Aux origines du réalisme magique et du réel merveilleux : la fécondité oubliée du vénézuélien Enrique Bernardo Núñez

Cécile Bertin-Elisabeth

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Cécile Bertin-Elisabeth, « Aux origines du réalisme magique et du réel merveilleux : la fécondité oubliée du vénézuélien Enrique Bernardo Núñez », Archipélies [Online], 5 | 2018, Online since 15 June 2018, connection on 29 March 2024. URL : https://www.archipelies.org/106

Rómulo Gallegos publie en 1929 Doña Bárbara ; Arturo Uslar Pietri publie en 1930 Las lanzas coloradas. Entre ces deux monstres sacrés de la littérature vénézuélienne et ces deux œuvres majeures de la littérature hispano-américaine, un auteur oublié : Enrique Bernardo Núñez, et une œuvre-clé, creuset (crisol) des nouvelles formes de narration en Amérique du Sud avant le boom : Cubagua, publiée en 1931 (mais déjà achevée en 1930). Alors qu’il est coutume de présenter Arturo Uslar Pietri comme « le père » du réalisme magique, on montrera comment Enrique Bernardo Núñez fut un pionnier qui s’intéressa aux creux de l’Histoire des peuples « sans annales » de la Caraïbe et proposa une forme d’écriture et de réécriture qui remet en cause les modèles euro-centrés tout en dépassant les traitements traditionnels du temps et de l’espace. Une scène de métamorphose, en quelque sorte « reprise » dans El reino de este mundo retiendra particulièrement notre attention.

Rómulo Gallegos published Doña Bárbara in 1929 and Arturo Uslar Pietri Las lanzas coloradas in 1930. Between those two sacred monsters of Venezuelan literature and those two major works of Hispanic-American literature, an author was overlooked – Enrique Bernardo Núñez – and a key work, a crucible (crisol) for new narrative forms in South America before the boom: Cubagua, published in 1931 (but already completed in 1930). While it is customary to present Arturo Uslar Pietri as the « father » of magical realism, this study will show that Enrique Bernardo Núñez was a pioneer interested in the gaps of the History of peoples « without records » of the Caribbean, who proposed a form of writing and rewriting that questioned euro-centered models while also going beyond traditional treatments of time and space. A particular episode of metamorphosis, which was « taken up » in a way in Alejo Carpentier’s El reino de este mundo, will be especially focused upon.

Introduction

L’on considère généralement que « le père » du réalisme magique est Arturo Uslar Pietri1 et que celui du réel merveilleux est Alejo Carpentier. Entre ces deux auteurs, un point commun : le Venezuela, pays d’origine du premier et en quelque sorte pays des origines de l’Amérique pour le second qui présente le Venezuela comme un résumé tellurique du monde américain2.

On s’attachera dans cette étude à souligner l’importance de l’apport vénézuélien à cette révolution scripturale du réalisme magique et du réel merveilleux dont les origines et les réceptions méritent encore d’être questionnées entre Europe et Amérique, à partir notamment de la présentation d’un auteur vénézuélien : Enrique Bernardo Núñez que l’historiographie littéraire a occulté, alors que cet auteur a œuvré, tout au long de ses multiples carrières, pour la remise en cause des hégémonies stérilisantes, des « vérités » d’une histoire officielle euro-centrée, en utilisant entre autres le mythe pour problématiser l’Histoire et ainsi la décoloniser.

On se demandera donc si les démiurges officiels du réalisme magique et du réel merveilleux n’occultent pas un père putatif : Enrique Bernardo Núñez dont on montrera l’importance matricielle3, notamment en ce qui concerne son ouvrage Cubagua, publié en 1931, qui se prête à une relecture possible tant des origines américaines, que de la réception du réalisme magique et du réel merveilleux entre mythes, mythifications et mystifications.

Le projet idéologique d’Enrique Bernardo Núñez, exprimé sur le mode d’une réécriture de l’histoire qui permettrait de rompre avec les répétitions coloniales entre la Conquête espagnole et l’impérialisme nord-américain, ne s’accompagne-t-il pas d’une recherche d’une nouvelle forme scripturale qui s’enracine dans la nature américaine et qui, par une coexistence du passé, du présent et de l’avenir, invite à prendre conscience de la porosité des frontières entre réel et merveilleux dont Alejo Carpentier comprit la dimension « architexturale » – si l’on peut dire – pour une écriture (et une pensée) américano-centrée(s) ? En somme, en quoi Enrique Bernardo Núñez peut-il être considéré comme un pionnier à la fécondité oubliée, pour cette nouvelle littérature hispano-américaine reconnue avec le boom ? En quoi les écrits de cet auteur ont-ils plus spécifiquement nourri l’écriture d’Alejo Carpentier ?

1. Enrique Bernardo Núñez ou le choix affiché de réécrire l’Histoire de l’Amérique

Étant donné que Núñez est un auteur qui reste assez méconnu, on ne saurait initier cette étude sans en proposer une présentation biographique et bibliographique succincte, d’autant que ces éléments permettent d’éclairer les positionnements idéologiques de ce Vénézuélien (1895-1963) qui affirme que la meilleure biographie est l’œuvre elle-même4.

Auteur d’une vingtaine d’œuvres, publiées entre 1918 et 1963, deux périodes sont toutefois à distinguer dans ses écrits avec une première période, avant les années 40, où Núñez écrit des romans (plutôt de type historique) et, à partir des années 40, une seconde période où, suite à l’insuccès de ses récits fictionnels, cet auteur choisit de se consacrer au journalisme. Il écrit en effet dans les principaux journaux de son époque (dont El Nacional où Alejo Carpentier publie son manifeste du réel merveilleux en 1948), étant même élu à deux reprises premier chroniqueur de la ville de Caracas, en 1945 et 1953.

Orlando Araujo le présente d’ailleurs comme l’un des meilleurs journalistes5 qu’ait connu le Venezuela, vantant la profondeur de son écriture totalisante qui unit Histoire et littérature6. Fort intéressé par l’Histoire et notamment l’Histoire de la Conquête et de la colonisation, Núñez participe à la construction de l’Histoire contemporaine de son pays en occupant également des fonctions de diplomate (en Colombie, à Cuba, à Panama et aux États-Unis). Il est de surcroît reconnu par les historiens vénézuéliens qui le reçoivent à l’Académie Nationale d’Histoire. Son très beau discours d’entrée dans cette Académie a pour titre : « L’Histoire, c’est la passion de l’actualité ». Les positionnements de Núñez y sont condensés à partir d’un dialogue entre passé, présent et futur, lequel l’amène à affirmer : « Un peuple sans annales, sans mémoire du passé, est déjà comme mort »7. Obsédé par la thématique des origines, Núñez s’intéresse aux forces endogènes du Venezuela et de l’Amérique en invitant à échapper à l’impérialisme nord-américain qu’il présente comme une sorte de répétition de la colonisation espagnole, et ce à l’heure où la politique de Juan Vicente Gómez8 favorise (depuis 1922) les intérêts nord-américains pour l’exploitation du pétrole vénézuélien.

Núñez explique clairement dans son discours d’entrée à l’Académie Nationale d’Histoire que « La Conquête ne s’arrête pas au XVIIe siècle et que la Colonie proprement dite ne se termine pas avec l’Indépendance », soit une « permanente actualité » : « Conquête, Colonisation et Indépendance sont trois étapes qui se prolongent jusqu’à aujourd’hui ; autrement dit, c’est comme si tout notre passé est notre présent »9. Cette référence à une répétition de l’histoire, que souligne de façon récurrente Núñez, annonce en quelque sorte l’image de « l’île qui se répète » que développera Antonio Benítez Rojo10 (né à La Havane en 1931, l’année de la parution de Cubagua, et décédé en 2005) pour décrire la situation d’une zone américano-caraïbe enferrée dans le moule du système plantationnaire.

C’est donc à une prise de conscience visant à développer un mode opératoire concret que nous invite dès les années 1930 Núñez qui explique, à maintes reprises, que la méconnaissance de son Histoire empêche un pays de progresser.

Cette mise en pratique d’une prise de conscience est magistralement mise en exergue dans une œuvre – mêlant forme scripturale et concepts originaux– qui porte le nom d’une île, sise près de Margarita : Cubagua, considérée comme liée aux origines de la colonisation espagnole au Venezuela11 et présentée comme une île-synecdoque non seulement du Venezuela, mais également de toute la zone américano-caraïbe et de ses habitants comme le met en exergue le fait que dans cette œuvre le visage d’un personnage lépreux – comme pour mieux transcrire la situation de dégénérescence d’un peuple sans modèles propres reconnus – y soit directement associé : « Toute la physionomie de cette île se retrouvait sur ce visage »12. On croirait la mise en pratique d’une remarque de Luis Leal qui définit le réalisme magique en précisant : « […] l’élément principal, ce n’est pas la création d’êtres ou de mondes imaginés, mais la découverte de la mystérieuse relation qui existe entre l’homme et son environnement »13.

Cubagua14, œuvre conçue dès 1925, rédigée en dehors du Venezuela15 entre 1928 et 1930, est publiée à Paris en 193116, soit la même année que Las lanzas coloradas17 de Arturo Uslar Pietri, et ce après le retentissant succès remporté en 1929 par Doña Bárbara de Rómulo Gallegos18. Ce foisonnement autour des années 1930 peut permettre de comprendre comment cette œuvre de Núñez, à l’écriture de surcroît parfois hermétique, a pu demeurer à l’ombre de celle d’auteurs déjà reconnus, d’autant qu’elle véhiculait un projet (idéologique) autre, très (trop ?) novateur sans doute pour être bien appréhendé.

On retiendra notamment que dans Cubagua le temps paraît se superposer comme les personnages :

Leiziaga se pencha à nouveau sur le plan de Nueva Cádiz. Lui vint alors à l’esprit une idée qui le fit rire. Peut-être, était-il lui-même Lampugnano ? Cálice, Ocampo, Cedeño. C’est bizarre, il se rappela une pancarte sur le chemin de La Asunción à Juan Griego : « Diego Ordaz-Débit de boissons alcoolisées ». Les mêmes noms. Et si c’étaient en effet les mêmes personnes ?19

Avec Cubagua et son protagoniste dédoublé Lampugnano (personnage réel du XVIe siècle)/Leiziaga (personnage fictionnel du XXe siècle) et donc par le recours à une pour le moins double temporalité (XVIe et XXe siècles), nourrie d’un véritable tressage de mythes20 d’origines multiples : amérindienne (Vocchi et Amalivaca…), européenne (Diane chasseresse, Dionysos…) ou orientale, avec une tonalité poétique et ironique, on se voit invité à penser l’hétérogénéité américaine sans se limiter aux éléments de l’héroïcité traditionnelle.

Outre le traitement de l’Histoire non pas comme simple toile de fond, mais comme matière première de la construction de cette œuvre, l’on trouve également une mise en valeur de l’apport indigène dont la valeur est en quelque sorte concentrée chez le personnage féminin de Nila Cálice. Autre facette de la déesse indigène Erocomay. Nila Cálice est en effet présentée comme étant à la fois la fille d’un cacique indien et d’un lépreux esclavagiste, ce qui place d’emblée le récit en dehors de toute réalité rationnelle traditionnelle. Elle est élevée à l’occidentale par le frère Dionisio de la Soledad, religieux défenseur des Indigènes qui va jusqu’à ajouter à son chapelet une dent de caïman. Nila Cálice, que poursuit entre autres Leiziaga de ses assiduités, représente indéniablement une certaine forme de conscience de résistance dynamique, soit une image d’une calibanisation qui dialogue entre culture originelle et contact avec le monde occidental. Son nom est d’ailleurs tout un programme interculturel qui invite à repenser l’histoire américaine dans sa diversalité, entre un prénom homonyme du Nil, fleuve égyptien auquel Núñez fait référence dans son discours pour l’Académie d’histoire21 en le comparant à l’Orénoque pour l’Amérique, et la dimension chrétienne de son patronyme, d’ailleurs lié à l’histoire du Venezuela, car porté par un trafiquant d’esclaves du XVIe siècle, soit une Amérique dont l’espace et le temps sont indéniablement à relire.

