des résistances anti coloniales », EHESS, 1998. Thèse de doctorat.

Homet, Marcel, Congo, Terre de souffrances, Paris, F. Aubier, éd Montaigne, 1934.

Maran, René, « La France et l’Union française devant leur avenir », Le Monde, 23 juillet 1952, repris dans Frères d’Afrique n° 10, juillet-août 1952.

Maran, René, « Les rites secrets des primitifs de l’Oubangui-Chari », La Dépêche, 2 février 1937.

Maran, René, Batouala, Paris, Mornay éditeur, 1928 ; Paris, Albin Michel, 1938.

Maran, René, Djouma, chien de brousse, Paris, Albin Michel, 1927.

Maran, René, Le Livre de la brousse, Paris, Albin Michel, 1934.

Pénel, Jean-Dominique, « Boganda et René Maran, deux combats parallèles », La Semaine africaine (Brazzaville), n° 1796, 20-26 avril 1989.

Pénel, Jean-Dominique, « Les Représentants oubanguiens à la Ligue contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICA), 1947-1959 : R. Maran, B. Boganda, J. Vialle, H. Rivierez », étude ronéotée, Bangui, 1987, 35 p.

Pénel, Jean-Dominique, « René Maran et le combat des Oubanguiens », Notre Librairie, n° 97, avril-mai 1989.

Vidal, Pierre, « Garçons et filles, le passage à l’âge d’homme chez les Gbaya Kara », Paris, Recherches oubanguiennes, Société d’ethnologie, 1976.

1 Cet article est issu de la communication présentée en visioconférence, au titre de « Grand témoin », lors de l’ouverture du colloque René Maran de Dakar, le 25 novembre 2021.

2 À ma connaissance, Maurice Guimendego est le seul Centrafricain à s’être interrogé longuement sur René Maran. Dans sa thèse (Les populations du Centre-Est de l’Oubangui-Chari face à l’implantation coloniale française 1900-1945, contribution à l’étude des résistances anti coloniales, EHESS, 1998), il a consacré un chapitre entier à interpréter Batouala et à s’interroger sur le silence de Boganda à l’égard de René Maran.

3 Ousmane Bâ dans son mémoire de maîtrise, René Maran, critique littéraire (UCAD, 1980) l’avait déjà bien souligné.

4 En ce qui concerne la production d’articles de René Maran dans la presse, elle est très variable selon les années. A titre d’exemples (et dans l’état inachevé du travail de recension) : 11 productions en 1928 ; 17 en 1931 ; 52 en 1932 ; 62 en 1933 ; 35 en 1934 ; etc. On peut ainsi juger de la productivité de René Maran dans la presse selon les périodes de sa vie.

5 La prise en compte des commentaires et allusions sur René Maran montre l’impact, qu’il soit positif ou négatif, qu’il a pu avoir sur ses contemporains. A titre d’exemples (et dans l’état inachevé du travail de recension), on trouve pour les années 1921 à 1924, 664 articles le mentionnant. Soit, du 1er janvier au 14 décembre 1921 : 30 articles concernant Batouala avant le Prix Goncourt ; du 15 au 31 décembre 1921, 125 articles après le Prix Goncourt ; au cours de l’année 1922, 305 articles ; en 1923, 48 articles ; en 1924, 112 articles, à quoi il faut ajouter 44 articles sur le procès engagé par Blaise Diagne contre René Maran. On peut donc juger, année après année, de la notoriété de René Maran.

6 Parmi les nombreux objets rapportés par la mission, un siège collecté à Krébedgé (Fort-Sibut) est désigné comme « siège de Batouala ».

7 Dont Alexandre Iacovleff, qui fit de belles peintures sur la ganza et le pays banda et qui, plus tard en 1928, illustra une nouvelle édition de Batouala.

Jean-Dominique Pénel

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