On se trouve dès lors face à une claire remise en cause de l’historicisme hégélien (1820)22 et de la hiérarchie attenante qui place l’Europe et son esprit prétendument universel au plus haut niveau de l’Histoire. Núñez participe donc déjà de cet effort de déconstruction de l’hégémonie épistémique de la modernité depuis d’autres lieux d’énonciation non européens comme y inviteront plus tard par exemple Walter D. Mignolo et Édouard Glissant23 qui critiquent également ce positionnement hégélien24, lequel relègue les peuples amérindiens à la Préhistoire et considère même qu’il ne s’est rien passé au plan historique en Afrique noire25... Soit une revendication pour une nouvelle géopolitique et pour une nouvelle épistémologie selon une métaphysique de « l’Un » versus une poétique de « la Relation ».

Dans Cubagua, on retiendra en guise d’exemple de cette mise en cause du postulat hégélien, le traitement proposé pour le Dieu Vocchi, paradigmatique de ce désir d’ébranlement des façons de penser et de dire traditionnelles. Núñez, pour souligner combien l’Amérique existe avant sa « découverte » par l’Europe, réinvente en effet les origines de Vocchi, dieu du panthéon amérindien, en le faisant naître à Lanka, en Asie : clin d’œil à Hegel pour qui l’histoire du genre humain en tant qu’histoire commence en Orient ! Clin d’œil sans nul doute aussi à cette « invention de l’Amérique »26, une Amérique qui naît d’un rêve oriental, celui « de las Indias », marque d’une utopie (u-topos= terre de nulle part…) originale.

Par la fiction, Núñez historicise un héros mythique qu’il déplace de l’Orénoque à la Caraïbe tout en l’associant à l’époque contemporaine puisque Leiziaga le rencontre lors d’une cérémonie indigène comme si le discours historique, revu par la fiction, acquérait la valeur répétitive du mythe.

Ce goût pour les mythes sera extrêmement présent comme chacun sait chez Miguel Ángel Asturias, autre grand nom du réalisme magique et chez tant d’autres. On retrouve de surcroît chez Alejo Carpentier, créateur officiel du réel merveilleux, plus précisément la référence au mythe de Vocchi et d’Amalivaca, déjà développé par Núñez comme on vient de le voir. Dans Razón de ser27, Carpentier souligne l’importance de ce Noé de l’Orénoque et l’on renoue avec ce mythe dans Los pasos perdidos (1953) avec le pouvoir magique du fleuve et sa reprise du déluge universel ainsi que dans son récit « Los advertidos »28. À l’instar de Jung, de Mircea Eliade et de Claude Lévi-Strauss, la confluence des mythologies est au cœur de l’œuvre de Núñez.

Comme le rappelle Michel Foucault29, la culture officielle produit des discours hégémoniques et les modèles attenants. Par ce tressage des mythes, autre façon de lire l’Histoire, et leur valorisation comme fondement d’une nouvelle Histoire, Núñez remet non seulement en cause le modèle euro-centré, mais peut par là même apparaître dès lors comme l’un des véritables fondateurs du nouveau roman historique hispano-américain de par la problématisation du concept même d’Histoire qu’il nous propose en questionnant le poids des chroniques et les héros officiels par le biais de l’affirmation de la valeur de l’oralité, des mythes et des héros oubliés du quotidien. En somme, Núñez conceptualise une Histoire alternative pour l’Amérique. Il remet ainsi en cause, le rationalisme positiviste30 ainsi que la conception d’un temps téléologique31.

Carlos Fuentes dans sa proposition d’explicitation du nouveau roman hispano-américain a justement montré l’importance de la relecture de l’Histoire américaine qui a été plus imaginative que la fiction et a souligné la nécessité de la réinventer32. Mais lorsqu’il cite des exemples d’auteurs représentatifs de ce processus, alors que l’on retrouve bien dans son propos l’importance accordée au travail sur l’historicité et sur le langage – aspect que nous évoquerons dans notre deuxième partie –, le nom de Núñez n’apparaît pas33. Même un compatriote et contemporain comme Arturo Uslar Pietri34 ne cite pas Núñez lorsqu’il propose une liste d’auteurs ayant développé selon lui une nouvelle écriture en Amérique hispanique35.

On s’intéressera à présent de façon plus précise à cette révélation (scripturale) selon Uslar Pietri, ce nouveau sens donné au langage dont parle Fuentes qui permet de mieux comprendre l’Amérique en la réécrivant et dont Núñez, on vient de le souligner, a participé à tracer les lignes de force.

2. Une digenèse avant l’heure ou la mise en route des modalités scripturales du réalisme magique et du réel merveilleux en contexte vénézuélien

Núñez ne remet pas seulement directement en cause l’Histoire officielle36, mais aussi la façon d’écrire depuis la Conquête. Une fois encore, son discours pour l’Académie d’Histoire est très clair à ce sujet : « La Conquête a été funeste parce qu’elle a étouffé dans son berceau le génie américain. Les nouveaux venus reproduisent alors l’organisation de la lointaine patrie. Le monde qui se transfère aux Indes est clairement visible dans les pages réalistes de la littérature espagnole enveloppée dans le pompeux manteau de l’histoire officielle »37. Núñez se tourne donc vers l’expression d’une autre Histoire à une époque qui correspond en Amérique hispanique à une période de mutations littéraires du fait de multiples transformations philosophiques, esthétiques et sociologiques38. Entre criollismo, costumbrismo et mundonovismo, l’heure est alors à l’américanisme, réaction à la fois nationaliste et réaliste, en dialogue avec les avant-gardes.

Où situer le projet de Núñez dans cette effervescence avant-gardiste ? Indéniablement, cet auteur conçoit une écriture qui interroge l’Histoire39. Dans la littérature réaliste, l’histoire est certes au centre et sous-tend la vraisemblance et la création d’illusion référentielle, mais il s’agit de l’Histoire officielle, de celle qui est communément reconnue par tous comme « vraie ». Or, dans Cubagua, le narrateur remarque que : « la réalité, comme la lune, nous montre toujours une seule de ses faces »40 et donc qu’il y a de multiples « réalités », soit la fin d’une conception de la transparence au profit d’une conception de l’opacité. Núñez nous invite en conséquence à voir l’autre face de l’Histoire, d’où dans son œuvre le refus d’une temporalité homogène et linéaire, corrélée à l’affirmation du nécessaire affranchissement de toute tutelle (européenne ou nord-américaine). Núñez affirme en effet de façon catégorique : « Sous l’histoire, il y a l’autre histoire, la vraie »41.

On en vient alors à s’intéresser à l’intra-histoire. R. Gutierrez Girardot a justement affirmé que : « L’intrahistoire’ de l’Amérique hispanique, c’est le “réel merveilleusement américain”, la Nature magique, le mythe »42. Núñez aurait bien donc ouvert la voie de ces choix esthétiques qui sous-tendent une nouvelle vision contre les vérités officielles réductrices. Il va même très loin dans ce positionnement puisqu’il propose dans Cubagua de voir ceux qui font et écrivent cette histoire officielle comme des… voleurs. Il invite ainsi métaphoriquement à se débarrasser d’une écriture qui spolie. Le personnage de Tiberio Mendoza, historien officiel – présenté comme positiviste et donc défenseur de la vision traditionnelle d’une histoire linéaire – dans ce récit, vole en effet non seulement les perles déjà dérobées par Leiziaga, mais emporte également le manuscrit du protagoniste, produisant à partir de ce dernier un article qu’il intitule : « Les fantômes de Cubagua ». Ce terme « fantôme » montre combien dans cette île on croit aux éléments relevant du merveilleux43, soit l’introduction d’opacité dans la transparence diégétique réaliste, ce qui laisse planer le doute sur la réalité. Le raisonnement scientifique est alors remis en cause et notamment la pensée positiviste, clairement invalidée dans Cubagua.

Ce choix d’écriture s’inscrit assurément contre l’homogénéisation de la mémoire, laquelle ne tient pas compte de l’hétérogénéité des origines américaines. Aussi, pour éviter que la vision (occidentale) de l’Un ne continue de l’emporter et que ne se répète inlassablement les exploitations de type colonial, quelles que soient les périodes, Núñez propose de s’appuyer non pas sur une connaissance non seulement lacunaire, mais surtout inventée comme l’expliquera si bien l’historien mexicain Edmundo O’Gorman44 par les Occidentaux de l’Histoire, mais sur un nouveau langage, nourri de l’Histoire américaine et de ses multiples origines.

Cet intérêt pour les origines, pour un chronotope en quelque sorte primordial, a été relevé par le critique Douglas Bohórquez Rincón qui a souligné l’originalité de Núñez depuis son roman Después de Ayacucho (1920) et son anti-héros Miguel Franco dans un contexte de Guerre fédérale. Il évoque « un nouvel espace littéraire, une écriture […]45 qui permet d’atteindre « le territoire du non-dit […] »46. Ce critique précise de surcroît que ce que l’on entend dans cette écriture particulière de Núñez, c’est « le battement (du cœur) et le pouls d’un continent à la recherche de son identité à travers la conquête d’un nouveau discours littéraire »47.

À propos de Después de Ayacucho (1920), Bohorquez Rincón retient la dénomination de « réalisme historique » et en ce qui concerne Cubagua, celle de « réalisme poétique », tout en montrant les limites de ce réalisme et l’ouverture à des « mondes possibles »48 qui s’oppose au réalisme (qu’il qualifie de « réalisme monologique »49) développé jusqu’ici. Ne devrait-on pas aller plus loin et considérer que cette distance par rapport au réalisme traditionnel (soit un réalisme hétérologique ?) et l’invitation attenante à multiplier les regards, fonde déjà un mode narratif magico-réaliste, soit le choix dans un récit fictionnel, avec une diégèse réaliste, d’intercaler des faits surnaturels, sans distanciation par le narrateur et donc avec une fiabilité questionnée ?

Si le réalisme est un langage qui ne « dépayse » pas, ce type de narration est autre50. Or, les aspects « surnaturels » foisonnent dans Cubagua même si pendant longtemps la critique s’y est très peu intéressée. On rappellera à cet égard l’importance du chapitre VI intitulé : « El areyto » où guidé par frère Dionysos, Leiziaga entre dans les ruines de Cubagua et assiste à un rituel indigène initiatique. Il se retrouve alors devant le Dieu Vocchi (dont le mythe a été présenté au chapitre antérieur) ! Comme le rappelle Víctor Alarcón51 qui étudie cet épisode, aucune peur – que l’on aurait été pourtant en droit de relever – n’émerge, ce qui ne nous permet pas, entre autres, de retenir la modalité fantastique52. Est alors soulignée l’indignation de Leiziaga en tant que descendant de conquistadores, soit un traitement parodique de cette scène. D’ailleurs, cette cérémonie « del areyto » relève-t-elle du rêve ou de la réalité ? Certes, Leiziaga a ingéré des drogues, mais, au chapitre suivant, il lui semble retrouver la trace du passage sous-terrain. Toutefois, les explications s’arrêtent là… Ce manque de transparence est amplifié par le fait que le protagoniste est parfois traité dans l’ouvrage d’irresponsable ou de fou…

Le narrateur ne nous aide pas vraiment à y voir plus clair. Ce flou quant au narrateur nous rappelle l’affirmation de Chiampi pour ce qui est du « realismo maravilloso » qui évoque « l’occultation de la voix génératrice du texte »53. Les narrateurs s’entremêlent dans Cubagua du fait du recours à un paratexte formé de diverses chroniques coloniales (de Pedro de Aguado, de Bartolomé de las Casas, de Benzoni, etc.), de mythes et de traditions orales. De plus, Núñez écrivit en 1959 en parlant de Cubagua qu’il avait utilisé sa mémoire (son souvenir de sa lecture de la chronique coloniale de Pedro de Aguado54), soit encore l’introduction d’une distance par rapport au texte d’archives. Les limites entre fiction et Histoire sont ainsi à chaque fois plus questionnées, et ce de façon volontaire afin de nous inviter, comme l’explique Núñez dans son discours pour l’Académie d’Histoire, à réécrire l’Histoire : « Il y a une histoire qui reste à réécrire »55.

Carlos Fuentes le dira également, mais bien après Núñez : « ce qui manque à la littérature hispano-américaine, c’est un langage qui puisse sauver de l’anonymat ce que l’histoire a tu »56. Edouard Glissant prendra également conscience de cette nécessité dans sa quête d’un dire antillais, à partir notamment d’un matériau philosophique important57.

Si l’univers spatio-temporel désigné par le récit dans la fiction narrative est appelé « diégèse »58 par Gérard Genette, Édouard Glissant en donnant à la littérature qui redessine mythes et personnages un rôle mytho-moteur indéniable59 invite dans le même temps à conceptualiser l’Amérique et propose le terme de « digenèse »60 pour désigner une façon particulière de fictionnaliser dans les « sociétés composites »61. Autrement dit, en réponse au concept de genèse, qui induit une idée de filiation unique, Edouard Glissant oppose le concept de « digenèse » associé à une pensée du Divers et de la Relation.

La diégèse de Cubagua s’inscrit dans le présent de 1925 (l’année de la publication de l’essai sur le réalisme magique de l’historien et théoricien de l’art Franz Roh62…) et il nous semble que l’on pourrait considérer que Núñez y développe déjà une écriture digénétique, c’est-à-dire non seulement porteuse d’une esthétique non euro-centrée, mais qui revendique de surcroît la reconnaissance de l’hétérogénéité des origines en Amérique.

Núñez utilise pour sa part l’expression, quelque peu mystérieuse, de « secret de la terre »63. Au « fruit de la terre », soit le pétrole pour Gómez qui facilite l’exploitation des richesses américaines par des étrangers, Núñez oppose le « secret de la terre », c’est-à-dire la conscience d’une autochtonie originale. Ne serait-ce pas, avec une formulation différente, ce qu’Alejo Carpentier essaye de nous faire percevoir et ce qu’il a transcrit de la réalité magique américaine lors de son « illumination » à Sans-Souci, en Haïti64 ?

Le secret de la terre ou l’essence vénézuélienne et par extension hispano-américaine et américano-caraïbe sous-tend une recherche d’une forme de narration qui interroge constamment l’Histoire, à partir d’une écriture palimpseste qui réinterprète – en établissant des interrelations65, soit le choix du mythe (avec ses multiples versions) versus la mystification (de la vérité officielle). Autrement dit, entre omissions et manque d’informations, le lecteur n’a pas toutes les informations nécessaires pour distinguer ce qui est réel de ce qui ne l’est pas, avec notamment une rupture de la logique temporelle linéaire. Assurément, Núñez théorise ses pratiques à la recherche d’un nouveau langage en se détachant du modernisme – mis à part par exemple son traitement chromatique – en privilégiant la coexistence des temps et des espaces entre l’île de Cubagua et les personnages. S’établit alors une communication mystérieuse, magique :

D’immenses murmures, des reflets merveilleux filtraient à travers les forêts. Autour de Nila flottaient les chansons apprises dans les palmeraies de moriche66 des vieilles qui protégèrent son enfance. Les rameurs répétaient les mots qui guérissent et rendent dociles les serpents et qui influent sur les propriétés d’une pierre dans le cœur. Des mots brillants et mystérieux, des lucioles67.

N’est-ce pas la voie (poétique) que nous propose Núñez pour « donner une voix à ces quatre siècles de langage séquestré, marginal, inconnu » comme le dira plus tard Carlos Fuentes68, alors qu’il achève Cubagua par l’affirmation : « Tout était comme il y a quatre cents ans »69. On considère de ce fait que l’écriture de Núñez (à l’instar de celle de type fantastique70 relevée à cette époque), convoque de façon récurrente le thème du double. En guise d’exemple, on retiendra le cas de frère Dionysos présenté soit en chair et en os et racontant alors une partie de l’histoire, soit comme une tête momifiée. Cette différence/ressemblance lui permet de passer d’un moment historique à un autre… à quatre cents ans près.

Núñez propose en effet dans Cubagua différentes modalités d’écriture se fondant principalement sur des jeux sur le multiple (duplication, dédoublement, dialogisme, hétérologie…) qui effacent la transparence de l’Un. Toutes les duplications et porosités de l’opacité sont ainsi sollicitées comme autant d’équivoques volontaires pour dire et transcrire le rejet de l’ordre officiel et des centres établis, avec par exemple de nouveaux héros pour une nouvelle histoire. Dans ces moments d’ambivalence, la magie paraît réelle et se voient neutralisés les codes antinomiques à l’instar des formules oxymores de « réalisme magique » et « réel merveilleux ».

Núñez développe tout particulièrement un traitement du temps qui n’est plus téléologique en privilégiant les ambiguïtés temporelles passé/présent/futur, confortées par le recours à des images doubles (Leiziaga/Lampugnano ou deux facettes d’un même personnage) comme autant de métamorphoses baroques.

L’île de Cubagua est alors convoquée comme métaphore d’une réalité secrète, originelle, à déchiffrer. Ce n’est plus un roman sur la terre proprement dite comme Doña Bárbara ou encore La Vorágine, mais une œuvre tournée vers la mer, élément liquide, non stabilisé à la différence de l’Histoire officielle, pour des origines multiples réunies par cette même mer. Cubagua est alors érigée en « omphalos »71, en centre du Nouveau Monde à voir de façon renouvelée, comme synecdoque de l’origine américaine, à la fois paradis futur et paradis perdu ; lequel prendra chez Alejo Carpentier le nom de Santa Mónica de los Venados, dans la forêt-Eden. L’Orénoque et la forêt de Alejo Carpentier remplaceraient-ils en conséquence l’île72 et la mer de Núñez ? En fait, il importe de préciser que chez Núñez, l’Orénoque et l’île de Cubagua sont liées comme deux paradigmes de l’origine américaine comme le met en exergue l’hésitation de Núñez quant au choix de la fin de Cubagua. Dans une version, l’on assiste au retour du protagoniste Leiziaga à Cubagua ; dans l’autre, Leiziaga choisit l’Orénoque. Étant donné que c’est cette version qui a été diffusée au départ, c’est donc celle qui aura pu inspirer Alejo Carpentier73

Bohórquez Rincón, sans parler de réalisme magique ou de réel merveilleux, a relevé chez Núñez ce traitement particulier du temps propre aux auteurs du boom74. Et Alejandro Bruzual de confirmer ce choix d’une écriture qui introduit du désordre dans la continuité, comme un archipel en tension75.

Autrement dit, ne sommes-nous pas déjà en plein réalisme magique ou réel merveilleux avant la lettre, soit chez Núñez une écriture qui recourt aux éléments que reprendront les auteurs « officiels » du boom hispano-américain, notamment Alejo Carpentier ?

3. Des traces de la fécondité de Núñez chez Alejo Carpentier

Alejo Carpentier pouvait-il ne pas connaître Núñez et son œuvre si novatrice ? En somme, ne doit-on pas considérer l’œuvre de Alejo Carpentier comme un ensemble de textes-seconds et non comme des textes-premiers du réel merveilleux ? En tous les cas, ne serait-il pas licite, vu ce qui a été démontré précédemment, de questionner leur qualité de « modèles »  officiels mythifiés ? On l’aura compris, on interrogera la réception du réalisme magique et du réel merveilleux en invitant à déplacer leurs modèles plus avant dans le temps, et ce jusqu’à l’œuvre de Núñez, ce qui place de surcroît le Venezuela encore plus au cœur de ce creuset littéraire renouvelé76.

Comment en effet aborder la question de la réception d’Alejo Carpentier dans la littérature caribéenne sans se demander comment cette littérature caribéenne a laissé des traces chez Alejo Carpentier, nourri également par la littérature européenne, comme avec le poids d’Anatole France, auteur si cher à son père ? En effet, les théories de la Réception développées par l’École de Constance soulignent l’importance à accorder à la participation active du lecteur, nouvel auteur du sens et futur auteur, tout auteur étant avant tout un lecteur77.

Selon les théories de la réception, la compréhension des textes-seconds (ici l’œuvre de Carpentier) favorise celle des textes-premiers (l’œuvre de Núñez). En somme, l’œuvre si connue d’Alejo Carpentier devrait permettre de faire reconnaître l’un de ses modèles, à savoir : Núñez, car comprendre requiert de faire fusionner des horizons présents et passés (ce que fait toujours Núñez…) prétendument indépendants les uns des autres. On en vient alors à se demander comment le potentiel d’un texte de départ influe sur la poétique du texte d’arrivée. Autrement dit, pour reprendre une expression de Michel de Certeau, ne convient-il pas de se demander : où a « braconné »78 Alejo Carpentier ?

En effet, tout texte s’analyse comme discours et il y a dans tout discours des traces de « pré-construit », des discours antérieurs reformulés qui fonctionnent comme une sorte de matière première. Gérard Genette l’affirme : un texte peut en cacher un autre. Alors, ne peut-on voir Núñez comme un « Ancien » dont l’autorité reste à réhabiliter, ne serait-ce que par la mise en exergue de ses apports et par là même de sa réception chez des auteurs postérieurs ? Il ne s’agit en aucune façon de remettre en cause l’apport capital d’Alejo Carpentier, mais de déplacer, ou plutôt replacer son œuvre (surtout celle liée directement à l’étape d’émergence du réel merveilleux) dans une chaîne de réceptions, certes fort riche chez un auteur aussi grand lecteur qu’Alejo Carpentier, mais dont l’un des maillons n’a pas, semble-t-il, été relevé jusqu’ici.

On ne peut en effet oublier l’érudition79 d’Alejo Carpentier. C’est pourquoi sa conceptualisation du réel merveilleux80 ne saurait être issue de la seule révélation par la nature américaine, mais aussi par la lecture de prédécesseurs, d’autant qu’il a indiqué : « Il y a une matière que je dois apprendre et cette matière, ce sera l’étude systématique de l’Amérique »81.

Guiseppe Bellini a démontré comment Alejo Carpentier s’est nourri de l’influence du Vénézuélien Rufino Blanco Fombona (1874-1944) dont la relation de voyage Viaje al alto Orinoco (1905) n’avait jamais été citée auparavant comme source de Los pasos perdidos (1953). R. Blanco Fombona propose de magnifiques descriptions de la nature qu’il qualifie d’ailleurs de… « merveilleuse »82… On souhaite compléter cet apport vénézuélien en invitant à prendre en compte l’impact de l’œuvre et des concepts de Núñez. Est-il besoin de rappeler à cet égard que Los pasos perdidos et El siglo de las luces furent écrits au Venezuela où Alejo Carpentier était arrivé en 1945, invité par son ami Carlos Eduardo Frías ? Alejo Carpentier vécut en effet au Venezuela de 1945 à 1959 et fréquenta pendant quatorze ans le milieu journalistique vénézuélien à l’époque même où Núñez était un chroniqueur reconnu à Caracas83.

Ne doit-on pas prendre en compte chez un lecteur aussi avide qu’Alejo Carpentier les représentations littéraires de l’Orénoque ? Or, Núñez publia en 1945 un essai intitulé Orinoco84 où il s’intéresse à l’avance britannique de Raleigh en Amérique hispanique et à la recherche de l’Eldorado85. Le parallèle entre l’île de Cubagua et l’Orénoque peut se retrouver dans divers textes de Núñez et plus particulièrement dans cet essai Orinoco. De plus, l’axe central de Cubagua est un voyage qui permet, quelle que soit la fin choisie, de se trouver soi-même et qui semble dès lors annoncer la « désaliénation » du héros de Carpentier dans Los pasos perdidos où le thème du voyage est lui aussi central86. De plus, dans ces deux œuvres, la rencontre-clé avec une femme au nom lié aux pratiques chrétiennes (Nila Cálice chez Núñez/Rosario chez Carpentier), métisse biologique ou culturelle, permet de toucher du doigt la réalité, magique, des Autochtones.

En somme, seront aussi décisifs pour l’écriture de Carpentier ses voyages en Haïti et dans le Haut Orénoque87 en 1947-48. Au cœur de la forêt amazonienne vénézuélienne, A. Carpentier reconnaît avoir eu aussi une révélation de la magie américaine et choisit alors la difficile tâche de faire connaître l’« essence américaine »88. Cette idée d’essence(s) américaine(s) n’est pas sans rappeler le « secret de la terre » de Núñez, pour qui il s’agit, comme l’affirme frère Dionysos, d’interpréter le silence89 et de « provoquer la révélation merveilleuse depuis le profond mystère des côtes et des zones montagneuses (et boisées de l’intérieur) »90. Núñez précise :

Mais il y a le silence et la solitude. Les zones montagneuses et boisées existent et se dépassent toujours ainsi que les horizons. Dans tout cela, il y a des images. On croit percevoir des choses qui existent ou qui ont existé. Quelque chose qui échappe à nos sens. En somme, ce que les conquistadors, quand ils sentaient leur âme se troubler au milieu des solitudes, appelaient le secret de la terre. […] Ainsi, ce cadre que nous contemplons nous offre plus que de simples reliefs de leur aspect physique et nous nous trouvons face à une intelligence ; une pensée abandonnée à la terre91.

Parmi les multiples connexions entre l’œuvre de Carpentier et Cubagua, il est essentiel de souligner combien la conception du temps de Carpentier se révèle fort proche de celle proposée par Núñez. Carpentier évoque en effet des « synchronismes possibles […] au-dessus du temps, reliant […] hier avec le présent »92 et voit dans l’Orénoque à la fois le temps passé, présent et futur93. Ainsi, dans Los pasos perdidos est attribuée à la réalité américaine le privilège d’héberger simultanément différentes périodes94. Carpentier précise d’ailleurs que l’Amérique est le seul continent où différentes époques coexistent »95. Or, ce retour possible aux origines et à ses mythes, accompagné d’un traitement renouvelé du temps est déjà, on l’a montré, l’un des axes majeurs de l’œuvre de Núñez et notamment de son roman Cubagua qui s’oppose à la vision téléologique de l’histoire. On le citera encore : « Trois jours, cinq cents ans, des secondes peut-être qui s’éloignent et reviennent et hésitent, dans la lumière immémoriale (immémorielle ?). L’écume »96. Et dire que c’est souvent ce travail sur le temps qui est présenté comme novateur chez Carpentier et qui est perçu comme l’un des meilleurs apports à la littérature latino-américaine97.

On terminera cette mise en valeur de l’œuvre de Núñez comme modèle et donc de celle de Carpentier comme réécriture d’un réel merveilleux déjà conceptualisé chez Núñez en soulignant les étranges similitudes d’une scène de métamorphose, relayée de diverses façons. Dans Cubagua, au XVIe siècle, une Indigène prénommée Cuciú, prostituée par les Espagnols, est finalement brûlée sur un bûcher. Cuciú est alors, entre autres, présentée comme échappant au feu sous la forme d’un héron rouge. Cette scène rappelle une fameuse scène où Mackandal disparaît… en diverses versions... Núñez avait donc déjà fait une proposition concrète quant à une nouvelle écriture de la métamorphose, laquelle n’a pas été, semble-t-il, oubliée par Alejo Carpentier. Comme dans Cubagua, où circulent plusieurs versions qui ne s’invalident pas quant au sort de l’Indienne Cuciú, morte ou vivante sous la forme d’un héron rouge98, comme la couleur des flammes, les versions varient dans El reino de este mundo, soit plusieurs niveaux de « vérité » : celle des Noirs qui affirment : « Makandal sauvé », celle des Blancs créoles qui n’y comprennent rien et, enfin, celle du narrateur dont on attendrait qu’il fasse voir la réalité des choses, mais qui minore son positionnement99.

D’autres connexions sont indéniables100, comme la création d’un certain type de baroque, soit une écriture poétique baroquisée chez Núñez où la duplication (via notamment le thème du double) se révèle omniprésente et annonce le langage accumulatif pour une réalité qui reste à nommer selon Carpentier101. Comme Núñez, Carpentier duplique, par interrelations, diverses époques102. Peut-on encore douter que Carpentier ait lu Cubagua103 ? On croirait retrouver la technique d’écriture de Núñez… et la nouvelle attitude face au réel qu’il développe, pour un réel perçu déjà comme « utopie de la transparence » comme l’indiquera Foucault, et qui sera transcrit en tant qu’« opacité » chez Edouard Glissant. Soit Núñez comme auteur post-moderne et décolonial avant l’heure…

On comprend mieux avec Núñez et son travail sur l’Histoire colonisée pourquoi comme l’affirme Charles Scheel : « le réalisme magique constitue un courant important dans la fiction mondiale contemporaine et [pourquoi] l’on parle dorénavant de world literature comme on parle de world music »104. En somme, le réalisme magique correspond à une forme d’écriture qui permet les remises en cause des dogmatismes, quel que soit en fin de compte le pays où l’on se trouve ; le rapport Dominant/Dominé étant universel. Soit un refus de l’hégémonie de l’imaginaire occidental et en quelque sorte une calibanisation de ce Modèle, laquelle nous est proposée chez Núñez dès le début des années 1930.

En guise de conclusion

Il ressort par conséquent que les années 1930 constituent au Venezuela une période foisonnante. Enrique Bernardo Núñez fut un pionnier qui s’intéressa aux creux de l’Histoire des peuples « sans annales » du monde américano-caraïbe et, ce faisant, proposa une forme d’écriture digénétique, réécriture et dépassement des modèles euro-centrés, notamment pour ce qui est des traitements traditionnels du temps et de l’espace105 par une mise en interrelation des notions de réel et de merveilleux. L’œuvre de Núñez et ses concepts s’imposent dès lors comme un substrat matriciel au réalisme magique et au réel merveilleux, sans réelle distinction encore entre ces deux mouvements, car en germe, comme une racine rhizomique commune et interrelationnelle, que leurs pères « officiels » feront fleurir et reconnaître entre ressemblances et variations.

À la différence de ceux qui n’ont vu en Núñez qu’un journaliste expérimentateur, on considère qu’il s’agit d’un écrivain-historien pionnier qui a théorisé des aspects essentiels du renouveau littéraire hispano-américain, à partir notamment de la réécriture de l’Histoire via le mythe, d’un traitement du temps non linéaire et de la nécessité d’une écriture adaptée comme autant de prémices du réalisme magique et du réel merveilleux. José Balza, Vénézuélien lui aussi, a relevé cette étape en quelque sorte matricielle de Núñez pour le développement de ces nouvelles esthétiques en affirmant à propos de Cubagua qu’il s’agit d’une : « annonce de ce que Irlemar Chiampi reconnaîtra comme “réalisme merveilleux” »106.

Núñez propose en fin de compte une sorte de maïeutique pour ce sous-continent américain, « accouché » jusqu’ici avec des forceps rouillés, présentés comme issus de l’ancien monde dans Cubagua, et dont il convient de faire (re)naître autrement la littérature. Ainsi est annoncée la naissance des faux jumeaux que sont le réalisme magique et le réel merveilleux avec un ouvrage : Cubagua où naissent justement des jumeaux, caractéristique de cette île pauvre et riche à la fois107 où se répètent les dominations…

Núñez semble prophétiser un profond renouvellement : « le monde se fait et se défait à nouveau. Les villes s’érigent sur les forêts et celles-ci recouvrent après les villes »108. Alejo Carpentier, on l’a démontré, a lu Núñez et notamment Cubagua, œuvre qui mérite désormais d’être reconnue comme l’un des textes-premiers109 de ce chef de file officiel du réel merveilleux qui pourra dès lors inverser le rapport ville-forêt dans Los pasos perdidos et faire de celle-ci –jusqu’ici liée à la Barbarie–, à l’instar de ce que proposera Wifredo Lam dans les arts plastiques avec la Jungle (1943), un nouveau centre, le creuset d’une approche renouvelée pour une nouvelle mytho-géologie et généalogie de l’Amérique.

En définitive, non seulement Núñez apparaît comme un auteur déjà post-moderne, mais surtout, il ressort qu’il a influencé directement le boom comme on l’a montré pour Alejo Carpentier sans que personne ou presque ne daigne le citer… Pour une démystification de l’historiographie littéraire, il serait désormais opportun d’associer Núñez à cette rénovation scripturale et conceptuelle majeure comme un père putatif ou un père « naturel » – c’est-à-dire comme père « logique », mais aussi un père qui à l’instar d’un enfant naturel n’aurait pas été reconnu jusqu’ici et serait désormais à officialiser.

Alejo Carpentier affirme : « […] nous, romanciers de l’Amérique latine, témoins, chroniqueurs et interprètes de notre grande réalité latino-américaine […] nous serons les auteurs classiques d’un énorme monde baroque qui nous réserve encore et réserve au monde les plus extraordinaires surprises »110. Enrique Bernardo Núñez, vu la merveilleuse richesse novatrice de son écriture, mérite en effet de faire partie de ces auteurs « classiques »111, références incontournables de la littérature hispano-américaine.

1  On n’oubliera pas toutefois la figure majeure de Miguel Ángel Asturias qui intègre dès 1930 dans Leyendas de Guatemala les mythes indiens à la

2  Ramón Chao, Conversaciones con Alejo Carpentier, Madrid, Alianza Editorial, 1985, p. 147 : « Venezuela […] es una especie de compendio telúrico de

3  Tant pour le réalisme magique que pour le réel merveilleux, étant entendu que l’on considère qu’une nuance existe de par un « marquage » présent (

4  Enrique Bernardo Núñez, Bajo el samán, « La verdad », Caracas, Tip. Vargas, 1963, p. 81.

5  Núñez fonda aussi des journaux, comme à Valence avec son ami Bello Torres, avec un journal au nom en quelque sorte paradigmatique de sa pensée

6  Enrique Bernardo Núñez, Cacao, « Ensayo sobre la literatura de Enrique Bernardo Núñez », Prologue de Orlando Araujo, Caracas, Banco Central de

7 http://vereda.saber.ula.ve/cgi-win/be_alex.exe?Titulo=biograf%EDa+de=enrique+, p. 3. C’est nous qui soulignons. Consulté en février 2009.

8  On rappellera que Gómez gouverna de façon autoritaire au Venezuela entre 1908 et 1935.

9  http://vereda.saber.ula.ve/cgi-win/be_alex.exe?Titulo=biograf%EDa+de=enrique+, op.cit. : « La Conquista no concluye en el siglo XVII. Ni la Colonia

10  Antonio Benítez Rojo, La isla que se repite, Barcelona, Editorial Casiopea, 1998 (1989, Ediciones del Norte).

11  Selon Guillermo Morón, Historia de Venezuela - La creación del territorio, Caracas, Italgráfica,1971, Cubagua a été le premier centre historique

12  Cubagua – La Galera de Tiberio, prologue de Domingo Miliani, la Habana, Casa de las Américas, 1978, p. 28 : « Toda la fisonomía de la isla estaba

13  Luis Leal, El realismo mágico en la literatura hispanoamericana. Cuadernos Americanos. n° 4, julio-agosto, 1967, p. 230-235 (p. 233) : « […] lo

14 « La trama de Cubagua puede resumirse en pocas palabras. Llega a Margarita (isla mayor de Venezuela) el ingeniero de minas Ramón Leiziaga, graduado

15  Entre Colombie, Cuba et Panama, après que Núñez travaille à Margarita en 1925 pour s’occuper du journal El Heraldo de Margarita.

16  Cubagua est une œuvre qui a été publiée quatre fois du vivant de Núñez, puis à la Casa de las Américas en 1978 et à la Biblioteca Ayacucho en 1987

17  Le roman Las lanzas coloradas, Madrid, Editorial Zeus, 1931, a été écrit à Paris entre 1929 et 1930. Il a pour contexte la Guerre d’Indépendance.

18  Cet ouvrage met en scène le conflit Civilisation/Barbarie si prégnant dans la littérature hispano-américaine depuis sa formalisation par l’

19  Cubagua, op. cit., p. 25 : « Leiziaga se inclinó de nuevo sobre el plano de Nueva Cádiz. Después se le ocurrió un pensamiento que le hizo reír. ¿

20  Voir à ce propos mon article : « À propos de la réécriture des mythes dans Cubagua de Enrique Bernardo Núñez », Journées d’étude du SAL, 13 et 14

21  http://vereda.saber.ula.ve/cgi-win/be_alex.exe?Titulo=biograf%EDa+de=enrique+,op. cit. : « Hay, en realidad, una historia no escrita, o que está

22 Cf. Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Principes de la philosophie du droit, Paris, Vrin, 1993 (1821). Cette critique de l’historicisme sera développée

23  En 1956, Edouard Glissant publie un premier essai, Soleil de la conscience, dont le titre fait penser au premier roman de Núñez : Sol interior (

24  Déjà en 1969 dans L’Intention poétique, Paris, Seuil, coll. « Pierres vives », 1969, p. 38-39, Édouard Glissant écrivait : « [...] Si je veux

25  Selon Hegel, dans La raison dans l’histoire, Paris, Union générale d’éditions, 1979, il ne s’est rien passé au plan historique en Afrique noire

26  Cf. Edmundo O’Gorman, L’invention de l’Amérique – Recherche au sujet de la structure historique du Nouveau Monde et du sens de son devenir, Québec

27  Alejo Carpentier, Razón de ser, La Habana, Editorial Letras Cubanas, 1980, p. 32 : « […] leyenda de Amalivaca, el Noé del Orinoco, que lo señala

28  Alejo Carpentier, Losadvertidos, in Guerre du temps, Paris, Gallimard, 1967.

29  Michel Foucault, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969 et L’Ordre du discours, Paris, Gallimard, 1971.

30  Les critiques contre le positivisme sont d’une virulente ironie dans Cubagua.

31  La Bible propose aussi dans l’Ancien Testament une vision non linéaire comme dans l’Ecclésiaste.

32  Carlos Fuentes, La nueva novela hispanoamericana, México, Editorial Joaquín Mortiz-Planeta, 1997 (1969), p. 95-96 : « Re-inventar la historia

33  La nueva novela hispanoamericana, op. cit., p. 24 : « Pienso que es más cercano a la verdad entender, en primera instancia, el conflicto de la

34  Uslar Pietri précise que tout se joue dans les années 1930 (et pas dans les années 1940 comme cela est souvent dit). On citera en guise d’exemple

35  Arturo Uslar Pietri, Godos, insurgentes y visionarios, Barcelona, Seix Barral, 1986, p. 138-139 : « Detrás vendrían los creadores de esa extraña

36  Plus tard, Michel de Certeau montrera dans L’écriture de l’histoire, Paris, Gallimard, 1975, que l’histoire est écriture, écriture en miroir qui

37  http://vereda.saber.ula.ve/cgi-win/be_alex.exe?Titulo=biograf%EDa+de=enrique+, op. cit. : « La Conquista fue funesta, porque ahogó en su cuna al

38  Qui accompagnent notamment la consolidation du capitalisme.

39  Une histoire conçue jusqu’ici comme allant dans le sens de l’Europe selon l’historicisme de Hegel.

40  Cubagua, op. cit., p. 104 : « que la realidad, como la luna, siempre nos muestra un sólo lado ».

41  Bajo el samán, op. cit., p. 73.

42  Rafael Gutierrez Girardot, « El tema de la naturaleza en la literatura hispanoamericana », Eco, Bogotá, avril-juin 1978, p. 888-896, (p. 894) : « 

43  La maravilla (du latin mirabilia), choses admirables opposées aux naturalia. Traditionnellement, le merveilleux, c’est l’intervention de dieux, de

44  Edmundo O’ Gorman, L’invention de l’Amérique – Recherche au sujet de la structure historique du Nouveau Monde et du sens de son devenir, Québec

45  Douglas Bohórquez Rincón, Escritura, Memoria y Utopía en Enrique Bernardo Núñez, Caracas, Ediciones la Casa de Bello, 1990, introduction, p. 12 :

46  Escritura, Memoria y Utopía en Enrique Bernardo Núñez, op. cit., p. 13.

47 Idem : « El latido y el pulso de un continente que busca su identidad a través de la conquista de un nuevo discurso literario […] ».

48  Op. cit., p. 32.

49  Op. cit.; p. 33 : « realismo monológico, costumbrista, romántico-criollista, etc. ».

50  Arturo Uslar Pietri, « Realismo mágico », Godos, insurgentes y visionarios, op. cit., p. 137-140. Aussi, comme le remarque Arturo Uslar Pietri, « 

51 Víctor Alarcón, « El símbolo de lo fantástico. Cubagua como novela de transgresión », Mitologías hoy, n°5, été 2012, p. 96-106.

52  Intrusion du naturel dans un récit réaliste. La peur y est souvent présente. Comme dans le réalisme magique, les faits surnaturels sont considérés

53  Irlemar Chiampi, El realismo maravilloso, op. cit., p. 87 : « El análisis de la modernidad del realismo maravilloso debe empezar necesariamente

54  Cité par Rodrigo Suárez Pemjean, La estructura mítica del viaje del héroe en Cubagua y su relación con la nueva novela histórica, Santiago, Chili

55  http://vereda.saber.ula.ve/cgi-win/be_alex.exe?Titulo=biograf%EDa+de=enrique+, op. cit. : « Hay una historia que está por reescribirse ».

56  Carlos Fuentes, La nueva novela hispanoamericana, op. cit., p. 30.

57  Après l’affirmation de Césaire dans Cahier d’un retour au pays natal, Paris, Présence Africaine, 1956 : « Que de sang dans ma mémoire ! Dans ma

58  Gérard Genette, Figure III, Paris, Seuil, 1972.

59  Édouard Glissant, Introduction à une poétique du divers, Paris, Gallimard, 1996, p. 104 : « c’est dans les œuvres littéraires que l’approche de la

60  Édouard Glissant, Glissant explique sa notion de la digenèse, au micro de François Noudelmann (Les Vendredis de la philosophie, France Culture

61  Édouard Glissant, Une nouvelle région du monde, Paris, Gallimard, 2006 : « Les sociétés composites génèrent elles aussi et peu à peu des pensées

62  Ce texte se répandit vite dans le monde hispanique grâce à sa traduction en 1927 dans la Revista de Occidente.

63  Enrique Bernardo Núñez, Cacao, « Ensayo sobre la obra literaria de Enrique Bernardo Núñez » de Orlando Araujo, op. cit., p. 39. Orlando Araujo en

64  Alejo Carpentier, Ensayos, México, Siglo XXI, 1990.

65  On relève de nouveau lien avec Edouard Glissant et sa poétique de la Relation.

66  Il importe de rappeler que selon la mythologie indigène, Amalivaca et Vocchi auraient créé les hommes à partir du fruit du palmier moriche.

67  Cubagua, op. cit., p. 59 : « Murmullos inmensos, reflejos maravillosos se filtraban a través de las selvas. En torno de Nila flotaban las

68  La nueva novela hispanoamericana, op. cit., p. 30.

69  Cubagua, op.cit., p. 100 : « Todo estaba como hace cuatrocientos años ».

70  Teodosio Fernández, « Lo real maravilloso de América y la literatura fantástica », Teorías de lo fantástico, D. Roas (dir.), Madrid, Arco/libros

71  Cf. Mircea Eliade, Le mythe de l’éternel retour, Paris, Gallimard, 1949.

72  Or, comme le rappelle Roger Toumson « île » et « Amérique » ont longtemps été synonymes, car toute terre nouvelle était considérée comme une île

73  Du vivant de Núñez, toutes les éditions de Cubagua ont conservé la fin où Leiziaga se rend en Orénoque, alors que son choix final (en 1959) était

74  Escritura, Memoria y Utopía en Enrique Bernardo Núñez, op. cit., p. 62 : « Esta […] superación de la noción lineal de una historia y un tiempo

75  Alejandro Bruzual, https://www.mysciencework.com/…/narrativas-contaminadas-tres-novelas-la..., consulté le 9 mai 2014, p. 283 : « […] se busca

76  Alors qu’il est plutôt coutume de considérer qu’il y eut au Venezuela des avant-gardes tardives par rapport à d’autres pays d’Amérique du Sud.

77  À l’instar de Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1978, on considère que de façon générale tout destinataire

78  Michel de Certeau, L’invention du quotidien, 1-Arts de faire, Paris, Gallimard, 1990.

79  Alexis Márquez Rodríguez, La obra narrativa de Alejo Carpentier, Caracas, Universidad Central de Venezuela, 1970, p. 9.

80  « Il est impossible de penser -sérieusement- avec des mots comme Classicisme, Romantisme, Humanisme, Réalisme… On ne s’enivre ni ne se désaltère

81  Alejo Carpentier, « Un camino de medio siglo », Razón de ser. Ensayos, La Habana, Letras Cubanas, 1984, p. 98 : « Hay una asignatura que tengo que

82 Rufino Blanco Fombona, Viaje al alto Orinoco, Las novelas de dos años, Rufino Blanco Fombona Intimo, selección y prólogo de Ángel Rama, Caracas

83  De plus, on l’a rappelé, ce qui fut considéré comme le manifeste du Réel merveilleux est publié pour la première fois en 1948 dans un quotidien de

84  Enrique Bernardo Núñez, Orinoco, Caracas, Élite, 1945; Cubagua, novela. Orinoco (capítulo de una historia de este río), Caracas, Ministerio de

85  Uslar Pietri a aussi écrit sur l’Eldorado.

86  Alejo Carpentier, Los pasos perdidos, Madrid, Cátedra, 1985, p. 114. Benito Pelegrín, « Temps pressé, temps oppressé dans Los pasos perdidos d’

87 « La tierra venezolana fue para mí como toma de contacto con el suelo de América, y meterme en sus selvas conocer el cuarto día de la creación ».

88 Alejo Carpentier, « Confesiones sencillas de un escritor barroco » (entrevista con César Leante), Homenaje a Alejo Carpentier, 1970, p. 21, cité

89 Cubagua, op. cit., p. 63 : « ¿Has comprendido, Leiziaga, todo lo que ha pasado aquí? ¿Interpretas ahora este silencio? ».

90  Op. cit., p. 30 : « En la espuma como en la niebla y el silencio hay imágenes fugitivas. Son tan ligeras en su eternidad que apenas podemos

91  Op. cit., p. 4-5 : « Pero hay el silencio y la soledad. Existen las serranías sobrepasándose siempre, y los horizontes. En todo esto hay imágenes.

92  Alejo Carpentier, De lo real maravilloso americano, 1967, cité dans Magias y maravillas, op. cit., p. 40 : « Vi la posibilidad de establecer

93  Conversaciones con Alejo Carpentier, op. cit., p. 117.

94  Magias y maravillas, op. cit., p. 41: « El tiempo de ayer en hoy, es decir, un ayer significado presente en un hoy significante ».

95  Alejo Carpentier, « Confesiones sencillas de un autor barroco », op. cit. , p. 27 : « América es el único continente donde distintas edades

96  Cubagua, op. cit., p. 57 : « Tres días, quinientos años, segundos acaso que se alejan y vuelven dando tumbos en un sueño, en la luz de días

97  Magias y maravillas, op. cit., p. 41.

98  Faudrait-il traduire par « kayali » (Butorides virescens) selon le vocabulaire des Antilles françaises ?

99  Alejo Carpentier, El reino de este mundo, México, General de ediciones (Colección Ideas, Letras y Vida), 1973 (1967), p. 18, http://es.slideshare.

100  La statue de Vénus de El reino de este mundo rappelle ô combien celle de Diane chasseresse dans Cubagua.

101  Alejo Carpentier, « Lo barroco y lo real maravilloso », La novela latinoamericana en vísperas de un nuevo siglo y otros ensayos, México, Siglo

102 Alejo Carpentier, Los pasos perdidos, México, Iberoamericana de publicaciones, 1953, p. 207 : « Yo me había divertido, ayer, con figurarme que

103  On peut aussi souligner le lien musical entre l’œuvre d’A. Carpentier et celle de Núñez. Le chapitre central : El areito, présente un rituel

104  Charles Scheel, « D’Anatole France à Marcel Aymé : le réalisme magique », Littératures contemporaines n° 5, numéro spécial Marcel Aymé (textes

105 En 1992, Lasarte considéra Cubagua comme la « máxima expresión de las posibilidades de la vanguardia narrativa en Venezuela » : « la plus grande

106  José Balza, Espejo espeso, Caracas, Equinoccio, Edicionesde la Universidad Simón Bolívar, 1997, p. 68 : « un adelantado de aquello que Irlemar

107  Cubagua, op. cit., p. 18 :« hacía pensar en aquella gente tan pobre y tan fecunda » pour lequel il souligne le « contraste permanente entre la

108  Op. cit. :« El mundo se hace y deshace de nuevo. Las ciudades se levantan sobre las selvas y éstas cubren después las ciudades ».

109 Il est clair que, vu sa grande culture, Alejo Carpentier s’inspire à la fois de modèles hispano-américains et européens, notamment par ses

110  Alejo Carpentier, Ensayos, Mexico, Siglo XXI, 1990, p. 193 : « […] nosotros, novelistas de América latina, los testigos, cronistas e intérpretes

111  Enrique Bernardo Núñez, vu l’extraordinaire richesse novatrice de son écriture, mérite en effet de faire partie de ces auteurs « classiques ». On

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1  On n’oubliera pas toutefois la figure majeure de Miguel Ángel Asturias qui intègre dès 1930 dans Leyendas de Guatemala les mythes indiens à la réalité quotidienne et qui fut donc un défenseur du merveilleux maya-quiché. Arturo Uslar Pietri utilise l’expression « réalisme magique » en 1948, à propos du conte vénézuélien des années 30-40, dans  Letras y Hombres de Venezuela, México, Fondo de Cultura Económica, p. 162 : « Lo que vino a predominar en el cuento y a marcar su huella de una manera perdurable fue la consideración del hombre como misterio en medio de los datos realistas. Una adivinación poética o una negación poética de la realidad. Lo que a falta de otra palabra podría llamarse un realismo mágico ». Uslar Pietri pourra avoir entendu cette expression de par ses contacts avec Massimo Bontempelli à Paris et en Italie à la fin des années 1920. Voir Irlemar Chiampi, El realismo maravilloso, Forma e ideología en la novela hispanoamericana, Caracas, Monte Ávila Editores, 1983, note 6, p. 33.

2  Ramón Chao, Conversaciones con Alejo Carpentier, Madrid, Alianza Editorial, 1985, p. 147 : « Venezuela […] es una especie de compendio telúrico de América ».

3  Tant pour le réalisme magique que pour le réel merveilleux, étant entendu que l’on considère qu’une nuance existe de par un « marquage » présent (réalisme magique) ou absent (réel merveilleux) de la reconnaissance des frontières, entre réel et merveilleux/magie, même si on ne développera pas cet aspect ici.

4  Enrique Bernardo Núñez, Bajo el samán, « La verdad », Caracas, Tip. Vargas, 1963, p. 81.

5  Núñez fonda aussi des journaux, comme à Valence avec son ami Bello Torres, avec un journal au nom en quelque sorte paradigmatique de sa pensée, intitulé : Résonances du passé.

6  Enrique Bernardo Núñez, Cacao, « Ensayo sobre la literatura de Enrique Bernardo Núñez », Prologue de Orlando Araujo, Caracas, Banco Central de Venezuela, 1972, p. 22-87, (p. 23) : «  […] se trata de un escritor de profundas vertientes, con una concepción rigurosa de su oficio y con sentido totalizador de la literatura y de la historia […]».

7 http://vereda.saber.ula.ve/cgi-win/be_alex.exe?Titulo=biograf%EDa+de=enrique+, p. 3. C’est nous qui soulignons. Consulté en février 2009.

8  On rappellera que Gómez gouverna de façon autoritaire au Venezuela entre 1908 et 1935.

9  http://vereda.saber.ula.ve/cgi-win/be_alex.exe?Titulo=biograf%EDa+de=enrique+, op.cit. : « La Conquista no concluye en el siglo XVII. Ni la Colonia propiamente dicha finaliza en la Independencia. Fluye de todo esto una permanente actualidad. La historia contemporánea nos hace volver los ojos hacia la plenitud de estos términos. Conquista, Colonización e Independencia. Son tres etapas que se prolongan hasta nuestros días. Se diría que todo nuestro pasado fuese presente ».

10  Antonio Benítez Rojo, La isla que se repite, Barcelona, Editorial Casiopea, 1998 (1989, Ediciones del Norte).

11  Selon Guillermo Morón, Historia de Venezuela - La creación del territorio, Caracas, Italgráfica, 1971, Cubagua a été le premier centre historique du Venezuela.

12  Cubagua – La Galera de Tiberio, prologue de Domingo Miliani, la Habana, Casa de las Américas, 1978, p. 28 : « Toda la fisonomía de la isla estaba en aquel rostro ».

13  Luis Leal, El realismo mágico en la literatura hispanoamericana. Cuadernos Americanos. n° 4, julio-agosto, 1967, p. 230-235 (p. 233) : « […] lo principal no es la creación de seres o mundos imaginados, sino el descubrimiento de la misteriosa relación que existe entre el hombre y su circunstancia ».

14 « La trama de Cubagua puede resumirse en pocas palabras. Llega a Margarita (isla mayor de Venezuela) el ingeniero de minas Ramón Leiziaga, graduado en Harvard, enviado por el Ministerio de Fomento a supervisar los recursos minerales de la zona. Poco después, viaja a la isla vecina de Cubagua y, al participar en un rito indígena (el areíto), vive allí el momento de la otra historia. Al día siguiente, interfiere en una pesca ilegal de perlas, las roba para sí y, como consecuencia de ello, es hecho preso a su regreso a Margarita. En uno de los dos finales que se conocen de la novela, Leiziaga se escapa e interna en el Orinoco, mientras que en la variante que parece ser la decisión final del autor, vuelve a Cubagua », in: Alejandro Bruzual, Aires de tempestad - Narrativas contaminadas en Latinoamérica, Caracas, La Alborada, Celarg, 2012, p. 115-116.

15  Entre Colombie, Cuba et Panama, après que Núñez travaille à Margarita en 1925 pour s’occuper du journal El Heraldo de Margarita.

16  Cubagua est une œuvre qui a été publiée quatre fois du vivant de Núñez, puis à la Casa de las Américas en 1978 et à la Biblioteca Ayacucho en 1987. Toutes les citations seront tirées de l’édition de Cubagua - La galera de Tiberio, La Habana, Casa de las Américas, 1978. Les traductions en français sont proposées par l’auteure de cet article.

17  Le roman Las lanzas coloradas, Madrid, Editorial Zeus, 1931, a été écrit à Paris entre 1929 et 1930. Il a pour contexte la Guerre d’Indépendance.

18  Cet ouvrage met en scène le conflit Civilisation/Barbarie si prégnant dans la littérature hispano-américaine depuis sa formalisation par l’Argentin Sarmiento.

19  Cubagua, op. cit., p. 25 : « Leiziaga se inclinó de nuevo sobre el plano de Nueva Cádiz. Después se le ocurrió un pensamiento que le hizo reír. ¿Sería acaso él acaso el mismo Lampugnano? Cálice, Ocampo, Cedeño. Es curioso. Recordó este aviso en el camino de La Asunción a Juan Griego: ‘Diego Ordaz-Detal de licores’. Los mismos nombres. ¿Y si fueran, en efecto, los mismos? ».

20  Voir à ce propos mon article : « À propos de la réécriture des mythes dans Cubagua de Enrique Bernardo Núñez », Journées d’étude du SAL, 13 et 14 mars 2009, www.crimic.paris-sorbonne.fr/actes/sal4/bertin.pdf. Cette écriture et réécriture des mythes peut être vue comme potens, dans le sens de possibilité infinie que lui donne Lezama Lima.

21  http://vereda.saber.ula.ve/cgi-win/be_alex.exe?Titulo=biograf%EDa+de=enrique+, op. cit. : « Hay, en realidad, una historia no escrita, o que está por escribirse. Una historia inspirada en los grandes ríos, las llanuras y cordilleras, obra de un pueblo fuerte y numeroso. Una historia sin mentalidad colonial, aunque con ímpetu colonizador. En esa historia el Orinoco vendría a ser como el Nilo para los egipcios y Venezuela el don del río ».

22 Cf. Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Principes de la philosophie du droit, Paris, Vrin, 1993 (1821). Cette critique de l’historicisme sera développée notamment par Karl Popper, Misère de l’historicisme, Paris, Plon, 1955. Voir également Karl Korsch, « Thèses sur Hegel et la révolution », in Marxisme et philosophie, Paris, Minuit, 1964.

23  En 1956, Edouard Glissant publie un premier essai, Soleil de la conscience, dont le titre fait penser au premier roman de Núñez : Sol interior (1920).

24  Déjà en 1969 dans L’Intention poétique, Paris, Seuil, coll. « Pierres vives », 1969, p. 38-39, Édouard Glissant écrivait : « [...] Si je veux comprendre mon état au monde, je vois que ce n’est pas pour le malicieux plaisir de contredire après coup Hegel, ni pour prendre sur lui une naïve revanche que je tends à fouiller mon histoire : il faut que je rattrape à l’instant ces énormes étendues de silence où mon histoire s’est égarée ».

25  Selon Hegel, dans La raison dans l’histoire, Paris, Union générale d’éditions, 1979, il ne s’est rien passé au plan historique en Afrique noire, mis à part « une suite d’accidents, de faits surprenants », p. 249.

26  Cf. Edmundo O’Gorman, L’invention de l’Amérique – Recherche au sujet de la structure historique du Nouveau Monde et du sens de son devenir, Québec, Les Presses de l’Université de Laval, 2007 (1958).

27  Alejo Carpentier, Razón de ser, La Habana, Editorial Letras Cubanas, 1980, p. 32 : « […] leyenda de Amalivaca, el Noé del Orinoco, que lo señala Humboldt y que lo dejó asombrado (Amalivaca es el héroe de una leyenda idéntica a la del Diluvio) […] ».

28  Alejo Carpentier, Los advertidos, in Guerre du temps, Paris, Gallimard, 1967.

29  Michel Foucault, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969 et L’Ordre du discours, Paris, Gallimard, 1971.

30  Les critiques contre le positivisme sont d’une virulente ironie dans Cubagua.

31  La Bible propose aussi dans l’Ancien Testament une vision non linéaire comme dans l’Ecclésiaste.

32  Carlos Fuentes, La nueva novela hispanoamericana, México, Editorial Joaquín Mortiz-Planeta, 1997 (1969), p. 95-96 : « Re-inventar la historia, arrancarla de la épica y transformarla en personalidad, humor, lenguaje, mito […] ».

33  La nueva novela hispanoamericana, op. cit., p. 24 : « Pienso que es más cercano a la verdad entender, en primera instancia, el conflicto de la literatura hispanoamericana en relación con ciertas categorías concretas del quehacer literario o, mejor aún, como la conquista de esas categorías, tradicionalmente ausentes en nuestra narrativa : mitificación, alianza de imaginación y crítica, ambigüedad, humor y parodia, personalización. Que, al cabo, este haz de categorías culmine en un nuevo sentido de historicidad y de lenguaje es lo que me propongo demostrar en las notas dedicadas a Vargas Llosa, Carpentier, García Márquez y Cortázar ».

34  Uslar Pietri précise que tout se joue dans les années 1930 (et pas dans les années 1940 comme cela est souvent dit). On citera en guise d’exemple l’incipit de Magias y maravillas en el continente literario –Para un deslinde del realismo mágico y lo real maravilloso de Victor Bravo, Caracas, La Casa de Bello, 1988, p. 13 : « ’Realismo mágico’ y ‘real maravilloso’ designan, desde la década del cuarenta, de manera apasionada y confusa, la parte más relevante de la narrativa latinoamericana que, desde esa década, se escribe ».

35  Arturo Uslar Pietri, Godos, insurgentes y visionarios, Barcelona, Seix Barral, 1986, p. 138-139 : « Detrás vendrían los creadores de esa extraña mezcla de ficción, realidad y poesía que he llamado realismo mágico. Fue el caso insigne de Asturias, Carpentier y algunos otros que por los años 30 iniciaron un nuevo lenguaje y nueva visión que no era otra cosa que la aceptación creadora de una vieja realidad oculta y menospreciada. De Las leyendas de Guatemala a Los pasos perdidos y a la larga serie de nuevos novelistas criollos hay un regreso, que más que regreso es un descubrimiento de la mal vista complejidad cultural de la América hispánica. Esa nueva revelación se desarrolla y diversifica en grandes escritores que van desde Borges hasta García Márquez. Nada ha inventado García Márquez, simplemente se atrevió a transcribir lo que diariamente había vivido en su existencia en la costa colombiana del Caribe ».

36  Plus tard, Michel de Certeau montrera dans L’écriture de l’histoire, Paris, Gallimard, 1975, que l’histoire est écriture, écriture en miroir qui renvoie au présent.

37  http://vereda.saber.ula.ve/cgi-win/be_alex.exe?Titulo=biograf%EDa+de=enrique+, op. cit. : « La Conquista fue funesta, porque ahogó en su cuna al genio americano. Los recién llegados reproducen la organización de la patria lejana. El mundo que se traslada a estas Indias se ofrece de modo más patente en las páginas realistas de la literatura española que ceñido con el pomposo manto de la historia oficial ».

38  Qui accompagnent notamment la consolidation du capitalisme.

39  Une histoire conçue jusqu’ici comme allant dans le sens de l’Europe selon l’historicisme de Hegel.

40  Cubagua, op. cit., p. 104 : « que la realidad, como la luna, siempre nos muestra un sólo lado ».

41  Bajo el samán, op. cit., p. 73.

42  Rafael Gutierrez Girardot, « El tema de la naturaleza en la literatura hispanoamericana », Eco, Bogotá, avril-juin 1978, p. 888-896, (p. 894) : « La ‘intrahistoria’ de Hispanoamérica es lo ‘real maravillosamente americano’, la Naturaleza mágica, el mito ».

43  La maravilla (du latin mirabilia), choses admirables opposées aux naturalia. Traditionnellement, le merveilleux, c’est l’intervention de dieux, de démons ou d’anges, de génies et de fées dans l’action.

44  Edmundo O’ Gorman, L’invention de l’Amérique – Recherche au sujet de la structure historique du Nouveau Monde et du sens de son devenir, Québec, Les Presses de l’Université de Laval, 2007 (1958).

45  Douglas Bohórquez Rincón, Escritura, Memoria y Utopía en Enrique Bernardo Núñez, Caracas, Ediciones la Casa de Bello, 1990, introduction, p. 12 : « un nuevo espacio literario, una escritura, un nuevo horizonte y expectativa de la forma novelesca en el contexto de nuestra literatura ».

46  Escritura, Memoria y Utopía en Enrique Bernardo Núñez, op. cit., p. 13.

47 Idem : « El latido y el pulso de un continente que busca su identidad a través de la conquista de un nuevo discurso literario […] ».

48  Op. cit., p. 32.

49  Op. cit.; p. 33 : « realismo monológico, costumbrista, romántico-criollista, etc. ».

50  Arturo Uslar Pietri, « Realismo mágico », Godos, insurgentes y visionarios, op. cit., p. 137-140. Aussi, comme le remarque Arturo Uslar Pietri, « même pour les Hispano-américains, c’était comme une redécouverte de leur situation culturelle […] Le monde créole est empli de magie dans le sens d’éléments inhabituels et étranges. La pleine récupération de cette réalité a été l’élément fondamental qui a donné à la littérature hispano-américaine son originalité et sa reconnaissance mondiale ».

51 Víctor Alarcón, « El símbolo de lo fantástico. Cubagua como novela de transgresión », Mitologías hoy, n°5, été 2012, p. 96-106.

52  Intrusion du naturel dans un récit réaliste. La peur y est souvent présente. Comme dans le réalisme magique, les faits surnaturels sont considérés comme normaux. Ce type de récit relève alors plus du merveilleux et non du fantastique. À Buenos Aires, en 1931, est créée la revue Sur avec pour collaborateur J. L. Borges. José Balza évoque la « geología fantástica » de Cubagua dans Espejo espeso, Caracas, Equinoccio, Ediciones de la Universidad Simón Bolívar, 1997, p. 68. Le terme « géologie », par son lien avec ce qui est enfoui dans la terre, peut renvoyer au « secret de la terre » énoncé par Núñez et donne de fait une tout autre dimension à l’adjectif « fantastique ».

53  Irlemar Chiampi, El realismo maravilloso, op. cit., p. 87 : « El análisis de la modernidad del realismo maravilloso debe empezar necesariamente por la confrontación de sus mecanismos de cuestionamiento de la enunciación con los de ocultamiento de la voz generadora del texto, peculiar del realismo tradicional ».

54  Cité par Rodrigo Suárez Pemjean, La estructura mítica del viaje del héroe en Cubagua y su relación con la nueva novela histórica, Santiago, Chili, 2006, http://www.cybertesis.cl/tesis/uchile/2006/suarez_r/html, p.  16 : « En la capilla había un altar roto, de ladrillos, que hice refaccionar para poner libros y papeles, y en el suelo, contra la pared, una lápida sepulcral, también rota. Allí leía la crónica de fray Pedro de Aguado, hallado por azar entre los pocos libros del Colegio de la Asunción, en la cual se narra la historia de Cubagua. Nombres, personas, cosas, ruinas, soledades, venían a ser como un eco del tiempo pasado. Aquellas imágenes acudieron a mi memoria, y ese fue el origen de mi librito, simple relato donde sí hay, como en La galera de Tiberio, elementos de ficción y realidad ». À la chronique de fray Pedro de Aguado, le critique Domingo Miliani ajoute le recours à La Historia del Mundo Nuevo (1547) de Girolamo Benzoni.

55  http://vereda.saber.ula.ve/cgi-win/be_alex.exe?Titulo=biograf%EDa+de=enrique+, op. cit. : « Hay una historia que está por reescribirse ».

56  Carlos Fuentes, La nueva novela hispanoamericana, op. cit., p. 30.

57  Après l’affirmation de Césaire dans Cahier d’un retour au pays natal, Paris, Présence Africaine, 1956 : « Que de sang dans ma mémoire ! Dans ma mémoire sont des lagunes ».

58  Gérard Genette, Figure III, Paris, Seuil, 1972.

59  Édouard Glissant, Introduction à une poétique du divers, Paris, Gallimard, 1996, p. 104 : « c’est dans les œuvres littéraires que l’approche de la totalité monde se dessine d’abord ».

60  Édouard Glissant, Glissant explique sa notion de la digenèse, au micro de François Noudelmann (Les Vendredis de la philosophie, France Culture, 2003) : « le Monde Amérique naît des convulsions de l’histoire et a adopté les créations du monde des autres. La mise en contact des cultures ataviques dans les espaces de la colonisation a donné naissance par endroits à des cultures et sociétés composites, qui n’ont pas généré de Genèse, adoptant les Mythes de Création venus d’ailleurs».

61  Édouard Glissant, Une nouvelle région du monde, Paris, Gallimard, 2006 : « Les sociétés composites génèrent elles aussi et peu à peu des pensées de leur création, qu’on pourrait rassembler sous le nom de digenèses nourries des certitudes des sciences humaines et ce sont des tentatives de synthèse à partir de toutes les convergences historiques envisageables ».

62  Ce texte se répandit vite dans le monde hispanique grâce à sa traduction en 1927 dans la Revista de Occidente.

63  Enrique Bernardo Núñez, Cacao, « Ensayo sobre la obra literaria de Enrique Bernardo Núñez » de Orlando Araujo, op. cit., p. 39. Orlando Araujo en dit ceci : « Incluye como el enigma originario a descifrar, el planteado por el choque y la confluencia de hombres y mitos extranjeros con mitos y hombres autóctonos y que una fuerza telúrica, no visible al ojo superficial, viene escondiendo a lo largo y ancho de cuatro y medio siglos. Es el secreto de la tierra, expresión usada por los conquistadores cuando, ante el silencio y las vastas soledades de América, sobrecogidos por el misterio de los nuevos dioses, padecían la nostalgia de su civilización y se abismaban, con callado terror metafísico, hacia ese mundo desconocido e informe que los atraía y los devoraba para seguir formándose ».

64  Alejo Carpentier, Ensayos, México, Siglo XXI, 1990.

65  On relève de nouveau lien avec Edouard Glissant et sa poétique de la Relation.

66  Il importe de rappeler que selon la mythologie indigène, Amalivaca et Vocchi auraient créé les hommes à partir du fruit du palmier moriche.

67  Cubagua, op. cit., p. 59 : « Murmullos inmensos, reflejos maravillosos se filtraban a través de las selvas. En torno de Nila flotaban las canciones aprendidas en los morichales de las viejas que guardaron su niñez. Los remeros repetían palabras saludadoras que vuelven dóciles a las serpientes e influyen en la virtud de una piedra en el corazón. Palabras refulgentes y misteriosas, luciérnagas ».

68  La nueva novela hispanoamericana, op. cit., p. 30.

69  Cubagua, op.cit., p. 100 : « Todo estaba como hace cuatrocientos años ».

70  Teodosio Fernández, « Lo real maravilloso de América y la literatura fantástica », Teorías de lo fantástico, D. Roas (dir.), Madrid, Arco/libros, 2001, p. 283-297. Voir aussi Tzvetan Todorov, Introduction à la littérature fantastique, Paris, Seuil, 1970.

71  Cf. Mircea Eliade, Le mythe de l’éternel retour, Paris, Gallimard, 1949.

72  Or, comme le rappelle Roger Toumson « île » et « Amérique » ont longtemps été synonymes, car toute terre nouvelle était considérée comme une île, d’où le fait que « le continent [soit] alors absent de la géographie de l’imaginaire européen de l’ailleurs », L’utopie perdue des îles d’Amérique, Paris, Champion, 2014, p. 34.

73  Du vivant de Núñez, toutes les éditions de Cubagua ont conservé la fin où Leiziaga se rend en Orénoque, alors que son choix final (en 1959) était de le ramener à Cubagua. Voir Alejandro Bruzual, Aires de tempestad, op. cit.

74  Escritura, Memoria y Utopía en Enrique Bernardo Núñez, op. cit., p. 62 : « Esta […] superación de la noción lineal de una historia y un tiempo sucesivos convierte Cubagua en una obra pionera, renovadora, en cuanto a la introducción de una moderna concepción del tiempo y del espacio literarios. Núñez parece así adelantarse a esa noción de un tiempo congelado en García Márquez, de un tiempo recurrente y fluvial en Carpentier, del tiempo cíclico y utópico de Borges ».

75  Alejandro Bruzual, https://www.mysciencework.com/…/narrativas-contaminadas-tres-novelas-la..., consulté le 9 mai 2014, p. 283 : « […] se busca desordenar la literatura como continuo, armando un archipiélago de manifestaciones en tensión. Así, se ubican puntos de discontinuidad y fragmentación de las certezas dominantes, permitiendo afirmar otro sentido de la creación como acto renovable, extremo, capaz de imaginar soberanías posibles y formas de interpelación social que –intuimos– siguen vigentes en nuestro presente ».

76  Alors qu’il est plutôt coutume de considérer qu’il y eut au Venezuela des avant-gardes tardives par rapport à d’autres pays d’Amérique du Sud.

77  À l’instar de Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1978, on considère que de façon générale tout destinataire peut actualiser à chaque lecture tout texte.

78  Michel de Certeau, L’invention du quotidien, 1-Arts de faire, Paris, Gallimard, 1990.

79  Alexis Márquez Rodríguez, La obra narrativa de Alejo Carpentier, Caracas, Universidad Central de Venezuela, 1970, p. 9.

80  « Il est impossible de penser -sérieusement- avec des mots comme Classicisme, Romantisme, Humanisme, Réalisme… On ne s’enivre ni ne se désaltère avec des étiquettes de bouteille » affirmait Paul Valéry (1871-1945). Il semblerait que Alejo pense comme lui en choisissant une terminologie sans « isme », comme pour mieux de démarquer de ce qui existait avant comme le surréalisme (et toutes les tendances européennes de catégorisation de la pensée…).

81  Alejo Carpentier, « Un camino de medio siglo », Razón de ser. Ensayos, La Habana, Letras Cubanas, 1984, p. 98 : « Hay una asignatura que tengo que aprender y esa asignatura va a ser el estudio sistemático de América ».

82 Rufino Blanco Fombona, Viaje al alto Orinoco, Las novelas de dos años, Rufino Blanco Fombona Intimo, selección y prólogo de Ángel Rama, Caracas, Monte Ávila Editores, 1975, p. 69. Voir aussi : Viera Bubcova, « Los pasos significantes », Recopilación de textos sobre Alejo Carpentier, Salvador Arias (dir.), La Habana, Casa de las Américas, 1977, p. 344, cité par Guiseppe Bellini, Historia de la literatura hispanoamericana, Madrid, Editorial Castalia,1985, note 3, p. 18.

83  De plus, on l’a rappelé, ce qui fut considéré comme le manifeste du Réel merveilleux est publié pour la première fois en 1948 dans un quotidien de Caracas : El Nacional (puis réédité à Mexico en 1949) et ce la même année où Arturo Uslar Pietri utilise le terme de « réalisme magique » dans Letras y hombres de Venezuela à propos du conte vénézuélien : « Lo que vino a predominar […] y a marcar su huella de una manera perdurable fue la consideración del hombre como misterio en medio de los datos realistas. Una adivinación poética o una negación poética de la realidad. Lo que, a falta de otra palabra, podría llamarse un realismo mágico ». Et lorsque Alejo Carpentier donne une conférence intitulée « Lo barroco y lo real maravilloso » en 1975, c’est à l’Ateneo de Caracas, soit toujours la présence du Venezuela aux moments-clés des évolutions de la pensée de cet auteur.

84  Enrique Bernardo Núñez, Orinoco, Caracas, Élite, 1945; Cubagua, novela. Orinoco (capítulo de una historia de este río), Caracas, Ministerio de Educación, Dirección de Cultura, 1947 (3ª ed.).

85  Uslar Pietri a aussi écrit sur l’Eldorado.

86  Alejo Carpentier, Los pasos perdidos, Madrid, Cátedra, 1985, p. 114. Benito Pelegrín, « Temps pressé, temps oppressé dans Los pasos perdidos d’Alejo Carpentier », Passage du temps : ordre de la transition, Paris, PUF, 1983, p. 169 : « […] estaban operando en mí una especie de regreso aún vacilante pero ya sensible, a un equilibrio perdido hacía mucho tiempo ».

87 « La tierra venezolana fue para mí como toma de contacto con el suelo de América, y meterme en sus selvas conocer el cuarto día de la creación ».

88 Alejo Carpentier, « Confesiones sencillas de un escritor barroco » (entrevista con César Leante), Homenaje a Alejo Carpentier, 1970, p. 21, cité par Víctor Bravo, Magias y maravillas, op. cit., p. 36 : « Sentí ardientemente el deseo de expresar el mundo americano. Aún no sabía cómo. Me alentaba lo difícil de la tarea por el desconocimiento de las esencias americanas ».

89 Cubagua, op. cit., p. 63 : « ¿Has comprendido, Leiziaga, todo lo que ha pasado aquí? ¿Interpretas ahora este silencio? ».

90  Op. cit., p. 30 : « En la espuma como en la niebla y el silencio hay imágenes fugitivas. Son tan ligeras en su eternidad que apenas podemos sorprenderlas; pero en ocasiones, un sonido, una palabra u otro accidente inesperado, provoca la revelación maravillosa en el hondo misterio de las costas y serranías ».

91  Op. cit., p. 4-5 : « Pero hay el silencio y la soledad. Existen las serranías sobrepasándose siempre, y los horizontes. En todo esto hay imágenes. Se cree percibir cosas que existen o han existido. Algo que escapa a nuestros sentidos. En fin, eso que los conquistadores, cuando sentían turbada su alma en medio de las soledades, llamaban el secreto de la tierra. [...] Así, ese contorno que contemplamos nos ofrece algo más que los simples relieves de su aspecto físico y nos encontramos frente a una inteligencia; un pensamiento abandonado a la tierra ». Alejo Carpentier recherchait « l’essence américaine ».

92  Alejo Carpentier, De lo real maravilloso americano, 1967, cité dans Magias y maravillas, op. cit., p. 40 : « Vi la posibilidad de establecer ciertos sincronismos posibles, americanos recurrentes, por encima del tiempo, relacionando esto con aquello, el ayer con el presente ». Cf. Alejo Carpentier, « Problemática del tiempo y del idioma en la moderna novela latinoamericana », Escritura, n° 2, Caracas, U.C.V., juin-déc. 1976, p. 205, cité dans Magias y maravillas, op. cit., p. 41.

93  Conversaciones con Alejo Carpentier, op. cit., p. 117.

94  Magias y maravillas, op. cit., p. 41: « El tiempo de ayer en hoy, es decir, un ayer significado presente en un hoy significante ».

95  Alejo Carpentier, « Confesiones sencillas de un autor barroco », op. cit. , p. 27 : « América es el único continente donde distintas edades coexisten […] ».

96  Cubagua, op. cit., p. 57 : « Tres días, quinientos años, segundos acaso que se alejan y vuelven dando tumbos en un sueño, en la luz de días inmemoriales. Espuma ».

97  Magias y maravillas, op. cit., p. 41.

98  Faudrait-il traduire par « kayali » (Butorides virescens) selon le vocabulaire des Antilles françaises ?

99  Alejo Carpentier, El reino de este mundo, México, General de ediciones (Colección Ideas, Letras y Vida), 1973 (1967), p. 18, http://es.slideshare.net/FHEDRA/carpentier-el-reinodeestemundo : « muy pocos vieron que Mackandal, agarrado por diez soldados, era metido en el fuego, y que una llama crecida por el pelo encendido ahogaba su último grito ».

100  La statue de Vénus de El reino de este mundo rappelle ô combien celle de Diane chasseresse dans Cubagua.

101  Alejo Carpentier, « Lo barroco y lo real maravilloso », La novela latinoamericana en vísperas de un nuevo siglo y otros ensayos, México, Siglo XXI, 1981, p. 61 : « América, continente de simbiosis, de mutaciones, de vibraciones, de mestizajes, fue barroca desde siempre ».

102 Alejo Carpentier, Los pasos perdidos, México, Iberoamericana de publicaciones, 1953, p. 207 : « Yo me había divertido, ayer, con figurarme que éramos Conquistadores en busca de Manoa. Pero de súbito me deslumbra la relación de que ninguna diferencia hay entre esta misa y las misas que escucharon los Conquistadores del Dorado en semejantes lejanías. El tiempo ha retrocedido cuatro siglos. Esta es misa de Descubridores… Acaso transcurre el año 1540 ».

103  On peut aussi souligner le lien musical entre l’œuvre d’A. Carpentier et celle de Núñez. Le chapitre central : El areito, présente un rituel indigène, mélange de chants et de danses. Núñez précise : « los areítos en que se refiere la historia al son de flautas y atabales », Cubagua, op. cit., p. 5 et indique que les Indigènes : « cantaban historias de sus pasados », op. cit., p. 83.

104  Charles Scheel, « D’Anatole France à Marcel Aymé : le réalisme magique », Littératures contemporaines n° 5, numéro spécial Marcel Aymé (textes réunis par Alain Cresciucci), Éditions Klincksieck, p. 75-90, (p. 75).

105 En 1992, Lasarte considéra Cubagua comme la « máxima expresión de las posibilidades de la vanguardia narrativa en Venezuela » : « la plus grande expression des possibilités de l’avant-garde de la production littéraire au Vénézuéla ».

106  José Balza, Espejo espeso, Caracas, Equinoccio, Ediciones de la Universidad Simón Bolívar, 1997, p. 68 : « un adelantado de aquello que Irlemar Chiampi considerará como ‘realismo maravilloso’ ». Irlemar Chiampi a en effet proposé de fondre en quelque sorte les deux mouvements sous un même vocable, El realismo maravilloso, Forma e ideología en la novela hispano-americana, op. cit.

107  Cubagua, op. cit., p. 18 : « hacía pensar en aquella gente tan pobre y tan fecunda » pour lequel il souligne le « contraste permanente entre la riqueza del suelo y la pobreza de sus habitantes », op. cit., p. 215.

108  Op. cit. : « El mundo se hace y deshace de nuevo. Las ciudades se levantan sobre las selvas y éstas cubren después las ciudades ».

109 Il est clair que, vu sa grande culture, Alejo Carpentier s’inspire à la fois de modèles hispano-américains et européens, notamment par ses premières lectures orientées par son père, grand amateur par exemple d’Anatole France.

110  Alejo Carpentier, Ensayos, Mexico, Siglo XXI, 1990, p. 193 : « […] nosotros, novelistas de América latina, los testigos, cronistas e intérpretes de nuestra gran realidad latinoamericana […] seremos los clásicos de un enorme mundo barroco que aún nos reserva, y reserva al mundo, las más extraordinarias sorpresas ».

111  Enrique Bernardo Núñez, vu l’extraordinaire richesse novatrice de son écriture, mérite en effet de faire partie de ces auteurs « classiques ». On a trouvé un seul contemporain de Núñez qui vante son rôle décisif pour la littérature vénézuélienne et hispano-américaine, à savoir : Rafael Angarita Arvelo (1898-1971). Dans son ouvrage critique publié à Berlin en 1938, cf. Gregory Zambrano, « Rafael Angarita Arvelo, historiador de la novela venezolana », Prólogo a Rafael Angarita Arvelo, Historia y crítica de la novela en Venezuela y otros textos, Mérida, Universidad de Los Andes-Vicerrectorado Académico, 2008, p. 13-51 (p. 13-14), il affirme : « Estamos ante un gran libro venezolano. No se concibe cómo nuestros escritores, nuestras revistas y periódicos, mientras consagran parrafadas laudatorias y vacuas a libros medianos e ínfimos, generalmente cargosos para nuestras letras, hayan saludado con tan pequeño y como forzado entusiasmo la incorporación de esta obra magnífica a nuestra literatura. Es probable que la costumbre de no leer lo nuestro y la de referirse a los libros sólo por el título y el autor, sea causa de tal desapercibimiento. A Cubagua le falta, para su justicia y divulgación, el examen crítico honesto que le lleve a su sitio digno de estilo y de tono ».

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